family is all we need

On ne peut pas dire que cette nuit, tu t'amuses. Il y a une heure, c'était le passage en l'an 1999 mais le contexte ne se prêtait pas vraiment à la fête. Un peu plus tôt, il y a eu un problème à Poudlard. Les aspirants mangemorts s'y sont rendus et ton frère est absent pour quelques jours. Tu te fais du soucis. Tu n'as pas l'esprit tranquille. Alors, contrairement à tes habitudes, tu n'es pas sortie faire la fête cette nuit. Non, tu as passé une partie de la soirée à t'occuper de tes plantes, espérant que quelques Botrucs s'installeront dans ton jardin lorsque tes arbres auront grandi. Beaucoup sont de jeunes plants issus d'arbres à baguette que tu as pu récupérer lors de ton année à voyager dans le monde entier. Tu en prends grand soin, dans l'espoir qu'un jour tu puisses les utiliser pour confectionner de nouvelles baguettes magiques, et surtout puisses étudier les flux de magie dans ces plantes. Puis, passé minuit, tu es allée t'installer dans le salon, un livre sur l'ancienne magie entre les mains. Depuis, tu le feuillettes, relisant ici et là quelques passages légèrement flous dans ta mémoire. Tes yeux se ferment tout seuls. De temps en temps, tu piques du nez avant de te réveiller en sursaut. Tu devrais aller dormir, cela ne sert à rien de rester là, seule. Et pourtant tu restes sur place. Jusqu'à ce que Morphée ait raison de ton obstination et t'entraîne au pays des rêves et cauchemars.

BOUM BOUM BOUM. Le bruit te réveille en sursaut. Le regard endormi, les cheveux légèrement en bataille, il te faut quelques secondes pour émerger. Ton livre est tombé au sol tandis que tu dormais. Un frisson remonte le long de ta colonne vertébrale. Il fait froid. Le feu s'est éteint pendant ton sommeil. Un incendio dans la cheminée et un lumos plus tard, tu quittes le salon. Il est bien cinq heures du matin, qui peut venir frapper à ta porte à une heure pareille ? Tu n'en as pas la moindre idée mais tu sens que le ou la concerné(e) va se faire incendier par tes soins. Nouant rapidement tes cheveux en un chignon négligé, tu gagnes l'entrée, pieds nus. Tu n'as presque jamais froid tu n'as donc pas besoin de porter un pull ou des chaussettes chez toi. Les autres, par contre, c'est une autre histoire. Mais là n'est pas la question. Yarilo te regarde passer, ensommeillé, mais tu ne t'arrêtes pas. On cogne toujours à ta porte. Les coups résonnent dans ta tête. Les coups résonnent dans l'entrée. Tu t'autorises deux secondes supplémentaires pour retrouver ton calme. Et enfin tu ouvres brusquement ta porte.

-Qu'est-ce que...

Tu ne termines pas ta phrase. C'est Gregory qui est devant toi, qui donnait l'impression de vouloir défoncer ta porte. Gregory, ton cousin préféré, ton cousin gallois. Gregory qui semble en bien piteux état. Gregory qui te donne l'impression d'avoir vu un fantôme, à la lueur du lumos. La peur étreint ton cœur, te fait perdre ton calme. La panique montre le bout de son nez. Que s'est-il passé pour qu'il soit dans un tel état ? Tu t'écartes aussitôt, le laissant entrer. Une de tes mains se pose sur son épaule, le soutient un peu. Tu as peur de le voir s'écrouler, là, dans ton entrée, sans plus de cérémonie.

-Gregory ? Qu'est-ce qui t'arrive ? Qu'est-ce qu'il s'est passé ? fais-tu, reprenant instinctivement le danois pour lui parler.

L'inquiétude fait briller ton regard brun. Par réflexe tu murmures un sortilège qui allume les cierges dans l'entrée. Et la lumière fut. Que s'est-il passé pour qu'il se retrouve dans un tel état ? Tu ne parviens pas à retrouver ton calme habituel. Tu ne sais que lui dire, tu ne sais que faire. Où est passée la jeune fille toujours calme ? Envolée. Disparue. Lorsqu'on touche à ceux qu'elle aime, sa carapace vole en éclats. Tu n'es pas la demoiselle qu'on rencontre au quotidien, non. Tu es Lyu, juste Lyu. Et tu as peur pour lui.

-Greg, parle-moi ! Qu'est-ce que je peux faire pour toi ?

S'il est là, c'est qu'il a besoin de toi, d'une manière ou d'une autre. Et tu es là pour lui, cela ne fait aucun doute. Mais tu ignores encore ce qu'il a vu, ce qu'il a subit. Tu ignores ce qui a pu le mettre dans un tel état. Mais tu as l'impression qu'il s'est passé quelque chose de grave. Voir de très grave. Reste à savoir ce dont il s'agit. Mais, à vrai dire, tu crains le pire.

