Hey, Percy, bouge ton petit cul de là, avant que je le fasse moi-même ! Cela ne se voyait pas quand on observait Harper faire une moue aguicheuse à un de ses Weasleys préférés, mais elle était à bout. Cela faisait quasiment deux mois qu’ils étaient à Poudlard et quasiment deux mois que rien n’était plus comme avant. Jamais elle n’aurait pensé se retrouver là, entre les murs de cette école prestigieuse dont les murs, même si intégralement propres, semblait encore suinter du sang qui y avait coulé. Et l’Américaine frondeuse qui avait suivi Fred dans son pays, dans sa guerre ne s’était pas préparée à ça. Clairement, Harper avait toujours mis un point d’honneur à ne rien prendre trop au sérieux. Cela ne voulait pas dire qu’on ne pouvait pas lui faire confiance, bien au contraire. Simplement que toutes ces notions de guerre et de révolution, elle les avait vécues avec le sourire aux lèvres, faisant de menues missions, jouant avec les nerfs d’un certain Raffleur. Ce n’avait été que lorsque le rayon vert avait jailli de la baguette de Fred qu’elle avait compris. Et que quelque chose s’était brisé. Et toutes les plaisanteries, tous les sous-entendus salaces du monde n’avaient pu effacer ces images. Et il y avait eu cette femme … On lui avait expliqué qui était le professeur McGonagall et ce qui lui était arrivé. Elle n’avait pas pu. Lancer une ânerie n’aurait pas aidé et ce n’était même pas qu’elle s’en était empêchée : ce n’était pas venu. Elle ne l’avait pas connue, contrairement à la plupart des Insurgés avec lesquels elle se trouvait et pourtant … pourtant ça l’avait retourné. Son frère était totalement sorti de son esprit. Pourquoi était-elle là ? Peut-être pour la première fois de sa vie, elle doutait. Et même son ancre dans ce nouveau monde sombrait lentement.

Fred n’était plus le même. Elle n’était plus la même. Ils avaient eu énormément de travail, avec les barrières de l’école. Elle n’en revenait toujours pas d’être une des rares à pouvoir avoir une influence sur elle. Si ses anciens professeurs savaient ça … Et elle avait travaillé dur, sans doute plus dur que les trois autres qui étaient si doués alors qu’elle … elle n’avait rien d’une grande sorcière, clairement. Son truc, c’était la débrouille autrement. Alors ça lui avait pris du temps, de l’énergie et c’était tant mieux. Elle n’était pourtant pas du genre à repousser les problèmes mais plutôt à mettre les pieds dans le plat directement. Elle n’avait pas vu cette fois. Pas alors que son Weasley était au bord du gouffre. Oh, ils plaisantaient toujours, on les voyait rarement l’un sans l’autre. Depuis qu’elle avait mis le pied dans l’école et qu’il avait pété un câble en pleine attaque en pensant qu’elle voulait rester seule, elle savait qu’il la protégeait, jalousement. A sa manière. Et elle ne voulait pas le lâcher d’un pouce, pas même parfois quand il prenait sa douche … Mais non, il ne s’était rien « passé » depuis qu’ils étaient là, parce que quelque chose s’était cassé, et une sorte de gêne s’était installée, stupidement. Un malaise, plutôt. Il ne la regardait plus dans les yeux, même s’il faisait tout pour que ça ne se voie pas. Et elle ne le touchait plus comme avant. Elle dormait, blottie contre lui. Mais elle ne cherchait plus à lui arracher ses vêtements parfois juste pour lui faire penser à autre chose. Parce qu’elle s’était rendu compte, à ce moment-là, que cela ne suffirait jamais. Qu’elle ne suffirait jamais. Elle n’était qu’une Américaine écervelée, pétillante, qui avait été une distraction pendant longtemps. Peut-être aurait-elle du rester aux Etats-Unis et ne demeurer qu’une parenthèse dans la vie compliquée de Fred. Qu’avait-elle à lui offrir ? Elle n’entendait rien au fait de tuer, à la mort, à la souffrance qu’il pouvait ressentir. Elle était une distraction. Une jolie fille un peu fofolle au corps de rêve, certes. Mais elle n’était pas…cette guerrière sans faille dont il avait peut-être besoin. Elle n’était … qu’elle, après tout.

Après avoir terminé sa tâche du jour et ruminant légèrement, même si elle souriait toujours autant, elle balança deux-trois vannes avant de regagner « leurs quartiers ». Ils avaient évité les dortoirs (il n’était pas question de laisser Fred rentrer dans une pièce avec trop de souvenirs difficiles, notamment pendant son sevrage, au début) et investi les anciens quartiers du professeur de potions. Elle avait préféré ne pas s’attarder sur la personne dont il s’agissait, avait réaménagé rapidement (ce n’était pas une fée du logis). Il n’était pas là. Evitant de s’inquiéter inutilement, elle passa dans la partie chambre et se laissa tomber sur le lit, fixant le plafond. Elle ne pouvait pas partir, ils avaient besoin d’elle pour les protections donc il ne pouvait pas lui dire qu’il préférait qu’elle poursuive sa quête ailleurs. Ou qu’elle rentre. Fermant les yeux un instant, elle essaya de se détendre. Mais les pas annonçant l’arrivée de Fred se firent entendre assez rapidement. Hey, sucre d’orge, souffla-t-elle d’une voix coquine … qui manquait un peu d’entrain. Roulant sur le côté, elle posa se posa la main sous le menton, le considérant. Non. Il fallait qu’ils parlent. Maintenant que la situation était revenue quasiment à la normale pour les barrières de l’école, il était temps qu’ils mettent les choses au clair. Et pas seulement parce qu’elle crevait d’envie de lui. Parce qu’il le fallait, tout simplement. Elle soupira donc : On va s’éviter encore longtemps ? Ce n’était pas la question exacte, mais elle reflétait bien la situation. Et elle aurait plus volontiers regardé le plafond mais il était hors de question que cette fois, il ne lui parle pas face à face. Il était temps.