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sujet; (MAI 2003) cold water - Archo#1 |
| Les guérisseurs te détestent.
D'un regard assassin, ils t'ordonnent de te recoucher, de ne pas trop bouger. D'un mot sec, ils enragent quand tu salopes leur travail par impatience, par insolence. Ils ne comprennent pas. Ils ne comprennent rien à rien. Le Magister a failli être tué. Le Magister a failli t'abandonner & tu ne peux pas leur pardonner. A ses insurgés, à ses enfoirés. Ils n'ont toujours pas compris combien le maître est bon & combien ils sont cons. Est-ce qu'Harry en faisait parti ? Est-ce que lui aussi, trahit un peu plus, toujours plus Cédric ? « Je crois que ce n'est pas lui le plus fautif, Cho. », susurre la voix chaude & douce de Ced. Tu peux sentir son odeur, sa chaleur. Il n'a pas vraiment changé, il n'est plus cet autre Cedric bloqué dans un cercueil, froid comme la pierre. Il est lui. Tu tends les doigts, t'agrippant au mur de ta main valide. « Et tu vas faire quoi maintenant, Cho ? Essayer de me venger ? » Lui, tu n'en as plus grand-chose à faire. Le plus important reste le maître. Il a toujours été là pour toi, lui. Pas Harry. Pas Cédric. Pas tes amis. Eux s'en sont allés à la moindre difficulté. Eux méritent de crever. « Hypocrites. », grinces-tu entre tes dents, tout bas, dans le couloir blanc & aseptisé. L'euphorie, les désespoirs ont laissés place aux silences lourds de sens. Dans l'horreur, on panse les douleurs, on galvanise les rancoeurs. « Bande d'hypocrites. », casses-tu de tes pieds nus en voyant une famille pleurer sur un corps. Ils ont juste perdus un proche alors que vous auriez pu perdre tellement plus. Sans Lui, tu n'es rien. Le monde n'est rien.
Tu n'es même pas émue pour le sort de ton fiancé. Tu l'as vu se faire engloutir par le plafond, tu l'as vu sans doute mourir. Vide, tu ne parviens pas à faire semblant d'être éplorée, affectée. Il n'était qu'une marque au creux de ton poignet. Il n'est à cet instant qu'un problème gênant à corriger, à étouffer. « Monsieur Arsenius Lestrange semble être le moins touché parmi les siens, un sourire de l'infirmière à comparse qui semble soulagé. Au moins dans cette famille, il y en a un qui s'est laissé soigné sans discuter. » Tu penches la tête, un peu surprise. Tu n'as jamais connu aucun mâle Lestrange se laisser faire sans parlementer, objecter ou attaquer. Rabastan en est l'exemple parfait. Au quotidien, il n'a jamais plié que sous sa propre volonté ou celle du Magister. Il est la terreur de son département, l'empereur du désordre & des ordres. Aramis est aussi froid que taciturne. Ses humeurs glissent au rythme de son mépris. Glacé jusqu'à l'ongle, il ne supporte pas qu'on puisse s'opposer à lui. Tu le détestes. Arsenius, en revanche, a toujours piqué ta curiosité. L'adolescente (débile)(stupide)(complètement vaine) que tu étais a toujours été un peu fasciné, sans oser vraiment l'aborder. Il était après tout ton aîné, il avait cette ombre de respect & de terreur tout autour de lui. Même si il a toujours refusé d'être le fils de son père, réfuté leur lien de parenté. « Excusez-moi, ta voix est trop enrouée, abîmée par les fumées. Où est-il ? ». Papillon populaire, tu as bien vite délaissé toute ta passion pour d'autres.
