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sujet; It's odd how something so dark can be so beautiful || Bonnie & Aksel

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Cruel World
Forgive me for all I have done and all I must do


   
Esquisse d'un paysage qui défile sans jamais s’arrêter, fuite en avant qui défie les regards et masque les derniers regrets. Poids aux pieds qui se traînent dans une course effrénée, et de ces mains liés par un funeste destin qui retire à tout un chacun les moyens d'exister. Il n'est plus rien alors en ces forêts verdoyantes que les restant d'une existence passée et fourmillante, rien d'autre que le spectre d'une vie désormais fauchée et défrichée. Morte. Ne tient alors l'existence qu'aux tendons décharnés de ces corps tuméfiés, disloqués, éclatés sous les pensées bienheureuses du temps jadis et de ce qui peut encore advenir. Utopie d'un monde en friche qui ne demande qu'à être extirpé de cette curieuse dystopie dont on le rend prisonnier. Guerre et fracas sont désormais les premiers maux de ces autres, violence et mort en seront leurs derniers mots susurrés. Caresse cruelle de la fatalité, gifle des branches qui marque à jamais les chairs d'une fuite délibérée. Ils courent, ils courent les fuyards. Les fuyards au cœurs désœuvrés.

Pourtant, dans tout cela, il en était encore pour s'en amuser. Ils buvaient au calice du désespoir, se nourrissaient à la mamelle de l'infamie, et embaumaient tout autant le vice que le manque de retenu. Parés des artifices du charme et de l'innocence, rien en eux ne semblait trahir ce qui les avait mené jusqu'à ces champs de batailles encore à deviner. Envoûtés par les délices du jeu et séduit par la flagornerie de la tromperie, ils se laissaient ainsi bercer par les douces illusions qu'apportait le chaos dans son macabre sillage. Ombre des ombres des grands hommes, ils étaient à n'en pas manquer les plus machiavéliques pantins du destin, enfant aux affres maladifs d'une tourmente qu'ils assenaient avec joyeuseté. Éclats de rires malsains qui ponctuaient chacune de leurs actions, tandis qu'ils revêtaient les habits de ces Nornes d'antan pour mieux découper les quelques ficelles qui maintenaient, encore, quelques fragiles destinées.

De ceux-là il en était. Loup parmi les agneaux, serpents de vices tout revêtu de ces vertus ineffables que tout un chacun, pourtant, s'accordaient à lui offrir. Curieux personnage qui avait emprunté un chemin qu'on ne lui aurait deviné, et dont la portée du choix laissait encore songeur quelques âmes égarées. Il était pourtant vrai que lui-même s'était laissé emporté, trop rapidement à son goût, dans les vents conflictuel qui faisaient chavirer cette contrée. Il avait alors perdu cette main mise qu'il tendait à garder, se laissant dépasser par tant d’événements qu'il en avait suffoqué de surprise et s'était laissé prendre, lui-même au jeu. Arraché à ses messes beaucoup trop basses, il avait dû écoper d'un sérieux revers de fatalité qui l'avait ainsi mené à perdre ce qu'il avait eu tant de mal à gagner. Rien n'était pourtant immuable, et même les caprices outranciers d'un destin parfois détesté ne l'empêchait, vraiment, d'en tirer parti. Ainsi, il avait fini par s'extirper des limbes pour mieux reprendre son rôle de descendant du plus malicieux et n'avait ainsi fait que remonter cette pente qu'il n'aurait jamais dû dégringoler.

Petit Poucet sur son chemin sombre au creux de ces bois, il avait semé petit caillou blanc sur petit caillou blanc jusqu'à entrevoir la douce et diaphane créature se profiler.  Il n'aurait alors su distinguer quels étaient les sentiments qui l'assaillaient, l’ambivalence était de mise et son cœur plus encore se trouvait être mis à rude épreuve. Il savait, pour en avoir eu les échos, que la belle qui déjà posait pied sur les friches de ce jardin n'était en rien en paix avec lui. Il n'avait osé espéré le contraire, et se réjouissait même qu'elle fut mue d'une telle férocité plutôt que nimbée des bienfaits du pardon. Pense à moi. Déteste moi. Haïs moi. Mais toujours reviens moi, se faisait la lente et accablante litanie qui peuplait ses pensées quand venait à s'afficher sous ses yeux l'image de l'adorée.

Renard curieux, il la regardait du haut de la fenêtre de l'ancienne demeure de ses aïeuls. Il l'observait traverser ainsi les champs de luzernes qui avait pris la place de ces pelouses fraîchement taillées et des jardins un peu désorganisés qui faisaient la fierté des Anglais. Elle était de ces jolies fleurs qui poussaient dans les lieux reculés, abandonnés, et lui, posé en conquérant tout contre les hautes fenêtres de la demeure délaissée, l'observait sans chercher à se cacher. Grande figure qui, tel un fantôme, se faisait inquiétant au regard des lieux somme toute issu des cauchemars enfantin dont tous étaient les témoins. Il ne souriait pourtant pas, et déjà, s'effaçaient sous son regard courroucé, se laissait avaler par les ténèbres poussiéreuses des lieux. Commençaient la partie de cache cache pour ces diablotins qu'ils étaient.




