sujet; KIRIAN#2 ⊹ sometimes I think that it's better to never ask why

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sometimes I think that it's better  to never ask why
Where there is desire
There is gonna be a flame
(play)

« Tu n'oublies pas, ma puce, hein ? Les yeux se redressent, bleu contre bleu. Les boucles sont relevés en une queue de cheval maladroite, peu adroite. Tu n'es pas très doué. Oui, oui, je fais des dessins. Je cache Saskia & quand le mochemo- Mangemort, Madelyn. Si tu veux, Papa. Et quand le mangemort approche, je souris & je suis polie. ». Le sourire est charmant, intelligent, elle a perdu une dent récemment & tu l'observes en frémissant d'un rire, d'un sourire. L'anxiété te dévore, indolore, flirtant sur ta peau en overdose en apothéose. « Et après, on ira voir Gwen, Papa ? », les yeux de ton enfant s'illuminent, s'agrandissent de tendresse pour la brune qu'elle pense être une princesse.  Tu caresses sa nuque du bout de tes doigts, là où démarre la terrible cicatrice, sous l'écharpe. « Et on lui apportera même de la glace. Z'aime la glasssce moi aussi, susurre Saskia, s'agitant sous la manche en riant. Mais ça te fait froid aux crochets. Mais z'ai ma petite bouillotte, sss. ».

Doucement, calmement, vous vous enfoncez dans les couloirs, là où l'ombre des mystères flottent pour conquérir la guerre. Là où tes doigts s'activent pour le meilleur & le pire.  Un regard sur la secrétaire, elle te dédie un regard navré, désolé. Et de ton pouce, tu caresses la main de ta fille dans des demis-cercles tendres & lents. La peau claire fuit sous tes doigts, tout contre toi. Elle sait que tu en as besoin pour être assuré, rassuré. Elle sait que tu ne peux pas fuir, ni t'enfuir. Elle sait. Et sans doute, est-ce le pire. Tes yeux sont un peu tristes, un peu amères. Tu n'as pas voulu ça. Et le sarcasme veut que les chaînes redoublent, t'épousent lentement, simplement.  Le destin te semble assassin, peu serein, toujours certain de sa main coupable, fatale.

Les couloirs filent & défilent. Il ne faut pas s'attarder, ne pas trop regarder. Le costume te laisse un peu plus de liberté, la cravate s'est envolée, le cœur ne va pas déraper, cette fois. Il est bien accroché, pas vraiment écorché. « Entre ma chérie. », la petite brune pénètre la pièce sans un regard en arrière, uniquement soutenu par tes égards. « Papa, il faudra aller fleurir la tombe de Maman. », l'alliance brûle & le ventre s'embrume. La porte a claqué, les yeux sont posés sur l'homme. La bouche s'assèche, les doigts le cherchent déjà. Instinctif, le cœur se décroche, s'effiloche. « Je. Les mots te font défauts ripent sur tous les maux. Papa ? Ons'esttrompésdesalle.Pardon. ». Tu ouvres la porte, revient sur tes pas, fixant le numéro imprimé de lettre d'or. A11. Le papier se froisse sous tes doigts ; la convocation est sommaire, primaire & le chiffre danse, n'autorise pas de mélange. A11. Comme une fatalité, comme une destiné. Et la porte s'ouvre, la petite frimousse frappé de tâches de soleil s'affiche. « Papa, tu fais attendre le monsieur. », la moue est sévère, guerrière. Et tu rougis, te dissimulant derrière un demi-sourire. « J'ai cru que … Viens il ne va pas te manger. ». Oh Madelyn, si seulement, tu ne pouvais pas te sentir dévorer, embraser par ses yeux, par tous les aveux. Et tu te grattes la tête, penaud, maladroit, peu adroit dans ses jeux là.

Un soupir & tu entres. « M-Monsieur Moltchaline. Tu n'arrives pas à le prononcer, à parler. Tu n'arrives qu'à t'excuser, à sentir ton cœur exploser, valser. La langue râpe, s'esclaffe de ta maladresse, de ta détresse. Et tu te souviens du goût de ses lèvres, des rêves à peine touchés, déjà condamnés. Ma fille, Madelyn.  Tes yeux voguent sur la petite brune qui s'est déjà installée à une table un peu éloignée. Elle sourit doucement, tendrement à l'homme blanc. E-Elle ne nous dérangera pas. Papa, respire, tu vas t'étouffer. ». Tu mords ta lèvre, te forçant à inspirer & à expirer. Pourquoi tout devient toujours compliqué ? Pourquoi tout ne peut pas toujours être banalité, tranquillité ? Est-ce trop demandé ? Et de son petit sac, l'enfant très débrouillarde sort les crayons de couleur & le cahier de coloriage, se débarrassant du petit manteau, pour laisser glisser la couleuvre un peu endormie sur le bureau. « Jesuisdésolé. ». De t'être enfui ? De ne jamais pouvoir dire oui ?

Les yeux sont rivés dans les siens, le bleu s'accroche, semble chercher une approche, un mot d'accroche. Tu ne sais pas, tu ne sais plus. « V-Vous permettez ? Un murmure, et tu sembles pouvoir traverser tous les murs, honorer les baisers silencieux, les gestes laissés en suspend. Tu chasses les souvenirs de quelques battements de cils, de froncement de sourcils. Tu te diriges doucement & calmement vers ta fille. Comme on a dit, d'accord, mon ange ? J'aurai vite fini. Et elle se baisse, pose des mots dans ton oreille. Ne t'inquiète pas, Papa, je veille sur toi. ». Et la taquinerie a un goût de vérité, de tendresse inavouée, d'amour calculé. Le baiser claque sur ta joue. Et doucement tu te relèves, posant la  veste sur le bureau, laissant Saskia s'y nicher en regardant les mouvements du crayon sur la feuille. Tu observes les détails d'un serpent. Et tu reviens vers lui, observant les plantes poser, exposer. « Elles ne devraient pas être sous lumière artificielle, vous allez les tuer. », un murmure triste, sensible. Et tes doigts courent sur les feuilles, la magie semble frémir, gémir sous tes doigts.

« Monsieur, tu fais pas pleurer mon papa, hein ? », elle est très sérieuse, la petite brune orageuse. Et tu rougis, blêmis. « Madelyn. », le ton est doux mais ferme, sincère. Tu ne veux pas de ça. Tu ne peux pas avoir ça. « S'il te plait. ». S'il te plait, sois sage, j'ai peur d'un autre naufrage.
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Il travaille beaucoup ces derniers jours et ne s'arrête que pour picorer de quoi tenir encore quelques heures ou pour s'accorder une pause bien méritée loin du ministère, dans une des rares salles d'escrime que possède le Londres sorcier. Manier l'épée n'est pas un sport populaire en Angleterre car d'origine moldue, mais en ce qu'il se rapproche de l'art du duel magique, il est toléré.
Alors Kirill s'exerce, plie son corps à une discipline de fer pour dompter son esprit et oublier.

Oublier le fiasco de la soirée mondaine, ce fatal moment d'égarement.
Oublier le terrible sentiment d'humiliation qui a suivi.
Oublier que la veille, au retour du travai, il a trouvé une note en russe sur la table du salon, écrite à l'arrachée. Une note de Sergueï, l'informant qu'il venait d'être rappelé au pays avec deux heures pour plier bagages et regagner la Rodina, afin d'y contrer les courants égalitaristes main dans la main avec le gouvernement anglais. Une note signée d'une formule terrible, celle que Kirill connaît pour avoir entendu sa mère la prononcer à leur grand mère mourante, leur père à son frère aîné lors de son départ pour la Chine où il mourut, cette formule si spéciale.

"Puissent nos chemins se recroiser un jour

Elle n'a qu'une signification, cette formule. Un seul sens. Celui que les chemins ne se recroiseront plus jamais. Adieu étant trop cruel et Au revoir trop mensonger, les Moltchaline l'emploie depuis des décennies, elle est leur marque de fabrique. Et Kirill sait, a su à la seconde où il a vu la note que Sergueï ne reviendrait jamais en Angleterre, tout comme lui n'aura plus jamais le droit de regagner sa mère patrie.
Sergueï est parti.
Et pour la première fois de son existence, le médecin est seul. Totalement seul. Il travaille pour oublier qu'il n'arrive pas à passer au dessus de ces échecs et départs qui s'enchainent comme des dominos infernaux.
Et il y arrive presque, à la nuance près que les plantes meurent entre ses mains depuis maintenant près de cinq jours et que sa baguette, aussi capricieuse que son esprit, n'en fait plus qu'à sa tête s'il ne la contraint pas de toute sa force à obéir.

La seule pensée apaisante dans ce moment obscur est celle que les choses pourraient difficilement être pires. Kirill se fait cette réflexion quand il sent le sommeil venir, la distraction arriver et le perturber de son travail, de son art, seul élément stable de sa vie. Les choses pourraient être infiniment pires. Relativiser est à ce stade tout un talent à posséder et il se pense expert en la matière jusqu'au moment où la porte de son laboratoire s'ouvre et qu'une frimousse brune apparaît dans l'encadrement.

Bref froncement de sourcils. Si c'est une victime choisie par Rookwood pour il ne sait quelle expérience bizarroïde, il va se départir de son flegme habituel et ruer dans les brancards. Il n'est pas d'humeur à se détourner de ses travaux en cours pour la contemplation presque malsaine parfois, de son supérieur, et quand bien même voudrait-il faire greffer à cette petite des ailes d'ange, Kirill s'en moque. Il n'a pas le temps, pas l'envie, les enfants sont de toute manière des patients qu'il n'aime pas. Ils ne sont pas même formés entièrement, comment les juger imparfaits? on ne peut envisager de modifier qu'un bâtiment fini et révélant des vices, pas une ébauche de monument. C'est un non sens total.

Il s'apprête à renvoyer sèchement la secrétaire ayant selon lui amené la petite lorsqu'une silhouette pénètre dans le laboratoire à la suite de l'enfant. Kirill ne bouge pas d'un cil, son visage reste de marbre son estomac se contracte vicieusement. Les choses pouvaient être pires, elles viennent de le devenir.
Il ne veut pas le voir.
Il ne veut pas le regarder.
Il n'a même pas envie de se souvenir de son nom et pourtant sa mémoire presque absolue a décidé de ne rien lâcher, comme pour le torturer. Des images fugaces envahissent son esprit, des lèvres pressées, des caresses échangées, deux corps l'un contre l'autre, une main dans ses cheveux....
stop.
Ca suffit.
Une fois, pas deux.


