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lazarus & alecto
the seed is strong

Besoin de m'entretenir avec toi d'urgence. (Ton frère Lazarus)

Un misérable bout de parchemin expédié à la hâte de la part de son frère aîné. Six mots seulement. Amusant de voir à quel point il ne changeait pas ses vieilles habitudes envers elle, même malade. C'était certainement la cinquième - ou sixième, elle ne se souvenait plus vraiment - lettre que Lazarus écrivait à Alecto. La première datait de l'époque où on avait appris à Alecto l'art banal de rédiger un courrier et sa mère l'avait sommé d'écrire son premier exemplaire à Lazarus, qui étudiait à Poudlard en cette période. Il lui avait répondu par courtoisie, peut-être dans le but de ne pas la faire pleurer et de s'attiser les foudres de leur mère. La seconde lui avait annoncé la mort de leur père, la troisième de leur mère et la quatrième à lui confirmer qu'elle épouserait bien Regulus Black, conformément au souhait de leur défunt géniteur. Ceci n'était pas à l'état de rumeur : Lazarus ne s'était jamais spécialement entiché d'Amycus et Alecto, favorisant le caractère plus tempéré et moins étrange du benjamin. Amycus, Amyco, Alecto, Alectus, l'aîné de la fratrie ne s'embêtait plus à faire la différence entre les quatre. Lazarus ne s'emmerdait pas plus à se montrer gentil ou poli envers le duo maléfique de la maisonnée Carrow. Leurs échanges étaient ponctués de phrases similaires à des aboiements, une liste incalculable de reproches, voir même des objets lancés à la figure à chaque fois qu'Alecto perdait les pédales. Ils ne s'aimaient pas, n'hésitaient pas à s'expédier des oeillades plus sournoises qu'un Lucifer dans les soirées mondaines où ils avaient pour point commun de se foutre les mondanités là où il fallait. Un goût similaire pour la décadence et cette manière de ne pas suivre les convenances... même si Alecto avait largement dépassé les limites de Lazarus. « Hé, moi je ne me tape pas Tibérius, au moins. » s'était-il permis de lâcher lors d'une de leurs fréquentes disputes, faisant ostentatoirement allusion au couple interdit que formait Alecto avec Amycus.

Malgré ces détails croustillants et quasi haineux, Lazarus restait son frère de sang. Il n'y avait rien de plus important que le sang, répétait sans cesse leur père au court des repas qu'ils avaient jadis partagé. Gene avait insisté pour que ses enfants soient unis, quoiqu'il advienne. Différents ou pas, ils avaient pour ordre de se soutenir. Si c'était urgent, elle était de là partie. A l'instant où sa main s'apprêtait à expédier la missive en plein milieu du feu qui ronronnait dans l'âtre de la cheminée, Amycus lui déroba le parchemin. « Besoin de m'entretenir d'urgence avec toi. (Ton frère Lazarus) » lut-il à haute voix, prenant soin de détacher chaque syllabe dans le but ultime d'enrager sa soeur et amante encore plus qu'elle ne l'était en temps habituel. Le problème était qu'elle avait pris l'habitude de voir Amycus lire ses lettres à chaque fois qu'il était dans les parages. La notion de vie privée lui était inconnue lorsqu'il s'agissait d'Alecto, tellement qu'elle avait avec les années appris à l'ignorer avec la plus grande des superbes lorsqu'il se montrait envahissant. « Je ne vois pas pourquoi ce serait avec toi. » lança-t-il avec une méchanceté non-dissimulée. Elle soupira, l'ignorant tel un nuisible et s'enveloppant dans une cape noire qu'elle ferma à l'aide d'une broche or représentant un serpent incrusté de rubis. Ce taux d'ignorance eut raison des nerfs d'Amycus, qui s'empara de son poignet avec force, l'incitant à se tourner vers lui. Leurs iris, sombres et similaires, s'affrontèrent. « Parce qu'il lui faut moins stupide que toi. » Se dégageant avec violence, elle en profita pour transplaner, laissant Amycus plus pantois qu'hier.