   
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Le regard planté sur l’immense bâtisse, la jeune femme reprit un temps ses esprit. Il lui sembla avoir perdu la tête, avoir été entraînée jusqu’ici par une force indéfectible sans en être aucunement lucide, comme si ses pieds s’étaient mués d’eux-même sans lui demander son avis, en accord toutefois avec son âme mais non sa conscience. Sa raison, elle, s’était mise aux abonnés absent. Au départ pourtant, cela semblait être une bonne idée. Du moins s’était-elle persuadée que c’en était une. Après tout, le gouvernement ne cherchait-il pas à retrouver les insurgés ? Si elle voulait accomplir son devoir de citoyenne comme il se devait, il était de son devoir de profiter d’une aubaine aussi belle. Aksel était un traître, un traître à son sang mais aussi au gouvernement, et il devait payer pour ça. Payer pour ce qu’il avait fait à son pays. N’était-ce pas là l’argument principal qui valait à Bonnie de lui courir après ? Si, c’était même le seul argument. Il n’y avait rien d’autre, absolument rien d’autre. Elle s’était lancée à sa recherche dans une mission personnelle certes, mais en faveur du Magister. Pourquoi lui ? Parce qu’elle savait où il se cachait, bien sûr. Elle s’était dû de sauter sur l’occasion.

Ce fut ainsi qu’elle se retrouva devant cette maison familiale des Hvedrung, à recouvrer progressivement la mémoire. Ses yeux s’ouvrirent alors sur une réalité fracassante. Elle avait suivi cet homme par pur instinct, sans plan, sans renfort, sans savoir s’il serait seul ou non, sans même avoir imaginé ce qu’elle ferait si elle tombait sur lui, et encore moins comment le faire prisonnier. Avait-elle d’ailleurs ne fût qu’une seule fois songé à le faire prisonnier ? Cette pseudo-mission grotesque qu’elle s’était confiée n’était-elle pas simplement une excuse pour le suivre ? Elle s’en rendait compte à présent, elle réalisait à quel point elle avait été stupide et ridicule. Elle envisagea de faire demi-tour, elle voulait faire demi-tour, prendre la poudre d’escampette sans demander son reste, en espérant qu’il n’eût pas remarqué et ne remarquerait jamais sa présence. Mais elle ne bougea pas. Elle n’esquissa pas le moindre mouvement en faveur d’une fuite. Elle voulait le voir, elle avait besoin de le voir, même de loin, juste pour s’imprégner encore un peu de son visage, pour ne jamais l’oublier. Parce qu’un jour, elle le savait, elle ne pourrait plus le contempler. C’était la guerre, et l’un d’entre eux devrait mourir, quoi qu’il en fût.

À nouveau, ses pieds et son âme l’entraînèrent sans que sa raison n’y posât d’objection. Et il ne fallut que quelques secondes pour qu’elle se retrouvât à longer les murs de la demeure dans l’espoir d’y apercevoir son ancien amant. Elle était particulièrement fébrile à cette idée, bien qu’elle n’en eût pas vraiment conscience. Pas encore. Elle se voilait la face, s’inventant des prétextes, luttant contre cette passion ardente qu’elle nourrissait pour lui, qu’elle avait toujours nourrie et qui la réchauffait, l’embrasait et la détruisait à petit feux. Était-ce de l’amour ? Elle ne voulait pas le savoir. Elle ne pouvait même concevoir le mot amour dans sa vie, car c’était une chose que l’on ne pouvait pas contrôler, or, Bonnie tenait à garder le contrôle sur tout ce qu’elle pouvait ressentir. Mais il fallait qu’elle se rendît à l’évidence, parfois, elle le perdait totalement. Comme à ce moment précis où elle se retrouva nez-à-nez avec sa cible.

Elle avait pourtant fait tout son possible pour être discrète, du moins le croyait-elle. En réalité, elle avait sans doute tout fait pour se faire repérer. C’était finalement lui qui l’avait aperçue le premier. Depuis combien de temps savait-il qu’elle était là ? Sa lucidité lui faisait peut-être défaut, mais elle savait pertinemment qu’elle n’était pas tombée sur lui par hasard. Elle sortit immédiatement sa baguette pour la pointer sur lui. Elle était venue là pour le confondre, n’est-ce pas ? Elle n’avait plus qu’à lancer un stupéfix ou un autre sortilège lui permettant d’avoir la mainmise sur lui. Mais aucun sort ne sortit de sa bouche. Elle était pétrifiée, tétanisée, hypnotisée par le regard de celui qui avait sans doute la plus grande place dans son cœur de glace. Car Bonnie avait un cœur de glace oui. Dur, froid, mais qu’un peu de chaleur suffisait à faire fondre, et surtout, extrêmement fragile. L’homme qui se tenait devant elle l’avait certes fait fondre, mais l’avait ensuite brisé violemment, le piétinant allègrement jusqu’à ce qu’il n’en restât que de la poussière. Elle le haïssait pour ça. Elle voulait qu’il souffre, qu’il comprenne à quel point il avait fait le mauvais choix et qu’il était à présent impossible de faire machine arrière. Il avait choisi son camp, et tous deux étaient à présent ennemis, quoiqu’il en fût.

« Traître », lui lança-t-elle, le regard acéré. Et ce fut le seul mot qu’elle fut capable de prononcer. Elle ressera la main sur sa baguette, mais celle-ci s’était mise à doucement trembler, témoignant de son hésitation, de son incertitude, de sa perte subite de volonté, de son envie irrepressible de se jeter dans ses bras pour l’embrasser, pour le cajoler, pour lui dire à quel point elle l’aimait. Mais elle n’en ferait rien, la rancœur la rongeant au plus profond d’elle-même, l’orgueil lui maintenant la tête à la surface de l’eau et l’empêchant de sombrer dans les abîmes de la folie passionnelle. Mais ses yeux, eux, trahissait sa faiblesse. Le rideau d’acier qui s’y trouvait comportait quelques fissures qui laissaient entrevoir tout le désir qu’elle pouvait ressentir pour lui. Et ils s’humidifièrent légèrement. De rage, de tristesse d’en être arrivée là alors que leur histoire était si belle. Mais elle maintint le cape. Elle ne devait pas pleurer. Elle ne pouvait pas pleurer face à lui, c’était honteux, impardonnable. Elle avala donc la boule qu’elle avait dans sa gorge, à défaut de sa fierté.
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Forgive me for all I have done and all I must do


