Il ne dit rien. Il écoute. Il n’en pense pas moins bien sur, je sais qu’il n’est pas indifférent à ma vie, à ce qui me blesse ou me rend heureuse. Comme toujours il se retient, il reste imperturbable et pourtant j’ai appris presque malgré moi à connaitre, reconnaitre le moindre de ses mouvements, à lire dans un haussement de sourcil, à décrypter un infime mouvement de lèvres ou le crispement d’un membre quel qu’il soit. Severus n’a rien d’une énigme à mes yeux même si ses silences me blessent plus que je ne veux bien le montrer. Il sait. Il sait que j’ai un besoin irrépressible de stabilité, d’attention et d’amour.... Il sait que j’en ai trop longtemps manqué que j’ai déjà trop perdu. Il sait que je refuse de perdre quelqu’un d’autre tout comme je ne rejetterai l’amour de personne, pas même celui étrange et parfois inquiétant que Rabastan Lestrange me porte et que je lui porte également. Pourtant, il se refuse d’endosser le rôle qui n’est pas le sien et qui lui revient pourtant de droit. C’est lui qui m’a vu grandir, lui qui m’a soigné, lui qui m’a parfois protéger des mauvais traitements de ma “mère”. Lui qui a toujours agi comme un père pour moi quoi qu’il en dise ou en pense c’est ce qu’il est à mes yeux. Au fond je n’en ai jamais réellement connu d’autre, de père. C’est pour ça que son avis m’importe, pour ça que je veux qu’il soit au courant et qu’il soit rassuré de mes intentions. L’amour ne me faisait pas perdre complètement l’esprit. Je savais qu’il s’inquiétait pour moi tant au sujet de mon présent que de mon futur. J’aurai préféré qu’il me parle, qu’il me dise quel chemin suivre, quels engagements prendre mais il n’en fit rien. Il se retint même d’hausser le ton lorsque je lui avouais avoir trop tarder pour venir le voir pour soigner cette fichue cicatrice qui si on ne l’avait jamais vu avant aurait pu être faite le matin même. Toujours sans un mot le maître des potions quitta le fauteuil pour rejoindre la cuisine. Je grimaçais déjà en l’imaginant préparer cette table de chêne qui lui servait de table de soin sur laquelle je m’étais allongé trop de fois pour pouvoir les compter. Je m’en voulais sincèrement d’avoir ainsi tarder. D’avoir attendu de ne plus me mouvoir sans que cela ne provoque comme un courant électrique dans tout mon corps me rappelant à l’ordre. Plus j’attendais plus il avait de travail à faire sur cette plaie. Inutile d’entendre son pas qui se rapproche pour comprendre qu’il m’attend. Il me tend la main et je l’attrape en toute confiance camouflant tant bien que mal la douleur d’avoir à effectuer de tels gestes. Une fois dans la cuisine sa question me surprend. Mais tout en ôtant avec mille et une précautions le lacet de ma robe sorcière à l’aide de ma baguette je tente de lui répondre le plus sincèrement possible. Avec lui je pouvais me montrer hésitante, un peu. Vous voulez savoir si lui dire que je ne suis pas une Lestrange est dans mes intentions? Ou si je compte lui mentir toute ma vie?   Je descend ma robe, défait mon sous-vêtement lui offrant alors la vue de mon dos protégé d’un sort afin que le tissus ne frotte pas contre la cicatrice. Vous vous doutez bien que lui dire la vérité parait plus simple mais qu’au fond cela ne ferait que compliqué davantage la situation.  La vérité ne ferait que le mettre en danger lui et d’autres auxquels je tenais tout autant. J’ôte le sortilège laissant ainsi à Severus voir l’étendu des dégâts avant de m’installer sur la table, mon ventre et ma poitrine reposant sur le bois. C’est Guenièvre qu’il connait... et qui pourrais-je lui présenter d’autre? Je ne serais jamais Jeanne et je n’ai jamais pu être Cedrella...   Je lui avouais a mi-mot mon incapacité à savoir qui j’étais réellement. Perdue dans des identités qui ne seraient jamais complètement miennes. Je remontais mes longs cheveux afin qu’il ne soit pas gêné par quoi que ce soit et posait ma tête sur le côté sur le dos de mes mains que j’avais croisées afin de tenter de serrer mes doigts si besoin était. En revanche, je suis toujours à l’écoute de vos conseils....   Il avait avec moi créer Gwen après tout, il m’avait modelé et aujourd’hui il devait bien comprendre qu’un arbre sans racine ne pouvait pousser complètement droit. Je n’étais vraisemblablement pas la femme forte qu’il espérait.