Il n’a pas vraiment réfléchi. S’est tiré, comme s’il avait le feu aux trousses, sitôt le stupéfix balancé par Potter dissipé. N’a même pas jeté un dernier regard en arrière. Ça lui vaudra des représailles, sans doute. Il s’en fout. Il n’était pas capable de rester là, comme ça. Pas capable. Il s’est arrêté en chemin, pour gerber dans un coin, le cœur battant à tout rompre. Deux secondes immobiles, et une autre nausée qui le reprend à la gorge. Déglutir, recommencer à courir. Hogwarts ne le laisserait pas s’en aller si facilement. Tenu dans son poing, dans l’horreur des cris, dans le hurlement de la nuit. Quand il arrive enfin aux abords de l’école, il accélère. L’endroit le débecte, soudain, et il le hait d’avoir gâché tous les souvenirs qu’il avait amassés en son sein. Une fuite en avant, précipitée et haletante. L’obscurité est glaciale et l’étreint ; il en oublie presque la chaleur des flammes. Presque, mais pas totalement. Pas assez, en tout cas. Premier janvier, cinq heures du matin. Il devrait être en train de tituber dans une ruelle obscure, entouré par les chansons et les cris de joie. Avec lui. Ne pas y penser. Pas maintenant. Il sait exactement où aller, au moins, c’est déjà ça. On ne lui pas tout pris. Pas encore.

Quand il arrive devant sa porte, c’est tout juste s’il ne s’écroule pas. Une envie de se laisser tomber à terre, de plus bouger, jusqu’à ce que le monde consente à arrêter de tourner, rien qu’un peu. Pourtant, c’est avec l’énergie du désespoir qu’il frappe son poing contre la porte. Boum. Du sang séché sur ses phalanges. Malfoy devant lui, qui n’a pas le temps d’éviter le coup. Il sent la bile qui remonte dans sa gorge, nouvelle envie de vomir. Il tambourine, maintenant. Boum. Boum. Boum. Prêt à lever le pied et défoncer l’entrée, si elle n’ouvre pas tout de suite. Peu conscient de l’heure tardive, comme si la vie s’était arrêtée quelques instants plus tôt, en même temps que le dernier souffle de... Silence. Sa vie à lui, en tout cas, s’était vraiment arrêtée à ce moment-là. Il ne l’a pas vraiment vu tomber, mais c’est la même chose ; il est tombé avec lui. Un, deux, trois. Les coups continuent, quand la porte s’ouvre brusquement – il manque de basculer vers l’avant. C’est le visage de sa cousine qu’il découvre. Elle semble parler, mais s’interrompt d’un coup sec. Il n’entend pas, de toute façon. La voir là, comme ça, finalement, ça ne l’aide pas. Ça le ramène à la réalité. A pourquoi il est là, en plein milieu de la nuit. Quelque chose se brise à l’intérieur. Il avance d’un pas ou deux, comme un putain d’automate, sent sa main se poser sur lui. Inquiète, sans doute. Elle parle mais il n’écoute toujours pas.

Comme un naufrage au ralenti ; s’il ouvre la bouche, c’est l’explosion. Les jambes qui cèdent, lâches, elles abandonnent la partie. Masse informe qui s’échoue sur le parquet du hall d’entrée – incapable d’aller plus loin. Plié en avant, recroquevillé sur lui-même, il ressemble à un enfant. Et puis, doucement, il se met à trembler, et des sanglots étouffés, puis rapidement incontrôlables, semblent provenir de quelque part. Il met un moment à réaliser que ce sont les siens. La scène ne dure qu’un instant. Un instant d’abandon, de chute dans l’horreur sans nom, un instant qui semble durer mille ans. Puis il arrête. Net. Parce qu’il n’est pas du genre à montrer ça, parce que les larmes, c’est pour les faibles, et il vaut mieux que ça. Il croit. Il reste à terre cependant, pas la force, pas l’envie. Ce n’est pas lui qui a failli mourir aujourd’hui, mais c’est tout comme. Vide. Il croise le regard terrifié de Lyu, et se demande rapidement ce qu’elle voit dans le sien. Essaie de grimacer un sourire pour la rassurer, éternel protecteur. N’y arrive pas. Et puis, enfin, l’abominable vérité. « Vince est mort. » Voix froide, comme détachée. Son ventre se retourne toutefois, une nouvelle envie de vomir, de chialer dans un coin, de disparaître de la surface de la terre. Rien de tout ça ne se produit. C’est dit. Et c’est tout. Y’a rien qui peut changer ça, maintenant, si ? « Vince est mort, répète-t-il, comme pour s’en convaincre lui-même. Draco l’a… J’ai failli tuer Draco… Si Potter… J'sais pas quoi faire, Lyu. » Le calme apparent se dissipe, tandis que les mots se précipitent, au bord de ses lèvres. Ils se mélangent et s’emmêlent, ne veulent plus rien dire. Il lèvre un regard vers la cousine, la suppliant peut-être de créer un miracle, lui demandant simplement de tout arranger.