Dorothy était dans le coma depuis trois jours quand Astoria décida d'aller demander de l'aide. Pour être tout à fait honnête, l'aide ne concernait pas le fait que Dorothy n'ait pas ouvert l'oeil depuis soixante-douze heures: l'aide concernait le fait qu'Astoria l'ait assommée pendant tout ce temps à cause d'une potion qui, d'après le professeur Snape, allait (très) certainement se retrouver à l'examen de fin d'année qu'Astoria ne pouvait pas se permet de foirer. Et puis... bon, il y avait bien autre chose. On était début Janvier, les cours venaient à peine de reprendre et Astoria ne pensait qu'à la prochaine célébration de Poudlard: la Saint Valentin, jour où il était franchement conseillé d'être un as des potions et autres philtres d'amour. Toujours était-il qu'elle avait cherché un tuteur parmi les autres élèves et son choix était tombé sur une sang-de-bourbe insignifiante de Poufsouffle: c'est à dire la dernière personne que l'on soupçonnerait d'être son mentor en Potions. Après, Burwick avait d'excellentes notes et avait accepté sans faire sa compliquée (sans demander de faveurs, sans lui poser de questions, sans être incommodante) et Astoria avait dû ravaler sa fierté de se faire enseigner les Potions par une putain de sang-de-bourbe. Mais bon. Elle préférait ça à se faire chambrer par ses petits camarades de Serpentard, maison qui était connue pour être particulièrement talentueuse en Potions.

« J'ai failli attendre, » l'accueille Burwick et Astoria, malgré elle, ne peut s'empêcher de lâcher un “ tu es venue, ” tant incertain que satisfait. Ses joues rouges à cause de l'effort — elle a couru, oui, bon, d'accord, ça ne lui ressemble pas mais elle a bien failli ne pas venir, peut-être par péché d'orgueil — alors pas la peine de masquer son embarras. Évidemment qu'elle est venue. Willow Burwick est gentille et serviable. Astoria pourrait presque en oublier son sang vicié.
Burwick ouvre la porte et Astoria rentre obligeamment dans le laboratoire dans lequel elle n'a jamais mis les pieds avant. Les cachots, étonnament, la rassurent — ce qui est étrange, parce qu'elle n'a jamais trop aimé les endroits sombres et exigüs —, parce qu'ils sont le fief de Salazar et qu'elle y a évolué lors de la plupart de sa scolarité. « Avec tout ça, tu m'as même pas dit pour quoi exactement t'as besoin de soutien. » Astoria se tourne vers elle, plutôt impressionnée et satisfaite de sa sincérité et sa manière de dire les choses tout de go. Pas le temps aussi, de lui poser des questions sur le pourquoi du comment. Sans y penser, Astoria la dévisag en se disant qu'elle a rarement vu un specimen comme ça. « Donc je t'écoute. Je peux pas trop t'aider si je sais pas sur quoi tu dois travailler. Vous avez fait quoi comme potions ces dernières semaines ? »

Elle ne comprend pas très bien mais Greengrass se met à piquer un fard en se détournant, embarassée à cause- à cause de Dorothy, oui, c'est ça. “ On a commencé à étudier le philtre de Paix, explique-t-elle en déposant son sac près d'une table, se défaisant d'un même mouvement de la cape noire de l'uniforme qui drape ses épaules. Et- euh- j'ai- enfin- je pensais avoir réussi. Vraiment. Il y avait de la fumée argentée et tout. Et mon amie Dorothy... eh bien, c'est un peu une angoissée, tu vois? Toujours à se plaindre et à se grignoter les ongles — ew, en passant — et à stresser pour rien. J'arrête pas de lui dire que ses cheveux vont finir par tomber si elle continue de les triturer... c'est dommage, parce qu'elle a des super beaux cheveux. Enfin. Du coup je lui ai proposé de lui en donner un peu, rien qu'un peu, pour la calmer. ” C'est tout elle, ça: s'angoisser silencieusement se mettre à parler nerveusement en tournant le dos à son interlocutrice. Avec une grimace — ce n'est pas très poli de sa part —, Astoria se détourne pour faire face à Burwick et lui adresser, entre deux mèches de cheveux bruns teints, un petit sourire désolé. “ Oui. Et bien, elle- elle dort depuis trois jours. Voilà. Je crois que j'ai un peu eu la main lourde sur les ingrédients. Je suis- soupir. Je déteste peser les ingrédients. Et Sn- monsieur Snape a laissé entendre que ce serait sans aucun doute la potion demandée pour les BUSE. ” Grimace nerveuse. “ Mon père me tuera si je n'ai pas ma BUSE de Potions. En fait, il me tuera si j'ai pas un Optimal en Potions. À vrai dire, il me tuera si jamais il apprend que je me fais tutorer par quelqu'un mais je veux bien prendre le risque. J'ai entendu dire que t'étais super forte en Potions? N'est-ce pas? ” Son regard est presque implorant. (Elle se rend compte qu'elle a failli dire: me faire tutorer par une sang-de-bourbe et elle se rend aussi compte qu'elle joue un jeu dangereux. Elle repousse cette pensée.)