   
Course effrénée des cœurs révulsés. Hantise des dernières pensées qui se font aussi souffrantes que lancinantes, tandis que se lève les dernières bannières qui accompagne l'idée. Entêtant besoin d'y voir s'imposer l’étendard de sa présence au creux d'une vie dénuée de l'envie de l'y voir s'y retrouver, c'est une guerre ouverte dont il avance les moindres pions sur l’échiquier monochrome d'une existence déjà moribonde. Il la voit, et sent déjà sa présence ourler d'or les lieux désenchantés qui ont peuplé son enfance, il entend remonter jusqu'à lui les pas chaloupés de sa gracieuse démarche et déjà naît sur son visage le sourire qui se mû de leurs agréables souvenirs. Lente dégringolade qui déjà le fait chavirer sur les Tartares et lui fait prier la belle Lethée de le baigner de ses eaux.

Douleur inextinguible qui le prend au cœur, estocade mortelle qui le fait froisser les tissus de sa chemise pour mieux retarder le glas qui déjà résonne. Il souffle autant qu'il souffre de la rencontrer, venant à mettre en doute ce qui déjà l'a fait amener cette rencontre. Regrets sinueux qui contrebalancent entre le besoin, l'envie, le désirs et l'aliénation qui le porte quand elle se trouve à ses côtés. Il sait sans le dire, sans même avoir à le penser clairement, qu'elle pourrait le faire revenir sur ses pas, l'extirper à ses jeux dangereux plus que quiconque. Il ne peut nier qu'elle est tout autant sa faiblesse que le restant de sa chair et de son sang, qu'il ne peut résister à l'appelle de ses délicatesses quand se fait sentir l'envolée des passions.

Il tourne, tourne encore un peu le long de ses larges couleurs encore habillés des anciennes tentures savamment choisies par ses aïeuls. Pas cadencé sur la mélodie qui résonne au creux de sa tête. Trémolos divers qui esquissent de quelques notes les accords majeurs à venir. Ombre grandissante qui la caresse de son obscurité, passant près d'elle sans qu'elle ne puisse le voir, humant l'air chargé d'autant de poussières que de ces effluves qui le hantent. Elle est là, toujours là, cherchant des yeux ce qu'il ne veut pas dans l'immédiat exposer. Il la suit sans jamais la quitter des yeux, se nourrissant de sa fougue, de ses craintes, autant que de cette détermination pourtant incertaine qui marque le moindre de ses gestes. Elle évolue lentement, découvre un univers qui lui échappe, tente de trouver une solution à ce qui ne peut être résolu tandis que l'autre revêt sa tenue de malice attendant le moment le plus opportun pour provoquer la rencontre.

Les rouages d'une vieille horloge résonnent encore dans le vide de la demeure, semblant donner un peu plus de gravité qu'il n'en est nécessaire à cette curieuse situation. Chassé, ou être chassé telle est la question. Pas de loups qui s'en font l'écho jusqu'à ce que l'impromptue se présente, heurt manigancé aux détours de quelques tournants. Elle se heurte à sa présence, et brandit une baguette incertaine sous son nez lui extirpant un sourire un brin goguenard. Chevrotante petite feuille qui se veut aussi forte que les colosses, il n'est aucun doute permis sur le fait qu'elle voudrait le terrasser, lui faire mordre la poussière comme pour le punir de l'avoir ainsi abandonner. Sans explications. Sans remord.  « Traître », lâche-t-elle avec dureté, et lui ne trouve rien à y redire. Il est un traître à ses yeux autant qu'il peut être fidèle aux yeux des siens. Pourtant, il se froisse sous la douleur que ses yeux lui renvoient, se chargeant ainsi de tous les chagrins dont il est la cause. Écueil mortel sur lequel elle se brise, rocs infernaux sur lesquels ils se fichent.

 « Traître.», répète-t-il avec le même ton naguère employé, écho masculin de cette voix qu'elle lui renvoi tandis que se font lire sur son visage une myriade de sentiments contradictoires qui se ponctuent d'un soupir rieur. « Il n'est de traître que celui qui prête allégeance pour trahir ses serments. Je n'ai ployé genoux que devant les miens, et ne suis anglais que quand il m'enchante de l'être. », ce n'est qu'un souffle, lointain, habité d'un théatralisme absurde qui déjà s'efface au profit d'une mine grave. Un pas. Juste un pas de plus et voilà qu'il casse cette allonge qui se voulait jusqu'alors menaçante, remontant ses mains sur ses avant-bras pour mieux se saisir de cette main tremblante d'une poigne assurée. « Des lors, de quelle traîtrise parles-tu donc ?», il ne la quitte pas des yeux, la surplombe de toute sa hauteur avant qu'il ne s'en détache sentant encore sa chaleur parcourir sa peau, assombrir ses yeux d'un désirs trop puissant.

« Lâche cette baguette, tu risquerais de te faire mal bien plus que de me blesser. », finit-il par lui dire tandis qu'il lui tourne le dos, se rapprochant des larges fenêtres toutes couvertes de suifs et de poussières, encadrées de ses vieux rideaux qui dévorées par quelques mites audacieuses. Il y  jetait un regard, pas vraiment inquiet, mais qui avait le don de tout de même le rassurer. Puis il pose son séant sur le rebord de marbre froid et gris qui dépasse de l'encadrement, étalant ses longues jambes musculeuses devant lui, et croisant ses doigts sur ses cuisses. « Je suis content de te voir. » trouve-t-il à dire pour ponctuer sa gestuelle autant que ce petit sourire grave qui macules les tendres chairs de ses lippes.