L'Irlande en pleine nuit, dans toute sa splendeur. Gene affectionnait de les y emmener chaque été, auparavant : Harrisgun Court. Pour sa part, cela semblait faire des lustres qu'elle n'y avait plus remis les pieds. Le sentiment d'y promener sa descendance, de couler quelques semaines calmes sous le soleil en compagnie d'un mari, étaient des concepts qu'Alecto n'avait pas eu le loisir de rencontrer au cours de son existence. Leur propriété estivale était dans un état intact, ressemblant point pour point à ce qu'elle avait été lorsqu'Alecto n'était qu'une fillette. Ses pas foulèrent l'herbe du jardin avec hésitation, presque comme si elle craignait qu'en y allant trop fort, elle risquait de replonger dans son enfance. Elle poussa la porte d'entrée de ses mains et simultanément, un crac sonore retentit dans le hall. L'antique elfe de maison était apparu, l'observant avec curiosité durant une fraction de seconde avant de s'évaporer de nouveau. Cet elfe ne parlait-il donc plus ? La réponse lui fut fournie sans qu'elle n'eut besoin d'insister ou de se poser plus de questions. « Mrs Carrow est là, maître ! » entendit-elle croasser à l'étage supérieur. A l'heure actuelle, Mrs Carrow ne pouvait qu'être Alecto lorsqu'on savait que les elfes de maisons appartenant à la famille persistaient à appeler les épouses d'un homme Carrow par leurs noms de jeunes filles. Alecto n'était pas mariée, mais la désignation de Miss aurait sonné malpropre sur une femme de quarante-et-un ans. Ses pieds la menèrent directement au salon du rez-de-chaussée, où elle se servit une coupe de vin à son aise avant de s'installer sur un des fauteuils en cuir. Ostentatoire comme à son habitude, la sorcière fit mine d'observer les détails du plafond tout en laissant les doigts de sa main libre pianoter à toute vitesse sur la petite table la plus proche. Ne me fais pas attendre plus longtemps, Laz.
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« Est-ce que ce n’était pas dur de t’aimer ? Est-ce que je n’ai pas essayé ? » Elle était furieuse, et ça se voyait. Lazarus ne s’attendait pas à gagner la partie facilement, pas avec Delilah, il n’espérait pas lui annoncer qu’il avait programmé la mort de leur fils et tant qu’il était un divorce assorti d’une réputation sans une réaction acide. Mauvaise. Mais pas hystérique. . Lazarus était un salaud et il avait annoncé de but en blanc ce qu’il comptait faire, avec une franchise affligeante d’indifférence, à sa femme. Future ex-femme. Terme libérateur s’il en était. Il pensait que Delilah, raisonnable, bonne mère, bonne épouse, se conterait des sarcasmes habituels face à une décision, somme toute logique. « Comment oses-tu faire ça ? A moi ! A ton propre fils ! Tu es fou, tu es devenu complètement fou !
-Et qu’est-ce que tu veux que je fasse d’autre ? Tu peux m’expliquer ce que je suis sensé faire, hein, espèce d’hystérique ! Il a ordonné le putain de viol de sa propre sœur ! Ma fille ! Il n’avait aucune foutue raison de faire ça, ce n’est rien qu’un putain d’animal, Delilah ! Il le mérite ! Ca se trouve, c’est à cause de lui que je suis malade, c’est sans doute lui qui m’empoisonne depuis le début. » Il se doutait que Delilah était au courant ; Susanna n’aurait peut-être jamais fait ce genre de choses sans l’appui de sa mère. Et il plaçait Delilah dans une sale situation : elle ne pouvait pas sauver Ulysse sans dénoncer Susanna. Et des deux, Lazarus était bien décidé à sauver celle qui avait le plus d’audace. « Je le sais. Ca ne peut être que lui. On ne dépasse pas les bornes avec moi, ou on meurt. On n’empoisonne pas un mangemort, ou on meurt. Il m’a trahi moi, il a trahi sa famille, il a sans doute trahi le Seigneur des Ténèbres !
-Il s’excusera ! Il fera tout ce que tu voudras, je t’en prie, Lazarus, pour une fois dans ta vie, fais preuve de pitié !
-La pitié, c’est pour les faibles, Delilah. » Elle était en larmes, et en colère, jonglant avec la haine et l’imploration. Une excellente mère, vraiment, mais rien de tout cela ne comptait pour lui. Il dirigeait, il était le chef, il reprenait le pouvoir, peu à peu, pas à pas, sur cette situation et cette famille qui n’auraient jamais dues lui échapper. « Suicide-toi avec lui si tu tiens tant à rejoindre le taré qui te sert de fils. En ce qui me concerne, ma décision est prise et tu sais que l’ensemble des gens qui comptent dans cette famille m’approuveront. Et, quant à toi, je t’ordonne de ne plus jamais remettre les pieds ici, ni à Londres, ni à Herpo Creek – tu peux aller où tu veux, chez Susanna ou chez ta sœur, mais pas chez moi. Tu n’es plus ma femme. Nous divorçons. Je te répudie. Nos avocats verrons ça ensemble. Sois raisonnable. Tu sais que c’est la meilleure solution. Tu n’es pas une Carrow, tu ne l’as jamais été. Et tu ne le seras jamais plus. Vois le bon coté des choses, tu es libre, et moi aussi – ça nous arrange, tous les deux, non ? »