« Tu es venue. » Willow en hausse ses sourcils. Elle penche la tête sur le côté, pince les lèvres. « Evidemment. C'est moi qui ait proposé. Si j'étais pas venue, ça aurait fait bizarre. » Elle hausse les épaules ensuite, tout en passant une main dan ses longs cheveux blonds. Elle les ramasse en un chignon rapide, ouvre la porte du labo d'un coup de hanches, tout en pépiant des paroles dont elle se rappelle à peine alors qu'elles quittent tout juste sa bouche. Elle débite, elle débite. Plus pour oublier sa propre gêne qu'autre chose. Elle n'a pas trop l'habitude de passer du temps en tête à tête avec une Serpentard au sang pur... peu importe ce que pur signifie. Sang de sorcier ou sang de moldu, il reste du même rouge une fois versé sur les pierres de Poudlard. Elle n'a jamais compris cette obsession que certains ont avec leurs ancêtres. Les siens sont de parfaits Moldus, et les Moldus restent d'une débrouillardise incroyable pour compenser le manque de magie. Bande d'étriqués d'esprit... A croire que la consanguinité chez certains sangs-pur rend encore plus con.

Elle revient à la réalité quand Greengrass commence enfin à expliquer ses raisons. Le Philtre de Paix. Un choix logique pour les BUSEs. Souvent demandée par les examinateurs, parce qu'elle demande un timing serré et un grammage précis des ingrédients et justement... « Oui. Et bien, elle- elle dort depuis trois jours. Voilà. Je crois que j'ai un peu eu la main lourde sur les ingrédients. Je suis- soupir. Je déteste peser les ingrédients. Et Sn- monsieur Snape a laissé entendre que ce serait sans aucun doute la potion demandée pour les BUSE. Mon père me tuera si je n'ai pas ma BUSE de Potions. En fait, il me tuera si j'ai pas un Optimal en Potions. À vrai dire, il me tuera si jamais il apprend que je me fais tutorer par quelqu'un mais je veux bien prendre le risque. J'ai entendu dire que t'étais super forte en Potions? N'est-ce pas? » Un classique. Elle fait claquer sa langue contre son palais, se redresse un peu. « J'ai eu un Optimal à ma BUSE de Potions. Et Snape n'a jamais rien eu à redire sur le travail que je lui rends, donc... » Elle hausse les épaules encore une fois. Si elle a senti l'hésitation d'Astoria en parlant de tutorer quelqu'un, si elle sent le mot sang-de-bourbe pointer le bout de son nez, elle ne dit rien. Elle se contente de se pencher en avant, de s'appuyer sur les coudes, le menton au creux de la main.

« Tu as dû avoir la main trop lourde sur la poudre de pierre de lune, » la Poufsouffle déclare finalement avec un petit froncement de sourcils. C'est la seule solution qu'elle voit. « Si c'était l'ellébore, ta copine serait à l'infirmerie pour toute autre chose. C'est toxique en grande quantité pour l'humain... Ca lui aurait provoqué des vomissements. » Finalement elle se redresse et allume le feu sous son propre chaudron, qu'elle remplit d'un simple Aguamenti. « Mais en petite quantité, comme dans cette potion, le sirop d'ellébore agit comme un très léger calmant. La poudre de pierre de lune est un catalyseur, elle permet d'en renforcer les effets. Si on mettait plus d'ellébore, comme je te l'ai dit... on viderait nos boyaux par les deux bouts. » Elle sort déjà ses ingrédients, lève sa bouteille de sirop d'ellébore vers la lumière pour en vérifier le contenu. Ca devrait suffire pour elles deux. « En revanche, si tu mets trop de pierre de lune, tu renforces beaucoup trop l'effet de l'ellébore, ce qui transforme ton Philtre de Paix en somnifère extrêmement puissant. C'est pour ça, mademoiselle Greengrass, que tu dois toujours peser tes ingrédients très précisément. » Elle lève les yeux sur elle, et c'est un regard quelque peu sévère qu'elle lui offre, sourcils froncés et lèvres pincées. « Un antidote peut se transformer en un poison encore pire que celui qu'il est censé guérir si les ingrédients sont mal dosés. C'est pas pour rien qu'on demande une balance. »