"Papa, il faudra aller fleurir la tombe de Maman" lance la petite.

Tombe. Il est donc veuf, pas marié. L'alliance s'explique.
Peu importe. La mort n'entraine pas la fin de la dévotion. Un veuf dévoué à la mémoire de sa femme et désespéré au point d'embrasser le tout venant, peu importe le sexe: classique. Ca expliques le désespoir et le côté passionné. Case closed, archive Kirill.

Kirill ne baisse pas les yeux, ne cherche nullement à aider Dorian Selwyn lorsque ce dernier rougit et s'excuse platement, arguant s'être trompé de salle. Très bien, prions donc pour une erreur, ça rendra tout plus simple. Mais bien évidemment, ce n'est pas une erreur et la petite le sent bien, elle lui offre même un sourire malicieux, presque un peu penaud, qui semble dire, "pardon, il est souvent comme ça". La voilà d'ailleurs qui s'en va le sermonner, ce père qu'elle semble adorer et le ramène dans le laboratoire en lui reprochant de faire attendre Kirill.
Ce dernier est surpris. Tant d'aplomb chez une enfant, surtout en sa présence, c'est assez rare pour être noté. Dorian revient, Kirill le vrille des yeux. Il a toujours eu un talent inné pour faire comprendre aux gens qu'ils marchaient sur des oeufs et c'est sur un poulailler entier que Dorian s'aventure à petit pas. La glace est fine et si elle craque, l'eau glacée et noire attends.
On peut se moquer de Kirill une fois, le mépriser une fois, se jouer de lui une fois, abuser de lui, une fois. Jamais deux.

"M-Monsieur Moltchaline."

-Monsieur Selwyn.

Le ton est calme, la réponse à peine plus froide que celle qu'il aurait accordée à n'importe qui d'autre. Il pose sa plume sans un geste de travers et se lève lentement. Ce jour là il ne porte que du noir et n'a pas daigné enfiler sa blouse, demeurant une statue de marbre drapée d'ombre.

"Ma fille Madelyn...e-elle ne nous dérangera pas"
"Papa respires tu vas t'étouffer!"

Kirill ignore consciencieusement le père et se concentre sur la fille, dont la vue ne lui aiguillonne pas les côtes.

-Bonjourrr Madelyn. Enchanté de te rrrrencontrrrer. Vas donc t'asseoirrr à une table si tu le veux bien. Tu y serrras plus à l'aise pendant que nous trrravaillons.

La petite le dépasse avec un hochement de tête et un sourires, ses bouclettes brunes voletant dans son sillage et, appliquée, se hisse sur une chaise avant de sortir d'un petit sac son matériel à dessin. Tiens, une artiste. Kirill est surpris de l'assurance de l'enfant. On dit son laboratoire oppressant, malsain même, bien qu'il soit décoré avec un goût exquis et une décoration raffinée, mais Madelyn Selwyn s'y sent visiblement comme chez elle et la voilà qui colorie, laissant de temps à autre son regard errer sur un tableau de papillons cloués, sur un bocal à fleurs, sur un des dessins de Kirill, accroché au mur. Elle ne dérangera pas non. C'est une assurance, elle sait se tenir.

"jesuisdésolé".

La voix le pousse à se tourner vers Dorian. A regret, ses yeux se pose sur lui, il se force viscéralement à lui faire face. Et ça fait mal. Kirill a envie de se draper dans sa dignité, il ne parvient qu'à ressentir les affres du rejet plus douloureusement. Face au danger il ne fuit jamais mais montre les dents et cette fois, il n'en a pas la force. Il est las, si las.
La solitude a celui de fourbe qu'elle est à la fois le baume et le poison. Elle coule sur vous, pluie réparatrice qui isole des douleurs et parfois, elle se fait acide et ouvre des plaies impossibles à guérir. Sergueï lui a ouvert le coeur en le quittant, Dorian Selwyn lui a lacéré la poitrine et le ventre en le touchant puis en le regardant avec cet air de...

Peu importe.
Ce n'est pas le sujet.
Fais ce pour quoi tu brilles et travailles.


-Je ne vois pas de quoi vous vous excusez.

Réponse neutre mais qui contient un brin de sécheresse. Il ne sait pas ce que Dorian sous entend, ne veut pas le savoir. Il ne veut pas d'excuses, pour quoi que ce soit, même pour les erreurs les plus intimes, qui sont après tout les siennes. Il aurait du savoir et s'est comporté comme un adolescent. Grand mal lui fasse. Céder aux accès de désespoir d'un veuf en mal de sensations charnelles a ses conséquences et il n'y a plus qu'à tourner la page et se comporter avec dignité et précision. Seuls les fous se perdent dans des larmes et laissent les plaies s'infecter. Kirill saigne, mais sait qu'il guérira et tant pis pour les marques laides qui s'inscriront sur son âme, à défaut de marquer sa peau.

"V-vous permettez?"

-Je vous en prrrrie.

Kirill le laisse enlever sa veste, la poser sur la table, marquer ce territoire qui n'est pas le sien de sa présence, de son odeur. Il sent toujours la pomme, l'odorat fin de Kirill détecte le parfum et ça lui serre la gorge. Pendant que Dorian s'entretient rapidement avec sa fille, le médecin ouvre le dossier dont ils sont sensés discuter ensembles, cette expérience, ce nouveau projet où l'intervention d'un "potionniste aguerri" lui a été promise. Il se maudit d'avoir cédé à Rookwood, il avait pourtant assez répété qu'il travaillait mieux seul. Mais non. Tout serait trop simple.
Il ferme le dossier sèchement et le pose près de lui, près à le prêter à son...."collaborateur" qui revient d'ailleurs vers lui.

"Elles ne devraient pas être sous lumière artificielle, vous allez les tuer"

Kirill jette un oeil désabusé et désintéressé aux plantes mourantes sous les lampes et les mots ne lui arrachent qu'une remarque cynique:

-Tuer est mon trrrrravail, j'aime êtrrrre dans la constance.

Il voit bien que la réflexion a porté, il sent même l'aiguillon terrible de la culpabilité au fond de sa poitrine et détourne les yeux pour griffonner une remarque sur son carnet. C'est la voix de la petite Madelyn qui lui fait tourner la tête.

"Monsieur, tu fais pas pleurer mon papa, hein ?"
"Madelyn. S'il te plaît"

Soupir. Les enfants voient la méchanceté. Elle leur est à la fois agréable quand ils en sont les auteurs et intolérable quand ils en sont les simples témoins. Kirill s'approche de Madelyn, se penche par dessus son épaule et observe le dessin. Un serpent, vert et orangé. Elle comprends la théorie des couleurs visiblement et a bien compris que le mordoré devait découler de ce mélange, sans réussir à le concrétiser toutefois. Artiste et maligne. Avec une ombre de sourire, le médecin complimente doucement:

-Je ne suis ici pourrrr fairrre pleurrrer perrrsonne. et surrrtout pas toi. Tu aimes dessiner? rrregarrrrdes.

D'un coup de baguette, d'un informulé, il appelle à lui une boite noire posée sur un autre bureau, conçu à la manière des tables d'architecte, qui s'envole vers eux et se pose près de l'enfant et se déverouille, s'ouvrant et se dépliant pour lui présenter crayons, craies, fusains, peinture, aquarelle. Kirill s'empare d'un fusain et en quelques traits, sur une des feuilles de la petite, trace habilement des pleins et déliés poussiéreux et profondss. Des yeux aux pupilles fendues, des narines, le reflet ombré de quelques écailles. La tête de serpent se dessine sous ses doigts experts et il lâche rapidement le noir pour prendre un brun verdâtre dont il orne le croquis. Son oeil est formé au dessin, l'image court dans son esprit et lorsqu'après avoir finalisé l'image, il pose le crayon, il tourne la feuille, la montre à la petite.

-Juste une derrrnièrrre chose...

Kirill fait tourner sa baguette et soudain,les pigments s'animent et le serpent cligne des yeux sur le papier. Il regarde Madelyn, la jauge et la petite se dévisse presque le cou pour regarder Kirill, la bouche ouverte en un "o" parfait.

-Poudlarrrrd t'apprrrrendra à fairrre ce genrrre de choses...mais n'ais aucune crrrainte: ton serrpent est d'ors et déjà bien plus beau que le mien...tu devrrrais utiliser mon matérrrriel. Tu aurrrras plus de choix dans tes teintes.

Et avec un geste encourageant vers la boîte, il sourit, se détourne et revient vers Dorian. Le masque est de nouveau en place et il lui tend le dossier.

-Voilà. Nous trrrravaillons en ce moment surrrr un prrrrojet de trrransforrrmation physique via la médicomagie, destiné à l'usage militairrrre et puisant dans le fond des citoyens indésirrrables. J'espèrrre que vous me suivez. Nous avons jugé bon de vous demander assistance en matièrrrre de potions, nos anesthésiants et psychotrrropes ne sont pas suffisants pourrr la teneurrr de l'opérrration.

Il est raide. Son souffle aussi. Il veut être seul, trop de personnes envahissent son espace vital et il ne veutpas travailler avec lui. Le remord de lui avoir montré une faiblesse lors de la réception lui déchire le ventre, le plaisir de son contact est un souvenir cuisant, qui lui tranche la chair. Il sait qu'il en voulait plus. Il...en veut plus. Le feu est toujours là, douché par la déception, le sentiment d'être un sombre abruti, par la certitude de n'être qu'un pantin dans un jeu de dupes. Par la honte d'être tombé de son trône lui, le prince des blizzards que rien n'écorche jamais. Mais les lèvres ont toujours l'air aussi douces, le parfum est toujours aussi entêtant. Et les yeux toujours aussi profonds. Il veut le haïr, il y arriverait presque s'il ne lui faisait pas un tel effet. S'il ne lui inspirait pas autant de désir...mais aussi autant de...compassion?

Comme s'il le suppliait silencieusement de ne pas le juger. De pardonner. De comprendre. De...le vouloir quand même un peu.