Il avait pris un ton froid, mécanique, sans chaleur, le même ton qu’il aurait pris pour lire un document juridique, précis et sec. Lazarus n’éprouvait plus – si tant est qu’il eut jamais éprouvé, la moindre émotion pour Delilah Slughorn. Il l’avait épousé conformément à la volonté de son père, sa volonté lui commandait de l’envoyer au diable.
«Etre raisonnable ? » Elle le gifla de toutes ses forces, ne supportant pas ses sarcasmes. « Comment ose-tu, comment oses-tu, COMMENT OSES-TU ?!
-Arrête, Delilah, arrête ça, arrête, arrête, ARRETE ! » Il l’attrapa à bras le corps pour l’empêcher de le frapper et la repoussa : elle manqua de tomber. « Vas-t-en. Il est grand temps.
-Tu…
-Mrs Carrow est là, maître ! »

Sauvé par le gong, et un elfe de maison. Il n’avait plus de rebut depuis la mort de Liam. Son fils. Il manifestait également une certaine indifférence pour la mort d’Ulysse, programmée, prête, inélectutable, car il avait déjà perdu un enfant. Et ça faisait mal. Delilah le regarda une dernière fois d’un air furibond avant de s’en aller en claquant les portes. Il la suivit plus lentement, et descendit au salon, où l’attendait Alecto, sa sœur. Il s’assit en face d’elle.

« Navré du retard. La vie de couple, tu sais ce que c’est. » Et il le disait à dessein, en plus et il en était content. « Enfin, la mienne s’arrête. Je divorce. » Il laissa l’annonce faire son effet. Autant que son apparence. Plus maigre, mais guéri, les joues creusées, l’air plus tordu que jamais. On voyait la ressemblance chez les frères et sœurs Carrow. Elle existait indubitablement. Lazarus n’était pas mort, il avait survécu, il allait même bien. D’ailleurs il était plus près que jamais à faire la peau à ceux qui l’emmerdaient. Il ignorait si Alecto apprécierait les nouvelles qu’il annonçait au fur et à mesure. Il sourit. « Bon, nous allons prendre un verre ensemble, et je vais fumer un cigare. Que les médicomages aillent se faire foutre, eux et leurs conseils.» Il alluma effectivement un cigare et leva son verre pour trinquer. « Je vais revenir en Angleterre, début aout, mon absence n’a que trop duré. Comment est l’ambiance, là-bas ? Tu as réussi à détrôner Bellatrix dans le genre folle sanglante, ou pas encore ? » Il sourit. La moquerie faisait partie de leur relation tout autant que la loyauté. Laz n’avait jamais manqué d’être là quand ses frères et sœurs avaient besoin de lui. Il ajouta. « Sinon, chère sœur, j’ai le nom du bourreau de Susanna, et toi et moi, on va lui faire payer ça. »
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Une troisième gorgée de vin et voilà sa belle-soeur qui dégringolait les escaliers en direction de la sortie. Delilah Slughorn - le nom de Carrow ne convenait pas à cette pimbêche - ralentit le pas lorsqu'elle découvrit une Alecto confortablement assise sur un fauteuil du salon, avant de détaler comme si Alecto n'était qu'une vulgaire chose qui ne méritait pas un salut. Les relations entre elles n'avaient jamais été bonnes. Toute jeune épouse à l'époque, on avait jeté Delilah dans une fosse aux loups. Trois hommes contre elle et dans ce lot, seulement une seule autre femme : Alecto. Delilah avait tenté de s'en faire une alliée, jusqu'à qu'elle en tire la conclusion que sa petite belle-soeur était à la hauteur de sa réputation ainsi que de celle de sa noire famille. Alecto ne s'intéressait pas à Delilah, la considérant comme une poule pondeuse et une Slughorn. Cette donzelle n'était pas une Carrow et les fois où elles avaient discuté en toute maturité étaient en l'honneur de la présence d'Ulysse et Susanna. S'il y avait des qualités qu'on pouvait reconnaître chez Alecto, c'était sa loyauté indéfectible envers son propre sang et l'affection sincère qu'elle éprouvait pour ses neveux. Enfin, ce n'était pas une légende : Susanna était sa favorite. Le seul chef d'oeuvre vivant de Delilah.