   
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Il ne sembla pas affecté outre-mesure par sa présence. Il semblait même agir comme s’il s’était toujours attendu à la trouver là, et comme si elle n’était qu’un simple visiteur. Son sourire amusé la déstabilisa. Comment pouvait-il être aussi calme, aussi sûr de lui ? Se moquait-il d’elle ? Avait-il l’intention de lui rire au nez et de la renvoyer chez elle sans autre forme de procès, sans même une once de remord ou d’intérêt vis-à-vis d’elle ? Elle n’avait évidemment pas envisagé une seconde qu’il l’accueillerait à bras ouverts, mais avait espéré une confrontation plus… digne d’eux. Se retrouver ainsi face à lui, leurs regard se croisant, faisait remonter une foule de souvenirs en elle, dont elle tentait de se débarrasser, en vain. Elle aurait voulu que sa haine envers lui fût sans faille, elle aurait voulu ne lui trouver que des défauts, que des prétextes pour ne plus avoir envie de croiser son chemin hormis pour le remettre aux autorités, ou, éventuellement, pour le tuer. Mais c’était inexorable, son envie de le chérir était bien plus forte que celle de le mettre à mal.

Les arguments qu’il employa pour sa défense arrachèrent un rire nerveux à la jeune femme. Il s’était approché d’elle tandis qu’il parlait et s’était emparé de son poignet. Il aurait pu dès lors la désarmer sans problème, mais il n’en fit rien, et Bonnie garda ridiculement sa baguette pointée sur lui comme si elle comptait encore s’en servir. Il savait pourtant qu’elle ne le ferait pas. Son simple geste avait suffi à prouver qu’il avait l’ascendance sur elle. Il était à présent si proche qu’elle sentit son palpitant prendre de la vitesse. « Les tiens ? » répéta-t-elle dans un rictus dédaigneux. « Mais ta famille soutient le gouvernement en place ! » Elle savait que les Hvedrung étaient danois et obéissaient à leurs propres règles, mais elle connaissait notamment son cousin Felix, qui bossait dans le même département qu’elle au Ministère, et était bien placée pour savoir qu’il n’avait en rien une âme d’insurgé. Pourquoi donc Aksel avait-il décidé de lui tourner le dos ? Et de tourner le dos à sa bien aimée par la même occasion ? Il se tramait certainement quelque chose se trouvant hors de sa portée, et quoi qu’il en fût, elle tenait à le savoir. Ce qui était certain, en tout cas, c’était qu’Aksel revendiquait sa rébellion, et ça, elle avait bien du mal à l’admettre.

Il se retourna alors, sans se soucier d’être à sa merci tandis qu’elle le menaçait encore, et lui intima de cesser. Elle hésita un instant, puis, sachant que sa position était plus grotesque et inutile qu’autre chose, rangea sa baguette. S’il avait voulu l’attaquer, il l’aurait déjà fait depuis fort longtemps, avant même qu’elle ne l’eût aperçu. Il s’appuya contre le rebord d’une fenêtre, lui faisant à nouveau face, dans une position décontractée. Pas une seule fois depuis le début il n’avait semblé mal à l’aise, et cela faisait enrager la jeune femme. Les mots qu’il prononça ne firent qu’augmenter sa fureur. Elle eut soudain envie de se jeter sur lui, non pas pour l’étreindre, mais pour le prendre à la gorge et serrer le plus fort qu’elle pouvait, lui plantant ses ongles acérés dans la peau fine de son cou jusqu’à la déchirer, uniquement pour lui infliger la punition qu’il méritait de se jouer autant d’elle.

« Content de me voir ? » répéta-t-elle encore, cette fois d’une voix presque suraiguë, déformée par la colère qui crispait ses traits jusqu’à la rendre méconnaissable. « Sais-tu au moins pourquoi je suis-là ? Crois-tu que je viens pour une visite de courtoisie ? Penses-tu que je vais agir comme si rien ne s’était passé ? » Sa voix se brisa, et la boule dont elle s’était plus tôt débarrassée se reforma sans sa gorge, l’empêchant de continuer. Bonnie n’était pas quelqu’un de sensible. Elle économisait ainsi ses larmes qui avaient bien des difficultés à poindre la plupart du temps. Mais il était des exceptions pour lesquelles elle ne pouvait empêcher ses yeux de s’embuer. « Ainsi donc, tu ne m’as jamais considérée comme l’une des tiens », reprit-elle d’un ton plus bas, plus grave, plus triste, d’une voix tremblotante qui trahissait son émotion, se rappelant les propos qu’il avait tenus quelques secondes plus tôt. Elle le savait pourtant, elle savait qu’il n’accordait de réelle importance qu’à sa famille, mais elle avait toujours espéré compter autant pour lui.