Kirill comprends presque tout, sauf les sentiments. Et l'incompréhension l'angoisse. Alors il respire mal, sent son estomac se pendre à un croc de boucher et sa gorge s'assécher. Il lui faut une inspiration longue mais discrète et une déglutition compliquée pour reprendre la parole.

-Avez vous les capacités pourrr ce trrrravail monsieur Selwyn?

Le dossier est tendu, la main ne tremble pas. Mais sous la façade, le vernis craque et les morceaux de sa dignité s'écrasent au sol sans un bruit.

Les choses auraient pu être pire.
Elles dégénèrent de minute en minute.
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Et après la puissante attirance, il ne te reste que l'indifférence. D'un « Monsieur Selwyn », il t'assassine des froids respectables, enviables de sa voix, sous chacun de ses doigts. Et de tes yeux trop clairs, tu ne retrouves pas sa lumière, tu ne retrouves pas chacune de ses caresses égarées, envolées. Tu fourmilles de souvenirs, de désirs. Et les vents glacés te laissent un cœur abîmé, gercé. Mais pas brisé.

Tu n'es pas encore tué.
Il ne t'a pas pulvérisé.

Il ne te regarde pas. Il ne te regarde plus. Tu l'as mérité, tu as tout cassé. (Rien ne change. Tu tues tout ce que tu touches, Dorian, danse la voix familière, passagère.) Ses yeux se perdent sur ta fille & tu as un pincement de jalousie. Tu ne veux pas le partager.  Et tes ongles raclent ta peau, sous les maux, le besoin d'y mettre des mots. Et tu sais, pourtant, que tu es le seul à sombrer, à t'abandonner, à ne pas avoir oublié. Ta fille s'agite, portrait craché de tes yeux trop clairs & de ses boucles brunes qui caressent sa nuque dans une queue de cheval en hauteur. « Je ne vois pas de quoi vous vous excusez. » , ta gorge s'assèche sous le désert de sa voix. Il n'a plus d'intérêt pour toi, tu l'as laissé, tu l'as abandonné. Les yeux retombent sous toi, et il y a un désespoir dans le noir. Il y a les blessures que tu as imposé, opposé.  Tu ne peux pas t'excuser, il ne peut pas te pardonner. Et la colère est sincère, amère, elle frise ton organisme dans un battement de cil. Dans un battement de cœur loupé, avorté,  il t'autorise à prendre quelques secondes pour ton enfant. La douceur glisse, s'immisce. La veste est posée & tu es bien conscient de prendre un peu de son univers, un peu de ses guerres.

Tu entends les feuilles s'agiter. Le dossier tombe mollement, brutalement sur le bureau. Et il est comme battu, vaincu de devoir t'inviter, travailler avec toi. Tu ne devrais pas t'imposer, tu ne devrais pas vouloir le frôler. Et ton ventre se tord. Tu sais bien que tu as tous les tords. Tu sais bien que tu ne devrais pas lui en vouloir, tu n'aurais pas dû y croire. Et les plantes te font mal, te désarme. Un peu comme lui. Un peu comme vous. Les yeux de Kirill se pose, s'interpose, désabusés, usés. « Tuer est mon trrrrravail, j'aime êtrrrre dans la constance ». Le cynisme glisse, s'imprime sur les grains de ta peau, lacérant tes entrailles, les entailles. Il t'en veut vraiment, tellement. Tu déglutis difficilement, blêmis facilement. Fragile, tes doigts paressent sur les feuilles d'une plante dans une douceur lente, patiente. Elles se tendent dans un frémissement, mourante, agonisante. Assassin, il n'y a pas de mesure, il n'y a que des blessures.

« Il n'y a aucune constance dans votre raisonnement & vos actes. », ta voix a beau trembler, hésiter, il y a une fermeté derrière ton jugement. Tu écartes les lumières artificielles, allant chercher une poignée de terre dans ta main. Trop sec. Trop dur. La terre coule mal, s'écoule, égrainant les secondes fatales, brutales. Tu as toujours appris à vénérer, aimer les plantes. Au final, ce sont elles qui t'ont le plus rendus l'amour dispersé, envolé. La fascination est brûlante entre tes doigts, s'écoulant en passions, en pulsions. Et dans  un geste simple, tu sors ta  baguette. Le bois semble se courber, se recroqueviller sous la magie noir & les désespoirs. Tu agites doucement, d'un mouvement l'objet, murmurant du bout de ta langue un sort précis, exquis. La magie refuse, s'use, se nichant au creux de tes doigts. Tu soupires & avec un peu plus de force, tu reformules le sort, laissant la magie fleurir sur les veines vertes. La plante s'enhardit, grandit, craquant d'une nouvelle vie. « M-Mieux. », tu caresses en douceur une feuille, certain, serein.

« Je ne suis ici pourrrr fairrre pleurrrer perrrsonne. et surrrtout pas toi. Tu aimes dessiner? rrregarrrrdes. Pourquoi tu mens, monsieur ? Tu te suspend, te retournant pour observer ta fille fixer de ses yeux abyssaux le jeune mangemort. Penché par delà son épaule, les cheveux blanc tombent légèrement, brutalisant ton cœur. La main te brûle & les souvenirs remontent, t’inondent. La chaleur se distille, t'envenime. Et pourtant la discussion se poursuit, Kirill appelle son matériel pour distraire ta princesse. Pourtant ça ne suffit pas à la curiosité de l'enfance, de l'imprudence. Et  du bout de ses prunelles, Madelyn susurre. Toi, tu pleures monsieur. Un peu comme Papa. Jusqu'à ce que Maman meurt. Madelyn, le murmure est étouffé, avalé dans un couinement, dans un tremblement. Ma chèrie, s'il te plait. On a déjà dit qu'il ne fallait pas en parler. Toi aussi tu as tué ta femme, Monsieur ? Les dents s'enfoncent dans tes lèvres. Madelyn va chercher ma sacoche chez Dorethea & demande lui de convoquer notre elfe de maison. Mais je-. Maintenant, Madelyn. Et pour une fois, ta voix se veut ferme, sereine. Elle attrape son manteau pour sauter par delà le siège avec une moue boudeuse, frondeuse. La porte claque & ta voix craque ; Qu'essayez-vous de faire exactement avec ma fille ? ». Un fond de possessivité se dissimule derrière une fausse douceur, une fausse candeur. Les yeux vrillent, agressent & paressent. Il y a des orages & des naufrages. Il y a des ravages qui s'annoncent, qui te dénoncent sous les pulsions d'une rage, d'un carnage.

Tu repousses le dossier du bout de tes doigts. « Je n'ai que faire de votre projet. On ne me demande pas mon avis. Bête enchaîné, tu tires sur tes chaînes, tu traînes tes rêves. Vous voulez quelque chose de plus puissant qu'un anesthésiant ou un psychotrope ? Vous aurez. Ne m’embarrassez pas de paperasses futiles. », la langue claque, ripe & râpe. Sans merci, la douleur te broie, te noie. Et pourtant tu refuses de te laisser dévorer, dénigrer sur tes capacités, briser sur tes secrets. Chaleur & douceur se sont explosés sur la rancœur, sur tes battements de cœur.  

« Avez vous les capacités pourrr ce trrrravail monsieur Selwyn? », tu déglutis difficilement, sentant la colère s'affamer, s'armer sous la puissance du désir. Les poings se serrent, se resserrent. Les ongles s'enfoncent. « Vous avez le droit de ne pas m'aimer, de ne pas m'apprécier, de me détester pour ce qui s'est passé entre nous. », souffles-tu, à bout de mots, au bout de tes larmes qui menacent de rejaillir, de t'envahir. « Vous avez le droit d'haïr ma faiblesse. Il ne sera pas le premier, ni le dernier. Elle s'imprime sur ta peau à chaque marque posé, imposé. Le souffle se raréfie, se perd dans la mer de tes tourments, de ton agacement. V-Vous pouvez me détruire, me réduire. Les yeux se ferment, les souvenirs te viennent, te reviennent, t'enlaçant, te renversant. Les lèvres t’abîment encore, le souffle se comprime. J-Je suis désolé de vous dégoûter, de vous déplaire, de n'avoir rien pour moi. Tu as bien compris, bien appris, tu ne suffis pas. J-Je suis désolé de vous vouloir encore, murmures-tu, achevé, désorienté, peinant à trouver des mots sur tes maux. La gorge est nouée, le cœur est en miettes. Mais je ne tolérais pas que vous dénigriez mon travail, que vous me demandiez si j'ai les capacités pour. ». Le bleu de tes yeux te fait prince des apocalypses, de tous les risques. Tu n'es pas doux, tu n'as rien de mou, et tu te grattes le poignet, maladroit, peu adroit. « Comme je ne tolérerai pas que vous usiez de ma fille pour me faire réagir. ». Et les yeux se redressent dans les siens. « Je vais juste travailler & plus jamais, vous ne me rencontrerez. J-Je vous le promets. ». Tu sais qu'au final, c'est toi le déchet, c'est toi la déception. Tu ne peux pas lui en vouloir pour ça, n'est-ce pas ?
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Les mots de la petite fille le heurtent.
«Toi, tu pleures monsieur. Un peu comme Papa. Jusqu'à ce que Maman meure»
Il ne sait pas quoi répondre.
Il ne pleure jamais et bien qu'il saches que les mots de l'enfant sont sans doute métaphoriques, lui répondre n'est pas plus simple. Parce que cette petite phrase vient de lui ouvrir un gouffre béant dans la poitrine. Kirill ignore ce qui se cache au fond de son gouffre , il ignore tout autant ce qui s'en échappe mais l'espace d'un instant, son estomac se tord et son coeur semble se recroqueviller sur lui même. Plus les secondes s'égrènent, assassines petites saletés, plus Kirill se tend, plus le souffle lui manque. Les enfants ont parfois une façon de parler, de réfléchir, d'accuser bien plus acide que celle des adultes et Kirill, si plein de verve, si plein de réthorique, se retrouve soudain sans voix.

Ce n'est que lorsque Dorian reprends la parole et envoie sa fille à l'extérieur que la poitrine de Kirill se déssère quelque peu, que son souffle reprend son cours normal. Mais le repos est de courte durée. A peine la porte se referme-t-elle sur Madelyn et ses boucles brunes que la voix de son père claque dans l'air à la fois fragile et cruelle:

«Qu'essayez-vous de faire exactement avec ma fille ?»

