« The eye is always caught by light, but shadows have more to say. » ♱ - Gregory Maguire, Mirror, Mirror.
« Tu bouges et je laisserai ton corps dans un état tel qu’aucune famille ne pourra confirmer ton identité. » La baguette dans le dos s’enfonce légèrement, indiquant l’assurance dont tu fais preuve en sifflant ta menace. Ce n’est qu’en voyant Six que tu comprends, que tu recules de trois pas, dans le frottement de tissu de ta cape couleur de sang en contraste avec ton short, tes collants et ton haut noirs, entre la contrariété et l’inquiétude de lui avoir fait peur. « Lancelot.. » la voix s’est adoucie, quoiqu’un peu plus sombre que d’habitude, plus sombre que ce qu’il a pu entendre de toi. Il est grand, trop grand pour que tes instincts aient immédiatement songé au gamin qu’il était jusqu’à la veille. Lancelot Lovett était majeur, il n’avait plus besoin de toi.
…*…
Tu étouffes. Tu étouffes depuis des mois. Portée disparue, une enquête ouverte, supposée morte. Tu te perds à tenter de te défaire du passé. Tu dérailles à repousser les limites de ta magie et, pire, de ton état mental. Tu sais que chaque seconde de plus à passer pour une défunte te pousse vers le statut de fantôme en semi-vie. C’est une incessante lutte entre ta dépression chronique et ton désir farouche de vivre dans cette nouvelle famille dont l’évolution devient pourtant une torture. Les coups de Davius n’avaient pas suffi, les tentations d’Octave n’avaient pas calmé l’incendie, les bijoux ensorcelés n’avaient pas apaisé tes pensées ; ne restait rien qui soit si salvateur que passer tes nerfs sur les malchanceux rafleurs, mais tu ne pouvais pas, parce que tu ne pouvais pas te faire remarquer, tu ne pouvais pas laisser d’indice. Et sur ta rétine s’imprimait encore le visage de Draco sur cette estrade.
Pleurer, chuter, lâcher prise n’était pas permis, alors plus les jours passaient, plus tu t’aventurais loin dans la forêt, plus tu t’isolais. Tu partais si tôt le matin que Perceval ne devait plus te trouver encombrante, et lorsque tu revenais, toujours avant la nuit pour ne pas inquiéter son frère, tu répondais si peu qu’il ne pouvait même plus râler d’entendre le son de ta voix. Certainement plus ton rire, en tout cas. Tu t’effondrais contre le bord du canapé et tu t’endormais. Mais ce soir-là, il y avait mille regrets dans ton regard, assise sur un tronc brisé, la cascade de cheveux blonds parfois soulevée par une brise légère et tes doigts arrachant les pétales d’une malheureuse fleur dés lors privée d’avenir.
Elle s’appelle Espérance. Espérance Weasley. Et chaque fibre de ton être te rappelle de façon lancinante ce que leur joie voulait dire, ce que les sourires et les babillages signifiaient. Tu ne voulais pas rentrer. Tu ne voulais pas rentrer parce que tu savais qu’en le faisant, tu ne pourrais pas t’empêcher d’attraper la manche de Fred, de le tirer vers toi pour laisser toute cette insupportable peine rouler contre son cou. Tu ne pouvais pas te permettre d’être faible, d’avoir besoin d’être consolée alors que tu étais partie pour prendre soin de lui. Un peu de toi toujours avec moi. Les fortifiants et la nourritures ne résolvaient pas les vertiges. Tu recommençais à manger normalement mais tu redoublais d’efforts pour ramener de quoi cuisiner ou améliorer des potions. Le cadavre d’un lapin près de toi. Daeva chasse, quelque part. Tu oublies le temps, cherchant les forces manquantes pour faire le chemin à l’envers, ne pas aller vérifier l’état de Malfoy, rester distante envers les Weasley, taire l’échec et te coucher. Il y a ce je suis désolée qui te brûle la langue chaque soir, qui ne sort jamais. Il y a ces plaintes parfois, la nuit, quand tu trembles, quand s’éveille la peur, les cauchemars, mais les explications se bloquent, se heurtent aux battements de ton coeur.