Son regard se fit acéré, son nez se plissant en un rictus dédaigneux et sa bouche s’étirant en un demi-sourire sans joie. « C’est vrai, qui suis-je, qui étais-je pour réclamer une allégeance de ta part ? Bien sûr, j’aurais dû me douter que tu ferais comme bon te semblerait et que tu n’hésiterais pas à piétiner allègrement mes sentiments pour satisfaire tes desseins personnels. » Ce constat la rendait plus misérable encore, et elle s’efforça alors de se convaincre qu’il n’en valait pas la peine, qu’elle devait tourner la page. Pourtant, elle ne pouvait se débarrasser de cette soif de vengeance qui la tiraillait. Elle l’avait aimé, elle l’aimait encore, elle souffrait d’avoir été ainsi flouée, elle souffrait de se retrouver ainsi face à lui, totalement impuissante, tandis qu’il la faisait rouler sous son pied, comprimant sa poitrine jusqu’à la faire exploser sans se départir de son sourire narquois. Il était cruel, sans scrupules, bien plus que tous les mangemorts qu’elle avait pu rencontrer et qui n’hésitaient pas à tuer des enfants innocents. Il était au-dessus, car il pouvait écraser sans pitié les personnes qui lui faisaient confiance.
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Cœur étreint de ces barbelés. Serrés. Encore plus. Toujours plus. S'écoulant de ses heurts le sang noirs de leurs blessures et autres non dits. Tas de secrets renfermés, mensonges nourris des mamelles exsangues de leur destinées faméliques, il ne sont plus rien que les enfants perdus sur une île à la dérive. Incapable de voir ce qui les porte, aveugle sur la direction vers laquelle ils se portent. Pourtant, ils sont là, encrés en cette vieille demeure abandonnée aux grès des temps écoulés, se faisant face comme deux chien de faïences incapables d'esquisser un geste vers l'autre. Destiné à s'aimer de part et d'autres de ces frontières infranchissables, à jamais condamner à ne pouvoir faire la traversée mortelle qui déjà cisailles lors âmes entremêlées. Seulement, de tout cela, de cette douleur qui les prend au corps et au cœur, lui préfère ne rien en montrer, il se pare du masque de l'indifférence moqueuse. Sourire feint étiré sur ses lèvres charnues, et arcades sourcilières rehaussées de quelques airs mutins, il attend l'esclandre et essuie la fureur qu'elle lui impose.

Coup de sang qu'il ne peut que comprendre, et encaisse sans avoir rien à y répondre qu'un froncement accru de ses sourcils accompagné d'une main ennuyée qui passe au travers de ses cheveux. Il n'a rien à exposer pour sa défense, lui-même sait que tout ce qu'elle expose est douloureusement vrai, tout réside alors dans la nuance. Palettes de sentiments et d'autant de sensations qui mettent en déroute ses quelques raisonnement, laissant entrevoir qu'il n'est pas ce monstre qu'elle peut bien se dépeindre, ce traître qu'elle montre du doigt. Seulement, comment lui expliquer que tout n'est pas ce que les images montrent sans vergogne, et comment lui figurer qu'elle n'est pas cette simple créature rejetée pour le compte de sa famille. Il pince l'arrête de son nez face a ce délicat problème, cas de conscience intellectuel, auquel il se trouver désormais confronté.

« Il n'a jamais été question de visites de courtoisies avec toi. Ce n'est pas dans ta nature. », souligne-t-il d'un sourire contrit tandis que ses mains retombe sur ses cuisses. Il se cale un peu plus contre la fenêtre sur laquelle il repose, et un léger courant-d'air vient s'engouffrer sous ses vêtements le faisant ainsi frissonner. « C'est ce qui te rend parfaite pour moi. Ton manque de cordialité et ta personnalité qui est en tout point complémentaire à la mienne. », il souffle et détourne les yeux pour mieux observer une vieille peinture dont le cadre n'est pas droit sur le mur aux teintures sans-âge. Il n'aime pas voir ses yeux plein de larmes, il n'aime pas avoir à se faire le témoin de sa tristesse, pas plus qu'il ne sait capable d'y résister. Vieux réflexes de sa jeunesse qui laisse entrevoir qu'il n'a jamais été que l'aîné qui a toujours pris soin de ses cadettes, il n'aime pas les larmes, et les sanglots dont il est la cause ne font que d'avantage miner son morale déjà vacillant.

Il soupire, expire et exhale de toutes les contradictions dont il se fait le maître incontesté. Il s'humecte alors les lèvres tandis que son regard dérive de nouveau vers cette femme qu'il aime à en crever et qu'il se voit contraint de toujours faire souffrir. Maintenant comme à jamais. Pourtant, il voudrait pouvoir tout arranger. Pouvoir trouver une solution à tous ces problèmes qui se posent et s'imposent sur le chemin qu'ils ont pris. Sa main s'avance, se tend et lui fait signe d'approcher. « Viens. », joint-il au geste sans pour autant s'imposer à cet esprit qui se veut farouche à son égard. « Je... Tu sais... », il cherche ses mots un instant, grogne un peu comme pour se défaire de cette gêne qui l'empêche encore d'aborder certains de ces sujets considérés comme tabous. « J'aimerais que tout soit simple. Te dire que je ne t'aime pas, que je ne t'ai jamais aimé, que le choix que j'ai fait fut simple, mais ce n'est pas le cas. Rien n'a jamais plus été simple à partir du moment où tu es entrée dans ma vie. »,  il se mord la lèvre, se fait plus troublé que troublant alors qu'il en vient à penser à aborder de ces sujets qui devraient pourtant rester secrets.

Il renâcle un peu, attend encore qu'elle s'approche en plantant son regard dans ses yeux humides. « Je ne t'ai pas choisi parce que j'ai donné ma parole, celle de toujours protéger mon sang. En l’occurrence mes sœurs. Mais tu n'imagines même pas à quel point cela peut être terrible d'avoir à faire un choix entre elles et toi. », il sent un frisson passer le long de son être, lui hérissant le poil, « Tu n'es pas de mon sang, mais je t'ai foutrement dans la peau, Bonnie Rowle. », fini-t-il par cracher avec autant de rage que de désespoir.

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Bonnie était dans l'incompréhension. Pourquoi donc restait-il si posé ? Pourquoi semblait-il si serein ? N'avait-il donc aucun regret, aucune compassion pour elle ? Elle commençait à en déduire qu'elle avait eu tort d'espérer quoi que ce fût, qu'il s'agît d'une rédemption ou d'une explication. Il n'avait cure de ce qu'elle pensait, il avait pris sa décision et elle n'avait pas à s'en mêler. Peut-être avait-elle accordé un peu trop d'importance à la relation qu'ils entretenait. Après tout, elle était jeune, pourquoi donc l'aurait-il prise au sérieux ? Elle n'avait sans doute été qu'une amante de passage, malgré tout ce qu'il avait pu lui dire, malgré l'amour qu'elle avait ressenti pour lui, malgré cette fusion qui avait pourtant semblé s'opérer entre eux. Elle avait été aveugle. Une erreur de jeunesse. L'enthousiasme démesuré provoqué par un premier amour. Ils n'étaient pas au même niveau, il avait déjà une expérience derrière lui tandis qu'elle en avait encore à découvrir. Peut-être devait-elle donc définitivement tirer un trait sur lui.