Kirill se crispe presque imperceptiblement. Homme de peu de morale mais d'éthique, il admet les crimes dont il est coupable mais refuse les torts qui ne sont pas les siens. Et la manipulation n'est pas dans ses pratiques. Il est terriblement dur, mais franc, d'une froideur sans pareil mais d'une honnêteté inégalée dans son manque d'empathie. Il n'aurait jamais manipulée un enfant pour atteindre le père et soudain il se sent sali. La colère monte, elle commence à poindre, sentiment inhabituel et dérangeant. La murène frémit contre sa peau, Kirill se sent presque pousser des crocs. Il veut le mordre, il va le mordre. Il a autant envie de lui déchirer la peau que de l'embrasser, de la caresser.

« Vous avez le droit de ne pas m'aimer, de ne pas m'apprécier, de me détester pour ce qui s'est passé entre nous. Vous avez le droit d'haïr ma faiblesse V-Vous pouvez me détruire, me réduire. J-Je suis désolé de vous dégoûter, de vous déplaire, de n'avoir rien pour moi. J-Je suis désolé de vous vouloir encore.»

Elle continue de monter. La rage, la haine. Comment ose-t-il retourner la situation, le traiter ainsi, jouer la victime?! qui s'est retrouvé seul dans une pièce vide lors de leur première rencontre?! qui a subi les affres du rejet, qui a sentit son estime de lui se déchirer?! Comment ose-t-il lui dire qu'il le veut encore, qu'il le désire encore, alors même qu'il l'accuse de se servir de sa fille?! Il le traite comme un bourreau quand il est celui qui a subi les coups de fouet! Kirill se retient pourtant et se contente de contrôler sa respiration, blême de rage. Il en tremblerait. Il en casserait, briserait les meubles sur le champ s'il n'avait pas appris tout jeune à contrôler ses humeurs, positives comme négatives. Dorian ne s'arrête pourtant pas de parler, comme s'il était aveugle et insensible aux ondes de fureur émanant de Kirill, suintant par chaque pore de sa peau.

« Je ne tolérais pas que vous dénigriez mon travail, que vous me demandiez si j'ai les capacités pour. Comme je ne tolérerai pas que vous usiez de ma fille pour me faire réagir. Je vais juste travailler & plus jamais, vous ne me rencontrerez. J-Je vous le promets»

Oh pas question. Pas question qu'il s'en sorte de cette manière.Par la porte ou par la fenêtre, il va comprendre. Qu'on ne peut pas jouer les martyrs quand la violence vient de nous. Qu'on ne peut pas lacérer le flanc d'un prédateur et s'attendre à ce que lui même rentre les griffes. Lentement, Kirill contourne le bureau et en un instant, en une seconde, avant même qu'un geste n'ait pu être fait, Dorian heurte le mur, plaqué avec violence contre la surface dure. Kirill le tient par le col, ils sont à deux centimètres l'un de l'autre, leurs visages assez proches pour que chacun puisse distinguer toutes les nuances dans les iris de l'autre. Le médecin sait que les siennes sont d'un bleu presque blanc, une teinte rarissime qu'il sait profondément terrifiante. Ceux de Dorian sont d'un bleu intense. Il sent toujours la pomme.
Il a la peau toujours aussi chaude.
Mais Kirill bout de colère. Il ne sait pas ce qu'il ressent sinon un mélange explosif de sentiments contradictoire et lorsqu'il parle, sa voix est enrouée, d'une froideur polaire.

-...s'il y a une chose au monde que je hais parrrr dessus tout monsieur Selwyn c'est d'êtrrrre accusé d'une chose dont je ne suis pas coupable...vous m'accusez de manipuler votrrre fille?Quelle piètrrre image vous avez de moi...n'imporrrrte quel autrrre mangemorrrt aurrait rrrrudoyé cette enfant pourrr vous passer l'envie de lui fairrre rrremettre les pieds au ministèrrre...vous me parrrdonerrez d'avoirr tenté de rrrendrrre cette expérrrience moins pénible pourrr elle...peut-êtrrrre aurrriez vous prrréférrré que je lui montrrre des cadavrrrres? Pourrr que votrrre rrrancoeurr et que votrrrre frrustrrration puisse se déverrrser surr moi plus facilement?! Vous me pensez donc pitoyable au point de vouloirrr vous détrrrruirrre pour une nuit avorrrtée?! Au point de cherrrcher à vous atteindrrre parrr le billet d'un enfant?! pourr qu me prrrenez vous Monsieur Selwyn? Pourrr une pute soviétique en chaleurrr, prête à tout pourrr harrrponner le rrriche anglais que vous êtes?! un peu de dignité.

Il le lâche, recoiffe ses cheveux partis en bataille et se retourne vers lui. Cette fois il parle vite,il se dégoute d'accorder autant d'importance à l'avis de cet homme et de se sentir blessé par ses mots. Mais il est trop tard, le dégât est fait, alors comme l'animal dangereux qu'il est, il passe à l'attaque.

-Ne me faîtes pas passer pourrr un torrrtionnaire! n'essayez même pas! vivez avec vous même et vos décisions mais ne me mêlez pas aux tourrrrments que vous imposent vos démons! ne faîtes pas de moi l'un d'entrrrre eux! c''est trrrop facile! vous ne pouvez pas?! à la bonne heurrre! je n'ai rrrien à y rrrredirrre! mais ne me rrrendez pas rrresponsable de cette situation! je ne vous en aurrrai jamais rrreparrrlé si vous n'aviez pas senti le besoin de rretourrrner le couteau dans la plaie, et je doute que la votrrre soit aussi prrrofonde que la mienne!!

Il s'interrompt, regrette immédiatement. Il ne doit pas lui parler, il ne peut pas lui parler. Il ne doit pas ressentir. Il ne peut pas ressentir. Il a mal. Murano nage le long de son corps et le brûle dans une tentative folle de lui faire quitter la pièce. Mais Kirill a l'habitude des brûlure sous cutanées. Il sait ce qu'implique la souffrance physique. Selwyn le connait à peine, mais il lui fait mal, de manière bien insidieuse.
Il avait l'air différent.
Il avait l'air de pouvoir comprendre.
Et il était comme les autres.

-Vous êtes tous les mêmes, conclut-il de nouveau froid, mais les yeux étincelant d'une colère froide, d'une douleur incompréhensible pour toute personne n'ayant pas connu l'humiliation la plus totale, la négation de ce qu'elle est par autrui.

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There is gonna be a flame
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Dans une profonde & douloureuse vérité, tu sais ; Tu te hais. La lacération du dégoût te rend tremblant, agonisant. Et tu te trouves dérangeant à chaque mots de trop. Tu n'es pas quelqu'un de bien, tu sais bien. Tu comprends bien. Ton égoïsme te déchire, te rend répugnant, brutalement éreintant. Tu te hais tellement. Tu te hais, bien évidement. L'écume de ton amertume sonne comme une enclume dans ton cœur.

Tu n'as pas osé.
Tu as encore échoué.

Et un peu naïvement, un peu vainement, tu te dis que c'est l'histoire de ta vie, de tes nuits. Entre obligation & soumission, les complexes te pétrissent, t'interdissent de braver, d'exiger. Il t'incombe de te taire, de te faire petit, de ne jamais souffle mot plus bas que l'autre. Tes sentiments sont futiles, inutiles. Passager, tu n'as pas vraiment le droit de le toucher, de le regarder. Même si le cœur brûle, que tes yeux s'embrument de désirs, tu ne peux pas. Tu ne dois pas. Et de coups de blues en coups au cœur, tu accumules les erreurs, semant les peurs, sans dévier les douleurs. Et ta colère t'enivre, te délivre, te noyant de sentiments, de ressentiments. La bouche va sans doute vite, trop vite, tombant comme un couperet qui déjà t'assassine, te broie du cœur au corps à la moindre erreur. Il ne dit rien & tu ne le vois pas se fendiller. Tu ne le vois pas te fusiller, te tuer. Déjà tu te détournes, te tournes pour ne plus le regarder, pour travailler de tes doigts tremblants, hésitants. Tu as bien compris, bien appris : Tu resteras seul. Et tu te caches, te détaches pour un peu survivre, pour un peu vivre. Pourtant, le sol craque, tu te raidis & les gestes se pendent, se suspendent au son des pas. Tu attends, en esquissant la folie d'une peur imminente, enivrante. Trop vite, tu es projeté, plaqué contre le mur, bloqué par le corps trop grand, trop imposant. La main sur ton col te fait couiner, te rétracter, ta main entourant la sienne dans une griffure. La violence physique n'est que l'apologie de millions de souffrances, de chaînes qui t'entravent & te gardent dans le giron d'une soumission orageuse, peureuse. Tu n'es qu'un enfant vaincu, battu, abattu. Tué en plein vol, tu te crashes entre désir & supplice.

Est-ce que tu as envie de lui comme ça ? ( Est-ce que, lui aussi, il va te frapper ?) Est-ce que le souffle chaud, frénétique, erratique te rappelle la tourmente de ses lèvres sur les tiennes ? ( Est-ce que, lui aussi, va te faire plus mal que mal ? ) Tu déglutis difficilement, le cœur tambourinant dans les battements d'une mécanique cassée, brisée, viciée entre tes côtes. Les yeux bleus se bordent d'un début de larmes. Pour lui aussi, tu n'es qu'un jouet abîmé, juste bon à torturer.

« … s'il y a une chose au monde que je hais parrrr dessus tout monsieur Selwyn c'est d'êtrrrre accusé d'une chose dont je ne suis pas coupable...vous m'accusez de manipuler votrrre fille?Quelle piètrrre image vous avez de moi...n'imporrrrte quel autrrre mangemorrrt aurrait rrrrudoyé cette enfant pourrr vous passer l'envie de lui fairrre rrremettre les pieds au ministèrrre...vous me parrrdonerrez d'avoirr tenté de rrrendrrre cette expérrrience moins pénible pourrr elle...peut-êtrrrre aurrriez vous prrréférrré que je lui montrrre des cadavrrrres? Pourrr que votrrre rrrancoeurr et que votrrrre frrustrrration puisse se déverrrser surr moi plus facilement?! Vous me pensez donc pitoyable au point de vouloirrr vous détrrrruirrre pour une nuit avorrrtée?! Au point de cherrrcher à vous atteindrrre parrr le billet d'un enfant?! pourr qu me prrrenez vous Monsieur Selwyn? Pourrr une pute soviétique en chaleurrr, prête à tout pourrr harrrponner le rrriche anglais que vous êtes?! un peu de dignité. » , les mots te manquent, les yeux s'écarquillent. Et brutalement, tu veux le tenir, le retenir contre toi. Doucement, tes doigts se desserrent glissant contre le tissu du pull. Il exalte d'une chaleur sous la froideur qui te pousse à la colère. « Est-ce que vous êtes complètement stupide, monsieur ? », couines-tu, choqué par tant de bêtises, de traîtrises. La question est naïve, complètement dénué de double sens. Tu pensais pourtant avoir été clair. Tu pensais pourtant lui avoir fait comprendre.