Peu de temps après que Delilah eut claqué la porte, ce fut au tour de Lazarus de faire une apparition plus lente. Ce n'est pas trop tôt, pesta-t-elle intérieurement. Elle le détailla d'une rapide observation. Son aîné allait beaucoup mieux que le dernier soir où il avait passé son temps à geindre au manoir de Londres. Il n'était pas au meilleur de sa forme non plus. Alecto constata sa perte de poids, ne pouvant s'empêcher de penser que les dieux ne le gâtaient pas. Lazarus avait toujours été moins énergique et joli garçon qu'Amycus - on ne peut pas tout avoir dans la vie, disait leur mère - et la maladie en avait rajouté une couche. « Navré du retard. La vie de couple, tu sais ce que c’est. » Alecto arqua un sourcil, piquée au vif pour elle ne savait quelle raison. Parce que cet abominable singe sait, il l'a toujours su. Elle ouvrit la bouche, s'apprêtant à répliquer avant que Lazarus ne lui coupe la parole. « Enfin, la mienne s’arrête. Je divorce. » La nouvelle eut l'effet d'une douche froide. Non pas que ça l'attristait, c'était plutôt qu'elle ne s'y attendait pas. Le divorce n'était pas courant chez les sorciers. Les hommes préféraient largement se trouver des maîtresses au lieu de se fatiguer à entamer une procédure de divorce. A ce niveau, peut-être que Lazarus avait fait le tour. Une Vélane d'amante qui avait donné à son frère une bâtarde. Puis les autres, sûrement. « Bien, ça fera moins de dépense dans nos coffres. » Ce fut la seule réponse qui lui vint en tête. Les économies. C'était dans le domaine d'Alecto, ça. Delilah avait la fâcheuse tendance à piocher dans la fortune des Carrow au lieu de la sienne. Geste naturel, mais qu'Alecto n'approuvait pas dans la mesure où elles se détestaient cordialement. « Bon, nous allons prendre un verre ensemble, et je vais fumer un cigare. Que les médicomages aillent se faire foutre, eux et leurs conseils. » De toute évidence, les avis médicaux n'illuminaient pas les yeux de leur famille depuis longtemps. Ils ne tenaient pas grandement à leurs vies, suicidaires pour la plupart, n'attendant que le jour du jugement dernier dans l'espérance de peupler les Sept Enfers.