Mais cette résolution fut rapidement chamboulée par les paroles de son ancien compagnon. Après lui avoir implicitement ri au nez, voilà qu'il la flattait. Cherchait-il à souffler le chaud et le froid pour la déstabiliser ? Si tel était le cas, de toute évidence, il savait parfaitement comment faire. La gorge de la jeune femme se serra à nouveau. Qu'il était difficile d'entendre ces mots s'ils n'étaient pas sincères… Elle constata alors son regard fuyant, preuve s'il en fallait que tout n'était qu'hypocrisie dans ces phrases. Il n'assumait même pas ses opinions. Elle eût pourtant préféré. Elle eût préféré qu'il lui crache ses quatre vérités, ainsi, elle aurait fait son deuil, loin de lui. Elle voulut lui tourner le dos et s'enfuir à mille lieues de lui, mais elle restait tétanisée, ne sachant que dire, que faire, comment réagir. Sa conscience lui hurlait d'être forte et de s'éloigner à jamais de lui. Mais en était-elle capable ?

Hélas, cette conscience vacilla alors quand il tendit la main vers elle, ultime chance à saisir, ou ultime danger. Il semblait pourtant lui-même hésiter. Était-ce enfin un premier signe de doute ? Peut-être n'était-il finalement pas aussi sûr de lui qu'elle ne l'avait pensé. Et il parla, plus longtemps,  et chacun de ses mots, qui aurait dû être une caresse, avait en réalité l'effet d'un coup de poignard. Elle ne voulait pas entendre ça. Elle ne voulait pas entendre qu'il l'aimait et qu'elle rendait les choses difficiles. Il n'avait pas le droit de lui faire ça, pas le droit de la faire culpabiliser alors qu'elle avait tant souffert. C'était injuste. Elle sentit alors une larme couler sur sa joue, et l'essuya vigoureusement d'un revers de manche. Et, comme au départ, ses pieds la portèrent jusqu'à lui, sans qu'elle ne leur en donnât la permission. Elle mit une seconde avant de comprendre qu'elle était plus proche de lui, et le regretta immédiatement, mais elle était incapable de faire demi-tour.

Puis vinrent les explications tant espérées. Bien sûr, ses sœurs. Ses sœurs qu'elle ne pouvait s'empêcher de haïr, de façon purement égoïste, parce qu'elles l'avaient détourné d'elle. N'avaient-elles pas d'ailleurs été elles-même égoïstes pour accepter qu'il se mette ainsi en danger ? Bonnie fronça les sourcils et ses dents se crispèrent. Cet argument, quoique logique, ne lui convenait pas. Elle-même tenait énormément aux membres de sa famille, et pourtant, elle n'avait jamais suivi Diogène dans ses choix. Et il était mort parce qu'ils les avaient fait. S'il s'était contenté de suivre sa famille, il serait encore en vie aujourd'hui. Alors non, elle ne pouvait accepter cette excuse, et sa pseudo-déclaration d'amour n'y changerait rien, même si, Merlin, elle crevait de bonheur de l'entendre. « Tes sœurs ont fait leur propre choix », siffla-t-elle avec mépris. « Tu n'avais pas à les suivre. Je n'ai pas suivi mon propre frère. Il en est mort. Pas moi. Aurais-je pu le protéger ? Je ne pense pas. Aurais-je dû mourir avec lui ? Je ne crois pas. J'aimais mon frère plus que tout, mais je n'ai jamais compris ni accepté ce choix. Il n'a pas mérité de mourir, mais il aurait pu éviter cette fin tragique. Alors ne me dis pas que tu dois suivre tes sœurs, je ne l'accepte pas. »

Elle le saisit par le col et lui envoya un regard mêlé de colère et de désespoir. « Et moi, qui va me protéger ? » cracha-t-elle soudain, haussant le ton. « Qui va me protéger contre tes amis dans cette guerre ? As-tu conscience de ce que tu fais ? As-tu conscience que tu es devenu mon ennemi mortel ? » Sa voix s'était à nouveau brisée et elle pleurait à présent, incapable de retenir son émotion. Elle le relâcha et recula d'un pas. « Tu n'as pas le droit de me dire toute ces choses alors que je t'ai perdu. Si tu m'aimais, tu m'aurais choisie, moi ! Parce que moi je t'aimais, autant que tes sœurs, sinon plus ! » Elle avait parlé au passé, mais ses pleurs ne laissait guère de doute quant à la nature de ses sentiments aujourd'hui. Le sentiment d'injustice avait à présent envahi tout son être, et elle ne cherchait plus à contenir ses larmes. Elle avait juste envie de se terrer au fond d'un trou et de se laisser mourir.
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Cruel World
Forgive me for all I have done and all I must do


   
Bataille rangée où sonnent les tambours battants et les clairons célestes, cacophonie ambiante qui viennent assourdir la moindre de ses pensées. Écho d'un silence rompu, sceau brisé sous la lame d'un couteau de fureur et de frayeur. Chaos déchaînés de ses sentiments renversés, envolés, évaporés sous l'égide de quelques mots évanescents. Rien de plus qu'un souffle qui, désormais, lui manque tout en lui incendiant la trachée. Il voudrait pouvoir lui dire, lui cracher ses secrets, et puis disparaître de son existence avec insouciance, mais il ne le peut. Il se sent harnaché à ceux-ci, autant qu'il peut être lié à elle. Il l'étreint alors sans la toucher, se vautre dans l'idée qu'il est loin d'être le garçon libre qu'il fut jadis. Déception terrible d'un cœur qui se voulait jusqu'alors plein d'une certaine solitude, si solide, mais il se rend bien compte que tout n'est désormais que poudre aux yeux.

