« T’as l’air bien pressée de partir Carrow… On se demande pourquoi. » avait lâché une secrétaire du département de coopération magique sur son passage. Un clin d’œil appuyant ses propos, comme s’ils avaient été trop subtiles pour que Raven ait pu en comprendre le sous-entendu. Elle n’avait pas répondu à l’impertinente bien sûr, le commentaire glissant sur elle comme tous les autres. Elle avait depuis longtemps pris le parti d’ignorer les remarques les plus faibles, Raven n’avait pas le temps de répondre à tout. Ce qui l’agaçait plus que ce genre de remarque, c’étaient les gloussements qui s’en suivaient et l’anticipation sincère d’une réaction qu’elle n’aurait, c’était pourtant évident, jamais. C’était fou comme certains pouvaient penser que, sous prétexte qu’elle était liée à un homme, elle était soudain susceptible de réagir à ce genre de commentaires de la façon souhaitée. Comme si certains, certaines surtout, croyaient qu'aussi brusquement et simplement que cela, Flora était devenue une femme à leur image. Les bizarreries n’étaient pas oubliées, pas excusées, mais on croyait peut-être avoir découvert autre chose chez une des Carrow: un palpitant presque ordinaire dans la poitrine et des hormones tout aussi actives que celles des jeunes femmes de son entourage. Naïfs. Hestia aurait dit qu’ils l’avaient toujours été, leurs petits pions, naïfs et pourtant si divertissants. Ces pions qui, malgré le libre-arbitre dont était censé être doté tout être humain, semblaient toujours agir exactement comme prévu, leurs caractères facilement asservis par les coups de maître de la Main Noire. Flora regrettait son aura de crainte, qui sans avoir disparu, semblait néanmoins se dissiper suffisamment de temps à autre pour que l’on ose la croire normale. Cependant, même quand elle n’avait rien prévu pour eux, il semblait que les pions, si agaçants qu’ils pouvaient être en ce faisant, continuaient d’agir dans le sens qui l’arrangeait. Cette rumeur si risible fut-elle avait au moins le mérite d’être plus agréable à entendre que celles qui la suivaient d’ordinaire. Les conclusions hâtives que tiraient les gens l’avaient toujours amusée. La plèbe cherchait à se rendre intelligente et finissait toujours plus bête qu’à l’origine. Le rapprochement d’un Ollivander et d’une Carrow mettait mal à l’aise certainement, aussi avait-on voulu expliquer la chose en y mettant une dose de romantisme dont pourtant on aurait quelques temps plus tôt accusé Flora de ne pas être capable. Ça l’arrangeait bien néanmoins que la rumeur ait germé, cachant ainsi les desseins plus sombres qui avaient rapprochés les deux anciens Serdaigles. Ça l’arrangeait de ne pas avoir à s’expliquer et que la moindre gêne soit interprétée comme une confirmation de leur prétendue relation. Ce n’était pas comme si quiconque risquait d’être blessé par les ragots, ça n’était pas comme si le cœur de Flora était réellement attaché. Elle n’avait pas pris la peine de nier donc, ce qui n’était pas nouveau puisqu’elle n’avait jamais nié aucune rumeur, même les plus désagréables ayant pu courir à son sujet ou celui de sa jumelle. Néanmoins si par le passé, il avait pu arriver que certains de ses actes prouvent la fausseté des on-dits, les rencontres renouvelées et jamais parfaitement secrètes entre elle et Lorcàn semblaient surtout confirmer ceux-ci.

Hestia n’était pas là pour la voir libérer ses cheveux de la tresse serrée qui les avait étouffé pendant sa journée de travail, pour la voir esquisser un sourire devant le miroir et lui faire savoir ce qu’elle pensait de son attitude d’un simple regard moqueur de ses orbes mordorées. Son absence n’avait rien d’étonnant, mais elle était caractéristique de la distance discrète, mais bien réelle qui s’était sournoisement installée entre elle et son double. Un éloignement dont elle était la seule responsable et qui aurait du la faire reculer depuis longtemps. Rien de ce qui pouvait être susceptible de la séparer de son âme sœur n’aurait du savoir trouver grâce à ses yeux. Pourtant, un être avait su s’immiscer, se substituer à Hestia comme destinataire de sa loyauté la plus absolue. Et ce n’était pas Lorcàn. La secrétaire ne s’était pas entièrement fourvoyée cependant car assise sur un sofa du salon de son appartement, c’était bien le plus jeune des jumeaux Ollivander que la Carrow attendait, ses doigts fins tapotant sur la peau opaline de son avant-bras gauche, dessinant distraitement la marque qu’elle espérait y voir un jour prochain. La deuxième différence physique qu’elle aurait avec Hestia, la première étant elle aussi faite d’encre noire, un symbole plus aérien toutefois, synonyme de liberté plutôt que de la soumission à laquelle elle aspirait désormais. Ce tatouage, infiniment plus que le premier marquerait la fin de leur interchangeabilité, d’une façon telle qu’elle s’en serait certainement effrayée si sa dévotion au Magister ne l’avait pas aveuglée. Trois coups frappés à la porte et la jeune femme s’extirpa de son fauteuil pour laisser entrer l’amant que le monde voulait lui prêter. Mais amant n’était pas le mot adéquat pour décrire Lorcàn, il était plus que ça, il était le seul à la comprendre, il était le pilier de sa période de transition vers le camp souhaité, presque aurait-il pu désormais finir ses phrases, tant leur appréciation du Lord était identique. « Entre je t'en prie. » invita-t-elle en souriant avant de le mener jusqu'au salon. Ce n'était pas la première fois qu'il lui rendait visite dans son antre car si leur fréquentation n'avait pas à rester secrète les propos échangés en revanche étaient à garder entre eux.  « Il faut que je parle à Alecto, il faut que je me rende utile, d'une façon ou d'une autre. Je n'en peux plus de ne rien faire. » avoua-t-elle de but en blanc à peine son invité fut-il assis sur le sofa. Tergiverser n'était pas dans ses habitudes et son impatience n'était pas feinte. Parler ne lui apportait qu'une satisfaction dérisoire, elle voulait agir pour la cause qu'elle soutenait, marque ou pas. Elle su tout de même se souvenir de ses quelques leçons de politesse et se leva sans prévenir pour chercher depuis la cuisine deux bouteilles de bièraubeurre qu'elle déposa sur la table basse devant eux.