sujet; The gods never cared for kings {Octanna}

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She's just a girl who you’re convinced was born from myth; walked out of the ocean like Amphitrite going for a sunday stroll. By the snarl of her mouth and the ring of her steps you can see how she was born to rule.
She’s the devil’s daughter and the angel’s lover

Les yeux clos, tu savoures la musique qui nimbe tout ton corps. Tout ton être. En France, elle te semble plus clair, plus douce. Mélodieuse. Elle te transporte, elle fait s’écarter lentement tes lèvres, comme pour t’embrasser, comme pour t’attirer dans ses bras. La musique n’est pas qu’un doux son ici, elle est une séductrice, une courtisane et elle te ravie les oreilles. Elle te vole ton cœur oui. Tu comprends mieux pourquoi ta mère a insisté pour que tu assistes à l’un des fameux bals de l’élite sorcière française, tu n’y es pas davantage à ta place qu’en Angleterre, mais ici, il y a une ivresse dans l’air. Et quand tu ouvres les yeux, quand tu te décides à goûter entièrement la scène du regard, encore une fois ce soir, c’est par gourmandise. Ici, les robes sont pareilles à des fleurs : colorées. Des explosions de couleur oscillent devant toi, valsant, se balançant d’un côté et de l’autre, échangeant leur place. Ici, la danse prend un tout autre sens, il te semble. Ici, il y a de la magie, un autre genre, dans l’air. Elle s’engouffre dans tes poumons, te caresses les côtes et tu regrettes presque d’être venue seule. Enfin, pas entièrement, puisque certains de tes mentors sont présents ce soir. Malheureusement, il te semble mal avisé d’espérer que l’un d’entre eux, viennent à t’offrir leurs bras. Vos relations ne le permettent pas. Et puis, tu n’es jamais qu’une petite rose anglaise perdu dans un champ coloré de fleurs plus exotiques, plus odorante et attirante. En fait, tu n’es pas même une rose, même dans cette robe, celle que ta mère t’a envoyé, créé sur mesure pour toi. Tu n’es jamais qu’une vigne, une plante grimpante, ambitieuse et têtue. Et tu fixes les danseurs depuis déjà trop longtemps pour que ce soit sain, tu en as conscience.

Là au loin, la table des rafraichissements t’appelle. Ce serait plus simple de s’y glisser, de t’enivrer un peu, afin de te pousser à, qui sait, faire la conversation aux autres invités. Parce que tu n’as rien de l’invité social, en fait, tu fais même une bien piètre invitée. Tu ne lance aucun sujet de conversation, tu fuis même les grandes foules, tu as cette fâcheuse tendance à t’isoler. Oh, tu sais bien ce qu’on raconte à ton sujet, on te dit timide, douée mais avec un triste manque de confiance en soi, introvertie pour être plus polis. En Angleterre, tu n’es jamais qu’une babiole à déposer près de la cheminée, la jeune femme que l’on salut poliment pour ensuite l’oublier, dès que l’on tourne la tête. Et c’est assurément pour cette raison que ta mère s’acharne à te créer des robes délicates, de quoi retenir les regards, de quoi attirer l’intérêt. Comme si ça pouvait te rendre séduisante, alors que tu te veux tout juste belle. Peut-être que si tu te tordais moins les mains, la tâche serait moins ardue. Peut-être que si tu ne t’esquivais pas à chaque sujet plus épineux, ont aimerais te parler. Mais tu t’entêtes, tu te veux neutre, tu t’écartes, tu cherches à te protéger. Du monde. Des autres. De tout ce qui est mal et le monde l’est. Mais pas la France, pas sa musique, ni ses robes, des fleurs de soies qui te fascinent, si ta mère savait cela, elle en serait probablement vexée. Toi qui n’as jamais eu que peu d’intérêt pour la mode, te contentant de lui obéir et de jouer à la poupée pour elle, te voilà émue par le mouvement des tissus et le son qu’ils font sous les valses. Et déjà tu ne sembles plus aussi froide. Parce qu’il y a quelque chose de rêveur dans tes grands yeux bruns, il y a une fascination qui n’est pas même dissimulée. Ici, ce qui te rend terne chez toi, semble presque exotique. Une petite anglaise effacée, aussi discrète qu’efficace, petite souris au regard brillant devant les lumières de Paris. Sa grandeur. Sa beauté. Sa merveille.

Aller, tu te décides à bouger un peu, à traverser la piste de danse, tout en évitant les corps. Ils sont si beaux, tous. Elles, avec leurs robes, eux avec leurs costumes coûteux. Ici, les fêtes ne sont pas tristes, elles ne sont pas sombres. La France à quelque chose de plus vivant, de plus passionné. Tu laisses s’échapper un sourire alors que tu croises le regard d’un couple, puis tu t’enfuis avec grâce de la piste de danse, non pas sans une vague impression d’euphorie. Tu n’as peut-être pas dansé, mais l’espace d’un instant, tu y as presque cru. Presque. De ce fait, tu mérites amplement la coupe que tu attrapes, les bulles glissant doucement le long de ta gorge. Et même si tu bois, même si tu dégustes avec adoration le doux alcool des français, ton corps ne perd assurément pas ses repères. Une fois que tu abaisses le verre finement ouvragé, que ta main garde en suspens à quelques centimètres sous ton menton, ton autre bras s’enroulant tout naturellement autour de ta taille, de ton ventre creux, tu réalises que tu t’es une fois de plus écarté des autres. Postée près d’une cheminée, tu es à nouveau seule, seule à t’enivrer davantage de la musique que du champagne. Un sourire joue à nouveau sur tes lèvres et c’est plus fort que toi, même avec le verre délicat contre tes lèvres, tu fermes les yeux. Pour faire vivre la musique, pour t’imaginer que, toi aussi, tu évolues sur la piste de danse, dans ta robe trop blanche. Sauf que bientôt, alors que tu bats délicatement des cils, la tête inclinée légèrement sur la droite, en pleine adoration devant le talent des danseurs, tu réalises que l’on vient à toi. Un homme. Seul. Un inconnu et déjà tu termines ta coupe. Tu attends qu’il dévie, il ne peut pas venir à toi. Pas lui, pas un aussi bel homme, non pas que ce détail soit primordial. Mais ici, tous les détails le sont. Et alors ça te revient : le sentiment de perte, l’abandon.

Il y a quelqu’un qui a longtemps soufflé ton nom, chez toi, en Angleterre. Marcus. Tu songes rarement à lui, en fait, la plupart du temps tu oublis jusqu’à son existence. Mais il y a des moments, comme celui-ci, où tu te souviens. Où tu te rappelles qu’étrangement, certains hommes voient parfois quelque chose en toi. Évidemment, ce n’est rien de grandiose, ça n’a pas retenu Marcus auprès de toi. Pas assez pour t’épouser. Pas assez pour te quitter réellement. Et le problème, c’est que tu ne lui en veux pas. Tu aimerais pourtant, ça te semblerait mieux. Logique oui. Et pourtant, ça ne vient pas. Contrairement à cette envie de fuir, comme pour te protéger, qui se faufile le long de ta colonne et te chatouille les côtes. Ce n’est plus de danser dont tu rêves, mais bien de voler, t’envoler loin d’ici. De sa trajectoire. De son chemin. Tu cherches même du regard la personne qu’il doit vouloir rejoindre, mais son regard est posé sur toi, grands yeux trop clairs, trop doux. Cet homme est dangereux et déjà, tu frémis. Tu as connus ton lots d’hommes empoisonnés, alors tu cherches à rebrousser chemin, à t’écarter, mais un petit groupe ce poste devant toi. Tu dois donc pivoter, mélange de dentelle et de soie blanche. Un petit ange faussement innocent, perdu dans un champ de fleur. Et lui, qu’est-il ? Tu retiens ton souffle alors qu’il s’approche, ton regard fuyant déjà le sien. Comme si ça allait te protéger. Comme si tu étais soudainement devenue ta mère et qu’ignorer ce qui est éminent, pouvait t’en préserver.

Il est trop tard, tu es une proie, n'est-ce pas ? Ici, rien n'est jamais certain.
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La course est folle, folle et c'est à perdre haleine
que je piétine mon rôle,
en convoitant la reine.
(play)

« Alors, Dumas, le rapport ? », un sourire charmant se pose en lenteur, en douceur sans jamais atteindre tes yeux. L'impatience sème le doute dans l'innocence. L'impatience décrit toutes ses nuances. La jeune Bouche-Cousue t'observe, les cheveux bruns en bataille, les yeux se baissent. « Susanna Carrow, monsieur ? ». « Bien entendu. » « J-Je ... » « Vous avez échoués ? », tu tiques sur le mot. Il se ratatine au milieu de la pièce sous ton regard inquisiteur. Tu brûles de tes prunelles, tu fais la guerre de ce bleu clair. Tu déclares l'enfer. « Je croyais avoir été clair, monsieur Dumas. », la froideur reste élégante, la froideur masque l'insuffisance chronique de patience. « Très clair. », claque ta langue. La baguette vibre, elle avale, s'emballe & d'un sort, l'apprenti se courbe, hurlant sa douleur sous tes yeux indifférents, sans indulgence, ni bienveillance. Les larmes explosent au bord de son regard hagard. Et la magie se tait. « Vous êtes rétrogradé. ».

~ o ~

La musique t'a toujours un peu charmé, désarmé. Les robes s'envolent sous les rires & plaisirs. Un sourire t'érafle. Les bals à la française sont toujours les plus beaux, les plus hauts. Sa Majesté ne trompe pas ses invités sur l'élégance & la magnificence de ses fêtes sorcières. La terre se dérobe sous les talons, sous les robes vaporeuses, peu frileuses. Et la passion file, défile. Le vent souffle les armes, laisse toutes les armes. Tu t'émerveilles encore, éveillé à ces pulsions, ces passions toxiques, agiles. Au-delà des mers humaines, tu poses des yeux fascinés, intéressés. Tu observes dans un sourire, un rire, voguant dans toute ta noblesse & tes caresses entre politesse & paresse. Tu tires, étires les manipulations, les informations dans les cœurs. Tu les laisses commettre toutes les erreurs.  Tu te fais espion & déraison dans cette ordre ivre d'amour & des désirs en pâmoison.  Tu laisses le poison couler, se distiller. Derrière, toute cette désobéissance, toute cette négligences se terrent les trahisons volontaires, grégaires. Ils n'ont jamais vraiment conscience de ce que tu es.

Ils ne se rendent pas compte.
D'un coup de dague, tu tues tous les comtes.

Un geste de Lui, et tu bouges. Animal bien dressé, bien utilisé, il use & abuse de toi. Et tu le laisses faire. Tu le laisse t'aimer, t'ordonner. Tu es son Ombre, fidèle amie silencieuse, un peu capricieuse, tellement précieuse. Et tu dessines dans cette foule sentimental, ton destin fatal. Tu sais la solitude qui t'écorche, qui t'accroche. Tu sais qu'aimer n'est pas pour toi. Tu sais que, parfois, elle te manque. Tant d'années que tu as pulvérisé sa vie, ses interdits. Tant d'années à la rêver, à espérer ne pas vraiment te réveiller. Tu ne l'as pas assez protégé.

« Bonsoir Monsieur le Duc de Lorraine. », la révérence s'esquisse sans faux pas. Tu n'es pas de ces milieux, tu n'es pas de ces chanceux. Tu n'en as jamais pris ombrage, te foutant de la rage de certains. Tu es, parfois, bien mieux nés qu'eux.  Tu es, parfois, dans ta liberté responsable le mieux loti, libéré de bien des interdits. Tu es celui qui choisi. Et tu n'as pas besoin d'un titre pour faire la différence. Tu n'as besoin que de tes mains donnés à un roi pour le meilleur & le pire. « Monsieur Lenoir. Cela fait bien longtemps que nous ne nous sommes pas vus. », il sourit doucement, les années s'étiolent, s'abandonnent entre vous. Les distances se creusent, lourde d'indifférences & de méfiances.  « Je suis un homme occupé, tout comme vous. Vous n’étiez pas censés venir d'ailleurs. », il n'était pas sur la  liste. Tu auras des doigts à taper, des mains à briser. « Une envie de dernière minute. », un sourire ne trompe jamais vraiment, ne te trompe pas. Tu sais la jalousie & les complots, les maux qui vous ravagent & vous outragent. « Comment résister à la beauté de ces bals ? Ce sont les plus beaux, nos joyaux. », s'encourage-t-il en laissant dévier son regard sur des femmes. Il n'aura donc jamais de cesse de toutes les goûter, les aimer. « C'est bien normal, ce sont les bals de France & surtout ceux de Sa Majesté. ». Il n'est pas capable d'en faire autant dans son trou paumé. « Je regrette, j'ai une dame à faire danser, monsieur. », un sourire d'excuse qui ne frôle même pas la courbe de tes lèvres.

Après tout, ce soir, tu es en chasse.
Et le plaisir du défi t'écrase.

Elle est l'ange dans sa pureté, dans sa dureté. Princesse de sang-pur anglaise, il est difficile de lui plaire & de l'arracher à ses tristes compères. La magie s'étire pourtant sur le bord de ses doigts, sous tous les effrois.  Les parfums se font assassins, souverains. Elle est guérisseuse & empoisonneuse. Elle est tout ce que tu désires offrir, ravir. Elle bouge lentement, précautionneusement dans sa robe d'ivoire & sans mémoire. Tu décris des yeux clairs la délicatesse, l'ivresse de son corps mince & fragile. Ce serait si aisé de la briser, de l'aimer trop fort. Tu l'imagines poupée timide, condamné sous les abandons, les questions. Et la musique court dans les couloirs, sous tous les espoirs. La musique emballe, avale. Éblouissante dans sa timidité, ses cheveux bruns s'accrochent en douceur contre sa nuque pâle, dessinant la courbe des amours, chassant les désamours. Au bord du brun de ses yeux, tu peux goûter la douceur & la chaleur. On ne l'a pas assez aimé. On ne l'a pas suffisamment mérité.

Ton cœur palpite, s'agite. Le frisson du monstre excité te fauche, te réchauffe. Et tout l'honore, te dévore dans ses gestes lents, patients. Tu veux la faire tienne, la faire reine de ton monde sauvage, animal. Pas tout de suite. Il faut la séduire & non, pas la faire fuir. Alors  tu la laisses se cacher, s'isoler la pauvre petite souris peu conquise, difficilement acquise. Le jeu n'en est que plus beau. La victoire ne sera que plus cruelle & sensuelle.

Les bulles glissent, s'anoblissent sur le fil de ses lèvres, provoquant d'autres rêves. Et dans une palpitation, tu sais, tu ne veux plus de trêves. Tu veux goûter cette bouche, conquérir ce cou, frémir dans un grognement imbécile, futile. Tu veux tirer, étirer, déchirer le tissu fragile. Tu veux tout. Tu veux trop. Et dans un claquement de langue, tu jettes le cœur, tu ne gardes qu'une passionnelle froideur sous la chaleur de tes yeux. Tu exiges le contrôle, tu balayes l'overdose de sensations, d'émotions. Elle n'est pas faite pour ce jeu brutal que tu sèmes sous tes dents, bannissant les sens. Ta puissance ne se contient plus quand tu serres, enserres les tailles. Quand tu chasses les vêtements de tes doigts lentement, doucement, tout s'emballe, se détraque, se traque.

Tu la tuerais sous tes baisers.
Elle supplierait pour te laisser, te délaisser.

Le verre se baisse & elle se serre, s'enserre dans une étreinte solitaire, pas vraiment vulgaire. Et pourtant, ça court, ça ne prend ni détours, ni atours. C'est d'une lâcheté salée, rouillée. Ça s'allume dans ton ventre ; Les envies possessives, explosives. Et le charme se fait fatal. La bête grignote, abandonne. Elle veut manger, dévorer, pressant le chaos & les maux à tes pieds, sous tes pieds. Elle sourit, la petite souris solitaire, peu guerrière. C'est un peu tendre, un peu sans défense. Drapée dans le blanc de sa robe, elle se fait encore avaler, oublier. Quel dommage.