Ainsi tu es là, seule, avec ce lapin posé dans le panier que tu dois ramener et un sac de ces vêtements que tu voulais porter à Lancelot sans en avoir eu le courage. Lancelot est majeur, aujourd’hui il reçoit son miroir, et tu préfères être loin. La blondeur et ses yeux clairs. « Danger. » avait sifflé Daeva avant que tu ne disparaisses, que tu ne te glisses parmi l’ombre et les troncs. Et tu n’avais pas réfléchi en pointant la baguette entre les côtes du danger, sifflant cette menace avec le timbre glissant de venin ; comme la mangemort d’autrefois.
Il aimerait dire qu’il n’a pas peur. Qu’il n’est pas terrifié. Mais il est incapable de dire quelque chose. Sa langue est bloquée, son souffle également, et dans ses yeux pâles des larmes sont montées – des larmes de peur et d’incompréhension. Parce qu’il a reconnu la voix qui a sifflé dans son dos, en même temps que la pointe d’une baguette a touché son dos, s’y enfonçant avec assurance. « Tu bouges et je laisserai ton corps dans un état tel qu’aucune famille ne pourra confirmer ton identité. » Je n’ai aucune famille pour me reconnaître, qu’il aurait répliqué à un autre, sa langue trop bien pendue parlant avant lui – là, la réplique est restée coincée.
Un croassement l’a sauvé, l’ombre noire aux ailes étendues, son corbeau plongeant sur l’apparition en manteau rouge, prêt à blesser celui qui menace son compagnon.
La femme s’est éloignée de lui, vivement, et il a pu se retourner. Lui offrant la vision de son visage apeuré. Six s’est posé sur son épaule, aussitôt, enfonçant ses serres dans son épaule violemment. « Lancelot… » Un toc métallique lui répond, venant du bec du corvidé, un bruit de désapprobation furieuse qu’il n’a que rarement entendu, venant de son familier.
Il a peur.
« J-je je j-je. » Il ne peut pas parler plus.
Il est majeur, aujourd’hui.
Lancelot a vécu une journée idéale. Ensoleillée, en plus. Blair lui a donné un Patacitrouille, en guise de gâteau-cadeau d’anniversaire, un grand cadeau venant de sa meilleure amie qui aime tant ces sucreries. Il est allé chercher son miroir à double sens, seul sur son balai (on lui a dit que c’était imprudent, mais il est majeur, donc il fait ce qu’il veut, donc il les emmerde, bien aimablement), et s’il a craint que Fred refuse de le lui donner, il l’a pourtant eu. Oh, comme l’adulte (hé oui) a regardé l’objet avec avidité, une fois qu’il a bien été sien ! Ses reflets blancs, inattendus, sa forme de losange, ses arêtes coupantes. Il n’a même pas osé l’essayer encore. Après tout, il lui faut un surnom, et il n’a pas encore eu le temps de réfléchir à celui qui lui convient ! Il a eu quelques idées, mais… Blair saura lui donner un deuxième avis convenable sur le sujet. Dans sa hâte, le gamin n’a même pas pensé à être distant avec le Weasley, responsable de l’attaque sur Guenièvre. C’est pas comme si l’autre l’aurait remarqué, de toute manière. Puis, il a vu Vincianne. Et ça, il n’est pas certain de s’en être remis, ou de pouvoir s’en remettre. La déception de ne pas voir Lucrezia en compagnie de Percy et de Fred avait été brève, mais présente. Juste assez pour que lorsque Six était venu lui croasser un « Eden ! Forêt ! Rouge ! », il enfourche son balai pour aller jusqu’à Daeva (la forêt, pas le serpent). Pour marcher, ensuite, en quête de la Serpentard. D’une des personnes qu’il avait vraiment envie de voir pour son anniversaire.
Et là, il est immobile. Son balai serré dans une main, son corbeau sur son épaule. Le teint basané a subitement pâli, sous la peur, les taches de rousseur ressortant mille fois plus. Il a blondi, avec l’été. Il a encore grandi, peut-être. La libération des rebuts a amené la fête, la joie, et il a mangé des petits gâteaux avec Blair, il y a trois jours, quand Mr Llewellyn est venu en porter à Miss Winchester (peut-être est-ce elle, son amoureuse ?), l’été lui a fait prendre un peu de poids. Il était encore échevelé, de son après-midi avec Vincianne. Maintenant, il a tout à fait dégrisé. La voix incertaine ressort, tente une nouvelle fois de parler, se muant en un filet grêle et tremblotant : « Je ne v-voulais p-pas vous dér-ranger Missss… Il déglutit. … Ed… Lucrez… » Il ne sait pas comment l’appeler. Il ne sait plus. Il ne s’attendait pas à ça. À tout sauf à ça.