Une bouffée de cigare pour Lazarus, un trinquement pour les deux Carrow. « Je vais revenir en Angleterre, début août, mon absence n’a que trop duré. Comment est l’ambiance, là-bas ? Tu as réussi à détrôner Bellatrix dans le genre folle sanglante, ou pas encore ? » Ton absence peut continuer, tu sais. Une absence réjouissante dans la mesure où Alecto ressentait moins cette amertume à chaque fois que ses iris se posaient sur la silhouette irrégulière de Laz : celle de ne pas être assez "qualifiée" selon Lazarus pour avoir de grandes responsabilités. Il répétait sans cesse qu'Amycus et Alecto n'étaient pas les têtes pensantes de la fratrie, qu'ils en étaient plutôt les armes, point barre. C'était frustrant, de voir Tibérius tenir les rênes pendant que Lazarus agonisait (des rumeurs, il était plus fort que ça). Si elle devait dire la vérité, Tib s'acquittait très bien de ses tâches. La pique sur Bellatrix fit doucement rire Alecto. Une sorte de rivalité régnait entre elles pour les Mangemorts. Ils ne voyaient que les dessus de la relation. Bella avait été son mentor, Alec ne la surpasserait pas en tant que légende dans leurs rangs. Mais la confiance du lord était grandissante envers Alecto. Elle n'avait pas la folie de Bellatrix et donc, conservait ses esprits. C'était une garantie plus rassurante que les excès de la Lestrange. « L'ambiance est bonne, sans te mentir. Tibérius fait du bon boulot et quant à Bella, on me la laisse. » Elle but de nouveau une gorgée de vin, un sourire presque rêveur sur ses lèvres rouges. Alecto fixait attentivement Lazarus. Il ne l'avait pas convoqué pour parler de la pluie et du beau temps. Arrête de causer et viens aux faits. « Sinon, chère sœur, j’ai le nom du bourreau de Susanna, et toi et moi, on va lui faire payer ça. » Sa coupe encore dans sa main, Alecto se pencha subitement vers Lazarus, aux aguets. Sauf que le suspens était de mise. Il s'en délectait, du suspens, ce cher Laz. Susanna était au beau milieu d'une affaire louche. Agressée puis apparemment captive, laissée pour morte. Bref, toute une histoire qu'Alecto n'avait pas saisi dans les détails dans la mesure où elle était persuadée que sa nièce ne disait pas toute la vérité et qu'il y avait un changement étrange qu'elle ne saisissait toujours pas. Ce revirement de situation, Alecto ne le découvrait pas parce qu'elle craignait la vraie version des faits. Elle ne voulait pas être blessée et perdre l'estime qu'elle avait pour Sue, se refusant néanmoins de l'avouer à quiconque. « Dis-moi l'identité du salaud ou de la salope, que je le coupe en morceaux pour le servir aux chiens. » cracha-t-elle avec véhémence.

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Ils ne s'aimaient pas. C'étaient ce que suggéraient les apparences. C'était presque la réalité, même, Lazarus lui-même était enclin à le croire. Alecto et lui avaient en commun l'intelligence – pas celle de Tibérius, c'était quelque chose de plus sombre, de plus dur, quelque chose de fondamentalement malveillant. Et c'était peut-être ce qui les poussaient, depuis l'enfance, à s'écharper. Lazarus et Amycus étaient aussi opposés que l'eau et le feu sur le plan du physique et du mental, ne se retrouvant que sur la cruauté, mais l'ainé des Carrow et sa sœur cadette se ressemblaient sur le plan du caractère, ce qui était le plus difficile à nier, et surtout le plus problématique à gérer. Il ne la haissait pas. Il ne détestait pas non plus Amycus. Ils étaient justes problématiques.

C'était déjà beaucoup pour Lazarus, qui avait trucidé des gens pour beaucoup moins que ça. Mais il n'était pas mécontent que Alecto soit là. Elle, et pas les autres, il ne voulait pas de pitié, il détestait la pitié, c'était pour les faibles, et il refusait d'être faible. Il se doutait que ça ne lui faisait pas plaisir de venir le voir, mais tant pis, elle n'avait pas le choix, et puis de toute façon, il avait besoin d'elle alors elle n'avait pas à discuter. C'était toujours comme ça : il ordonnait, les autres faisaient, et cette logique là venait implacablement de l'histoire familiale. Il était le chef, point barre. La mégalomanie de Lazarus ne faisait au final qu'accentuer un peu plus le phénomène.  