Assez observé, tu veux jouer. Le costume noir t'avale, fluide & sensible. Il épouse ta silhouette, laissant les années te rendre plus charmant, plus intelligent. Tu es un peu comme ces vins, tu vieillis en t'anoblissant, en grandissant. Tu la gagnes et déjà elle bat des cils, elle finit d'une traite, angoissée, glacée. Oh, tu ne vas pourtant pas la dévorer, la pourchasser sous ta langue sinueuse, chasseuse. Pas encore. Tu sais la peur de ces anges, leur douleur. Tu sais qu'il te faut la subtilité, la fragilité. Tu sais qu'il faut jouer à l'ange alors qu'en vice, tu es loin d'être novice.

Et déjà elle s'effraye. Elle se fait fugitive, se privant du bal, ayant soudainement peur de la musique & de ses luxures, de ses courtes & tendres blessures. Un groupe se pose entre vous & bientôt, elle doit tout contourner, elle ne peut plus t'éviter. Son odeur frappe, te désarme, soyeux mélange de douceur & de douleur. Tu la humes plus que tu ne la vois, l’aperçois ; La bête dit par ici & tu oscilles. Tu l'attrapes par la taille, sentant sa peau sous le carcan de la robe légère, familière. « Un ange est tombé du ciel jusque dans mes bras. », l'accent français court sous l'anglais, te rendant trop charmant, trop entêtant. Un sourire fracasse le masque. Tu la sens un peu tremblante, un peu pensante. Les yeux bleus s'égarent dans le brun. La réflexion tire sur les questions, souligne le manque de raison, ne désirant que les passions incendiaires, peu sécurisées, tellement dépassées. Tu la relâches en douceur, en lenteur, laissant le murmure courir à son oreille ; « Quel dommage qu'il cherche déjà à s'envoler, je ne l'aurai vu que passer. ». Au-delà d'elle, il ne semble que rien n'existe, ne te résiste.

La révérence se courbe sous le baiser que tu laisses sur sa main. Tu te fais démon de séduction, de déraison. Tu cherches la chute dans ses yeux bruns. « Mais peut-être qu'il aimerait danser. L'humour flirte avec l'insolence. Tu te tailles dans les manières princières, d'une autre air. Tout est plus savoureux. Tout est plus dangereux quand Paris s'illumine de ses fêtes sans repères. Peut-être aimeriez-vous danser ? ». Ce soir, anges & démons ne cherchent pas de pardon. Ce soir, tu envoies valser les bienséances pour courtiser, hanter les mémoires des anges.  Tu tends la main. Tu veux bien plus que des lendemains.

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Tu avais sût, dès tes premiers pas dans la salle de bal, que tu ne danserais pas ce soir. Que tu ne ferais pas frémir la soie de ta robe sous des pas exécutés avec précision, avec une grâce rarement déployé aux regards des autres. Tu l’avais sentie dans tout ton être, une certitude que ce soir, encore, tu ne serais que spectatrice de ce monde fabuleux. C’était à la fois assez pour te creuser le ventre, et à la fois pas suffisamment douloureux, ou étranger, pour te faire regretter ta présence. Tu étais restée, en toute connaissance de cause. Parce que tu avais appris très jeune à te contenter, à ne pas faire de scène, à accepter ce qu’on t’accordait, faute de mieux. Faute d’en mériter plus. Oh, ta mère n’aurait pas aimé que tu considères la chose ainsi, elle avait fait son possible pour te pousser à t’élever, te répétant encore et encore que tu valais bien mieux que tout ça. Mais force était de constater que malgré ses nombreux efforts, tu n’avais jamais su voir au-delà du regard des autres, te cantonnant à leur perception, soit celle que des deux filles Carrow, tu n’avais pas d’autres bénéfices que d’en être l’ainée et la plus pur des deux. Tant pis. Tant mieux. Vivre dans l’ombre ne t’effrayait pas, ne t’effrayait plus, pas quand on te laissait t’y nicher sans t’y envoyer un émissaire lumineux. Un homme aux yeux trop clair, même à cette distance, et au sourire trop charmant pour être inoffensif. Ça aussi, tu l’avais apprise très jeune : les plus belles choses sont les plus dangereuses. Cet homme-là, ce démon merveilleux, respirait la mort, même à distance.

Oh, tu as bien tenté de t’enfuir. De lui échapper. Parce que tu ne peux décemment pas accepter la mort sans chercher une sortie, sans te débattre, mais c’est une cause perdue. Tu es cerné, il a tout préparé, tout planifié. Il a été le plus fin des deux et vu son allure, vu l’expérience qui exulte de tous ses gestes, de sa démarche lente mais confiante jusqu’à son sourire, tu n’avais eu aucune chance. Or, s’il y avait bien un jeu dans lequel tu t’avérais être relativement médiocre, à ton avis du moins, c’était bien celui des charmes. Tu ne t’en connaissais aucun, sinon celui de savoir t’esquiver au bon moment. Charmant, vraiment. Mais inutile face à la créature qui vient toujours dans ta direction. Parce qu’il brille quelque chose de troublant dans ses yeux, que pourtant tu évites dorénavant, puisqu’il est trop près. Trop beau. Trop léger sur ses pieds. Trop séduisant. Trop tout ce que tu n’es pas. Trop ce qu’un homme t’approchant, ne devrait jamais être. La peur et l’ivresse qui l’accompagne, s’enroule autour de toi, alors que tu pivotes, presque ballerine, petite poupée de porcelaine, qui l’évite presque. Presque, un mot qui te hante, une jolie illusion. Qui le contourne tout juste. Mais sans son compter sur les quelques flutes déjà avalées et la traitrise de l’alcool, qui rend tes pas presque dansant, presque heureux. Grisée par la sensation d’urgence, le poison coulant déjà dans ton sang, tu veux le fuir, mais tu t’échoues plutôt contre lui. Petite fille brisée sur le roc de son corps, tu bats des cils, surprise et à la fois effrayée. La mort t’a trouvée, mais jamais tu n’avais osée l’imaginé aussi séduisante, aussi viril, aussi… tu te perds presque dans le bleus de ses yeux, les tiens s’écarquillant doucement sous l’intensité de sa poigne. Une main ferme te retenant la taille, pour mieux t’enchainer à lui, pour t’empêcher de t’écrouler ? Tu ne dois pas le savoir. Tu ne devrais pas le vouloir. « Un ange est tombé du ciel jusque dans mes bras. » Tu ne comprends pas. Tu n’entends que sa voix.

Or justement, sa voix est encore plus chaude, plus soyeuse que tu n’avais osé l’imaginer. Les femmes doivent aimer s’y enrouler, glousser avec allégresse même, lorsqu’elle s’attarde au creux de leurs oreilles. Tu arrives, sans aucun mal d’ailleurs, à les comprendre. Tu les envies presque. Sauf que tu es Susanna et qu’aussi beaux soient ses mots, ils n’ont pas de prise sur toi. Pas sur le vilain petit canard que tu es. Pas de sens. Tu ne peux pas te résigner à fermer les yeux et à en profiter. À le laisser te séduire avec sa voix pour arme. Ses mains pour outil. Une douce torture dont on ne se remet jamais réellement. Tu ne sais pas comment, ni pourquoi, mais ça te semble juste. De l’imaginer. De le supposer. La faute à son aura. À son danger, palpitant dans ses veines, courant dans les tiennes. Une envie, pourtant folle, d’y goûter. D’en pâtir. D’y mourir ? Il te croquerait toute cru oui. Une question saugrenue se faufile alors dans ton esprit, la voix de la tentation : et si c’était là ton destin ? Impossible, tu ne peux pas t’éteindre ainsi. Tu n’es pas de ses femmes qu’on étreint de la sorte. Tu n’es pas une héroïne, ta mort, ni ton plaisir ne mérite une teinte aussi sensuelle, parfaitement accordé à l’éclat de ce regard perçant, étourdissant même, qui te sonde. Qui te redessine. Tu relâches alors doucement l’air coincé dans tes poumons, même si jusqu’à ce moment précis, tu n’avais pas même réalisée que tu retenais ton souffle. Et tu te sens un peu plus bête de l’effet qu’il te fait, curieux personnage. Ange aux intentions bien plus sombre que le sous-entend son sourire. Bien trop dangereux, de par ce qui vit dans ses yeux. Il t’a déjà dévoré dans sa tête, tu le lis dans ses iris. Seulement, le reflet qu’ils te renvoient te souffle que tu n’en as ressentie aucun regret. Aucun. C’est là tout l’étendue de son danger d’ailleurs, ce qui te force de te rappeler qui tu es, ce que tu es. Et tu n’es pas ce genre de femme, tu n’es pas l’une de ses victimes. Il s’est trompé de cible et fort heureusement pour lui, tu es assez polie pour le lui faire remarquer. Pour corriger sa trajectoire. Peut-être même qu’il n’y voit pas clair.

Un minuscule sourire incrédule, petite chose à peine réelle, étire alors délicatement tes lèvres. C’est tout juste un frémissement oui, un mouvement mûrement étudié par le passé. Un tremblement gracieux des lèvres. Roses ce soir, pour compléter ton allure de petite créature immaculée. Pour t’effacer, quand tu t’arrêtes auprès des autres invitées, plus flamboyantes, plus affriolantes. Plus vivantes que toi. Plus féroces. Tu n’es jamais qu’une proie, mais c’est bien le but de l’exercice, n’est-ce pas ? C’est une partie de toi, de ton costume, de ce que tu cherches à être. Éternellement innocente, quand bien même le mot ne te sied plus autant qu’avant. « Je crois qu’il y a erreur sur la personne.. » Mais il est bien plus fin renard que toi, joueur plus aguerri, plus talentueux. De quoi te secouer les entrailles, t’arracher un sourire plus franc, de ceux rare que tu réserves normalement à un cercle restreint de personne. « Quel dommage qu'il cherche déjà à s'envoler, je ne l'aurai vu que passer. » Il sent que tu t’essouffles contre lui n’est-ce pas ? Il doit avoir ressentie la secousse qu’il t’arrache, tout ce qu’il renverse de par sa présence, tout ce que ses mots réveillent en toi. L’incompréhension combattant l’envie d’y croire, de t’offrir. En pâture, petite brebis à sacrifier. Presque stupide. Presque. Mais pas assez, parce que si quelque chose de chaud se déploie lentement dans ton ventre, fleur délicate aux parfums d’envie, de désir même, ton esprit reste aiguisé, trop méfiant. Ce qui ne tue pas rend plus fort, or tu es plus forte que cela. Trop pour te courber sous de soudain élan d’intérêt. Peut-être que s’il était moins beau, moins charmant, tu aurais pu y déceler un peu de vérité. Un peu de crédibilité. Seulement, tu ne crois déjà pas en toi, en tes charmes. Tu ne crois qu’en son regard, qu’en sa poigne, déjà envolée, qui te crient leur envie. Lointain échos que tu étouffes en plissant doucement les yeux. « Cela vaudrait pourtant mieux, les anges sont rarement de bons présages, monsieur… » N’est-ce pas ? Tu aimerais le fuir, tu sens que tu le dois, mais tes pieds refusent de te répondre.

Puis il s’incline et politesse obligée, alors qu’il t’offre un baisemain qui te remue l’estomac, tu lui offre une révérence tout aussi charmante. Enfin, pas réellement. Parce que tu ne peux égaler son charme, même si tu y mettais tous les efforts du monde, cet homme est né pour plaire. Tu le sais. Tu le sens. Et tu rougis presque sous l’intensité de son regard. Pourtant, toi la petite victime, la petite souris, tu lui fais face. Les lèvres légèrement écartées, au contact de ses lèvres, sous la déraison de son baiser, sous l’envie de l’encourager à en semer bien plus sur ta peau sensible. Tu pourrais y perdre pied, mais tu t’accroches à ton esprit. À ce que tu connais. Les belles paroles ne font pas tout, pas avec toi et ce n’est au fond que son regard, qui te trouble de la sorte. De quoi faire s’accélérer le tambour que forme ton cœur. « Mais peut-être qu'il aimerait danser. » Le sourire tremble délicatement sur tes lèvres, une envie de souffler un accord te surprend par derrière. Traitre. Immature. Totalement incompréhensible. Pour toi. Tu t’apprêtes donc à dire non, sur le ton d’un oui. Parce qu’on ne peut décemment pas dire non à un homme tel que lui, pas sans regret, mais le voilà qui insiste, faisant papillonner tes paupières. « Peut-être aimeriez-vous danser ? » Les boucles sombre flottent doucement autour de ton visage alors que tu souris, avec quelque chose d’incrédule, avec un goût amer en bouche. Parce que tu n’es pas de ces femmes-là. Pas de celles que l’on invite à danser. Pas de celles que l’on désire. Pas toi. Pas Susanna. Tu détournes même le regard, redevenant l’ange immaculé que tu prétends être. Question de simple survie. « Aussi charmante puisse être votre offre, je ne suis pas faite pour danser. Je vous prie de bien vouloir me pardonner ce ref- » Mais ta main trouve la sienne, par réflexe, quand on te bouscule. Encore une fois, tu t’échoues contre lui, le souffle court, les yeux agrandis par la surprise. Par le danger. Celui de sa présence, de sa personne. Là, contre toi.

Tu cherches à reculer, à t’échapper, à le libérer, mais la musique s’élève autour de vous et le trouble se lit dans ton regard. Celui-là même que tu retires de l’océan douloureusement bleu qu’est le sien, pour le passer sur la piste de danse. Les gens s’y amoncèlent, fleurs de soies refermées mais déjà dans l’attente du printemps, pour fleurir à nouveau. Et là, l’envie grimpe en toi, comme une vigne terrible, plante grimpante, plante venimeuse, qui contamine tout, qui cherche à te soumettre en étendant ses délicates feuilles mortelles en toi. Tu veux danser. Tu es venue à cette soirée, à ce bal, sans attente, mais c’était jusqu’à cette offre. Jusqu’à ce que le diable te trouve. Le mal couve sous sa peau, mais le plaisir aussi. Les corps se préparent et quelque part, tu sens le sien, souple et en parfait accord avec ta décision, peu importe laquelle tu fais tienne. Encore une fois, une fois de plus, de trop, tu retiens ton souffle. Ne te contentes-tu pas assez depuis des années ? N’as-tu pas mérité une petite place sur la piste ? Un instant vite envolé ? Il est là, contre toi, prêt à t’accompagner dans l’immense jardin que forme la piste de danse et à faire de toi une fleur. C’est à ton tour, ta mère te le chuchoterait dans le creux de l’oreille, si elle était là, et alors que tu avales lentement ta salive, tu prends une nouvelle décision. Le regard décidé et le corps plus souple, légèrement cambrée, tu chuchotes presque les mots : « D’accord… une danse seulement. » Le temps de goûter au plaisir, de savourer son parfum, de vivre l’expérience. Pour te consoler. Pour savoir. Si tu fais erreur en t’isolant, si tu mens quand tu crois ne pas regretter ne pas danser. Pour te punir quelque part, aussi, d’accepter l’offre d’un être comme celui qui se trouve près de toi.