Bien sûr, je n’allais pas repartir sans lui avouer l’étendu des dégâts, sans lui montrer à quel point j’avais laissé “traîné” la chose, conservant pour moi une douleur qui était devenue presque insupportable. Il me connais assez pour lire en moi, ou presque, parce que lui mentir est plus douloureux encore que cette cicatrice. Parce qu’il est le seul à tout savoir de moi. Je suis perdue et il est la seule personne à qui je peux en parler, la seule personne à qui je peux avouer mes faiblesses, mes hésitations, mes questionnements. Il a toujours été une oreille attentive à défaut de tout m’avouer “pour me protéger” se défend il sans cesse. Mais les mensonges et les silences sont devenus trop lourds, même pour moi. Un rire quitte mes lèvres, comme un spasme, un rire jaune. Survivre avec. Il en savait quelque chose lui aussi. Porter un masque laissait forcement des traces le mensonge n’avait rien d’un allié, il s’amplifiait avec les années jusqu’à devenir incontrôlable. Plus aucune identité ne m’appartenait et il avait face à lui cette gamine de trois ans repliée sur elle même avec, gravé au fond de ses prunelles, la mort de ses parents, les coups  et les brimades de cette mère qu’il lui a choisi. S’il est une chose que je pourrais à jamais lui reprocher c’est bien de ne pas m’avoir garder à défaut de me laisser mourir ce jour là il aurait pu, il aurait du faire de moi sa pupille, celle que j’étais devenue sans son consentement au bout du compte. Mais nous ne referions pas l’histoire et il nous fallait vivre avec nos erreurs et nos marques, comme s’il qu’il observait en silence actuellement. Il n’aimait pas ça et je m’en rendais rapidement compte, je n’aurai pas dû tant attendre et j’entendais presque cette réflexion au travers du regard perdu de Severus. Nous savions tous les deux que rien n’existait pour guérir une blessure si pétrie de magie noire mais il ferait tout pour apaiser mes maux. Je fermais les yeux quelques instants profitant simplement de la tiédeur de la pièce et des paroles réconfortante du maître des potions. J’aimerai ne pas avoir à lui mentir, mais je dois être sincère avec moi-même au moins avec moi. C’est Gwen qu’il aime et c’est elle que je dois laisser vivre. Mais il était si compliqué de ne plus jouer à être celle qu’on avait modelé en tant d’années. Je dois me laisser une chance. Je pouvais faire ça n’est ce pas? J’avais le droit? J’attrapais la main du professeur et la serrais, juste un peu, juste assez pour me sentir plus proche encore de lui. Merci Severus.  D’être toujours là malgré tout. Il s’approcha et se mit à ma hauteur, tous les enfants savent que ce n’est jamais bon signe... même moi. Je l’écoute, dégluti et fini par lui offrir un sourire qui même s’il reste un peu douloureux, un peu crispé n’en est pas moins sincère. Il avait lui aussi besoin de courage pour faire ce qu’il avait à faire. J’ai compris. Va pour le silencio, ça m’évitera peut être de dire des bêtises n’est ce pas... Un peu d’humour, juste pour qu’il se détende, un tout petit peu. Je suis parfaitement consciente de ce qu’il s’apprête à faire et si je refuse qu’il m’endorme je comprends parfaitement la nécessité de ne pas m’entendre hurler. Je resserrais mes mains sur le bois de la table et laissais larmes et hurlements silencieux s’écraser au creux de mon coeur.