Et il se détache, il te détraque. La main retombe, le cœur en tombe. « je ne vous en aurrrai jamais rrreparrrlé si vous n'aviez pas senti le besoin de rretourrrner le couteau dans la plaie, et je doute que la votrrre soit aussi prrrofonde que la mienne!!   ». Il crache son venin, distillant dans tes veines un poison mortel, cruel. « Vous êtes tous les mêmes  », les mots sonnent autrement, comme un soir de septembre, le souffle haletant, le corps recroquevillé contre le tapis, « Tu es comme eux. ». Inutile, futile, tu n'es pas doué, tu n'es pas ce qu'il espérait. Et tu l'as mérité, non ? ( « Oui, père » ) Tu as fait exprès de naître si imparfait, n'est-ce pas ? (« Quand cesseras-tu de me décevoir ? Je ne sais pas, père. ». Tu as pourtant essayé, par Merlin. Tu as tellement essayé. ). Le dégoût te fissure & t'emmure. Et la magie glisse sur ta langue, frisson d'horreur & de peur. Elle se déploie dans ton ventre, fleur empoisonné. Il n'a pourtant rien connu, rien vu de tes blessures. Ses doigts n'ont pas touchés, effleurés les marques sur tout ton corps. Il n'a rien vu, il t'a pourtant vaincu, abattu. Et dans un petit sourire triste, tu murmures, « Oui, je suis comme tous les autres. ». Inutile, futile, tu sais bien, tu comprends bien.

De blessures en faiblesses, tu traînes tes chaînes. Et tu es un peu navré, un peu désolé de n'être pas vraiment, pas tellement différent. Et doucement, tu déloges tes lunettes, baissant les yeux pour doucement les laver, chasser le début des larmes, la fin de tes drames d'un pan de ta chemise. Tu ne vois pas que tu dévoiles le début d'un des mots gravés à même ta peau. Le tissu retombe cachant la carte des horreurs, de toutes tes douleurs. Doucement, tu les remets en place, tu restes à ta place. Tout n'était que mirage & tu ne veux pas un peu plus le toucher, le blesser. Au fond, tu ne supportes pas sa douleur, tu en fais ta peur. Tu contournes le bureau, rétablissant, établissant une nouvelle distance entre vous, récupérant le dossier abandonné. Tu ne veux plus le regarder, tu ne veux plus espérer. Tu as trop peur de tomber, de l'agacer encore. Doucement, le bureau craque sous ton poids alors que tu t’assois contre le bois. Tu lui offres ton dos & ta nuque, concentré. Tu as déjà renoncé, tu abandonne pour ne pas lui faire voir, entrevoir un peu plus les affres de ta monstruosité, la décadence de ton imperfection. Lui aussi, tu vas le dégoûter. Lui aussi, il va te détester. Les pages se tournent, se détournent, les yeux clignent, le souffle s'alourdit. Il va vraiment te détester. Et tu ne peux pas tellement le supporter.

« Et vous avez penser à inverser le processus ? », tu t'es redressé, dans ta timidité, dans ta douceur. « J'entends par là de glisser les psychotropes avant les anesthésiants pour plonger déjà la personne dans un état d'euphorie pour finalement la plonger en léthargie ? », tu oses un regard, te sentant te fendiller, te crevasser. « Normalement, on privilégie l'inverse pour limiter les dégâts cérébraux. Seulement, la combinaison psychotropes avant anesthésiants est plus puissante. ». Et tu baisses les yeux, réfléchissant, t'emmurant dans un nouveau silence. « Ou peut-être qu'une potion serait mieux pour effacer tous les risques. Seulement, le temps fait défaut. », et dans tes silences, les regrets dansent. Tu te redresses, te relevant, te déplaçant vers les plantes sauvées. Tu caresses tendrement les feuilles. « La mandragore, bien sûre ... », un sourire se glisse & s'immisce. « Vous auriez un plan de mandragore que vous n'auriez pas tués par hasard ? », un fond d'humour se traîne dans ta voix alors que tu te mords les lèvres. Tu n'aurai pas dû. Tu blêmis, palis & finalement fini par dire « Je vais demander à mon elfe ». En quelques instants, le dit elfe apparaît avec une mandragore en pot & une autre complètement asséché. Tu poses la plante sur le bureau & te dirige vers l'atelier pour lui montrer. « Les racines sont ce qu'il vous faut. Une fois broyés & associés à un psychotrope, vous obtiendrez un sujet complètement anesthésier. ». Tu écartes les baies dans un geste précis, exquis, quasi chirurgicale. « Ne les consommez pas, sauf si vous voulez un aphrodisiaque naturel. », tu rougis un peu, péniblement, brutalement, suspendant le couteau. « Je suis désolé. J'aiencoreparlertropvite. Jesuisvraimentdésolé. », murmures-tu, paniqué, déjà horrifié qu'il t'en veuille encore. Tu as encore tout gâcher, tu vas encore tout briser. Et tu repousses le couteau doucement, en baissant les yeux, sentant ton cœur se suicider sur tes côtes. « Je n'ai jamais voulu vous blesser. », et doucement, tu comprends la nécessité de le regarder. « Je le pense vraiment. », ta voix tremble un peu, les yeux se détaillent, se voilent. Au delà de la douleur, il y a déjà un peu de vos deux cœurs. Les bleus s'étiolent, s'abandonnent. Ses yeux te brûlent, vitrioles, à l'alcool. Doucement, tu te détournes, refusant de le regarder, tu ne veux plus rien gâcher, plus rien espérer.
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« Est-ce que vous êtes complètement stupide, monsieur ? »
« Oui, je suis comme tous les autres. »

Il n'écoute plus grand chose, il réfléchit à ces deux phrases. La première l'a mis dans un état de rage peu commun que seule la deuxième phrase a pu désamorcer, transformant la colère en peine. Pour un homme dénué de coeur, il souffre décidément beaucoup des tours et détours que ses sentiments lui font faire quand le masque tombe.
Kirill a mal. Il a plus mal qu'il ne l'admettra jamais. A la seconde où ses yeux se sont posés sur Dorian ce soir là, il a su, su qu'il voulait lui parler, l'approcher, passer du temps avec cet homme aux cheveux sombres et à la voix si agréables, comme un souffle de vent contre son oreille. Puis est venu le désir, incendiaire, dévastateur. Rien n'a été lent dans cette affaire, tout s'est fait de manière immédiate, comme si elles avaient toujours été destinées à se produire.
Kirill n'a jamais cru aux coups de foudre, il croit à l'attirance sexuelle, au besoin impérieux de reproduction, aux instincts primaires, et en rien d'autre. Mais Dorian a retourné les cartes, mélangé le jeu, envoyé promener les pièces de son monde fait de certitudes.
Il n'a jamais voulu le posséder, jamais voulu le soumettre ou exercer sur lui ce charme froid et reptilien qu'il sait si vénéneux. Il a voulu le faire parler, l'écouter. Il a ressenti un instinct de protection, une tendresse spontanée et irrépressible, une envie de le tenir oui, de le toucher, mais aussi de glisser dans son oreille des mots qui draineraient de ses yeux la tristesse qu'il y percoit et dont il ignore la cause.
Il a cru découvrir une autre âme solitaire, aussi isolée que la sienne, aussi...incomprise. Pendant un moment, il a cru que quelque chose se passait, qu'ils comblaient un vide en se collant l'un à l'autre et en appréciant la conversation de l'autre, le contact, l'intimité.
Il a cru. Naïvement -un adverbe qui lui va mal-, sincèrement même.

Et pourtant Dorian le tue sous les mots.
"Stupide".
L'est-il vraiment? Kirill est-il imbécile au point de ne pas pouvoir distinguer l'émotion feinte des sentiments réels? Après tout, Wild lui a montré qu'il était capable d'aveuglement total, quand il désirait trop qu'une chose soit réelle, quand il trouvait ne serait-ce qu'une brève raison de croire que quelqu'un le comprenait.
Est-il vraiment stupide? Ou Dorian Selwyn est-il simplement un acteur de génie, capable de simuler la tristesse, le manque, le désir? Est-il véritablement comme les autres, avec un degré de talent de plus?

Kirill a mal au point de vouloir cogner dans un mur. Il se sait capable d'une force physique monstrueuse quand l'adrénaline s'empare de lui. Cela ne s'est produit que deux fois dans sa relativement courte vie: la première fois quand il brisé les cervicales d'une Baba Yaga, celle qui avait attaquée Sergueï lorsqu'ils n'étaient tout deux que des enfants. La seconde fois lorsqu'il a affronté un de ses camarades en duel à Koldo et que la situation a dégénéré. Kirill n'aime pas les coups en traitre et la réplique est toujours fulgurante, parfois mortelle.
Il pourrait détruire à cet instant. Mais il se retient. Parce que le masque doit rester en place.

Et pourtant ce dernier tombe morceau par morceau. Il ne l'écoute pas parler alors que Dorian parle de mandragore, de racines, de baies et d'anésthésie. Maintenant que la machine est lancée, que les faits sont à l'air libre et que l'air se remplit d'éléctricité Kirill se craquèle, les morceaux de son armure de titane tombent sur le sol. Le mangemort s'efface, meurt, remplacé par l'homme, l'enfant que ses parents ont connu et que Koldo a maté.
Le rebelle, l'anticonformiste, le belliqueux, l'être capable de haïr avec passion et d'aimer avec tout autant de force. Ses sourcils se froncent, sa machoire se contracte, il se retient alors que sa magie commence à crépiter jusque dans le bout de ses doigts. Il va encore mettre à mort la moitié des plantes de la pièce, c'est un fait inévitable à présent.