Ta main dans la sienne, tu le laisse te mener jusque sur la piste. Tu te fais femme docile, femme gracile, la tête haute et le corps prêt. À le suivre, à glisser parmi les autres, à te sublimer. Pour lui. Pour ne pas être une tare. Tu ne comprends décidément pas la raison de sa venue, mais tu n’es pas suffisamment sotte pour croire que son invitation est désintéressée. Ce n’est pas pour tes beaux yeux qu’il est là et ce n’est pas de tes courbes ou de ta délicatesse dont il est tombé sous le charme. Aucun risque. Aucune chance. Mais est-ce vraiment une chance, avec un homme tel que lui ? Ne cours-tu pas à ta perte en ce moment même ? Bien sûr que oui. Mais c’est une course folle, qui t’enivre, qui te fais envie de sourire, alors que tu prends positions devant lui, sa main contre ta taille, l’autre solidement vissé à la tienne. Quel homme fabuleux il fait, d’un âge dont les chiffres n’ont pas de valeur. Il est l’expérience. Il est le plaisir. Il est la perte. De soi. Du contrôle. Il te chuchote de lui céder dans chacun de ses sourires, il t’encourage à te plier à ses exigences, parce qu’il est prêt à faire des tienne, les siennes. D’un regard trop séduisant, qui te ferais te tortiller, si tu n’y prenais pas gare. La musique s’élance et voilà qu’il te guide, pour la poursuivre, pour la rattraper. L’espace d’un instant, tu oublis tout, tu n’es que plaisir, tu n’es que lumière, petite fille au sourire espiègle, presque coquine, alors que tu cherches à lui plaire, alors que tu te transforme en princesse. Presque aussi belle que toutes les autres, presque aussi charmante, pressé contre lui, le visage parfois à quelques centimètres du sien, le souffle court. Le regard rivé sur son propre sourire, celui qui fait trembler le tien. Douce oscillation entre plaisir et crainte. Méfiance. Séduction. Qui de vous deux doit conquérir l’autre ? Le temps de cette fameuse danse, tu te poses la question, mais la musique s’évanouis, parce que toute bonne chose connait un jour sa fin.

La tienne s’effondre dans une main d’applaudissement générale, à laquelle tu te mêles, si proprette, si charmante, petite vigne anglaise. Et alors que la clameur générale se tait, qu’une autre mélodie s’élève, tu lui permets de te ramener à l’écart des fleurs, qui reprennent leur tourbillon de couleur, sous ton regard, incapable de les abandonner. Oh, tu pourrais exiger une autre danse, tu as l’impression qu’il accepterait, mais tu n’es pas de nature gourmande. Tu ne l’as jamais été. Tu ne le seras jamais. Il y a de ses vices dont tu ne sauras jamais te montrer la propriétaire. Que tu ne comprends tout simplement pas. Et une fois plus au calme, en retrait même, ce que tu remarques dès que tes iris se font une raison et abandonne le bal de couleur, tu coules un long regard sur lui. Curieuse mais prudente. Reconnaissante aussi, d’avoir vécu, d’avoir découvert, d’avoir ressentie une nouvelle expérience. Parce que maintenant que la danse est terminé, tu ne peux que la résumé à cela : un apprentissage supplémentaire. Tu en efface la magie, l’arrache à ton cœur, pour ne pas qu’elle puisse un jour se transformer en une pierre, lourde dans ton estomac et à l’arrière-goût de regret. « Voilà qui était fort intéressant. Merci pour cette danse monsieur… mmmn j’ai bien peur que nous n’ayons pas encore été présentés. » En effet, il ne t’a toujours pas souffler son prénom, signe qu’il est probablement réellement le mal. Celui qui torture et hante les mortels, ennemi juré des anges, ancien chef de leur rang. Devrais-tu lui donner ton nom ? La bienséance d’une soirée telle que celle-ci, le voudrait, l’exigerait même, mais ta propre survie fait écran. Donner ton nom au malin, voilà qui semble inquiétant. Suicidaire. Tu lui offres pourtant une autre révérence, petite fille bien élevée, charmant petit ange, si c’est de cela dont il est question. « Susanna Phoebe Carrow, anglaise évidemment, mais… vous le saviez déjà. » La question est plutôt de savoir ce qu’il sait d’autre à ton sujet.

Tu l’observes évidemment trop, puisque tu réalises à peine qu’une nouvelle flute de champagne atterris entre tes doigts. Les bulles sont traitres, mais elles sont goûteuses et tu te permets une petite gorgée avant de l’étudier à nouveau du regard. Troublée, mais plus autant. Ce n’est pas qu’il ne soit pas beau, il l’est. Beaucoup. Quant à son âge, il ne t’inquiète pas, au contraire, il le rend encore plus charmant à tes yeux. Seulement ce n’est pas tant sa beauté, que cette douceur qu’il émane, qui t’intéresse. Il te rappelle la Pinguicula vulgaris, une plante carnivore munie d’une délicate fleur, de celle attirant les petits insectes à elle, pour mieux les dévorer. Il tente de faire de toi l’une de ses proies, n’est-ce pas ? Alors tu évites avec soin ses jolies feuilles, aussi attirantes ou charmantes puissent-elles paraître. Non, tu te veux plutôt pragmatique, après t’avoir fait danser, il mérite tout de même son dû, qu’importe la fameuse requête l’ayant poussé jusqu’à toi. « D’ailleurs, et sans cherchez à vous offenser d’aucune façon, je tenais à vous dire que bien que je trouve fort agréable votre petit numéro de charme… Vous n’êtes pas forcé de vous y plier avec moi. » Cette fois, tu t’éloignes légèrement de lui. Pas par crainte, mais parce que tu n’es pas aussi bête qu’on peut le croire. Parce que dans ton regard brille une intelligence qui n’a pas l’habitude d’être berné par de belles paroles et quelques pas de danse. Quand bien même le cavalier est délicieux et son accent, tout à fait … chavirant. Tu souris donc gentiment, un peu fébrile malgré tout, tu sens de nouveau le danger te picoter le bout des doigts. « Vous avez été tout à fait délicieux, je vous prie de me croire, et si je trouve très intéressant le penchant français pour les jeux de séduction, je suis de celle qui préfère la franchise. J’ai beaucoup aimé danser avec vous » c’est un fait et tu ne cherches pas à le nier. Tu inclines même la tête sur la gauche, tout en plissant les yeux. Vous savez tous les deux qu’une fois dans ses bras, sur la piste de danse, tu t’es découvert une passion pour le métier de fleur de soirée. Seulement, il sait assurément, tout autant que toi, sinon il ne serait pas là, qu’il faut plus qu’une danse pour te faire chavirer. Pour te dévorer.

Sans même le réaliser, relativement encore candide à tout juste vingt ans, tu l’entraines doucement vers les portes menant à l’extérieur. Aux jardins. Endroit magnifique, plus magique que la piste de danse, si ce n’était de cette obscurité. Pas de lune pour veiller sur vous, pour éveiller des plantes sous tes yeux. Seulement les ténèbres et la lueur de la fête, dont tu ne comptes de toute façon, pas t’éloigner. Seulement, ici, sur le balcon où seulement quelques couples ce sont isolés, tu peux te permettre de lui parler plus franchement. Tu peux oser croire qu’il te soufflera la raison de sa présence, ce qu’il te veut réellement. Car il n’est pas venu te faire la cour, ça tu le sais pertinemment. « Mais plus que la danse, je crois que vous êtes venus me réclamer quelque chose, n’est-ce pas ? » Tes grands yeux l’observe, avec méfiance, soit, mais sans aucune rancœur. Sans reproche. Chacun possède sa manière de réclamer et d’obtenir. Tout comme chacun possède ses façons de réagir. « Oh, vous pourriez assurément me courtiser et me séduire, même que cela pourrait fonctionner. Du moins… je crois ? » Cette fois tu souris, presque avec amusement, légèrement intimidée, malgré ce que tu avances. Sa beauté est un avantage, ton apparence banale, un désavantage. « Mais vous avez beaucoup plus de chance d’obtenir ce que vous désirez, en vous montrant franc. De plus, cela vous évitera de vous fatiguer… » cette fois, ton sourire s’étire librement. Amusée. Coquine sous tes joues roses. Parce quelque part, tu es en train d’annoncer à un Lucifer lui-même qu’il ferait mieux de te réclamer ton âme directement, plutôt que de rendre l’exercice agréable. Tu ne veux pas être trompée comme les autres. Tu ne vois pas l’intérêt à plonger de soi-même les pieds dans les pièges. « Car j’ai bien peur de ne pas être une proie très alléchante ou amusante. » Cette fois, il y a une touche d’humour dans ta propre critique. Comme si tu te riais gentiment de tes propres travers, de ce qui fait de toi la plus banale des deux Carrow. La moins appétissante. La faute au champagne, la faute à l’ivresse de la danse, la faute à Satan, ton cavalier du moment, qui te dévore du regard. Tu réfléchis d’ailleurs encore à savoir si tu veux, ou non, être dégusté. Si c’est toujours une offre pertinente. Voilà ce que fait la France des jeunes filles, ta mère t’a pourtant avertie. Cela dit, tu ne crains rien, elle non plus. Tu as toujours été plus sage. Mieux avisée que cela. Il faut bien plus que le prince des ténèbres en costume, pour t’arracher ton âme. Et ta robe ? Encore faudrait-il qu’elle soit encore au cœur de ses pensées.
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La course est folle, folle et c'est à perdre haleine
que je piétine mon rôle,
en convoitant la reine.
(play)

Faire la cours, jouer de tous tes atours, tu sais faire trembler, valser. Tu sais gagner. Tu ne sais jamais renoncer, t'avouer vaincu, déchu. Un sourire sur le bord des lèvres & tu te glisses sous tous les rêves. Séduire dans des caresses, dans des délicatesses, tu ne fais jamais de promesses. Tu prends d'un baiser dans la pénombre, déjà évanoui dans les ombres. Tu laisses des odeurs de fièvre, d'ivresse amère. Tu prends sans jamais donner, te laissant désirer, charmer. Tu joues les anges, alors que tu répands la mort, la cruauté dans le moindre de tes touchers. Tu frôles, osant souiller la princesse dans la robe virginal, de tes doigts infernal. Tu caresses sans enlever, sans retirer alors que tu cours en déchirures en blessure d'amour. Conquête, tu comptes conquérir, quérir ce qui deviendra inévitablement, brutalement tien. Tu t'empares de la beauté, des éternités, de tous les moments volés. Tu t'empares déjà d'elle.

Et puis, bien évidemment, éternellement, la traque. Sensuel, tu te glisses déjà dans ses prunelles, dans sa gestuelle. Elle libère l'air & tout au fond, ça s'embrase, ça s'embrasse d'un tourment lent, passionnant. Elle n'y croit pas vraiment. Elle ne se pense pas digne, se gonflant de signes peu trompeurs, tellement aguicheurs. Le frisson de la chasse se déplace, se ramasse, bousillant le reste de ton âme. Un frémissement dans le creux de ses lèvres & déjà, tu en crèves. Mordre la pulpe rose, fendre entre ses reins, tout emporter, dévaster, ravager.   Ne rien laisser aux autres, tout avoir. Tu te fais plus  possessif, pour agressif dans le creux de ton sourire. Tu veux tout prendre. Tu ne veux qu'elle. « Je crois qu’il y a erreur sur la personne.. » , murmure la belle. Ne sait-elle donc pas sa beauté ? Elle court en maladie d'amour, de velours sur le creux de ton cœur. Elle pousse à toutes les erreurs. Reine, tu la fais souveraine d'une nuit, d'une fuite. Tu as faim de cette peau tendre. Tu voudrais poser tes dents au creux de son cou, couvrir, découvrir sa beauté. Et pourtant, elle tremble de ce manque de confiance évident, tellement inquiétant. Pourtant, elle te donne envie de tout lui prouver, de tout exiger. « Je n'ai pas pour habitude de me tromper. Les anges sont rares à Paris. », l'accent fait trois pas & devance tout dans un regard joueur, allumeur. Tout ça n'est pas très sage, mais tu n'as que faire des orages & des nuages. « Mais tellement précieux. ». Un peu comme vous, résonne ta voix, la gardant d'une caresse à toi.

La secousse te fait doucement trembler, osciller. Tu n'as pourtant pas peur de vaciller. Contre elle, tu as tous les droits, toutes les lois à porté de bras. Elle ne comprend pas, n'apprend pas. Elle ne sait pas. Et tu esquisses dans son parfum les courbes d'un paradis, d'un interdit. Tu presses, paresses dans l'espoir, dans les désespoirs. Merlin, ton Roi lui même se damnerait pour un regard, un égard. La silhouette fine se dessine, s’affine. Un peu mutine, tellement féminine, de sa taille fragile, tu créerais des passions incendiaires,  guerrières.  Un sourire, dans le brun de ses cheveux, tu traces des merveilles, des Hélène de Troie. Et dans le battement de ses cils, tu enverrais milles bateaux à sa poursuite, sur sa fuite. Tu pries des Dieux pour un instant de trop, un instant dans l'ombre, n'écoutant que cette guerre sans sommeil, un peu cruelle, tellement éternelle. Et tu la relâches, tu signes le prochain ravage, le dernier brin de rage. « Cela vaudrait pourtant mieux, les anges sont rarement de bons présages, monsieur… » , un rire claironne, sonne. Doux, tu susurres, murmures, « Je pourrais bien être damné pour vous désirer. ». Insolent, tu brises les protocoles, les codes, te pressant déjà sous tous les outrages pour une caresse, une infinie promesse.

Elle se plie dans une révérence, mettant fin aux confidences taquines, coquines. Élégante, tu détailles la bonne éducation, les promesses de passion. Le rouge monte, l’inonde & tu ronronnes, félin satisfait. Tu veux marquer, la posséder. Tu veux la rêver, la sentir dévasté, brisée pour toi, sous tes doigts. Encore, elle chavire. Et ta voix ose, impose, « Encore ? ». Encore un baiser. Une infidélité. Une promesse de s'abandonner, d'exister pour toi, contre toi. Tu es l'artiste & tu sculptes les plaisirs, les désirs sur les peaux brûlants, loin des maux envahissant. Et tu sais qu'elle dit non en pensant oui, aux danses, à l'effervescence des réjouissances. Tu sais qu'elle ne te laissera pas être l'assassin cruel. Elle n'est pas de celles qu'on chasse, qu'on traque. Elle n'est pas de celles qui tournent la tête dans une valse enlacé, pressé. Elle n'est qu'une caresse fuyante dans son élégance. Elle n'est que le pêcher à peine savouré, à peine goûté. Elle n'est que la beauté oubliée dans ses instants décharnés, privés d'absolution, de passion. On l'a mal aimé, mal jugé. Et tu veux tout corriger, tout goûter, tout anéantir pour tout reconstruire.  Elle mérite la magnificence dans l'indifférence. Elle mérite toute la bienveillance des mains qui se tendent, se détendent sous les impatiences. Qu'on lui fasse la cours comme on lui ferait l'amour.  