Elle est dangereuse. Les mots de Mr Llewellyn reviennent dans sa tête. Instable. On ne peut pas se fier à elle. Là où ils ont été criés par l’Auror, ils reviennent en murmures venimeux. Dangereux. Il déglutit encore et réussit à reprendre son souffle, quelque peu, pour dire quelque chose d’un peu piteux, mais de sincère (malgré tout) :
« The eye is always caught by light, but shadows have more to say. » ♱ - Gregory Maguire, Mirror, Mirror.
Il a peur. De cette peur palpable quand rien ne fait vaciller l’aura ténébreuse de ta déprime. Tu t’es reprise, effaçant le doute glissé dans la prononciation de son prénom. Il balbutie, maladroit, effrayé. Seul le silence lui répond quand tu détailles l’animal contrarié sur son épaule ; entre les herbes, les yeux de Daeva fixent le potentiel repas - à défaut d’autres serpents, un piaf lui remplirait l’estomac. « Je ne v-voulais p-pas vous dér-ranger Missss. … Ed… Lucrez… » Ta tête qui signe par la négative dans un lent mouvement désapprobateur, de ceux des professeurs désespérés par la maladresse d’un élève. Tu attends. Miss Rowle, allait-il dire ? Il semble ne plus savoir sur quel pied danser, ne plus savoir qui tu es. En fin de compte, tu ne le sais pas plus que lui. Et les larmes au bord de ses billes claires transparaissent dans ce qu’il tente de te dire. « J’avais envie d-de vous v-voir. » « Redresse-toi. » La réponse claque presque dans l’air, un ordre tranchant. Sa posture indique ses doutes. Il est adulte, maintenant. Ca n’est plus un gamin qui doit obéir et tu le savais susceptible d’être imprudent. A votre dernière rencontre, il t’avait sauvé la vie, te ramenant auprès des Weasley avant que ton corps affaiblit ne lâche prise, avant que ton esprit ne cède. Tu savais le prix de la faiblesse ; il ne devait jamais se montrer faible. Même avec le coeur qui cogne, même avec la Mort qui plane, il ne devait pas laisser supposer à l’ennemi son inexpérience car les Mangemorts n’ont pas de pitié pour la jeunesse à laquelle ils ôtent déjà un avenir, des familles et des amis.
Il ne leur faudrait qu’une minute pour lui ôter jusqu’à la vie ou, pire, arracher son âme si pure. « Où as-tu caché ton esprit rebelle, Lancelot, mh ? Tu ne serais plus de ce monde si le danger avait été réel. » Tu accroches ta baguette au niveau de ta taille, à la ceinture fine de ton short. C’est tellement loin de ce qu’il a vu, au manoir, loin de la demoiselle vêtue de tissus précieux, de robes strictes, avec cet air de respirer l’Elite. Tellement loin de ton éducation. Tu le contournes, passes devant pour récupérer un sac fermé par un ruban vert, que tu lui tends calmement ; un peu trop calmement. « Joyeux anniversaire. » Des vêtements neufs. Un nécessaire peut-être plus cher que ce dont il a eu l’habitude, discrètement acheté avant ta fuite. Tu avais pensé à lui, à cette asperge mal fagotée. Aux Weasley aussi. Un peu moins à toi, pour laisser de la place pour eux. Tu t’assieds à nouveau sur le tronc brisé, une jambe croisée sur l’autre ; tu gardes de ces habitudes de femme du monde, n’est-ce pas ? « File, maintenant. » Je ne veux voir personne. Ta main ajuste le haut du gant couvrant ton bras Marqué, tes prunelles bicolores fixées sur le geste. Tu n’es pas d’humeur. Mieux valait que le jeune homme s’éclipse, ne te perçoive pas comme malheureuse ou, pire, plus dangereuse qu’il ne vient de le songer, l’arme pointée dans le dos.