Alors que Dorian tente une plaisanterie, il ne sourit pas, il ne desserre pas les dents. Murano le brule plus que jamais, un avertissement pour le calmer. Encore un peu et son épiderme commencera à s'irriter, à saigner, la punition salvatrice de son ami d'encre et d'ombre pour le ramener à la réalité. La douleur a parfois des vertus.
Et leurs regards se croisent. Kirill ne baisse pas le sien, mais il voit le bleu luisant, le bleu intense de ceux de dorian. Il l'observe alors que de nouveau, il ôte ses lunettes, que de nouveau, il les essuie, que de nouveau, quelque chose d'irisé apparaît contre sa peau, sous le tissus de sa chemise, comme le début d'une cicatrice trop ciselée pour être naturelle. Kirill réfléchit trop et tout lui traverse la tête en même temps.
Présente des réflexes de protection et de soumission face aux manifestations de violence de la même manière que la plupart des enfants battus.
Il a des cicatrices. Elles ne sont pas venues seules. Le trait est trop régulier.
Il se sert de toi.
Quelqu'un lui a fait du mal. Quelqu'un lui fait du mal maintenant. Quelqu'un lui fait peur.
Il s'est fichu de toi, et il ne sait plus comment se dépêtrer de sa situation alors il joue les victimes.
Il ne dit pas qu'il ne veut pas, il dit qu'il ne peut pas. Quelqu'un l'en empêche. Il ne ment pas. Il a peur.
Peur de qui? il est riche, il fait bien ce qu'il veut.
Il a le comportement d'un être abusé. Par qui? depuis quand? Pourquoi est ce qu'il ne parle pas?
Regardes moi.
Regardes moi.


Et il le regarde, les yeux toujours brillants, le sourire toujours triste, les traits tirés, une fleur fânée avant l'heure par la brutalité d'un pied l'écrasant encore et encore.

« Je n'ai jamais voulu vous blesser. Je le pense vraiment. »

Et Kirill le croit. A la seconde où Dorian prononce ces mots, avec peine, déception, amertume. Kirill le croit et il se sent soudain mal d'avoir laissé filtrer un peu de la lave qui lui brule les veines. Il n'a pas voulu ajouter à la rage qui doit déjà peupler la vie de cet homme fragile en face de lui. Il n'a pas voulu le blesser.

-Alorrrs que vouliez vous? demande-t-il d'une voix basse et déjà rauque.

Il laisse planer un silence.

-Vous dites me vouloirrr encorrre...et vous dites ne pas pouvoirrr...qui vous en empêche? Votrrre société? vos prrrroches? ceux qui vous ont fait ces marrrques?

Il s'approche, se redresse, fier. Il n'a peur de personne lui. Il refuse les oppressions, les compromissions lorsqu'elles entravent ce qu'il est. Tendant une main lentement, il laisse la pulpe de ses doigts errer sur la nuque de Dorian, comme lors de leur première rencontre. Lorsqu'il avance encore et sent sa poitrine se poser contre le dos de son interlocuteur, sa voix n'est plus qu'un murmure.

-J'aimerrrais êtrrre capable de vous haïrrr avec autant de rrage que je le désirrre mais vous avez des larrrmes dans les yeux...et de la peine dans le coeurrr. Je ne pourrrais pas même vous blesser si j'en avais envie, je n'en serrrais pas capable...je peux écouter...je peux passer du baume surrrr vos plaies...mais je ne peux pas me détourrrner. Vous abandonner. Parrrce que je sens que c'est ce que vous attendez de moi...ce que vous attendez du monde et que c'est ce qu'on vous a toujourrrs fait. on vous a laissé derrrièrrre. On vous a puni pourrr ce que vous êtes.


Les yeux se ferment et le front de Kirill vient à son tour se poser sur la nuque, le parfum de pomme emplit ses narines et il inspire profondément.

-On m'a puni aussi. Je suis plus habile à cacher mes cicatrrrices, c'est tout.

Cette fois, Murano prend les devants. Il irrite la peau, la fait saigner pour forcer Kirill à reculer. Murano est la voix de la raison, de la prudence. Il ne veut pas de ce contact, il le refuse et le rejette. Kirill grince des dents, le blanc du tissus devient rouge, juste sous la poitrine. La murène peut être acharnée quand elle le désire. Un souffle un peu raide lui échappe. Il tient bon. sa main s'avance, prudente et se pose contre le dos, puis sur le torse de dorian, comme un geste de protection.

-Je n'ai pas envie de jouer à ce jeu...celui de l'indifférrrence ou de la rrancoeurrr...

Il hésite et lâche la terrible vérité, d'une voix égale, pour masquer sa faiblesse:

-Je ne gagnerrrrai pas...
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Le silence te fait mal. Son silence t'est infernal, animal sourd & lourd, traînant tes chaînes. Il n'a pas ri, il n'a pas souri. Et tu te sens un peu plus trahi, un peu plus puni. Tes doigts se ferment & se referment doucement, lentement dans un frisson de peur. A  tire d'aile, le cœur détale & tu t'étales.  Tu sais qu'il va te laisser, t'abandonner. C'est fini, hein ? Il ne va plus jamais te toucher, te regarder. Et puis, tu vas le voir s'éloigner, t'oublier. Tu vas simplement, tranquillement le perdre.

«  Alorrrs que vouliez vous? » , et tu clignes des  yeux chassant du bout de tes cils un début de fantasmes, de larmes. Tu n'y crois pas vraiment, pas tellement. Et le  timbre rauque, essoufflé, bousillé, tourne & retourne dans ta tête. Tu renies la fatale hérésie qui ronge ton être. Tu balayes le désir qui se fait déjà prince de tous tes supplices. « V-Vous. », un murmure qui te craquelle, qui t'ensorcelle. Le  mot s'enlace à ton cœur, te faisant déraper, espérer mais déjà, tu es gêné, touché, presque blessé. Tu ne veux pas être rejeté, abandonné. Tu ne veux ni décevoir, ni vraiment voir l'évidence. « Vous dites me vouloirrr encorrre...et vous dites ne pas pouvoirrr...qui vous en empêche? Votrrre société? vos prrrroches? ceux qui vous ont fait ces marrrques? » .  Tu déglutis lentement, doucement et déjà tu sens son torse se coller, se caler contre ton dos. Le souffle glisse, s'immisce entre tes boucles. Tu le sens t'électriser, se nicher contre toi. « J-Je. », tu en as le souffle coupé, le cœur ravagé, balayé. Tu veux juste le toucher, tu veux juste ne plus penser.

« J'aimerrrais êtrrre capable de vous haïrrr avec autant de rrage que je le désirrre mais vous avez des larrrmes dans les yeux... Tu baisses déjà les yeux, lâchement, douloureusement. On t'a appris à ne pas te rebeller, à ne pas vraiment, pas tellement exister. Tu as bien compris, tu es à leur merci. et de la peine dans le coeurrr. Je ne pourrrais pas même vous blesser si j'en avais envie, je n'en serrrais pas capable...je peux écouter...je peux passer du baume surrrr vos plaies...mais je ne peux pas me détourrrner. Vous abandonner.  Une inspiration brutale s'arrache à ton torse & tu trembles.  Tu tombes en morceaux, en lambeaux, les yeux bordés de larmes silencieuses. Il n'est pas comme eux. Il ne va pas te laisser, t'humilier, te dénigrer. (…) On vous a puni pourrr ce que vous êtes.  On t'a puni, on t'a trahi. Et tu n'as qu'obéi alors que les détresses creusent des naufrages dans ton âme. Le  front glisse sur ta nuque et déjà, tu renonces, tu dénonces.  Tu ne veux pas mourir avec tes secrets, tes regrets ;  Tu ne veux pas le perdre.  On m'a puni aussi. Je suis plus habile à cacher mes cicatrrrices, c'est tout. » Et les blessures semblent plus palpables, plus invivables alors que la main paresse le long de ton dos, de tes côtes, rejoignant ta poitrine sur un cœur battant, tremblant. Il est déjà un peu à lui, tellement à lui. Et doucement, tu recouvres ses doigts des tiens, abandonnant le couteau là. « Je n'ai pas envie de jouer à ce jeu...celui de l'indifférrrence ou de la rrancoeurrr... Il hésite & finalement, la bombe est lâchée, abandonnée. Je ne gagnerrrrai pas... ».

Tu perds déjà.

Et peut-être pour ça que ses  doigts s'accrochent, se raccrochent à tes lèvres dans un baiser timide, un peu fragile. Et un peu vacillant, branlant, tu te retournes.  Face à face, les yeux se rencontrent, se content d'autres mots. Et dans le calme du bureau, il n'y a pas de drames, pas de larmes. Tu te sens en sécurité, en sûreté. Et un peu capricieusement, un peu précipitamment, les lèvres glissent, s'immiscent sur les siennes. D'un simple frôlement, tu inities bien plus qu'un rapprochement, une passion éphémère.  Tu donnes & te donnes dans les caresses brûlantes, pressantes de vos baisers. Ce n'est pas que du désir, que de l'amour physique, toxique. Ce sont tes doigts qui se nouent aux siens sur ce cœur précipité, envolé. C'est lui. C'est toi.  C'est vous. C'est tout.

Et en douceur, en lenteur, tu écartes les plans de tissu, caressant, paressant sur la peau. Et pourtant, tu sens, tu ressens sous tes doigts la chaleur, les odeurs ferreuses, orageuses de sang, les tourments qui entrelacent sa poitrine. Et ta  bouche rougie quitte la sienne brusquement, brutalement. L'inquiétude se forme en plis soucieux, douloureux sur ton visage. Il a mal. Tu lui as fait mal. « Murano, tes yeux se plissent, décrivant, esquissant la murène d'encre & d'horreur entouré à même son cœur. Dégage, cales-tu dans une sévérité, une autorité inconnue, étouffé sous les couches de malaises, d'ivresses peureuses, désastreuses. Angoissé, agacé, du bout du pouce, tu frôles le cœur, défaisant, délaçant les nœuds de la murène guerrière, amère. Je ne lui veux aucun mal alors cesse ça. Immédiatement ». Tu te souviens des dents acérés, de la promesse de te tuer si tu t'approches trop près. Mais tu ne peux pas le laisser, renoncer.  Tu restes à effleurer, paresser le long des contours de la murène sur la peau blessée, bousillée. Et dans une folie, dans un déni, tu prends tous les risques, faisant glisser ta bouche sur la murène pour la faire fuir, déguerpir. « Je ne veux plus que vous ayez mal. Je ne veux plus que vous. ». Lui. Et ses milles ravages. Lui & ses millions de naufrages.