« Aussi charmante puisse être votre offre, je ne suis pas faite pour danser. Je vous prie de bien vouloir me pardonner ce ref- » , sa voix se suspend, se pend dans la bousculade. Tu trouves sa main, la gagnant à toi, dans tes bras. Tes yeux se redressent, prison glacée, agacée qu'on puisse pousser ta protégée. Les yeux rencontrent ceux de Dumas, s'interrogeant sur ton élève. D'un coup sec & précis, tu pourrais le tuer, balayer sa vie futile, imbécile. La désobéissance te révulse autant que l'impertinence. Tu ravales l'insolence & les doigts assassins, souverains. Sombre con, il n'a jamais fait face au roi des connards, des salopards. Bientôt, il te le payera. Au centuple. La lueur d'inquiétude se répand pourtant bientôt pour le petit moineau. Ton bras se déplace, embrasse sa taille, la relève, la redresse. La proximité se fait plus toxique, tellement facile. L'électricité court, sombre, parmi les ombres. Les désirs explosent, implosent dans ton ventre. « Vous ne vous êtes pas fait mal ? », la voix est sincère, ta gentillesse n'est pas qu'une caresse, une politesse. Ta main se pose dans la chute de ses reins, remontent, inspectant, analysant, appréciant la délicatesse du tissu. Et la musique courbe, roule. Elle ne cherche plus à s’échapper. Elle ne fait que s'égarer dans le creux de tes prunelles. Un souffle, elle vacille. L'envie se fait plus forte, féroce, véloce. Et tu l'écrases un peu plus contre toi, à tes bras. Elle inspire pour ne plus oser expirer, te respirer. Tu souffles, tendre, un peu charmeur, tellement séducteur ; « Respirez, je ne compte pas vous dévorer. ». Pas maintenant. Le festin de son corps, de ses courbes entêtantes, passionnantes court déjà en langueur inquiétantes sous ta langue animal, brutal. Tu dévores des yeux, apprécie les passions en overdoses, en apothéoses. « D’accord… une danse seulement. » , elle se cambre un peu contre toi, faisant briller ton regard. Elle choisit la vie, l'excitation de la soirée. « Vos désirs sont des ordres. », un souffle contre sa peau qui ne laissent pas de place pour les questions, les interrogations. Tu t'adonnes bien trop aux passions, à cette passion.

La main se presse à la tienne & tu traînes, entraînes l'ange au creux de la piste, sur les rives de toutes les folies françaises. Gamine un peu fragile, tellement docile, tu la vois s'anoblir, ne pas faillir dans le creux de tes bras. La beauté de la musique enveloppe, emballe, te détraque. Tu la saisis avec force, glissant en animal féroce. Tu veux tout avoir contre ses doigts longs & délicats. Tu veux valser, tournoyer, vivre à en (c)rever, à l'aimer, l’abîmer. On ne sort pas indemne d'une danse avec l'enfer. On sent la terre se bouleverser, chavirer. Les pieds s'agitent, tu la guides dans la gueule du loup. Tu t'envoles à chaque pas, lui donne un peu trop de grâce, d'espace. Et tu respires son parfum. Tu imagines ses matins, elle a la saveur des poisons, des mains qui s'agitent, toxiques, indélébiles. Tu imagines la terre se retourner, se détourner sur elle. Elle est la maîtresse, la princesse de ses amours botaniques, de ses passions lunatiques. Tu honores la danse, conscient de ses méfiances, de ses défiances. Qu'importe séduction ne rime pas avec négation. Elle peut souffler non pour un oui. Elle peut t'interdire & bondir aux creux de tes bras. Elle s'envole, frêle oiseau du paradis. D'un battement d'aile, elle devient reine des anges, princesse de toutes les louanges. Et tu seras là pour la chute, pour l'attraper, la dérober. Tu es là pour la charmer, la désarmer.

Tu cours à ta perte dans vos visages qui se frôlent, n'osant pas braver les limites, chasser les passions sublimes. L'excitation te gagne, dévale tes entrailles. Tu anticipes, chéris sa malice, subis ses caprices. La musique s'enfuit & tu la poursuis de tes bras, l’entraînant, l'étreignant. Merlin, qu'elle est belle. Merlin, ne se fait-elle pas déesse de toutes les ivresses entre tes bras ? Trop tard, il est trop tard. Et la musique vous abandonne, vous étiole. Et tu veux la désirer, la presser encore, oser briser les distances, les indifférences. Les applaudissements explosent, s'imposent entre les rires & les sourires. Danser est l'apologie des anges, des mésanges & des confiances d'une nuit, d'un soupire. Du coin de l’œil, tu caresses le blanc de sa robe, tu retraces la courbe de ses yeux. Elle est belle. Tellement belle. D'une main, tu la guides, signant l’échappée belle, la charpie de ton âme. Elle refuse la gourmandise, la traîtrise de ses jeux fourbes, de ses pièges éternelles, sempiternelles. Elle n'est pas de ses créatures capricieuses, prétentieuses. Elle ne réclame rien & pourtant, tu voudrais plus. « Voilà qui était fort intéressant. Merci pour cette danse monsieur… mmmn j’ai bien peur que nous n’ayons pas encore été présentés. » , un sourire. Elle se fait curieuse, princesse prudente dans ses élégances trompeuses, furieuses. Et elle se tend un peu, les yeux brillant, étincelants de cette envie de recommencer, de s'abandonner. Tu veux pousser les vices, les esquisses. Dévore-la, ronronne l'animal. Les boucles brunes s'accrochent à tes yeux, tu oses esquisser un geste pour les dégager de son visage, frôlant sa joue. Et si elle n'était qu'un mirage, un autre de tes ravages ? Son corps noueux, vaporeux se tord d'une révérence sans patience.  « Susanna Phoebe Carrow, anglaise évidemment, mais… vous le saviez déjà. » , un sourire, l'intelligence s'allume dans ses yeux fauves. Elle n'est pas de cette débilité aussi affligeante que repoussante. Elle représente bien des challenges. « Je vous aurai trouvé d'autres noms, le murmure se savoure en douceur, en lenteur. D'Hélène de Troie à Artémis, je vous aurai trouvé tantôt divine, tantôt mutine. ». Le ton se fait frondeur, sans peur, loin de ses candeurs d'enfant. « Susanna, vous êtes à l'image de votre prénom, aussi noble que le lys des rois. ». Un sourire gagne tes yeux, évolue entre passion & oraison pour sa beauté. Tu sais jouer sans jamais trembler, sans jamais vaciller.

« Monsieur Octave Lenoir, pour servir tous vos désirs. », tu glisses dans des accents doux dans une référence lente, révélant tout le savoir-faire à la française. Peut-être oseras-tu tout franchir, tout trahir pour la toucher, la courtiser. Peut-être marches-tu déjà sur le fil du rasoir. Qui sait? Elle t'observe, gardant les questions, t'attendant, entendant la parade amoureuse, les attaques luxueuse. « L’Angleterre coule dans vos veines, caresses-tu des galbes suave de ta voix, aussi sauvage que promesses de ravages. ». La flûte de champagne gagne ses lèvres & tu observes les bulles couler, rouler le long de sa gorge. Le français se fait plus clair, plus sombre, d'une sensualité vorace, tenace sur le bord de tes lèvres ; « Par le Roi que j'aimerai baiser ce cou. ». Que tu aimerais lui faire l'amour. Dévaler sa peau, cesser de jouer avec les mots, juste l'achever, la tyranniser du bout de ses cris, de ses dénis. Tu pourrais l'apprivoiser, la garder, la savourer. Tu pourrais éventrer le tissu, la laisser nue, victime de tes désirs, assassinée sous les plaisirs. « D’ailleurs, et sans cherchez à vous offenser d’aucune façon, je tenais à vous dire que bien que je trouve fort agréable votre petit numéro de charme… Vous n’êtes pas forcé de vous y plier avec moi. » . Du tac au tac, tu promets sa fin, ses lendemains éreintés, exténués. « Il est toujours plaisant de faire la cour à ses futurs amours. », l'amusement étreint ton être, la bête se faufile, renifle, dédaigneuse, rageuse. Tu sembles la destiner  à d'avantage qu'un baiser. Tu oublis presque ta mission. Ou ne l'as-tu jamais perdu de vue ?  Fébrile & sensible, tu la vois reculer, s'interroger. Elle est intelligente, penseuse. Elle comprend les pièges & sait s'en tirer en toute impunité. Tu savoures d'avance les détours & les routes. Tu n'aimes pas chasser avec facilité. « Vous avez été tout à fait délicieux, je vous prie de me croire, et si je trouve très intéressant le penchant français pour les jeux de séduction, je suis de celle qui préfère la franchise. J’ai beaucoup aimé danser avec vous » , tes doigts capturent le verre de vin, hume le parfum de la noblesse. Tu écoutes sans relever, sans te désintéresser. « Il en va de même pour moi, Susanna. Je ne propose pas à n'importe qui de danser. », lèches-tu, d'une voix douce, tu t’immisces, te glisses dans les tourments de son cœur, de ses peurs. Tu la laisses te distancer, reculer. Tu la laisses jauger, tester le danger. « Je ne voulais pas insulter votre intelligence avec mes plaisirs. », souffles-tu dans une franchise désarmante, puissante.

Et elle t’entraînes, tu la suis tranquille, respectant ses convenances, sa patience, trempant doucement tes lèvres dans le liquide vermeil. Tes papilles savourent un peu de paradis, d'interdit. Tu bois peu, trop peu. Et d'un coup de canif, ta condition s'étale, te condamne. Et l'air du soir te fait frissonner, exalter, expirer. Elle est encore plus belle, les cheveux repoussés par le vent, gagnés par les étoiles. Elle brille de ces beautés dévastées, trop vite assassinées. Elle te bouleverse d'une pression, d'une attention. « Mais plus que la danse, je crois que vous êtes venus me réclamer quelque chose, n’est-ce pas ? » « Susanna, un français ne réclame jamais. Il demande & montre patte blanche. ». Ou il prend, sans vergogne, sans reproche, courtisant les anges de quelques doigts agiles. Un sourire franchit la barrière, révèle toutes ses vieilles guerres qui courent sous ta peau, sous tous les mots. Tu ne forces jamais, tu n'obliges en aucun cas, sous aucunes lois. « Oh, vous pourriez assurément me courtiser et me séduire, même que cela pourrait fonctionner. Du moins… je crois ? » , souffle-t-elle, un peu perdu, faussement confuse. Elle sourit & tu savoures l'éclat de ses yeux, de ses aveux. « Vraiment ? Vous croyez ou vous espérez ? », ta main remonte, caresse docile & timide sur sa hanches, affrontant les promesses & toutes les ivresses. Du bout de tes doigts, les cercles de feu se tracent, s'espacent, remontent, avalant le grain de sa peau, la finesse de son corps. Et puis tu la quittes, dans un demi-sourire. « Mais vous avez beaucoup plus de chance d’obtenir ce que vous désirez, en vous montrant franc. De plus, cela vous évitera de vous fatiguer… » « Je ne me fatigue pas, je savoure. », un rire doux & tu observes le rouge de ses joues, laissant un avant-goût de tentation, de passion. « Car j’ai bien peur de ne pas être une proie très alléchante ou amusante. » , l'humour gagne son timbre & teinte, merveilleux, savoureux à tes oreilles. Elle est plus qu'alléchante ou amusante. Elle est plus que désirable, aimable. L'alcool lui monte à la tête, la rendant souveraine, reine.

« Venez avec moi, Susanna. », tu attrapes sa main en douceur, sentant un frisson au contact de sa peau, dans tes pulsions égoïstes, dévastatrices. Tu abandonnes le verre de vin sur la rambarde, glissant vers un escalier en marbre, délaissant ton âme sur le rebord des rêves. « Je sais que vous aimez les plantes & ses jardins ont plus d'un secret. », souffles-tu, dans une autre ivresse, dans une autre caresse. Tu l’entraînes le long d'un sentier, sentant les graviers rouler, s'enrouler.  Tu avances sans méfiance, sans patience, la guidant dans la promenade, la ballade. « Je viens demander, et non réclamer, deux choses. », tu fermes les yeux appréciant l'air du soir, la froideur sous la chaleur. Tes doigts s'accrochent encore aux siens, un sourire se déplace. « Je n'avais prévu que de vous demander une seule chose. », un souffle, tu confesses l'attraction, le besoin de passion. Tu confesses l'ivresse d'elle, les passions promises & peu factices. « Je cherche un poison. Il doit pouvoir s'accrocher à un métal & donner une mort rapide. », souffles-tu en douceur.  « Sans antidote connue, bien entendu. », tuer est ton métier, il reste tes serments à bout portant. La fidélité pulse, s'allume dans ton cœur, diluant l'amour profond, sans fond pour une nation. Tu avales les distances dans un soupire, les pas craquent. « Vous n'êtes pas forcée. », répètes-tu, calmement, tendrement. Et puis, en tendresse, en délicatesse, tu l'approches, la rapproches de toi, la collant au verre de la serre. « Et pour le reste, je recherche un autre plaisir. », le rauque de ta voix ne dissimule plus rien, ne cherchant pas de murs, ni de blessures. Tes mains remontent, caressantes, fuyantes, errantes contre sa joue. « Vous. », presses-tu en douceur, en lenteur à quelques centimètres de ses lèvres, assassinant d'autres rêves, dans la pénombre. Le désir bat, s'abat s'accrochant à tes bras, la menaçant de la faire sombrer dans tes draps. « Il me faut un oui ou un non, Susanna. », murmures-tu à l'orée de sa bouche, osant la toucher du bout de tes doigts, sans foi,ni loi.

Un oui pour faites-moi l'amour.
Un non pour faites-moi la cour.

Et puis en douceur, tu te dépotes, t'emportes, la laissant respirer, se calmer. Tu n'as pas peur de la chute. Tu n'as pas peur de la faire tomber, trembler. Tu n'as peur de rien, si ce n'est d'un non. « La serre est magnifique. Nous pouvons la visiter avant d'avoir votre réponse. », cales-tu, lentement, tendrement. Tu n'es pas de ces hommes à profiter, à gagner en faisant tout foirer. Loup, tu patientes, tu hantes, tu attends. Et tu l'attendras toujours sous tous tes charmes, sous toutes les armes. Et dans ta tendresse, tu répètes, « Vous n'êtes pas forcée. ».

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The gods never cared for kings {Octanna} Empty
I flinch every time you call me beautiful, because I long ago
promised myself that I would never let another person
dictate how I felt. Everything you say to me throws
my stomach into a chaotic panic nerves bouncing
through my body like ecstasy.
I am trying to stay in control
& You are not helping

Le danger est tout près, trop près. Il effleure ta peau, se joue de ton esprit et te charme. Il cherche à te séduire, mais tu es mieux avisée que cela. Quelle mort t’attend auprès du bellâtre ? La grande, la terrible ou la petite, la délicieuse ? Tu sais laquelle tu choisirais. Tu le sais même très bien et c’est pour cela que tu te veux méfiante. Prudente. Toujours. Même lorsque tu te présentes, même lorsque tu t’offres tout en délicatesse, innocente pirouette accompagné de ton nom. Et tu rougis, oh tu rougis tant sous la poésie de sa langue, devant les arabesques que son charme dessine devant toi, en toi. «  Je vous aurai trouvé d'autres noms. D'Hélène de Troie à Artémis, je vous aurai trouvé tantôt divine, tantôt mutine. » Tu te fais fleur devant ses yeux, tu éclos dans un amas de rose et de rouge, teintes chatoyantes. Invitantes. Enivrantes. Couleur de passion, qui jure avec le clair de ta robe, de ta peau, petite fille fait femme. Fait reine. De troie. D’Olympe. Sous le son de sa voix, grâce à son ondulation, aux vagues de son regard, qui portent du désir jusqu’à tes pieds. Et il te désarme, t’étourdis grâce à son charme, qui s’écoule, encore et encore, comme issu d’une corne d’abondance. Tu pourrais t’y noyer, t’y perdre. « Susanna, vous êtes à l'image de votre prénom, aussi noble que le lys des rois. » Si lui ne tremble pas sous la douce indécence de ses mots, de ses aveux oui, toi tu t’inclines. Dans tes battements de cils, délicate perturbation qui se synchronise aux battements précipités de ton cœur. Et enfin, le monstre se présente, infâme et bien trop fabuleuse créature : « Monsieur Octave Lenoir, pour servir tous vos désirs. » Incube. Il se joue de toi, il créer l’émoi, il se proclame roi. Et toi, tu chutes, dans ses yeux, dans ses filets, le bout de tes doigts osant tout juste te retenir de sombrer. De couler sous lui. De te mouler à son corps. Monsieur Lenoir est une arme redoutable, tu n’as aucun doute à ce sujet. Seulement, tu n’es pas une petite fille suffisamment candide pour t’y couper. Pas encore. Peut-être plus tard, comme une jeune fille l’a jadis fait sur un fuseau, comme tu pourrais bien t’y piquer pour t’enfoncer dans un délicieux coma. Celui de ses bras, dont on ne se remet assurément pas aisément. Mais alors, tu ne désirerais plus te réveiller, c’est bien là son pouvoir n’est-ce pas ? Assurément, alors tu bois, tu cherches l’ivresse ailleurs, loin de ses yeux. Loin de sa bouche.