Seulement, la vérité, la voilà. Toute crue, un peu putrescente au regard du temps où il l'aura gardé pour lui, mais elle est bien là, toujours là. Il ne peut s'habituer à cette sensation cruelle, à ce sentiment perfide, qui ne cesse de faire de lui l'équilibriste pernicieux d'un destin meurtrier. En entrant dans ce jeu, il n'avait à aucun instant pensé que tout deviendrait soudain aussi difficile, beaucoup trop précaire, et incertain. Il n'avait pensé qu'à une chose : s'amuser des aléas les plus funestes, se vautrer dans le luxe de tout savoir de la ruse ou encore de la fourberie, mais surtout à veiller sur le restant de sa fratrie. Elle a mal. Elle se fend de ses douleurs qui prennent au corps et jamais ne libèrent vraiment. Elle n'attend pourtant pas que tout cesse, que la cacophonie de ses os qui claquent, de son corps qui bat une mesure effrénée sur les frissons de son être fasse cessation. Elle n'attend rien de lui si ce n'est une explication qu'il ne veut lui donner. Attente infinie d'une fin qui ne peut venir.

Cruelle adversité. Infamies d'un destin qui ne cesse, jamais vraiment, de se moquer d'elle au travers de ses mots à lui. Rouages écrasant d'une existence qui ne lui permet plus vraiment de se retourner en espérant pouvoir obtenir ce qu'elle veut de l'homme. Elle l'attrape alors, sans douceur, sans vergogne, le force à soutenir son regard. Il ne vacille pas, se contente d'afficher ce sourire frondeur qui n'a pour but que celui de faire naître la frustration en elle, rien de plus énervant que cette mine réjouit au milieu de ce chaos de tristesse. Il ne semble en rien s'en soucier, il ne cesse de se faire terrible à son encontre, portant toujours le masque de l'infamie, de la tromperie. Rien de plus qu'un exemple outrancier, rien de plus que cette explication maladive qui ne fait qu’exhiber un fait : ce n'est pas son pardon qu'il recherche, pas plus que la joie qu'il souhaite distiller en son âme, mais une certaine libération.

La lame saille, cisèle le vif de ses chairs. Le frisson le fait tressaillir tandis qu'il ravale cette ultime protestation qui lui tranche les cordes vocales. Il n'est plus que le souffle meurtri dont il s’accommode, rien d'autre que sa colère qui se heurte à son apparente indifférence. Jeu de dupe auquel il sait mener la danse. Il rit à l’énonciation de ces choix qu'il n'a pas fait. Un rire bref, un peu trop franc. Nouvelle estocade faite à l’ego. Nouveau coup de couteau planté en plein cœur. « Et que veux-tu que j'y fasse ? », la question reste en suspend, comme en attente d'une quelconque réaction autre que la surprise. Il esquisse un geste de recule, se défait de cette attache qu'elle lui impose tandis qu'il glisse hors de cette alcôve où il reposait jusqu'alors. « Tu as fait tes propres choix, j'ai fait les miens. Tu voudrais que je me repente ? Que je te dise que je suis désolé ? », si le calme est de mise, il ne peut nier qu'il se sent tirailler entre l'envie de lui céder et la vanité qui le retient, mais sa voix n'en trahit rien. Écho macabre d'une volonté de fer, il pose sur elle un regard d'acier qui ne vacille que sous la lumière tamisée d'une Angleterre fanée. « Je ne m'excuserais pas pour t'avoir préféré mes sœurs, je ne te ferais pas même l'offense d'essayer de t’apitoyer. Je n'en ai ni le temps, ni l'envie, et tu vaux mieux que quelques larmes versés sur ce qui est désormais ton ennemi mortel. », il siffle, persifle les derniers mots, serrant les dents pour ne pas en trahir un quelconque énervement.

Lentement, il la contourne, la noie de cette ombre grandissante qu'est la sienne, se défait assurément de cette douceur et de ce pathos dans lequel il avait, quelques instants plus tôt, sombré. Les Hvedrung sont ainsi, inconstants, indomptables, conquérants, toujours en train de se jouer des autres, de se jouer parfois d'eux mêmes. L'équilibriste vacille, se retient de justesse tandis qu'il se retourne sur elle pour venir passer une main dans ses cheveux. Le geste est brusque, dénué de cette douceur dont il exhalait les saveurs suaves. Ses longs doigts s'entremêlent à ses cheveux, tire un peu plus. Brute. Et ses lèvres remontent le long de sa joue, suivant l'arrête encore juvénile de son visage. « Ne t'avise plus jamais de te remettre en cause mes décisions, surtout quand il s'agit de ma famille. », il murmure ses propos d'un souffle chaud au creux de son oreille, puis relâche enfin sa prise, s'éloigne d'un pas, « Tant que tu ne porteras pas mon nom, il te faudra te faire à cette idée. ».