Tu avais de l’affection pour Lancelot. Mais dans ces mauvais jours où tout te semblait bien sombre, insoluble, même lui n’avait pas droit à une totale clémence. La tendresse a laissé place à la distance, le côté maternel se noie dans l’obscurité, ton sourire est fané, comme la fleur décortiquée abandonnée à tes pieds. Il est grand. Il va se désintéresser. Il va écouter les grognements désorganisés de Llewellyn, les protestations des insurgés réfractaires à l’idée de côtoyer une Mangemort, une traitresse. Un vulgaire chien en laisse. Juste une couleuvre à peine utile.
« Redresse-toi. » L'ordre claque et il y obéit, par réflexe, encore sous le coup de la peur, de cette frayeur inattendue. Six a encore les ailes légèrement ouvertes, montrant un peu de cette envergure phénoménale que le corbeau blessé qu'il a recueilli il y a quelques années a acquis. Posture agressive, de défense envers son avis, son maître, son camarade, son complice. « Où as-tu caché ton esprit rebelle, Lancelot, mh ? Tu ne serais plus de ce monde si le danger avait été réel. » Les joues pâles se marbrent de rose. Elle a raison, bien sûr qu'elle a raison. Il n'est pas habitué à ce ton, venant d'elle, pas habitué à cette froide qu'il n'a même jamais connue de Lucrezia. Il est entré par effraction dans son manoir qu'elle l'a gavé de sucreries. Jamais le jeune adulte ne peut imaginer que c'est le fait de sa majorité qui justifie l'attitude de la blonde à son égard.
Aucune réponse ne lui vient. Pas même de sarcasme, de réponse cynique. Rien que ce silence d'incompréhension, alors qu'elle le contourne pour aller récupérer un sac qu'elle lui tend ensuite, le vert du ruban tranchant contre le noir du gant. « Joyeux anniversaire. » Le sac est pris, mais pas ouvert. Ses yeux ne quittent pas Lucrezia, qui s'assit su un tronc brisé. « File, maintenant. » Le don est fait, il peut partir. Tâche accomplie, fardeau enlevé. Il ne comprend pas plus. « Non. » Juste ça. Le sac est lancé vers Lucrezia, venant s'échouer à ses pieds. Dans les yeux clairs, l'incompréhension laisse place au défi. Il n'a même pas regardé si Daeva est là et il se récolte un sifflement de désapprobation, mais il n'y porte aucune attention. Il est subitement en colère. Il n'a absolument rien fait pour se mériter ce genre d'accueil, pas qu'il se souvienne (et il a une mémoire pas trop mauvaise, encore), et ne pas avoir d'explication sur ce comportement le fâche.
« J'en veux pas. C'est faux. Il veut tout ce qu'on lui offre, tout ce qu'on peut lui offrir, les moindres possessions, chapardeur, amasseur. Sa baguette est néanmoins dans sa main, pointée sur le sac, le cadeau mystérieux. Il meurt d'envie de savoir ce qu'il cache, mais il ne regarde pas. Il ne regardera pas. Je vais le brûler. Il ne le veut pas. Il veut savoir, découvrir, mais il a tout de même prononcé cela avec fermeté, levant un peu le menton. Les yeux vairons de Lucrezia sont posés sur lui, arborant un calme qui n'a même pas cillé. À peine sursauté quand le sac est arrivé à ses pieds, faisant remonter les yeux du gant au visage de l'insurgé. Il t'appartient. Tu fais ce que tu veux. »
Bon. D'accord. Il ne s'attendait pas à cela.
La formule est au bout de sa langue, sur ses lèvres, mais il pince plutôt ses dernières et laisse retomber son bras le long de son corps. Une pauvre défaite. Il n'a pas envie de brûler le sac. Envie de savoir, ça, oui. Envie de passer un moment avec la jeune femme, également – Blair, Vincianne, elle, la triade des insurgées officielles qu'il côtoie (il y a Guenièvre, aussi, Miss Lestrange, mais il sait que ce n'est pas la même chose, il ne doit pas en parler, il a juré) et qu'il avait envie de voir, en cette journée. Le balai est soigneusement déposé contre l'arbre le plus proche, le Brossdur gardant même une certaine distance avec le tronc (vive les objets magiques), et il croise ses bras minces contre son torse, se plantant plus fermement devant elle. « C'est vous que je veux voir. »
Au final, il ne sait pas comment, mais il gagne son point. Il gagne un moment avec Lucrezia et il réussit même à la faire sourire. (et heureusement qu'il n'a pas mis le feu au sac)
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