« L’Angleterre coule dans vos veines aussi sauvage que promesses de ravages. » Il parle mais tu ne daignes plus le regarder en face. Tu te dérobe, tu t’esquive, en quelques pas bien mesurés, trop gracieux. Et tu bois, par Morgana, tu t’enivres du poison sucré qui tourmente déjà ton sang. Qui pourrais t’échauffer le corps, ou pire, l’esprit. La raison. Parce que tu ne devrais pas terminer ta flute aussi rapidement, parce que les bulles donnent un peu plus d’éclat à sa personne. Or, le diable est déjà bien trop séduisant, trop galant. Fascinant. Il capte ton regard alors que tu cueilles la dernière goutte de champagne, le bout de ta langue osant tout juste s’exposer à sa vue. «  Par le Roi que j'aimerai baiser ce cou. » L’accent français vient à ta conquête, t’arrache un remous interne et bouscule le liquide plus vite dans ta gorge. Comment y résister ? Comment ne pas soupirer ? Mais l’alcool t’arrache plutôt une petite quinte de toux, ainsi que des yeux larmoyants. L’alcool a été avalé trop vite. Tu deviens maladroite. Suppliante. C’est assez, largement suffisant. Parce que même si la langue avait été une barrière, tu aurais compris, tu aurais su, rien qu’en plongeant ton regard dans le sien. Le désir qui s’y loge ne cherche plus même à se dissimuler. Il te provoque, te nargue de son sourire aux dents trop aiguisées. Trop tranchantes. Il veut te saigner et il le fera, tu n’en as plus aucun doute, pas avec cette allure, pas avec ce regard. La question est de savoir quand. Quand cèderas-tu à ses avances, à ses exigences, parce que ce ne sont pas des caprices. Et puis au fond de toi, une voix, étouffée par la raison, chuchote que toi aussi tu aimerais qu’il te baise, le cou mais pas seulement. Alors déjà tu t’efforces de muselé cette voix, cette bouche trop rouge. Le désir incarné, celui que tu n’as jamais écouté en dehors de l’intimité, celui n’osant se dévoiler que dans les draps.

Tu rejettes en vain ses passions et les tourments qui les accompagnent, délicieuses tortures lancées trop tôt sur toi. On ne désire pas un inconnu, on n’a pas faim du mal quand on est une fille de bonne naissance, tu t’en souviens. Tu inspires un peu de courage, de force, pour lui faire face, pour ne pas te fracasser contre les rocs qu’il représente, lui, le roi des enfers. Tu expires ses toxines, le désir qu’il a glissé en toi, comme on jette à regret une pièce au fond d’un puits, en espérant que sa perte en vaille la peine. Et maintenant que tu entends presque la voix de ta mère hanter ton esprit, alors que ton ventre se tord sous la proximité de l’homme, tu trouves la force de te concentrer. De détacher ton regard du sien, de sa personne. La fascination vous suit pourtant sur le balcon, là où tu cherches un peu de vérité, comme si elle pouvait t’aider, comme si elle pouvait faire une différence. Tu échappes à ses doigts dans des mouvements gracieux, gracile nymphe des bois, trop innocente pour être dévoré sans s’inquiéter de l’état de son corps, de son cœur, pire, de sa raison, quand le loup en aura terminé avec toi. Mais il est rusé, si expérimenté, si charmant. « Il est toujours plaisant de faire la cour à ses futurs amours. » Tu papillonnes des yeux, cherchant encore à nier l’attirance qu’il t’impose, cette envie du vice. Du mal. Contre toi. En toi ? Non, pas déjà. Tu n’es pas ce genre de femme, tu ne survivrais pas à la honte de la chose. La facilité n’a rien de charmant, elle n’est autorisé qu’aux sublimes créatures pour qui les caprices sont des obligations. Mais pas toi. Jamais. Alors tu rougis, mais tu continues de t’incliner, de plier, de contourner ses compliments. Ses attentions. Ta bouche lui souffle la tendresse tout en politesse, petite oisillon qui ne mérite pas d’être croqué sans avoir chanté. Tu faufiles la vérité dans tes mots, dans ton chant, tentant d’attirer le sien. Qu’il te chante des amours plus clairs, francs, parce que tu n’arrives pas à croire que de toutes les femmes de la soirée, tu es celle qui a attiré son regard. Qui a su faire naître son appétit. Impossible. Pas toi. Tu as aimé danser avec lui et tu l’assumes, mieux, tu l’avoue. Mais il te rend tes faveurs en bombant le torse : «  Il en va de même pour moi, Susanna. Je ne propose pas à n'importe qui de danser. » De là, tu le trouves moins intimidant. Plus sympathique. Plus humain qu’animal, faute d’être moins dangereux. Il t’arrache un petit sourire amusé, une autre figure exécuter plus doucement, mouvement presque spectaculaire, car il fait briller tes yeux. Peut-être est-il un fabuleux monstre, ange plutôt que démon, mais il ressemble encore aux autres. Aux hommes. Aux ennemis, plus forts, plus robustes, aux assaillants et aux conquérants. Mais tu n’es pas une patrie à posséder, pas un pays à s’approprier. Tu n’es qu’océan, une mer à l’allure paisible, aux rares tempêtes, mais à la vie intérieure trop vivante. Mélange savant de couleur, de saveur, de trésor qu’on y a échappé, de perle qui y ont grandis. De l’eau en mouvement perpétuel. «  Je ne voulais pas insulter votre intelligence avec mes plaisirs. » Et là, il fait se lever le vent. Il agite la mer.

Tu aimerais le ranger avec tous les autres, ces hommes qui ont un jour tentés de te faire du mal, mais plus que ses traits séduisants, c’est l’inflexion de sa voix qui te convainc. Il ne ment pas. Il pense ce qu’il te souffle. Or, plus que d’être belle, car la beauté vient assurément à fané avec le temps, tu veux être brillante. Et tu l’es devant lui, même dans ta jolie robe, même enfoncée dans le rosée de tes joues. Octave Lenoir est un brillant stratège. Mais plus que de t’incliner sous ses nouveaux ronds de jambes, quand bien même tu les crois, tu maintiens tes distances. Question de survie, pour une femme, à Paris et en compagnie du plus bel ange qui soit : Lucifer. Seulement, il possède déjà toutes les solutions à tes problèmes, il a appris ses répliques par cœur et il ne cherche pas même à te donner le mauvais rôle. Même lorsque tu le presse un peu, quand tu cherches à connaitre ses intentions. « Susanna, un français ne réclame jamais. Il demande & montre patte blanche. » L’expression te séduis, pas autant que lui, c’est impossible, et elle suffit à ce que tu lui offres un nouveau petit sourire. Une lueur d’intérêt, de séduction même, jette un halo dans le brun de tes yeux, bien vite dissimulé par l’obscurité, ton visage se détournant des lueurs festives de la soirée, pour observer le jardin endormi. Pour échapper à cette envie de lui rétorquer que si c’était toi qu’il lui venait l’envie de réclamer, tu ne verrais pas de véritable inconvénient à le lui céder. Une étourderie que tu ravales en vitesse, dans une vaine tentative de nier que son charme n’est pas phénoménale et que tu ne respires assurément pas plus rapidement quand il s’approche. Pas toi. Alors tu joues des mots, tu cherches à te convaincre, bien plus qu’à lui faire entendre raison à lui, que tu peux lui résister, que ses charmes ne sont rien. La mer ne se trouble pas tant du reflet du ciel, allons donc ! Mais c’est faux et il le sait tout aussi bien que toi, de sa main qui te gagne, qui te charme, chaude même à travers l’étoffe, bien trop légère cela dit, de ta robe. « Vraiment ? Vous croyez ou vous espérez ? » La réponse meurt sur ta langue, tu ne peux pas céder, tu n’es fait ainsi. Tu crois pour commencer, mais sous la caresse, presque audacieuse de sa main, mais suffisamment délicate et rapide, tu te mets à espérer. Idiote. Tu repousses le vice qu’il cherche à insinuer sous ta peau et tu lui offres ce que justement, tu lui refuses. Tu mens. Tu triches. En niant tout, faussement détacher, bien plus joueuse que tu ne voudrais l’être. Tu n’es pas censé être l’une de ses femmes amusantes, ni excitantes, pourtant, là devant ses yeux, face à son sourire, sous le charme de sa voix, tu y crois. Toi, Susanna, tu peux être à la fois belle et brillante.

Tu n’aurais pourtant pas dû t’amuser autant de tes travers, te faire aussi charmante, car il t’entraine à sa suite. Tu cours dès lors à ta perte, tu le sens dans tout ton être, et pourtant tu le laisse t’entrainer. Comme si d’une simple phrase, « venez avec moi, Susanna », il avait su te convaincre que la mort t’irait mieux a teint en sa compagnie. Sa main est chaude autour de la tienne, puissante aussi, non pas qu’il te fasse mal, au contraire. Sa main cherche tout simplement à achever de te convaincre, elle te chuchote de lui faire confiance. Mais tu résistes toujours, c’est là ton rôle pour ce soir. Vous descendez, pas en courant, mais d’une démarche qui se veut énergique et que tu calques sur lui. Accrochée à lui d’une main, tu retiens ta robe de l’autre, pour faciliter tes pas, pour ne pas perdre le rythme, parce que déjà il te promet des merveilles. « Je sais que vous aimez les plantes & ses jardins ont plus d'un secret. » Des secrets au cœur des jardins ? C’est plus fort que toi, comme cette pulsion qui vibre en toi alors qu’il te touche, qui te pousse à le suivre, à espérer Morgana seule sait quoi, mais tu veux savoir. Tu es avide de découvertes, qu’importent leurs natures. Et voilà, tu te mords les lèvres, repoussant une soudaine envie de rire, parce qu’ici, dans l’obscurité des jardins, tu n’es qu’ivresse, que plaisir, de moins en moins innocente. Il n’y a que ta candeur qui s’accroche à tes cheveux et aux pans de ta robe. « Je viens demander, et non réclamer, deux choses. » L’aveu tombe et déjà, vos corps ralentissent un peu. L’heure n’est plus à la course et c’est la curiosité envers une autre toute autre découverte que celle des jardins, pourtant superbe sous l’éclairage savamment étudié, qui te chatouille les entrailles. « Deux choses ? C’est que vous êtes aussi gourmand que vous semblez l’être, Mr.Lenoir » que tu souffles doucement, d’une voix plus enjôleuse que tu ne le voudrais, la respiration rapide. Ivre de plaisir. Excitée par vos jeux nocturnes innocents. Mais jusqu’à quand ?

Il se fait aussitôt plus calme, homme raisonnable, homme intenable. Impossible de lui résister, n’est-ce pas ? Qui oserait même le tenter. Surement pas toi. «  Je n'avais prévu que de vous demander une seule chose. » Cette fois, tu l’observes attentivement, comme une gazelle qui remarque un lion au loin. Comme la mer reflète le ciel avant qu’il ne se déchire et l’entraine dans sa tempête. Tu craindrais presque ce nouvel appétit, cette nouvelle demande, si ce n’était des jardins, illuminées autour de vous, attirant ton regard tout autant que lui. Ange déchu s’étant glissé à tes côtés pour se jouer de tes sens, pour se jouer de toi. « Laquelle ? » Ta voix n’est qu’un murmure, presque timide, une brise vite envolée. « Je cherche un poison. Il doit pouvoir s'accrocher à un métal & donner une mort rapide. » Quelque chose sombre aussitôt dans ton estomac, comme une pierre s’enfonçant dans les eaux, la déception t’accueille à bras ouvert. Une vieille amie qui te laisse un goût de fer dans la bouche. Un gout de sang, alors que tu t’efforces de sourire. Sans joie. Un réflexe, pour chasser les tourments, la noirceur, même sous l’illumination délicate des jardins. « Sans antidote connue, bien entendu. » Déjà, tu inclines la tête, parfaite petite automate, car c’est ainsi qu’on t’a conditionné. Tu as dansé Susanna, ne l’oublie pas, la déception n’a pas sa place. Tu as eu bien plus que ce que tu espérais, ou méritais, te nargue une petite voix. Oui. Et quand l’homme pivote, quand le magnifique ange s’approche, tu retiens ton souffle. Parce que malgré la vérité, pas si terrible pourtant mais qui te crispe le ventre, il n’en reste pas moins charmant. Pas moins appétissant. « Vous n'êtes pas forcée. » Un triste petit sourire éclot sur tes lèvres, en réponse à la tendresse du sien, de ses yeux, de ses mots. Tu n’es que chuchotement maintenant que tu connais ton rôle, celui d’un outil, recommandé par un ami peut-être ? L’un de tes mentors ? Tu n’es pourtant encore qu’une enfant. Il se donne tant de mal, pour si peu. Tant d’effort pour toi. Tu te vois navrée pour lui. « Nous savons bien que si… » souffle ta voix, dans quelque chose de délicat. Des mots de dentelle, trop fragile et à la fois trop ancien pour ta bouche. Tu as dansé Susanna, il est temps de rendre sa faveur à Monsieur Lenoir. Et dans tes yeux, il y a cette assurance que bien que le choix ne soit pas tien, tu n’y vois aucun inconvénient. C’est lui l’ange, pas toi, et on ne refuse rien à ces terribles créatures célestes.

La déception s’envole sous ton raisonnement, parce que l’espace d’un moment, trop long, trop puissant, tu as osé croire. Osé oublier. Or, le moment est terminé et déjà ton regard s’égare. Sur les plantes que les lanternes exposent, tu t’apprêtes même à le devancer et à découvrir les secrets seule, s’il le faut, puisque tu as déjà répondu par l’affirmative, quand il s’approche. Ton corps se tend. Ton souffle se meurt. Tes yeux se rivent aussitôt sur lui, sur cette main qui glisse sur toi. Devrais-tu le craindre ? La réponse ne vient pas à toi, mais son corps oui, s’écrasant doucement au tien, jusqu’à te presser au verre d’une serre. Son regard éclipse aussitôt les jardins, effacent les fleurs délicates et les longues vignes pleine de noblesse, il ne reste que son regard tumultueux et sa voix rauque. Pleine de promesse. Pleine d’envie, mais n’est-ce pas là seulement le reflet de tes propres désir ? Oui, assurément. « Et pour le reste, je recherche un autre plaisir. » Tu sens l’air s’électriser autour de vous, un frémissement à peine perceptible qui cours le long de vos corps, et tu as la folle impression que les fleurs écartent leurs pétales en réponse à ton propre élan de désir. À cette douce déraison qu’il engouffre en toi, effaçant doucement l’idée que tu te fais de cet autre plaisir, soit celui de rencontrer Beatrix. Après tout, il ne serait pas le premier à t’approcher pour s’informer de cette délicate fleur qu’est ta demi-sœur, mais pas lui. Ses mains glissent contre ton visage et tu hoquètes sous la sensation de ses doigts, brûlants, qui viennent abandonner de la douceur contre toi. Tu sens le plaisir irradier sous ta peau, sous la chair qui rosit à nouveau, pour l’attirer. Je suis goûteuse, venez à moi Mr.Lenoir. Sauf que c’est impossible et tu cherches plutôt prise dans le monde réel, dans le tangible, dans ce qui ne peut pas, ne doit pas, être une autre déception. Puis, tu prends soudainement conscience de sa proximité, comme on s’éveille le matin, sans y prendre gare et avec quelque chose d’innocent. Comme lorsqu’on émerge de l’eau, une sensation de douceur et pourtant terriblement soudaine. Un goût de « trop tard » sur le corps. L’épiderme. « Vous. » Tu comprends à peine le mot, tant sa présence, tant son corps, occupe tes pensées. Sa bouche, qui est bien trop près de la tienne, son souffle, qui se mêle au tien et son regard, cœur terrible d’un feu bleu, te troublent beaucoup trop. Vous avez le même goût sur les lèvres, voilà ce à quoi tu songes alors qu’il te dévore du regard. Et c’est malsain. Ça te rendrais presque niaise, au moins assez pour chuchoter un petit mot tout bête : « moi ? » Incrédule. À bout de souffle, au bord du gouffre. Le désir se mêlant à la surprise. Il se joue de toi, mais tu ne connais pas les règles, tu ne sais que battre des cils, tu n’es qu’une proie, petite biche figée devant le regard insistant d’un loup. Mord moi. Mange-moi. Mais non. Tu ne peux pas. Il se rendrait malade à te dévorer. Il y perdrait le goût du plaisir, des frissons. Il resterait sur sa faim avec toi, il est habitué à tellement mieux, tellement plus goûteux, plus délicat. Il ne sait pas ce qu’il dit, ou mieux, il te piège. Terrible loup.