   
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Les larmes lui brûlaient les yeux, mais elle refusait de lâcher prise, soutenant le regard de l’homme qui lui faisait face sans ciller. La rancœur, l’hostilité venaient surpasser tout l’amour qu’elle pouvait avoir pour lui. Elle avait presque envie de lui sauter à la gorge pour lui faire payer l’affront qu’il lui avait fait. Hélas, ce fut lui qui porta le premier coup. Elle le reçut en plein cœur et resta muette sous le choc, interdite. Comment pouvait-il être aussi indifférent ? Avait-il oublié ce qu’il avait dit quelques secondes plus tôt ou bien ne le pensait-il tout simplement pas ? Elle le trouvait injuste, d’autant plus quand il affirma qu’elle avait fait ses propres choix, car cela n’avait jamais été vraiment le cas. Elle n’avait pas choisi d’être fiancée à un sang-mêlé, encore moins de devoir l’être à Draco. Et surtout, elle n’avait jamais choisi d’être une mangemort. Elle n’avait certes jamais refusé non plus – était-ce d’ailleurs possible ? – elle avait simplement suivi la voix qui lui était tracée, parce qu’il en était ainsi. Le Lord l’avait appelée, et l’on ne refusait pas un appel du Lord. Si elle décidait du jour au lendemain d’aller à l’encontre de cette règle, elle était condamnée à mort.

La voix étranglée, elle se contenta de secouer la tête pour marquer son désaccord tandis qu’il continuait de parler, toujours aussi dur et acerbe dans ses propos, sans aucune pitié pour elle, lui assenant son indifférence à ses états d’âme. On eût dit qu’il prenait cela à la dérision, comme si c’était un jeu, or Bonnie savait pertinemment que cela n’en était pas un. Il semblait ne pas comprendre qu’il ne s’agissait pas seulement d’une gueguerre entre deux camps et qu’il risquait la mort maintenant qu’il avait choisi le mauvais. Elle ne pouvait que comprendre le besoin qu’il avait de protéger ses sœurs mais ce n’était certainement pas la bonne façon d’y arriver. Pourquoi fallait-il toujours que tout fût si compliqué ? Les Hvedrung étaient de sang pur, n’auraient-ils pas pu simplement s’allier au gouvernement en place, à l’instar de Felix ? Aucun mal ne leur aurait été fait. Les sœurs d’Aksel étaient véritablement stupides aux yeux de Bonnie.

Il se fit menaçant alors, tournant autour d’elle comme pour lui intimer de se soumettre à sa décision, de ne pas broncher sous peine de sanction. Elle retint son souffle ainsi qu’un frisson, soudain effrayée par l’homme qu’elle avait jadis aimé, et qu’elle aimait peut-être toujours même si ce sentiment semblait à présent enseveli sous diverses émotions négatives : rancune, indignation, tristesse, peur. Ils l’avaient tous deux reconnu : ils étaient à présent ennemis mortels. Mais elle ne fuit pas pour autant, acceptant d’affronter son destin s’il en était ainsi, possédant encore une once infime mais irréductible de confiance en lui. Elle n’esquissa pas le moindre mouvement quand il vint la torturer de ses mains. Elle se contentait de serrer les dents, prenant sur elle, attendant le bon moment pour le confronter et lui assener ses propres vérités. Elle espéra, un instant, que la douceur allait prendre la place de ce mépris insupportable qu’il lui offrait, mais elle se trompait. Ce fut pire encore. La menace lui fit froid dans le dos. Il remuait ainsi le couteau qu’il avait planté dans son cœur, lui prouvant ainsi qu’elle n’était rien à ses yeux, que seule sa famille comptait. Peut-être aurait-elle dû le comprendre dès le départ, mais c’était trop tard. Elle était amoureuse de cet homme et ne pouvait à présent qu’en souffrir. Elle ferma les yeux et de nouvelles larmes roulèrent sur ses joues.

Puis elle les rouvrit quand il eut repris la parole. Cette dernière phrase aurait pu, aurait dû être tournée autrement, car il était évident qu’en ces circonstances, jamais elle ne pourrait l’épouser. Pourtant, elle savait qu’il n’avait pas choisi ses mots au hasard. Elle lui lança un regard surpris. Avait-il vraiment l’intention de la prendre pour femme ? N’était-il toujours pas conscient que tout venait de changer ? « Pourquoi ? » demanda-t-elle d’une voix tremblotante. « Pourquoi ne comprends-tu pas ce que j’essaie de te dire ? » Son regard se fit plus acéré. « Je n’ai jamais choisi de rejoindre les rangs du Magister, je l’ai fait parce que c’était ma destinée, et si j’avais tenté d’y échapper, j’aurais été condamnée à mort. » Mais ces propos pouvaient-ils vraiment avoir un impact sur lui ? « En somme », reprit-elle, « tu me donnes le choix entre te perdre, ou être en danger de mort. Judicieux. Mais comme tu l’as dit, tu ne peux rien y faire, bien sûr, tu as choisi de protéger tes sœurs parce que c’était la meilleure chose à faire, sans te rendre compte que c’était une ineptie. » Elle se tut, sachant qu’elle risquait une fois de plus d’attaquer sa famille et de déchaîner ainsi sa colère. Elle se retint donc de lui dire que ses sœurs avait juste été complètement idiotes de faire ce choix alors qu’elles auraient pu être choyées au sein du gouvernement.

« Après toutes les horreurs que tu viens de me dire, tu crois encore que j’aurais envie de t’épouser ? Et même si je le voulais, ce serait totalement impossible et tu le sais ! » Elle remonta sa manche pour lui montrer son avant-bras sur lequel la marque des ténèbres étaient gravée. « Je ne pourrai jamais enlever ça. » Elle baissa le bras et le défia du regard. « Tu es de sang-pur, nous aurions pu nous marier, mais tu as tout gâché. Assumes-en les conséquences. » Elle tentait d’avoir l’air sûre d’elle en lui faisant ce sermon, mais elle ne l’était pas. Tout était trop dur à supporter. Et elle se mit, inconsciemment, à l’implorer du regard, espérant un dernier instant qu’il allait changer d’avis.
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