« Je ne veux pas jouer … Tu ne sais pas jouer. Tu ne sais que tomber, t'éclater en mille morceaux, en mille lambeaux. Tu restes un perdant. Et un petit sourire triste se précipite sur ta bouche. Je ne suis pas vraiment bon à ça, vous savez. ». Non, seul Charles était doué pour faire tourner & se retourner le monde à sa guise, à grignoter tes angoisses, à créer des peurs, des colères enfermées, pressés à même le cœur. « M-Mais je ne veux pas vous perdre. Jenepeuxpasvousabandonner, renoncer. » . Le rouge s'étale un peu sur tes joues.  Tu détournes, tournes les yeux. « Je ne peux pas parler de lui. (D'eux.) Je … Je n'ai que moi à vous donner. ». Les vieux démons viennent te lécher, te dévorer. Tu as déjà oublié ? Tu n'es pas assez. Entrelacés de regrets, tu traînes tes peines & les pertes. Tu sens les horreurs te tuer, te crucifier. «  … J'ai besoin de vous … De ce nous. Un murmure. Alors si c'est assez, tu t'éclaircis la gorge revenant d'une douce pression le coller à toi. Les yeux dans les yeux, tu sembles murmurer, errer ; si vous pensez que je suis assez. Je  voudrai encore vous embrasser & vous prouver … quejenevaispasvousabandonner. ». peut-être que tu dérailles. Pour certains ce ne serait que des détails & pourtant, il y a une véritable force qui s'accroche, écorche tes maux. Il y a une véritable nécessité de parler, de ne pas le laisser, de ne plus vous laisser. « Je peux ? »  vous embrasser, souffles-tu en rougissant, en hésitant. Toute en timidité, toute en fragilité, tu te donnes sans penser au pire, à l'avenir.


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Murano est méfiant, il est terriblement farouche, protecteur. Tatouage doué de vie, de pensée, d'affection, il veille sur Kirill depuis son adolescence. De ses yeux sombres, derrière l'épiderme pâle il a vu passer tant de corps, tant de lèvres...aucun de ces terrestres n'était digne de le toucher, son protégé, aucun ne sentait le vide derrière la force, les craquelure dans l'ivoire de perfection que représente Kirill. Personne ne voyait le coeur aride, et asseché par les déceptions.
Aucun.
Et puis il y a eu Ethan Wild, Ethan Wild, l'anglais qui a réveillé Kirill qui lui a fait miroiter une compréhension qui n'était qu'un mensonge, l'anglais qui l'a charmé, l'anglais qui l'a silencieusement humilié, abaissé, maintenu sous une coupe semblable à une poigne de fer. L'anglais qui lui a fait comprendre qu'à défaut de pouvoir être aimé, il devrait être possédé. Vilement, salement, avec violence, avec mépris.
Murano a vu, a senti, a compris quand Kirill ne voyait rien, trop heureux d'avoir trouvé une personne faisant semblant de comprendre, trop pris dans une toile de mensonge -lui d'ordinaire si perspicace- pour comprendre que tout était faux, que tout n'était que manipulation, abus, viol.
Il ne veut pas laisser ça recommencer, ne veut pas sentir de nouveau cette semi-mort qui suit la réalisation de n'avoir été qu'un jouet, qu'un esclave soumis à des pulsions, à une fascination morbide pour l'étrange et jamais à plus.
Alors il veut le mordre, cet anglais, il veut qu'il les laisse tranquille, tous les deux, juste Kirill et lui, en paix, dans leur comfortable solitude. Et pourtant, c'est un baiser qui vient le chasser. Une paire de lèvres posées à même la peau, malgré le sang, qui éloigne Murano, gêné par cette proximité, écoeuré par sa propre impuissance.
Kirill va le détester s'il attaque, il le sent parce que le coeur de son protégé bat si fort, parce qu'il respire plus vite. Il est amouraché, de nouveau, et c'est même plus fort que la première fois, c'est pire. C'est tellement, infiniment pire.

Kirill lui écoute Dorian, comprends les blessures sous ses murmures. Il a peur de faire une erreur, cet homme au coeur fracassé. Kirill a peur aussi. Mais lorsque Dorian lui demande une chance, lui demande juste une chance, Kirill ne peut pas et ne veut pas résister. Il se penche vers lui, prudent, délicat et sans un mot, vient prendre le visage de Dorian entre ses mains. la barbe lui pique les doigts et il l'embrasse, laissant les lèvres se fondre au premier contact, les bouches s'épouser dans un moment où rien ne compte.
Alors que ses doigts s'égarent dans les boucles de Dorian, il se sent perdre pied, au plus profond de lui même.
Il est attiré, cet homme.
Il le veut.
Il le veut lui.
Il le veut malgré tous les qualificatifs qu'il n'a pas pu manquer d'entendre à son sujet: fou, dérangé, sociopathe, imbuvable, hautain...
Il le veut alors qu'il le connait si peu. Alors qu'il ne connait ni ses secrets les plus intimes -la raison de sa chevelure si étrange serait un bon début mais personne n'a eu le droit de s'approcher assez de Kirill pour provoquer cette discussion- ni même les aspects superficiels de sa vie. peut-il fait-il une erreur. Peut-être va-t-il regretter.
Murano le mord.
Le stress commence à monter, fait hautement inhabituel pour une personne aussi détachée que Kirill. Tout va très vite. Il a peur que tout aille trop vite, mais il a tellement besoin que quelqu'un l'écoute, que quelqu'un...
que quelqu'un....l'aime.
Et lui aussi a tellement besoin d'aimer. D'aimer et de protéger. Puisque ses parents sont à présent loin, que son clan n'est plus qu'un souvenir, que son frère n'est plus qu'un fantôme désormais. Kirill a besoin d'aimer. Personne n'est à la hauteur de cette amour, si capricieux et exclusif, personne sauf cet homme aux boucles sombres qui l'a frappé par sa beauté et la poésie de sa voix.
Kirill le veut. Et s'il échoue avec lui, alors plus jamais il ne cèdera à la tentation, plus jamais. Mais pour l'instant, il veut essayer une dernière fois puisque Dorian est comme une flamme douce à laquelle sa glace se réchauffe pour fondre, puisqu'il est lui même un frais apaisant contre les brûlures de cet amant inattendu.

Kirill inspire profondément et enlace Dorian avec plus de passion. Ses baisers se font plus intenses, plus longs, ses caresses plus appuyées, glissant contre une peau qu'il sent parfois plus lisse, comme...marquée. Il passe le bout de son pouce contre une trace qu'il sait être une cicatrice et la flatte de la pulpe de sa peau, comme un salut, comme pour dire que tout va bien, que rien ne le choque, que rien ne l'étonne. Les mains se faufilent sous la chemise que porte le potionniste, caressant le bas de son dos et la chute de ses reins. Kirill sait comme prendre soin du corps de ceux à qui il veut plaire, mais il sait que Dorian est plus fragile, ou du moins il le pressent avec une acuité terrible.
Il y a des failles sous le tissus, des horreurs, des cris, des larmes.
Alors il interrompt le baiser et l'enlace, l'enveloppant de ses bras et le pressant doucement contre lui, et contre le rebord de la table.

-Tout ce que tu ne veux pas que je voies, ne me le montrrres pas...tout ce que tu rrrrefuses que je touche...je ne l'effleurrrerai pas...dis moi. Je t'écoutes.

Il approche ses lèvres de l'oreille de Dorian, l'embrasse doucement, juste sous le lobe de l'oreille et souffle, presque inaudible.

-N'aies pas peurrr. Je ne te ferrrrais aucun mal.

Disant cela, il laisse Dorian le découvrir lui aussi, il ne recule pas, ne se raidit pas, laisse son propre corps abandonner sa posture presque naturelle de défense. Murano guette, sait ce qui se profile, en a peur. Il craint que l'intimité ne mette dans les mains de ce...Selwyn, une arme qui pourrait transpercer le coeur de son terrestre. Il est le seul qui compte, ce petit humain que personne ne comprend, ce petit génie dont on pense qu'il est fou. Il n'est pas fou, si seulement ils savaient.

"SeLwYn...Il EsT sI SeUl...Si...SeUl...Si..iL MeUrT DeDaNs à CaUsE dE ToI jE tE rEnDrAiS RaIdE cOmMe Du CoRaIl dEs AbImEs...rAiDE cOmMe dE lA RoChE...."


Nul n'entend jamais sa voix.
Personne ne sait ce que pense la murène.
De réputation si laide...d'une loyauté si profonde.
Comme son maître.
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sometimes I think that it's better  to never ask why
Where there is desire
There is gonna be a flame
(play)

Un souffle & tu vacilles. Les doigts courent dans ta barbe, t'arrachant des frémissements, des tremblements. Les yeux battent, la raison combat, le cœur s'abat. Et les lèvres se rencontrent, s'affrontent. Et tu t'accroches. Tu l'approches encore, une main glissant sur sa nuque, se perdant dans ses cheveux, dans vos aveux. Et la bouche contre la sienne s'entrouvre, le découvre. Un peu plus. Encore plus alors que les cœurs s'enlisent, grossissent. Et là, tout bas, les promesses se tissent, t'abrutissent.

Tu gémis dans sa bouche. Tu sais que tu te trahis. Tu sais que tu as promis. Et ce n'est pas bien normal, banal d'aimer, de désirer comme ça. Et dans les souffles qui s’amenuisent, se réduisent, il y a pourtant une douce confession, une lente passion enivrante, dérangeante, fuyante. Il y a lui. Et pour une fois, ça te suffit. Pour une fois, tu te sens un peu en vie. Et les mains bravent les horreurs, les rancœurs, traçant du bout de tes doigts des cercles de feu, brumeux & impétueux. Tu gagnes en douceur, en lenteur sa peau sous le tissu, couvrant & découvrant son épiderme. Le désir s'écrase en vagues puissantes, lancinantes sur ton cœur, sur son odeur. Et tu veux un peu plus quand il t'enlace, quand vos lèvres se séparent.