Tu te fais l’impression de t’être échappée des fantastiques jardins, c’est plutôt dans les bois que tu te trouves, à courir, à t’emmêler les jambes dans les racines, dans une course folle qui accélère ton pouls. À cause de la chasse, à cause du danger, à cause de lui, homme tombé de nulle part. Trop charmant. Trop dangereux. Tu ne devrais pas être là. Tes paumes s’écrasent au verre derrière toi alors qu’il te presse, qu’il relance votre course, sa chasse, ta tentative de survie : «  Il me faut un oui ou un non, Susanna. » Comment es-tu sensé faire ? Quand il te touche de la sorte, ses doigts effleurant tes lèvres, ta bouche ayant à lutter pour ne pas les lui baiser. Tendrement. Douloureusement. Tu ferais disparaitre ses doigts dans ta bouche, les lui mordillerais, pour goûter son sang, pour avoir un avant-goût de sa chaleur. Sa chaire contre ta langue, sous tes dents. Mais tu ne peux pas renverser les rôles et le tien n’a rien à voir avec lui, pas sous son corps, quand bien même tes iris fixent sa bouche et que tu sens émerger, de ta poitrine, une fabuleuse envie de l’embrasser. Rien qu’un baiser. Avec un inconnu. Avec le grand méchant loup. Le démon, Satan en personne. Mais il se retire, il se recule, juste à temps. Il t’épargne et déjà, tes lèvres soufflent la frustration, soupire le soulagement. Il est partit trop tôt, tu ne l’as pas goûté. Il t’a abandonné trop tard, tu as maintenant envie de sa bouche. « La serre est magnifique. Nous pouvons la visiter avant d'avoir votre réponse. » Le temps t’es compté, mais il fait preuve de compréhension, il sait l’effet qu’il te fait, c’est-à-dire le même qu’il doit faire à toutes les autres. Alors tu t’avances un peu, tu remets de l’ordre dans tes jupons, puis tu remets en place des mèches folles imaginaires, s'étant faussement échappées de ta coiffure élaborée, tout est bon pour ne plus le regarder en face. Tu te contentes d’acquiescer, alors qu’il t’enfonce la boite d’allumette en main : c’est à toi de décider Susanna. À toi de savoir si tu veux brûler ou pas. Mais déjà, sa voix souffle le kérosène sur toi, dans les plis de ta robe, dans le tourbillon de ta coiffure, jusqu’à tes cils, où perlent le peu de doute te restant : « Vous n'êtes pas forcée. » Et quelque part, une voix répond du plus profond de ton être : Nous savons bien que si…

Tu le laisses donc t’entrainer dans les serres, tu le laisses te guider, faire de toi l’enfant à croquer. Tu te complais presque dans ton rôle de proie, victime futur de ses charmes, de sa cruauté, de son savoir faire ? Un frémissement court sur ta peau, chaque fois qu’il t’effleure, du bout des doigts comme du regard. Il n’est pas humain et tu n’es assurément pas aussi vigilante que tu le prétends. Parce que tu t’enfonces dans son piège, tu te permets même d’être captivé par la végétation, pour admirer la délicatesse des fleurs, la taille des arbustes. La flore à pourtant l’avantage de te détourner de lui, de pousser tes doigts à effleurer les fleurs, avec une délicatesse infini, quand tu t’accroupis pas, tout en grâce, tout en retenue, pour mieux admirer. Pour tout voir. Parce que tu veux tout découvrir, parce que tu ne demandes pas mieux que d’être enchanté. Et tu oublies ses demandes, tu oublies la chaleur de son corps, tu oublies presque l’intensité de son regard alors que tu te proclames reine des lieux, d’un simple sourire. Tu abandonnes tes doutes, tes envies, à l’entrée des lieux, ici tu te fais nymphe, à la fois femme et enfant. Tes pas accélèrent, le temps de t’approcher des plantes jusqu’à alors inconnu de tes doigts, seulement de tes yeux. Et c’est justement, en observant des vignes, grimper jusqu’au plafond, que tu retrouves l’envie d’échanger avec lui.

Jusqu’ici, tu t’étais montré brève, préférant les plantes à la conversation. Or, debout devant la si simple et pourtant majestueuse vigne grimpante, du lierre, tu te décides à regarder ton cavalier du moment. Lucifer, Octave Lenoir. Tes yeux scintillent d’une autre lueur, là sous l’éclairage tamisé, intime même si tu ne veux pas utiliser ce mot, qui baigne à la fois d’intérêt et de plaisir. « Connaissez-vous le curare, Mr.Lenoir ? » Tu parles de poison, comme certaine parle de robe et de tissu, mais toi, tu parles de plante, de ce qu’on y on extrait. Et c’est d’un sourire déjà lointain, parce que tu réfléchis maintenant à sa première requête, que tu continues, « je possède un plant de Strychnos toxifera chez moi… mais si vous pouviez m’en trouver ici même, vous me faciliteriez la tâche. Peut-être ne le savez-vous pas, mais c’est de son suc qu’on tire le curare. Normalement, il serait mêlé à de l’euphorbe mais… puisque vous êtes Français, je propose de plutôt mêler le lierre à l’addition. Personne n’y songera. » L’idée te semble presque romantique, délicate. Une touche personnelle, la sienne, la tienne. Français, comme lui. D’une banalité peu encline à attirer l’attention, comme toi. Tu t’approches un peu de l’immense plante, tes doigts flottant tout près, sans jamais en toucher les feuilles. Il y a quelque chose de respectueux dans ton regard, quelque chose de presque tendre. Tu souffles la suite avec douceur, comme une mère qui vante les qualités de son petit, à demi voix, comme si tu craignais de déranger : « Avez-vous déjà remarqué combien le lierre, c’est répandu en France, Mr.Lenoir ? J’en ai trouvé dans pratiquement tous les jardins qu’on m’a permis de visiter… si noble et à la fois si banalisé. Comme si un jardin n’en était pas réellement un sans sa présence. » Tu soupires, recules de deux pas et ton sourire s’étiole doucement, alors que tu ramènes tes iris sombres sur lui. Si beau. Majestueux. Plus noble que toi ou les stupides vignes. Et pourtant, il est là avec toi, à vous admirer, toutes les deux. Tes doigts glissent alors tout naturellement ensemble, triturant délicatement les doigts de la main opposée. « Le lierre est terriblement irritant sur la chaire Mr.Lenoir. Il provoque des irruptions, peut créer des lésions et ses vignes sont terriblement résistantes. Les jardiniers ne les touchent pas sans gant et avec raison. Il ferait un excellent partenaire au curare, qui comme vous le savez, paralyse les muscles avant de tuer, rapidement, sa victime. » Ton idée prend forme et tu lui offres un sourire qui n’est assurément pas aussi professionnel que tu le voudrais. Parce que le désir revient, émergeant depuis la mer de ses yeux, son ciel à peine couvert, que les lueurs des lanternes te dévoilent. Yeux enchanteurs. Regard de prédateur. Tu rosis sous l’éclat que tu y devines et tes doigts s’enfoncent doucement dans la soie de ta robe, là contre ton estomac. Tu te remets alors en route, comme un lapin se met en quête d’une cachette, parce que le danger s’infiltre jusque sous ta robe. Le long de tes jambes. De tes cuisses.

Vite, plus vite Susanna. Tu t’essouffles à presser le pas. « Évidemment, vous l’avez déjà compris, j’accepte d’accéder à votre désir » le mot se fait rauque dans ta bouche, presque scandaleux. Une douce promesse, faussement innocente. Une envie qui se déploie discrètement, mais pas assez, entre tes cuisses. « Seulement… » la course folle ralentit, tu tangues et te retournes, pour lui faire face, pour l’affronter. Tu ne fais pas le poids, tu n’es qu’une gamine face à lui, que de la nourriture. À consommer. Sans modération. Sans détour. Et tu te mordilles un bout de lèvre, alors que tu cherches ton air. Alors que tu songes à t’enfoncer dans le petit coin d’herbe, aménagé près de la sortie, là où tu imagines sans mal que les gens aiment pique-niquer, par temps pluvieux. Là où tu oses, le temps d’un battement de cœur, voire de quelques-uns oui, vous imaginer allongés dans l’herbe. Ta robe retroussée, écartée, lui à moitié dénudé, à te dévorer. Tu rougis un peu plus, troublée, jusqu’à laisser l’envie te contaminer la gorge, rose d’envie. De désir. « Je… je sais que ça ne me regarde pas, mais si je dois créer une arme, j’aimerais savoir pour qui elle est destiné. Pouvez-vous faire cela ? Pouvez-vous m’assurer que vous ne comptez pas tuer des innocents, vous faire tyran, avec ma coopération ? » Tu veux des preuves, que ce n’est pas un monstre. Pas entièrement. Qu’il n’a pas que de mauvaises intentions. Tu veux qu’il te noie dans ses explications, afin de redevenir toi-même. Afin de ne plus songer à ce bout de verdure, à ce lit d’herbe qui attend vos corps et où tu menaces de te glisser. Où, bien malgré ce qu’il est bon de faire, bien même, censé, tu aimerais t’allonger. Contre lui.
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La course est folle, folle et c'est à perdre haleine
que je piétine mon rôle,
en convoitant la reine.
(play)

L'effet est palpable, intenable. Tu sais à quoi tu joues. Les pulsions se mêlent aux passions, tournant lascivement au creux de tes reins. Tu aimes contempler, savourer, t'apaiser sur le fil de sa beauté sombre, dans l'ombre de ses cils. D'une main, tu peux blottir tes doigts sur le fil de sa peau, l'entendre gémir, frémir. Tu veux déjà la perdre, la soumettre. Tu veux déjà tout prendre, tout apprendre. Elle tremble déjà un peu sous les dents. Et tu n'as pas peur de l'attraper au vol, en pleine envol. Les murmures d'une exquise addiction, tentation, s'enlacent déjà à ton âme. Le goût du jeu fourche sur le bord de ta langue, de tes sens. La séduction érafle, dévale sa peau pâle. Quand piégeras-tu cette reine de cœur pour dévorer, émietter, te damner ? Elle est fille d'Angleterre, belle dans les enfers, promesse de tous les paradis sur terre. Elle est princesse funeste des poisons & des potions, entraînant telle Calypso dans son sillage, des orages & des ravages. Elle n'a pas connaissance d'être une ensorceleuse, une dévoreuse de cœur sans peur. Elle n'a pas conscience d'aiguiser tous tes appétits, tous tes interdits. Peut-être que c'est toi qui piège, qui ensorcelle, décèle l'inévitable, l’incontrôlable. Peut-être. La lueur d'amusement se teint d'un désir sombre, se drapant dans toutes les ombres. Sûrement.

Entre ses sourires & ses soupires, tu ne te lasses pas. Tu ne fais que t'enticher, réclamer, clamer. . « Deux choses ? C’est que vous êtes aussi gourmand que vous semblez l’être, Mr.Lenoir » , un sourire s'arrache, amusé, trépassé dans l'insolence qui défie l'innocente. Elle se fait désobéissante, princesse de toutes les indécence dans sa décence. Et un murmure lui répond, du bout de tes doigts pressés, gagnés contre sa peau, « Je ne saurai jamais me contenter de que vous regarder, Susanna. ». Tu ne sais pas résister à sa taille fine, à ses promesses sublimes. Caresses, égards & baisers, tu n'as jamais su t'en défaire, t'en faire. Tu ne sais que la rêver, l'aimer. De mensonges en songes, tu la traînes, l’entraînes un peu plus loin, un peu trop loin. Elle est reine & peut-être qu'elle devrait y croire. Au fond, tout est permis au creux de tes doigts. « Je ne peux me contenter d'une danse dans vos bras. », une voix suave, joueuse, allumeuse ; Tu veux gagner, dévaler ses draps. Au fil des pas dans la pénombre, tu veux séduire, conquérir. Au fil des ravages, tu veux créer d'autres orages, d'autres passions sans hésitations, sans questions. « Je suis plus affamé de vous que ça. », la langue caresse les lèvres, le loup ronronne, s'abandonne.

« Laquelle ? » , sa voix se perd dans un murmure, dans ses blessures. La fragilité s'expose, s'impose. Tellement cassée, tellement abîmée, tu sens les fêlures, les craquelures sur la délicatesse, la finesse de ses traits. Un peu muse, un peu nymphe, tu vois la beauté quand eux ne voit qu'une farouche banalité. Tu traces les courbes de la douceur dans ses douleurs. Tu prends les hontes pour tisser des passions fécondes, immondes. Tu déchires de tes doigts pour un morceau d'elle, de ses yeux en promesses éternelles, cruelles. Elle danse, et tu entends les abandons, le manque de pardon. Tu traces les douleurs, les rancœurs. Et tu la désires.

Et tes mots la noient.
Ses maux la broient.

Susanna s'étiole, s'abandonne. Et elle se froisse, elle s'efface. Tu sens la déception, les douces questions. Tu sens la chute, l'horreur, les frayeurs. Elle pulse, elle s'allume. La douce s'écroule, s'écoule en lambeaux, en morceaux. Parfois, elle a ses airs d’héroïne tragique. Elle emprunte la minceur & la douceur d'Antigone. Elle se pense d'une étrange laideur, plante noueuse & défectueuse. Elle n'a pas vraiment été heureuse. Elle a souvent été malheureuse. La vie ne cesse d'être méchante, entraînante, même pour les anges. Elle se froisse, se fane, se damne. Tu ne veux pas la condamner, tu ne veux que la subjuguer, l'attirer dans tes filets. Tu ne veux ni rébellion, ni révolution, juste le plaisir sous tous les fronts, proclamant toutes les libérations. La douce n'est que vent, emportant tout sur son passage, signant les ravages & les saccages. Elle met des cœurs & des peurs à ses pieds. Et tu ne sais pas exiger de ces créatures, tu ne sais que séduire, promettre & soumettre.  « Nous savons bien que si… » , la voix chante, elle oscille, vacille entre plume & plomb, le cœur en enclume, rongé par l'écume salée de ses pleurs. Ça la mord. Ça la tord. « Je demande, je n'ordonne pas. », le chasseur se fait un peu tueur, un peu éventreur. L'amour de la chasse est indélébile, un peu futile, tellement imbécile. Tu uses & abuses de tes charmes, de tes armes, faisant de ton élégance un gage de confiance. Tu ne causes ni méfiances, ni défiance. Tu flirtes de dangers en baisers d'éternité. A ta bouche sombre des maux, bien des maux, tu l'enlaces de ta voix & d'autre mots. «  Me dire non ne signifie pas mon abandon. », caresses-tu dans les chaleurs, dans les lenteurs de tes sensibles langueurs. Tu pèses, tu apaises, tu transperces. Et le désir se métamorphose en passion glorieuse, orageuse.