Il jaugea la réaction de sa sœur à l'aulne de toutes celles qu'il devrait affronter lorsqu'il annoncerait publiquement qu'il divorçait. Ca ne lui plaisait pas, parce que ça ne se faisait pas. Quelque chose du genre. Eh bien lui, il faisait. Toujours, il osait. C'était le credo de Lazarus. Il sourit cependant à ce que lui dit Alecto. « C'est tout ? Mon dieu, je m'attendais à un discours moralisateur sur le fait qu'il en va de l'honneur de la famille, que ça ne se fait pas. » Mais si, ça se fait. Les superstitions ? Allons donc, l'oncle Ekkehardt, avec ses quatre divorces, se portait très bien, il n'y aurait aucun problème. « Enfin, je préfère que tu le prenne comme ça, c'est plus facile. » Il fronça les sourcils. « C'est nécessaire. Je n'ai pas le choix. » Il sourit, très amusé par avance de ce qu'il allait dire : « Ce qui inclut que je vais devoir me remarier. Je ne peux pas rester célibataire. Ca, ça ferait vraiment mauvais genre. » Il lança mine de rien : « Hm, je ne te demande pas de jouer les conseillères matrimonales, ça ne t'irait pas, je crois. »

Ils en vinrent aux choses vraiment sérieuses. Son retour, et puis Ulysse, après. « Ca aussi, je n'ai pas le choix. Je dois revenir. Vous ne manquez pas, mais j'ai du travail. » Beaucoup de travail. Rétablir l'ordre, reprendre le pouvoir sur sa propre famille, se réconcilier avec ses enfants – ceux qui resteraient, ceux qui ne mourraient pas, ceux qu'il n'allait pas executer. Et il fallait qu'il lui dise, qu'il explique. Pas la vérité, mais ce qu'ils auraient besoin d'entendre. Le bon côté d'Alecto, c'est qu'elle ne poserait pas de questions, elle le suivrait, toujours. « Je savais que je pouvais compter sur toi. Merci. » Il n'était pas dans ses habitudes d'être reconnaissant, cette fois il l'était cependant. Il ne pouvait pas faire ça tout seul. Tuer n'était pas un problème. Tuer son fils, le second, le dernier, l'héritier, malgré toute la colère qu'il avait, était difficile. Il n'avait pas besoin qu'on l'aide, juste d'un témoin qui l'oblige à ne pas reculer. Il regarda un instant dans le vague le feu qui brulait et balança le reste de son verre dedans. L'âtre brilla un peu plus, comme sa colère qui allait crescendo. « Ulysse. Ce gosse est devenu dingue, comme sa mère. C'est elle qui a du l'influence, mais je ne peux pas le prouver – et peu importe, elle, il suffit de l'éloigner, lui, il est dangereux. Je pense que c'est lui qui m'a empoisonné. Susanna a du le découvrir, ou alors elle le gênait, comme elle a perdu la mémoire, on n'en saura jamais rien et à vrai dire je m'en fous. Je veux voir cette petite ordure morte à mes pieds. Il m'a trahi. Il nous a trahi. » On ne s'en prend pas à son père. On ne s'en prend pas à sa sœur. On s'en prend au monde entier, mais pas à la famille. Telle était la règle, absolue, inattaquable, de la famille Carrow. Même s'il y avait des différents, jamais cela n'allait plus loin que des piques acerbes. La haine restait rentré en dedans, et on servait la famille, avec loyauté. Toujours. « Nous avons toujours été solidaires. Celui qui refuse de respecter le principe en paye le prix. »

Il marqua une pause méditative, puis continua. Il fallait parler des conséquences. « C'est pour ça que je veux divorcer. Delilah ne m'a donné qu'un fils dégénéré et je n'ai plus d'héritiers avec elle. Et elle finira elle aussi par devenir dangereuse. Elle n'a jamais eu la mentalité nécessaire pour s'adapter à notre famille. » Ce qui était parfaitement vrai, il ne mentait pas sur ce point là. En fait, toute l'histoire était cohérente. « Bien sur, pour Ulysse, personne ne saura rien. L'oncle Ekkehardt est au courant, mais c'est tout. Je ne veux pas de débordements, je ne veux pas de rumeurs, je veux quelque chose de propre. Officiellement, les insurgés l'auront descendu. Personne n'a besoin de savoir ça. Ca ne les regarde pas. »

C'est familial. C'est une exécution. Ça resterait entre eux.


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