« Evidemment. C'est moi qui ait proposé. Si j'étais pas venue, ça aurait fait bizarre. » Astoria se garde bien de lui dire que ça ne l'aurait qu'à moitié surprise. Après tout... il faut dire qu'elle et Burwick n'ont littéralement aucun atome crochu. Serpentard et Poufsouffle, née-moldue et sang-pure, brune et blonde, apparemment érudite et l'autre plus... well, ce n'était pas qu'Astoria était stupide ou maladroite avec sa magie, juste qu'elle rechignait à travailler. Ça l'ennuyait. Certains — la plupart — des Serpentard étaient tant rongés par l'ambition qu'ils ne voyaient que les devoirs, le travail, les bonnes notes: ils étaient là pour travailler après tout et, plus d'une fois, on lui avait adressé un regard noir quand elle se permettait de lentement s'endormir dans la Salle Commune alors que tous y étudiaient sérieusement. Astoria aimait bien Poudlard, elle, non pas parce que la magie y était intéressante mais parce qu'en plus de l'éloigner de Greengrass Manor, elle pouvait rencontrer des gens intéressants et des beaux garçons. Burwick est pas mal dans son genre, aussi, Astoria peut imaginer l'attrait de la combinaison cheveux blonds et yeux bleus. Enfin, elle dit ça en tant que spectatrice extérieure, hein. Et si elle la regarde en coin, c'est uniquement par jalousie, et non par envie. « J'ai eu un Optimal à ma BUSE de Potions. Et Snape n'a jamais rien eu à redire sur le travail que je lui rends, donc... » Astoria hoche lentement de la tête, s'installe à la table que Burwick a préparé pour elles. Il y a deux chaudrons, une ribambelle d'ingrédients et Astoria en a déjà mal à la tête. « Tu as dû avoir la main trop lourde sur la poudre de pierre de lune. Si c'était l'ellébore, ta copine serait à l'infirmerie pour toute autre chose. C'est toxique en grande quantité pour l'humain... Ca lui aurait provoqué des vomissements. » Ew. La délicate Astoria fronce du nez. “ Non, pas de vomissements. Elle a juste commencé à tourner de l'oeil et puis elle est tombée face contre terre, paf, comme ça. J'ai cru que je l'avais tuée jusqu'à l'entendre ronfler. ” L'évocation de l'image du visage de Dorothy écrasé par terre, bavant légèrement, en train de ronfler, n'arrive même pas à lui arracher un sourire.

« Mais en petite quantité, comme dans cette potion, le sirop d'ellébore agit comme un très léger calmant. La poudre de pierre de lune est un catalyseur, elle permet d'en renforcer les effets. Si on mettait plus d'ellébore, comme je te l'ai dit... on viderait nos boyaux par les deux bouts. » À ces mots, Astoria pâlit. Ew-ew. Burwick continue ses explications, Astoria l'écoute attentivement, suivant du regard le moindre de ses gestes, hochant lentement la tête mais avec un certain enthousiaste que le regard de la blonde se pose sur elle. Mademoiselle Greengrass. Elle aime bien, ça lui va bien. En revanche, dès qu'elle parle de balance, Astoria se met à grimacer. “ Je déteste peser les... trucs, ronchonne-t-elle comme une enfant. C'est toujours si... imprécis. Faut rajouter un gramme, faut en enlever deux, faut faire ceci, faut faire cela et à la moindre erreur- - ” Elle s'interrompt, soupir; et quand son regard bougon croise celui, sévère, de Burwick, elle ne peut s'empêcher de rougir légèrement. “ Pardon, marmonne-t-elle. La balance, les ingrédies, l'ellébore, j'ai noté, ” dit-elle. Puis, rapidement, elle sort sa baguette de son sac — avec son propre matériel de potions, une petite pochette en cuir de bonne facture avec les plus basiques des ingrédiens, qu'elle dépose sur un coin de la table en compagnie de sa balance rétractable et une poignée de poids de deux, cinq, dix, vingt grammes — et se concentre sur son chaudron. Elle en allume le feu, le remplit d'eau chaude qui se met rapidement à bouillir, observe avec Burwick le sirop noir d'ellébore. “ Helleborus niger, lâche-t-elle du bout des lèvres et elle ne peut retenir un sourire (tant fier qu'arrogant) quand Burwick tourne vers elle un regard curieux. Moi aussi j'ai plus d'un tour dans ma manche, Burwick. ” Puis elle se reconcentre sur le chaudron, ne pouvant s'empêcher d'apprécier la lueur surprise dans le regard de l'autre élève.

“ On peut partager les ingrédients, si tu veux? J'ai de la poudre de pierre de lune, dit-elle en prenant la fiole correspondante dans sa pochette, des chatons de houblon séchés, racines d'Asphodèle, lait de pavot... en fait, je crois que j'ai un peu de tout. ” Elle met tout en face d'elles, soupire légèrement. Elle n'a strictement aucune envie de travailler. “ Dis-moi, Burwick, qu'il n'y a aucun danger à préparer des potions ici? Rien que nous deux. ” Rien que nous deux. Sourire maladroit tandis qu'elle tourne le visage vers elle, un rien rieuse.