Le désir l'a fait tienne.
Le désir l'a fait souveraine.

Elle se tend, et le sourire s'étire, se tire. Un frémissement dans ton ventre, la fin de l'innocence dans ton absence de bienveillance s'éveille, t'émerveille. L'envie de toucher, déchirer, de la dévorer se fait puissante, tentante. La séduction prend des allures de défi qui font pétiller tes yeux trop clairs, trop sincère. Il y a certains plaisirs dont tu ne sais pas souffrir, que tu ne sais pas subir. Il y a un monde qui vous sépare, qui vous avale. Il y a des années en trop, de l'expérience sans tremblement, sans frémissement. Tes doigts peuvent courir, la séduire. Elle pourrait vouloir vivre au bord du vide. Tes doigts jouent contre sa taille fine. Elle est divine, assassine, merveilleusement dangereuse & douloureuse. Le souffle s'est tordu, interrompu. Et tu poursuis, tu la suis. Ce n'est pas vraiment, pas tellement un jeu. Sous la braise couvre des monts de pulsions toxiques, des idées frondeuses, indécentes & blessantes. Tes mains chutent, tes longs doigts couvrent la peau. Son corps nu s'expose déjà en fruit défendu, abattu, suspendu sous tes caresses, tes violentes tendresses. Le saccage de son esprit se fait dans les plaisirs, dans les désirs assouvis, pantelants, brûlants. A bout de souffle, tu la veux clouer, dévaster dans tes draps, dans tes bras.

« Moi ? » , un sourire lui répond. Juste elle. Rien qu'elle. Tout pour elle. Elle bat des cils, cible facile, fragile. Un grondement te fauche. Tu as faim d'elle. Tu as besoin de lui dérober ses ailes, de raviver des incendies sous sa peau, sous tous les mots. Tu as besoin de lui montrer ce qu'elle éveille, ce qu'elle réveille. Tu bouscules les règles. Tu la rends niaise. Tu veux qu'elle perd la tête, qu'elle s'éveille en sueur, sous toute ta douceur. Ses mains accrochent le verre, cherchent l'issu. On ne sort jamais vraiment vivant de tes crocs, de tes mots. Un oui ou un non & la chute se fait plus périlleuse, vertigineuse. « Vous. », affirmes-tu, dans cette voix où se mêle la chaleur & la froideur.

Tes doigts s'agitent, caressent la bouche. Et dans ses pupilles fauves, tu vois des lueurs, des douleurs. Faites-moi l'amour, crache-t-elle dans le bout de son regard, sous tous les égards. Tu n'as besoin que d'un accord. Tu n'as besoin que d'elle, que de cette timidité chancelante, vacillante. Assez de cours, entends-tu hurler sur le bord de ses lèvres, sur le rivage de ses rêves. Elle frémit d'une envie de baiser. Elle frémit d'un vol assumé, donné. Mais tu recules, tu l'allumes encore & encore. Un éclat malicieux, capricieux se glisse dans tes prunelles. « Rien que vous. ». Tu ne veux ni vélanes, ni princesses ou comtesses. Il n'y en a que pour elle. Il y en a toujours pour elle. Tu vénères, en dieu sévère, la belle, la cruelle. Ses lèvres soufflent la frustration, la damnation. Elle t'a échappé. Tu l'as laissé s'échapper, s'égarer. Elle remet de l'ordre pour esquiver, t'esquiver. Qu'importe, elle ne peut se déporter, s'envoler loin de tes yeux, loin des aveux. Et elle s'avance, prête à condamner ce qu'il reste des faux-semblants, des sentiments. Le tissu se froisse sous ses pas & la serre vous avale, vous condamne.

Et puis doucement, tendrement, tu la vois se transformer, se métamorphoser. Elle devient femme-enfant, les mains dans la terre, prenant la vie à bras le corps, même si elle a tous les tords. Elle ne se contente pas des petits morceaux, des derniers lambeaux. Tu la sens frémir, s'engourdir sous ses désirs. Elle sourit, dans sa délicatesse, dans sa tristesse. Elle aime ses plantes. Elle aime leur secret. Elle parle un langage qui te parle, qui te dévale. La nature n'est qu'un versant de tes tourments. Elle t'arrache des frissons en s'accroupissant, en vénérant. Ses doigts courent, couvrent & recouvrent les veines, ne cessant d'aimer ses sombres merveilles. Et un peu, elle te gagne, elle te désarme. Elle devient la déesse, la caresse de son royaume. Ici, dans la demi-obscurité, tu la trouves belle. Ici, tu la trouves entière, guerrière. Tenace, elle se fait plante grimpante, envahissante. Elle ne laissera rien au hasard, elle lézarde à la manière de cette vigne sur les murs. Elle te rappelle un peu le lierre de ton enfance. Elle est partout, discrète & sensible, pourtant indélébile. Elle ne cesse de te surprendre, de vouloir apprendre. Obnubiler, tu laisses tes yeux vagabonder au fil de ses pas. « Connaissez-vous le curare, Mr.Lenoir ? » , le désir se faufile, file, s'enfile, tu caresses ta lèvre du bout de ton pouce, tu admires entre mirage & ravage coupable. Les lueurs de son regard embrassent une envie sensible, indélébile. La bête mord, ne s'endort pas. Elle a envie de la goûter, de la posséder, de ne jamais la céder. Elle parle poison comme une passion, comme une raison d'être, une raison de vivre, de subir. « Je possède un plant de Strychnos toxifera chez moi… mais si vous pouviez m’en trouver ici même, vous me faciliteriez la tâche. Peut-être ne le savez-vous pas, mais c’est de son suc qu’on tire le curare. Normalement, il serait mêlé à de l’euphorbe mais… puisque vous êtes Français, je propose de plutôt mêler le lierre à l’addition. Personne n’y songera. » , tu hausses un sourcil. Un peu d'elle, un peu de toi. Le respect glisse entre ses doigts, sans la toucher, sans l'apprivoiser. Et tu gardes le silence, le souffle bloqué, écrasé dans ta poitrine. Tu as mal de regarder sans toucher, sans te repaître. Tu te tiens, te retiens. Il gratte pourtant. Il la réclame, la clame.

« Avez-vous déjà remarqué combien le lierre, c’est répandu en France, Mr.Lenoir ? J’en ai trouvé dans pratiquement tous les jardins qu’on m’a permis de visiter… si noble et à la fois si banalisé. Comme si un jardin n’en était pas réellement un sans sa présence. », elle soupire, recule, le cœur en enclume, déviant, ramenant ses pupilles vers toi. Comment fait-elle pour être si sublime & si fragile ? Tu t’essouffles sur les rivages de sa beauté. Elle n'ose pas s'abandonner, te fixer. Ses doigts se triturent entre eux. Elle n'est plus femme fatale, femme idéale. Elle se fait plus timide, plus volatile. « Je l'aurai d'avantage associer à vous. Ordinaire et pourtant, tellement dangereuse & vénéneuse. Peut-être pourrais-je vous toucher sans m'y brûler les ailes ? », balayes-tu dans un sourire pourtant la sensualité s'arme sous l'amusement. «  Ou peut-être m'y brûlerai-je le cœur ? », une caresse sur le bord de tes lèvres. Tes charmes fleurissent, abrutissent & tu savoures. Tu l'écoutes, un peu conquis, tellement séduis. Tu traces les courbes. Tu la saisis entre ses ronds de douceurs & de douleurs. Elle est belle dans ses doigts qui touchent sans trembler mais toujours avec ce tendre respect. Elle se fait muse de toutes les natures, de toutes les blessures, dansant dans le bruit doux de sa robe. Les louanges caressent tes yeux pour cet ange un peu triste, chagriné, assassiné. Et puis, tu sais, tu sens, on lui a coupé les deux ailes. Le sourire te retourne l'estomac, fait gronder l'animal, en brutalité, sur tous les excès. Tu te mords la langue, sentant la brûlure du tatouage. Le désir se fait plus fort, te malmenant, te poussant à elle, contre elle. Les doigts s'enfoncent dans la robe, le rouge embrase son visage. « Qui l'eut cru que l'Angleterre & la France puissent s'entendre ? », murmures-tu un peu sombre, dans toutes tes ombres, volage & sauvage. « Le duo semble pourtant mortel. », caresses-tu, dans les frémissements d'un sourire, peut-être même d'un rire.

« Évidemment, vous l’avez déjà compris, j’accepte d’accéder à votre désir »  , sa voix dérape & elle t'électrise, te fait crisser, criser. Faussement allumeuse, elle se fait plus charmeuse, plus conquérante puissante que tu ne le penses. « Je suis un homme avec beaucoup de désirs, Susanna. », cales-tu dans un claquement de langue agacé par ta frustration & la tension. Tu ne sais pas si tu chasses & si vous, vous encrassez de ce désir toxique. Tu ne sais pas si l'envie est assez. « Seulement… » , tu clignes des yeux. Seulement, quoi ? Ses pupilles s'écartent des tiennes. Elles te quittent dans un clignement & sa peau rougit, sa respiration se raidit. Tes yeux courent sur l'herbe & tu souris. Ici, c'est une idée. « Je… je sais que ça ne me regarde pas, mais si je dois créer une arme, j’aimerais savoir pour qui elle est destiné. Pouvez-vous faire cela ? Pouvez-vous m’assurer que vous ne comptez pas tuer des innocents, vous faire tyran, avec ma coopération ? » , tu l'observes la nymphe inquiète, fluette. Elle ne sait pas sur quel pied danser. Elle ne sait pas sur quoi s'appuyer, se relever. Malgré les apparences, tu n'as rien d'un prince de contes de fée. T'es qu'un enfoiré.

Un sourire doux & lentement, tu t'avances, la devances. Tes mains caressent ses hanches, sans s'appuyer, sans la garder. Tu apprends ses courbes, le velours de ses formes, la tendresse de ses accords. Tes doigts s'enfoncent, creusent, possèdent & obsèdent. Quel mélodie vas-tu tirer d'elle ? Tu es de ces musiciens doués de ses mains, fait pour presser, terrasser d'un désir vorace, tenace. Tu dévastes d'un souffle, d'un murmure. Tu susurres sur les peaux, tu tires sur les cordes sensibles, sublimes. Tu es de ces amants entêtants & pressants. Passionné, calculé, tu pousses le désir à son paroxysme. Tu pousses les envies. Et tu veux la fouler de tous les amours, de tous les atours. « Voyez-moi comme un serviteur. », lâches-tu d'une voix calme. Tu es le pion habile, peu sensible. Monstre de contrôle, tu te dresses dans toute ta puissance, dans ton manque d'innocence. Tu glisses dans tes serments, dans tes fidélités exacerbées, tranquillisées. On te place. On ne t'efface pas.

Dévoreur d'erreurs, tu te fais l'esclave de ton Roi.
Dévoreur de cœur, tu restes soumis à Son bon vouloir.
Maître incontesté, respecté, tu es Son Ombre, Sa Bouche-Cousue. « Et je ne suis pas le serviteur des tyrans. », tu ne peux pas lui dire trop, mais tu peux lui souffler assez, semer sans laisser les noms te coûter, t’éventrer. Tu as la royauté sur le bout de la langue, au creux de la gorge. « La France ne protège que les plus faibles, n'est-ce pas ? », un sourire, alors que tes lèvres caressent la commissure des lèvres, laissant s'enfuir une passion qui te brûle le ventre. Tu fais des meurtres, des trahisons un crime impardonnables, injustifiables. Tu es celui qui traque les traîtres, les mauvaises bêtes. Tu ne pardonnes pas. Tu ne leur pardonnes pas. « Vous pouvez me croire. », caresses-tu dans les velours de ta voix. Elle n'est pas forcée, elle n'est jamais forcée. Tu n'ordonnes jamais vraiment, jamais totalement. Tu demandes lentement, tranquillement. Rien ne sert d'être pressé. Tout vient à point à qui sait attendre.

Et pourtant le désir se tord, mord. Il enfonce ses canines dans tes pulsions, hurle à la déraison. Il veut tout. Il veut les passions. Et tu sais résister, tu ne sais pas t'abandonner sans savoir, sans prévoir. Tes doigts jonglent, inondent, décrivent sa hanche, avant de la pousser, de la repousser vers le coin d'herbe. « Ou au contraire. », murmures-tu, sombre, t'accrochant à toutes les ombres. Tu peux encore la dévaster, la dévorer. « Vous pouvez m'entendre. », caresses-tu dans le creux de son oreille dans un souffle rauque. D'une main, le tissu remonte, montre la peau pâle. Et puis dans le jeu subtile d'un autre mouvement, tu fais encore remonter le tissu, tu sens encore sous tes doigts sa peau chaude. La nudité te fait vaciller, osciller. Tu tangues, tu valdingues. « Apprendre. », chasses tu dans un baiser sur sa gorge, contrôlant l'envie de la marquer, de la gagner. Et puis tes doigts tombent, chutent à l'intérieur de ses cuisses sur la dentelle fine & féminine. Un grondement s'élève. Par l'amour du roi, elle pourrait te rendre fou. Tu tires en douceur, dans les flammes du désir, sur les bord de tous les supplices, de tous les caprices. Et dans une caresse, tu embrases sa peau. « Me sentir. », claques-tu dans un autre baiser à la commissure, l'allumant dans des incendies indélébiles, puissants, élégants. Tu sens la passion se diluer, s'amarrer, gratter. Tu sens ton cœur déraper, s'envoler. Et puis avant de la mener au bord du vide, avant de la laisser sombrer, tu te retirer, déchirant, pressant. Tes doigts se portent à tes lèvres. Sucré, salé. Elle a le goût de tous les amours, de toutes ses passions, réveillant une cruelle frustration dans la damnation. « Vous connaissez déjà la réponse, Susanna. ». Tu sers ses moindres désirs, ses moindres plaisirs. Et tu ne sais souffrir de ses inquiétudes. Tu la sens céder, s'évaporer. Tu la sens aimée. « Je ne saurai vous laisser sur l’apéritif. ». Et tu veux la déguster, t'enivrer, la posséder. Dans tes yeux clairs dansent des éclairs d'amusement mais laisse traîner l'orage de tout ce qui te ravage.

« Que dites-vous d'un dîner, demain ? ». Le prédateur se lèche les babines, creusant ses appétits, ses interdits. « Pour me faire pardonner. ». Tu n'es même pas désolé. Tu n'es jamais désolé.