Lentement, tu entres dans la chambre du fils Lestrange. La chemise de nuit de l'hopital baille sur ton corps mince & élancé. Le gilet bleu posé sur tes épaules ne cache pas vraiment le bras en épingle cassé dans le périple de l'attentat. « Bonjour Lestrange. Les yeux se croisent. Noir contre Bleu. Il paraît qu'un plafond t'est tombé sur le nez. » Un sourire s'arrache à tes lèvres sous le trait d'humour. Tu te déplaces avec prudence, et tu te poses sur le lit, détaillant sur la table un jeu de carte. « Tu veux jouer ? ». Est-ce que toi aussi, tu veux t'oublier ? |
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| Ankylostomose. Les paumes couvertes de lésions. Des éruptions qu’on appelle aussi larva migrans cutanée. Fibrodysplasia ossificans progressiva. La chair calcifiée, son âme piégée, son corps transformé en une prison de pierre. Tungiasis. Les puces terrées sous sa peau, pondant des œufs, l’éclosion visible sur tout son corps –
« Monsieur Lestrange ? » Interrompt une infirmière, l’arrachant abruptement à sa rumination constante d’infections dont il pourrait éventuellement souffrir. Sa raison persiste à lui faire croire que les facteurs environnementaux et physiques ne lui permettent pas de souffrir tous ces symptômes abjects mais la peur d’une quelconque maladie prend toujours le dessus sur sa raison et l’accable de doutes insensés ; ces mêmes doutes qui tirent toujours ses yeux vers la moindre trace de saleté qu’il puisse apercevoir même dans sa chambre immaculée d’hôpital. Instinctivement, Arsenius gratte de son ongle la trace de café qu’il a renversé sur le drap quelques heures plus tôt, l’envie morbide de réclamer qu’on les change est là mais il la terre en reportant son attention vers l’infirmière. « Avez-vous entendu les instructions que je vous ai donné ? » Brièvement, il acquiesce, même s’il n’a pas écouté un mot de sa diatribe médicale. Elle a probablement indiqué les doses exactes pour boire ses potions antidouleurs – qu’il jettera probablement à la poubelle dès qu’elle aura quitté la pièce. Il a accepté qu’on le soigne et qu’on l’isole dans cette chambre mais il refuse de pourrir son organisme ; il ne fait confiance qu’à l’alcool. « Très bien », dit-elle en posant une main rassurante sur son épaule. Mais il se crispe, fixant cette main étrangère sur son corps même couvert par les hardes blanches. Il compte les secondes, péniblement, il compte, compte, compte – et elle finit par emporter sa main et se tourner vers la sortie. Il n’entend pas ses pas qui s’éloignent. Côté droit il n’entend plus rien. Il s’arrache de ses draps et fait trois pas précis et suffisamment larges jusqu’à l’armoire dont il tire un miroir. À l’apparition de son reflet, il se crispe plus durement, ses dents serrées, le bout de ses doigts touchant le côté droit de son crâne. Une partie de ses cheveux a été rasée, probablement pour permettre un meilleur accès à ses blessures. Les bandages recouvrent son oreille mais les dégâts ne sont pas graves. Ce n’est pas un problème physique. C’est interne. Ce bourdonnement constant dans sa tête. La perte d'acuité auditive à son oreille droite. Sourd d’une oreille. Comparé à Aramis ou Gwen, il n’a rien d’accablant. Hormis une surdité unilatérale qui le rend incapable de déterminer la direction spécifique des sons.
Quand Cho Chang est entrée dans sa chambre, il ne l’a pas entendue. Mais il a vu son reflet dans son miroir. « Bonjour Lestrange. » Il se retourne, lui jetant un coup d’œil surpris mais s'avance jusqu’à son lit – posant les pieds exactement sur les mêmes pas qu'il avait fait en sens inverse. « Chang », la salue-t-il en inclinant légèrement sa tête. « Il paraît qu'un plafond t'est tombé sur le nez. » Réinstallé dans son lit, les draps couvrant ses jambes, il cache sans s’en rendre compte la tâche de café. « Il paraît qu’il a surtout emporté ton fiancé. Tu ne m’as pas l’air très affectée par sa mort, Chang. » Elle s’installe sur le lit, causant une légère crispation de ses mains sur les draps. Il sait à quel point c’est idiot d’être effrayé par les microbes. Mais sa peur s’est accentuée à la mort de sa mère et l’attaque à Ste-Mangouste, laissant Arsenius perdu dans ses névroses qui tordent ses entrailles. La présence de Cho n’a rien d’une menace, vêtue elle-même de la chemise de nuit de l’hôpital, probablement elle-même cloîtrée dans une chambre aseptisée et immuable, sans contact avec le monde extérieur et tous ses microbes. Pas comme l’infirmière qui tripote des centaines de patients tous les jours. « Tu veux jouer ? » La question de Cho le sort de sa nouvelle rumination et il jette un bref coup d’œil vers les cartes, sur sa table de chevet. Des cartes traitées par l’une des infirmières pour éliminer toute trace de microbes. Mais il y a probablement de la poussière. D’ailleurs, il y a bien une maladie causée par – « Oui, je veux jouer. » Répond Arsenius brusquement pour couper court à l’abominable torture mentale qu’il s’inflige continuellement. Bizarrement, la présence de Cho est drôlement rassurante maintenant qu’elle a mentionné les cartes ; quelque chose, n’importe qui, pourvu qu’on le sauve de ses troubles mentaux. Il attrape les cartes et commence à les trier, les yeux détaillant sa partenaire de jeu. « Tu vas pouvoir jouer ? » Indique-t-il d’un coup de tête le bras cassé. « Bésigue ? Ou jeu de levées ? » Parce qu'il a le sentiment qu'elle aussi, est en train de fuir quelque chose. Qu'elle aussi, a besoin d'une distraction. |
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Il ne ressemble ni à son père, ni à son frère. Là où le noir de la nuit se sème dans leur cheveux, Arsenius porte le soleil. Il exalte d'une pure lumière, d'une pure chaleur comme si il aspirait à l'été alors que sa famille ne connaît que l'hiver. Tu as toujours aimé ces cheveux là. Ils te rappellent un peu Ced. Durant ton adolescence, tu les parcourais dans un sourire, les emmêlaient dans un rire. Avant qu'il disparaisse, avant qu'on le tue, que Voldemort qu'Harry le tue.