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I flinch every time you call me beautiful, because I long ago
promised myself that I would never let another person
dictate how I felt. Everything you say to me throws
my stomach into a chaotic panic nerves bouncing
through my body like ecstasy.
I am trying to stay in control
& You are not helping

Ton cœur se fait lourd dans ta poitrine. Le désir y pèse, l’abstinence de plaisir le presse et voilà qu’il se comprime plus fort contre tes côtes. Un appel au secoure. Un appel à l’amour. Une très mauvaise idée. Tu n’as rien planifié de tel, pas avec un inconnu, aussi beau et charmant puisse-t-il être. Pas avec Lucifer en personne. Qui aurait idée d’aller perdre son âme en échange d’une danse, tu n’as rien d’une Tulipe, tu ne veux pas être arrachée à tes racines de la sorte, quand bien même elles sont à moitiés pourries. Sauf que le diable est doué, le démon sait parler, il sait charmer : « Je suis un homme avec beaucoup de désirs, Susanna. » Un frisson te parcours à cet aveu. Les désirs prennent des allures terribles, charnelles contre ta peau, liquides dans ton centre, des doigts imaginaires se faufilant sur tes cuisses. Non, il ne faut surtout pas et tu t’écartes, dans un son de tissus froissé, le cœur comprimé et le ventre noué. Tu ne dois absolument pas songer aux désirs de Mr.Lenoir, à leur forme, à leur odeur, surtout pas à leur sensation. Ils ne sont pas les tiens, pas ce soir du moins. Tu n’es absolument pas l’une de ces innocentes jouvencelles, à qui on arrache le cœur, à qui l’ont promet de meilleur jour, pour l’abandonner, les poings plein de cendre. Tu t’y refuses et tu te transforme en une proie plus farouche. Évidemment, ce n’est rien pour un chasseur tel que l’homme qui te poursuit, de ses avances, de ses longues jambes, de son parfum entêtant. Mélange de douceur et de mort, celle qui laisse le souffle se briser dans un cri. La douceur n’est jamais qu’un leurre, voilà ce qui se dévoile dans son regard, dans les flammes qui y brillent. Il ne ferait qu’une bouchée de toi. Aussi, tu ne dois pas songer au petit espace paisible que représente le carré d’herbe, tout comme tu dois cesser de rougir. Non, tu redresses le menton, enfant se faisant femme par erreur. Tu cherches à appuyer tes paroles, à lui faire entendre raison, celle de l’esprit et non celle du désir, de ce qui enfle dans le creux de tes reins. Dans les siens aussi ? Évidemment, mais surtout dans ses mains.

Toi qui comptais fuir, dans une gracieuse pirouette, tes pas effaçant votre proximité, tu t’es fait piéger. Il fonce sur toi, comme une trainée de poudre qui menace d’exploser. Les feux d’artifices t’attirent, tu aimerais voir briller leur éclats, toucher les cendres encore chaude, du bout des doigts. Dessiner leur forme dans le ciel. Mais non, tu ne peux pas. Tu n’as pas été élevée ainsi, pas conçue pour ce genre de loisir. Séduire et consommer les fruits défendus, voilà deux activités qui n’ont jamais été à ton agenda. Tu es une Carrow, l’Angleterre rugit dans tes veines : tu n’es pas une femme facile. Malheureusement, les mains de l’homme ne le savent pas. Il te redessine, fait de toi sa sculpture, ajoutant à l’arrondi d’une hanche, t’arrachant un hoquet alors que ses doigts creusent, moulent le creux de l’autre rein. Tes mains trouvent ses avant-bras par automatisme, pour le repousser ou pour le retenir ? Le choix ne t’appartient pas entièrement, pas quand le français recommence à te faire la cour, presque innocemment. « Voyez-moi comme un serviteur. » Évidemment, il est plus facile de le dire que de l’imaginer, parce qu’en ce moment, tu ne vois que ses lèvres bouger, tu n’es consciente que de ses mains sur toi. Tu n’as conscience que de sa chaleur, de sa proximité, de son odeur, de la facilité avec laquelle il peut manier ton corps. Un regret nait alors doucement dans ton ventre : celui de ne pas être Beatrix. De ne pas être de ses femmes qui s’abandonnent, qui en éprouve du plaisir en délaissant toute culpabilité, de ne pas être une jolie poupée qui passe de bras en bras, sans avoir à se soucier de son état. La beauté a raison de tout, les plus belles femmes trouvent toujours un homme pour leur céder leur nom, qu’importe le nombre d’amant elles ont pu avoir. Tu n’es pas comme elles. Mais tu retiens ton souffle, comme elles toutes, devant le terrible diable. « Et je ne suis pas le serviteur des tyrans. La France ne protège que les plus faibles, n'est-ce pas ? » Sa bouche effleure la tienne et tu papillonnes doucement des paupières, tes cils formant de délicate dentelle sur tes joues. Mais tu ne peux pas accepter d’être aussi niaise, aussi facilement ébranlé, même si tu te doutes fortement que dans les jeux de l’amour, Lenoir est passé maitre. Sauf que ta soif d’apprentissage, cette ambition pour le savoir, ne se limite peut-être pas qu’aux livres, aux plantes et aux potions. Non, peut-être que tu veux aussi apprendre à lui résister. À lui faire face. Alors tu ne lui cèdes pas plus qu’un soupire, ainsi que le bout de tes dents, là contre ta lèvre inférieure. Tentée par le mal. Tentée par le bien qu’il pourrait te faire.

« Vous pouvez me croire. » Cette fois, tu souris, avec quelque chose d’un peu niais. La honte passe doucement sur toi, mais elle ne trouve pas de prise, parce que derrière cet air un peu candide, trop bien heureuse d’être tout près de lui, une pointe d’amusement se dessine. « Sauf votre respect, Mr.Lenoir… je doute que vous faire confiance, aussi vite, et… » tu t’humectes les lèvres, sans aucune malice. Ce n’est pas là une tentative de séduction, seulement le tract qui parle, parce qu’il t’intimide. « … alors que nous sommes seuls, soit une très bonne idée. » Voilà de quoi te consoler plus tard, d’avoir fait une proie aussi facile. Bien trop heureuse de gambader devant le loup, gracile et fragile créature, insouciante. Mais n’est-ce pas là de la provocation ? À force de trotter à ses côtés, comme si tu contrôlais quoi que ce soit, tu as poussé le vice plus loin. Trop loin. Jusque sur ce carré d’herbe, où il te renverse avec adresse, un seul petit hoquet de stupeur quittant tes lèvres. « Ou au contraire » murmure le monstre, si séduisant, si charmant, bien trop près de toi. Sa main trouve le jupon de ta robe et tu commences à haleter, ses lèvres trouvant ton oreille, vicieuse créature : « Vous pouvez m'entendre. » Sa voix est tellement rauque qu’elle t’écorche les tympans, qu’elle se faufile le long de ta gorge, traitresse, pour s’enfoncer dans ton ventre. Ses doigts tirent, relèvent et tu échappes un petit gémissement, une main tremblante trouvant le pan de ta robe, dans une vaine tentative de la rabattre sur tes cuisses, que déjà il gagne. « Mr.Len- » L’incube est plus fort que toi, plus persuasif et tu n’as pas même le temps, ni l’envie en fin de compte, de souffler son nom, de le ramener à la raison, celle qui vous faisaient tenir sur vos deux pieds, qu’il caresse ta cuisse. Or, on ne t’a pas touché ainsi depuis des années. Pas depuis Marcus Flint. Tu avais presque oublié combien tu aimais la sensation des doigts masculins sur ta peau, combien la chaleur d’un autre être est attirante, mais surtout, tu avais oublié tes propres appétits. Cette gourmandise que le fils Flint à niché en toi, une faim qu’il t’a légué et qui te pousse presque à écarter les cuisses. À t’offrir en pâture, amante assassinée sous les amours, sacrifiés au nom du désir. Sauf qu’il ne s’agit pas de Marcus, pas de l’un de vos jeux amoureux. Alors tu cherches à te redresser, en vain. L’envie te repousse contre le sol, enfonce même tes pieds dans l’herbe, alors que tu combats l’envie d’ouvrir les jambes, d’aider le bel homme qui se joue de toi.

« Apprendre. » Ce n’est pas tant le mot qui t’arracher un nouveau spasme, du désir qui joue sous ta peau, une envie douloureuse de t’abandonner. C’est la façon dont il le fait, ses lèvres parcourant ta gorge, que tu offres bien malgré toi. Tu ne respires plus, pas réellement, non, tu es en apnée. Il t’enfonce avec lui dans les eaux chaudes du vice, des erreurs délicieuses. Comme ses doigts, qui coulent contre toi, qui créer des remous. Tes cuisses s’écartent par réflexes, un peu, assez pour que les caresses soient plus appuyées. Il créer des ondes sur la surface délicate de tes désirs, jusqu’à troubler ta raison, te compliquant la tâche quand il s’agit de discerner le bien du mal. Tu veux apprendre, tu as soif de connaissance, faim de lui, de ses doigts qui se pressent à toi, qui s’enfonçant dans les chaires sensibles. Tu brûles doucement sous ses doigts, un gémissement dans la voix, les paupières lourdes mais obstinément ouverte. Tu veux assister à ta chute, tu veux apercevoir la mort, sublime entité qui n’a de cesse de te relancer en faufilant sa douceur sous tes dentelles. « Me sentir. » Il ne ment pas, parce qu’il n’existe plus que ça : la sensation. Ton ventre se creuse, ta poitrine se soulève presque en tremblant et tu te mords la lèvre inférieure alors qu’il te baise le coin de la bouche. Alors qu’il te baise avec ses doigts, les enfonçant en toi, sans que tu n’y prennes garde, sans que tu n’en prennes ombrage. Tu n’as pas la sensation d’être forcée à quoi que ce soit, au contraire, ton corps s’offre à lui, terrible traitre qui n’a que faire de ton éducation et de ta personne. Il a seulement envie de lui, de ses doigts qui caressent, qui pressent, qui vont et viennes en toi, jusqu’à te gonfler le ventre de plaisir, jusqu’à arracher un tremblement à ta jambe gauche. Quelque part, tout au fond de toi, tu sens la raison sursauter, chercher à te secouer. Jamais tu ne t’es conduis ainsi, jamais tu n’as laissé un inconnu t’imposer ce genre de chose, jamais on ne t’a touché avec autant d’adresse. Tu halètes, ta vue se trouble et un gémissement t’échappe à moitié, ta gorge le retenant alors que tu l’embrasses presque. Une poignée d’herbe dans une main, l’autre se cramponne au jupon de ta robe, les genoux tremblant alors que tu rejettes doucement la tête vers l’arrière. Mais tout s’estompe avant que tu ne puisses soupirer, le bel assassin a décidé de te laisser la vie sauve, une existence pleine de honte oui, parce que la raison revient en même temps que ses doigts te quittent.

Tu retiens avec peine une supplication, celle ayant possiblement le pouvoir de le ramener tout près, de l’enfoncer en toi, là où tu te fais douce et à la fois sauvage. Mais il est trop tard et déjà le rouge se propage sur ta personne. Depuis tes pommettes à ta poitrine, tu rougis comme un fruit délicat, femme à dévorer, femme choquée par son propre comportement. Et c’est bien pire quand tu vois les doigts du français disparaitre entre ses lèvres. Tu sens ton visage chauffer, tu sens le rouge se répandre jusque sur tes épaules, te draper tout le corps. Même ton ventre n’y échappe pas, tu en es presque certaine. Alors tu rabats le jupon sur tes cuisses, honteuse et cherchant à échapper au spectacle des doigts qu’il suce tout naturellement. Peut-être est-ce que son comportement est normal ici, mais pour toi, petite anglaise s’étant toujours cru prude, il se montre terriblement entreprenant. Dangereux. Tu n’aurais pas dû lui faire confiance ! Tu ne devrais pas non plus croiser son regard, parce que tu ne sais plus le quitter, tant il est magnétique. Si sûr de lui. Si séduisant. Prédateur de la langue aux doigts, des mots assassins, des suggestions indécentes. Il est bel et bien le mal. « Vous connaissez déjà la réponse, Susanna. » Il ment. Tu ne sais même plus quelle était la question, tu ne sais plus rien. Sinon qu’il t’a jeté un sort, sinon qu’il est bien plus venimeux qu’il ne le semblait et que même ta propre impression d’être vénéneuse n’est pas à la hauteur de ses poisons. Intoxiquée, tu te contentes de secouer doucement la tête. Non, tu ne connais pas la réponse, mais peut-être est-ce que c’est mieux ainsi. « Je ne saurai vous laisser sur l’apéritif. » Quelque chose se soulève en toi à sa plaisanterie, à sa remarque qui prends des accents cruelles au sein de ta personne. Se moque-t-il de toi ? Il ne serait pas le premier à le tenter, mais possiblement le seul à avoir sincèrement réussit jusqu’ici. La honte s’enfonce plus loin en toi, écartant les vestiges du plaisir, écrasant le désir, pour plutôt réveiller la colère. L’indignation. Alors ta main abandonne l’herbe et la gifle part, se fracassant contre sa joue dans un son magistral, dans un son qui suit à la perfection ta respiration. La honte te submerge, s’emmêle dans tes cheveux, alors que la douleur ramène la colère en toi, dans tes poings et dans tes yeux. Tes sourcils s’enfoncent doucement sur tes yeux, tu n’as plus rien d’une biche égarée, d’une proie à dévorée. Tu te fais chatte, toute griffe sortie, le regard flamboyant et la bouche dans une moue vexée. « Je ne vous permets absolument pas ! » De quoi ? Le message n’est pas clair, mais tu te débats pour te redresser, pour t’écarter de lui, pour échapper à son charme dévastateur. Et tu y parviens, tant bien que mal, mais tu te redresses sur tes pieds, le corps pulsant encore les rythmes de la passion. Le cœur chaviré.

Derrière toi, sa voix te parvient, encore plus charmante, doucereuse. Terrible créature du mal, qui veut t’arracher ton âme. Lui qui a fait de toi une Rose Latulipe moderne, déracinée, sous le choc. « Que dites-vous d'un dîner, demain ? » Tu te retournes aussitôt, sous le choc, outrée quelque part, toujours sous son pouvoir. Le corps en diapason avec ses envies toutes masculines. « Pardon ? » Tu ne comprends pas, pourquoi t’inviter à dîner maintenant ? Il a eu ce qu’il désirait, n’est-ce pas ? Il s’est bien moqué, à te voir croire qu’un homme tel que lui, de son expérience, de son charme, voudrait d’une fille telle que toi. N’en as-t-il pas suffisamment eut ? N’en a-t-il pas assez fait ? Non. Il te sourit et insiste, comme si c’était tout naturel, comme si tu avais tort. « Pour me faire pardonner. » Peut-être que tu pourrais le croire, s’il ne semblait pas aussi à l’aise avec ce qu’il vient de faire, s’il n’avait pas sucer ses doigts avec cette lueur dans le regard. Peut-être que s’il était désolé, tu saurais quoi lui répondre, quoi faire. Mais ce n’est pas le cas, alors tu fronces délicatement les sourcils à nouveau, les doigts accrochés à ta robe, remettant de l’ordre dans les jupons. « Et de quoi, plus précisément, Mr.Lenoir ? De m’avoir entrainée à l’écart pour rire de ma bêtise ? Pour profiter de mon inexpérience et en faire une anecdote amusante pour vos amis anglais ? » Si tu lui tiens tête, petite fille au sang trop précieux pour t’incliner, trop en colère contre une vague figure paternelle, tes yeux n’en sont pas moins humides. La honte, la colère et la douleur s’allient pour te mouiller les yeux, quand bien même tu refuses d’abandonner quelques perles de douleur humide. Ta voix s’effrite doucement le long de ta gorge alors qu’elle se jette sur lui, « vous n’êtes pas même désolé. » C’est une accusation, pitoyable soit, mais tout de même. Tu bats doucement des cils, pour repousser l’envie de pleurer, cette impression d’être faible et déjà tu te mets en route de la sortie. « Si vous étiez sérieux pour le poison, contentez-vous de venir demain, tôt ! Et apportez de quoi vous faire pardonner, votre misogynie et vous ! » Tu es dur, mais c’est là ton unique droit alors que tu retires tes chaussures et t’enfuis, pareille à une cendrillon moderne. Moins écervelée que lorsque tu es entrée dans la serre, un peu plus méfiante des hommes et de leur pouvoir. Tu t’enfuis, pieds nus, comme une nymphe, vague apparition blessée et dont le corps se brouille déjà à travers la végétation. Demain, tout ira mieux. Demain tu pourras te pardonner. Demain tu sauras le recevoir avec tout le professionnalisme dont tu es capable, mais tu ne le laisseras pas t’écarter des autres, tu ne le laisseras plus t’isolé pour se moquer de toi.
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