Les pieds nus caressent le sol avec une infinie délicatesse, avec sûrement un peu de tristesse. « Chang », salue-t-il en inclinant la tête. Un sourire lui répond, lui demande silencieusement si tout va bien, si lui va bien. Il s'est réinstallé dans son lit, à recouvert ses jambes alors que les tiennes battent la mesure dans le vide, comme lorsque tu étais enfant. « Il paraît qu’il a surtout emporté ton fiancé. Tu ne m’as pas l’air très affectée par sa mort, Chang. » Tu hausses les épaules, pas le moins du monde affecté par ta perte. « Je préfère me soucier des vivants que des morts. », puisqu'après tout, toi aussi, tu en as semé des cadavres, tu en as tués des gens. « Et puis je n'ai jamais aimé qu'on me vend au premier venu comme une vache au marché moldu. », un froncement de sourcil, la colère se lève, se soulève, bien vite étouffé par les devoirs qui t'étouffent. Dans le bruissement de ton coeur, tu sens les graines d'une révolte. Tu sens quelque chose craqueler, s'infiltrer, gratter. Les lèvres pincées, tu te sens dérangée depuis que le plafond de Saint-Mangouste s'est effondré sur toi. Tu te sens comme réveillée. « Tu ne m'as pas l'air non plus soucieux du destin de comment elle s'appelle déjà ? Eros ? Epice ? Eris. » Les seuls détails retenus sont que c'est une amie proche de Nyssandra Ollivander-Lestrange – quel combinaison étrange, d'ailleurs. Et la petite-amie d'Arsenius. « Bref, la Burke que tu traînes partout avec toi. », conclus-tu, c'est à peine un pique innocent que de la curiosité polie. Tu n'as jamais eu pitié de ces poupées trop dociles, facilement imbéciles, tellement fragiles. Tu les as toujours trouvé vaines dans ta nouvelle sérénité. Au fond, tu as toujours trouvé Arsenius mal assortie à cette Eris Burke.
« Oui, je veux jouer. » , il est un peu abrupt comme si il fuyait quelque chose. Et tu tends déjà les doigts pour attraper les cartes, le frôlant doucement. Il est cependant plus rapide & tu retires ta main pour le laisser faire. Tant pis si vos peaux se frôlent, toi, tu n'en as que faire, mais tu doutes que cela lui plaise. Les Lestrange ne sont pas après tout connu pour leur contact facile & leur chaleur. Il commence à tirer les cartes & tu te cales un peu plus profondément au bout du lit. Les jambes allongées, là où te pieds nues reposent sur la couverture. « Tu vas pouvoir jouer ? » , tu suis ses yeux sur ton bras brisé et tu souffles, mordante & puissante. « Ne t'inquiète pas ma main peut encore tenir des cartes & l'autre choisira. Un silence. Et puis si tu triches, je peux aussi te donner des coups. » Un sourire franc se tisse & un de tes pieds frôle la jambe. Allumeuse, dangereuse, tu as toujours aimé jouer dangereusement. Tu n'as jamais aimé les défaites sans saveur ni les victoires trop faciles. Et même si ce n'est qu'une fuite à deux, tu la veux belle, tu la veux vivante, entraînante. « Bésigue ? Ou jeu de levées ? » un souffle & tu lui réponds ; « Rappelle-moi les règles des deux. » Tu es une habituée des jeux à plusieurs tel que le tarot ou le président. Et tu sais que ni toi, ni lui ne voulez parler de ce que vous avez perdus. Et tu sais qu'il panse encore ses blessures. Tu l'as bien vu dans ses yeux, dans la legilimencie qui susurre, murmure les vérités derrière ses yeux clairs, derrière vos enfers. « Je suis contente que tu sois en vie », confesses-tu, ajoutes-tu dans les yeux qui fuient déjà, dans ta magie qui t'échappe, qui dérape. Parfois, tu retrouves un peu cette ancienne toi, cette adolescente naïve aux rires faciles, aux amitiés futiles. Parfois, tu te retrouves. « Et puis j'attends encore ta prochaine exposition. », un sourire timide apparaît, tu t'es toujours fait spectatrice discrète de ses expositions fantaisiste. Tu sais bien, toi, qu'il n'est pas ce qu'il montre. Tu sais bien qu'il est fin manipulateur derrière ses lubies. Tu te grattes le nez, interdite ; Est-ce que lui aussi se retrouve un peu de temps en temps, malgré les usures, malgré les blessures ?
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| | | | | (MAI 2003) cold water - Archo#1 | |
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