Haletant, rougissant, tu te sens défaillir, faillir. « J-Je », les mots se perdent alors que les lèvres se joignent, se rejoignent. Et tu gémis alors que le doigt effleure la fleur d'une cicatrice, d'un supplice. Le ventre se serre, & tu te resserres autour de lui. Tu ne veux pas le dégoûter. Tu ne veux pas te faire détester. Les mains se déplacent, retracent la carte des monstruosités, des damnés. Il est là, il est partout. Je sais que je suis laid. Ne me déteste pas, je t'en supplie., sembles-tu souffler dans le bruit de vos baisers passionnés & pressés. Tu ne veux plus être abandonné, laissé. Tu ne veux pas le laisser passer. Pardonne-moi.

« Tout ce que tu ne veux pas que je voies, ne me le montrrres pas...tout ce que tu rrrrefuses que je touche...je ne l'effleurrrerai pas...dis moi. Je t'écoutes. » , l'étreinte est protectrice, salvatrice. Tout s'emballe, s'évade dans ta poitrine fragile, futile. Les lèvres un peu gonflées, un peu rougies, tu bats des cils. Tu ne veux pas mentir, lui mentir. Tu veux tout montrer, tout exposer. Et tu murmures doucement, lentement, tout près de son oreille ; « J-Je ne veux rien cacher. ».

Le baiser te fait rougir, sourire timidement, doucement. Tu es toujours un peu fragile, un peu inutile. « N'aies pas peurrr. Je ne te ferrrrais aucun mal. ». Il promet, il te le promet. Lui ne te fera pas souffrir, lui, il ne veut que te guérir. Et pourtant si, la peur domine, te sublime, pauvre imbécile futile. Elle te dévore le ventre, mord tes remords. Tu n'es, au final, jamais assez bien, toujours un peu crétin. Tu n'as jamais assez de lendemain pour t'excuser d'exister, de respirer. Tu veux juste un peu vivre, survivre. Tu veux juste être un peu aimé.

Les doigts paressent le long de ses bras. Et les muscles se détendent. Les masquent tombent, s'effondrent. Il ne reste que vous. Un peu tremblant, branlant, tu t’assois sur la table. Entre tes mains, le tissu de ta chemise se froisse. Tu hésites. Et si il ne te voulait plus ? Et si il ne te désirait plus ? « Jesuisdésolé », murmures-tu, marmonnes-tu. Tu n'as rien de beau. On te l'a inculqué, cadenassé dans le crane. Doucement, tu laisses tes doigts glisser sur ta chemise, accrocher le premier bouton pour le défaire, te défaire. « Jen'aijamaisfaitça. ». T'exposer, te montrer n'étaient pas toléré, autorisé. Il t'a dit que tu serais détesté, délaissé, abandonné si tu les montrais. Il t'a dit qu'il n'y a pas de rédemption pour les héritiers ratés, cassés. Le deuxième bouton tombe. Tu veux pourtant lui montrer, ne rien lui cacher. Tu veux tout lui donner, lui laisser le choix. Et au troisième bouton, les courbes d'Idiot se dessine, se devine au creux du coeur. La magie noire pulse sous tes veines dans le mot de sang, en te brisant, en te détruisant. Sous les yeux clairs, tu découvres tes guerres, tes enfers. La chemise baille sur tes épaules, creusant ta taille fine, fragile alors que les derniers boutons tombent. Tu écartes les pans doucement, tendrement, d'un tremblement. Useless s'ancre dans ta peau, en overdose de maux. Et Squib dans le creux de tes reins s'imprime, s'exprime sous l'infamie, les dénis. Et dans un souffle, tu l'observes, tu te soumets. Tu sais qu't'es laid. Tu sais que tu le mérites pas. Tu sais, tu promets. « J-Je … Tu déglutis, tu t'interdis, timide, sensible. Pardonne-moi d'être laid, murmures-tu, susurres-tu. Les grands yeux clairs se posent dans les siens, débordants, pressants de larmes & de drames. Jesuisvraimentdésolé. Tu voudrais juste être un peu parfait, un peu beau pour lui. Pourtant le bal des horreurs, des douleurs dansent sur ta peau vieillie, mille fois salie, trahie. Ne me rejette pas pour ça, s'il te plait. ». Tu ne veux plus partir, plus jamais. Mais lui, il peut partir, te trahir. Il peut te laisser, t'abandonner. Il n'a qu'à reculer, te dire que tu es laid. Et la peur mord, te dévore.

Et de tes phalanges, tu viens l'attirer à toi, contre toi. « Jenveuxpaspartir. », tu ne veux plus mentir, te trahir. Tu ne veux plus le laisser gouverner, te ravager. Tu ne veux que vos baisers. Et dans un tremblement, tu viens caresser ses lèvres des siennes doucement, lentement. « Toi, tu veux un peu de moi ? », murmures-tu tout contre sa bouche. C'est toujours toi qu'on laisse, tu sais bien, tu comprends bien. Et pourtant, tu espères. Et pourtant le cœur vrille, te dévie. Et tu te casses, tu t'encrasses de son odeur, de vos douleurs. Tu sais, tu ne veux que lui. Tu n'as jamais voulu que lui. C'est assez, non ?

« Ce n'est pas grave s-si tu ne veux plus. ».
Et le coeur hurle, s'embrume ; Tu n'es jamais assez.

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Ils l'ont détruit. Ils l'ont battu jusqu'à ce qu'il en vienne à penser qu'il n'est rien, cet homme aux boucles brunes et aux yeux qui portent une douleur si intense.
Comment peut-on haïr à ce point? haïr un homme qui fut un enfant, le détester au point de le rouer de coups, d'insultes, de le réduire à une plaie sanguinolente perdant l'amour et l'affection par tous les pores de la peau sans espoir d'en retenir ne serait-ce qu'une goutte?

Kirill est froid. Il n'a que peu de compassion, mais il n'est pas cruel. La souffrance d'autrui ne lui apporte pas la moindre satisfaction et s'il sacrifie sur son passage des vies, il le fait au nom de son art, au nom de sa science. Nul ne découvre jamais rien sans casser quelques oeufs sur le chemin. Mais il ne tire nulle jouissance des cris, des supplications. Il a soigneusement divisé sa personnalité, ou peut-être cette division a-t-elle toujours existé depuis sa prime enfance.

Et pourtant malgré cette incapacité totale à s'investir dans les problèmes des autres, Kirill s'est toujours senti particulièrement offensé par la cruauté. Particulièrement agacé, irrité par le sadisme, et dieu sait que ce qu'irritation peut lui faire faire. Rookwood n'obtient de lui ce qu'il désire que parce que son sadisme est bien caché et sa politesse suffisante.

Mais l'homme ou la femme ayant infligé ça à Dorian est pire qu'un Rookwood. Pire que n'importe quel autre type de personne. C'était de la torture, cela n'avait rien d'utile, rien d'utilitaire, rien de vital, rien de beau, rien d'enrichissant. C'était un massacre émotionnel. Rien de plus, rien de moins. Kirill pourrait le trouver laid, comme beaucoup doivent le trouver laid, car les cicatrices sont rarement prisées, mais il le trouve toujours aussi beau. Il est abîmé, c'est certain, mais les plus beaux tableaux du monde comportent des défauts. La grande Odalisque d'Ingres n'avait-elle pas été rejetée pour une malheureuse vertèbre de trop? Monet n'avait-il pas du batailler pour faire accepter ses oeuvres et que dire de Van Gogh?

Dorian était un magnifique tableau impressionniste. De près, la laideur des cicatrices pouvait sauter aux yeux, mais si l'on contemplait l'être dans son ensembles, la beauté devenait saisissante. Le drame le plus terrible de la situation était que Dorian ne pouvait pas se voir.Il ne le pouvait pas. Il se pensait constitué d'une multitude de tâches assemblées à la va-vite, d'une myriade de marques quand chaque teinte avait été magnifiquement peinte et que les coups de couteau sur la toile n'avaient fait que renforcer les contrastes. Ils avaient voulu le détruire. Bonne chance pour ça, on ne ruinait pas aussi facilement un chef d'oeuvre.

Il se penche près de lui et l'embrasse sur les lèvres, longuement, lentement puis dans le cou, descendant jusqu'à atteindre la première de ses cicatrices. Il y pose la bouche, sentant la différence de texture de la peau, cette texture si particulière que prend l'épiderme quand il a du se reconstruire envers et contre tout. Il lui embrasse le coeur, la poitrine, le ventre, la hanche. Puis pose son front contre son nombril, à genoux. Cette posture est tout aussi symbolique pour lui que pour n'importe qui d'autre, et si Kirill refuse d'ordinaire toute marque de soumission il accepte celle là. Parce que ce n'est pas une soumission, ce n'est pas l'acceptation d'une domination. C'est une position de douceur, celle que prend un fauve lorsqu'il se roule sur le dos, exposant son ventre et ses organes vitaux. Kirill lui, s'agenouille, montre sa nuque, déposant un baiser chaud sur le nombril de Dorian.

-Il faut que tu comprrrrennes quelque chose...Dorian.

Il fait un effort pour prononcer le nom correctement, pour y mettre intensité et sérieux. Il appelle rarement les gens par leurs prénoms. Il inspire et laisse ses mains caresser la taille fine de son amant, comme pour le rassurer.

-La beauté physique...est une invention. C'est une convention, rrrien de plus. Quand bien même serrrrais-tu "laid" selon cette convention, je n'ai pas à lui obéirrrr. Quand bien même...parrrrrce que tu n'es pas laid Dorrrrian. La seule laideurrr que je vois ici, c'est celle de la perrrrsonne qui t'as infligé ces choses. Toi...tu es beau. Tu es poétique. Tu touches mon coeurrr. Et c'est la seule beauté qui imporrrrte dans ce monde de menteurrrs.

Il relève les yeux vers lui et ajoute:

-J'espèrrrre que tu me crrrrois. Parrrrce que moi je ne veux pas te laisser. Si je suis assez, tu es assez. Si je te plaît, tu me plais. Si tu me prrrrotèges, je te prrrotèges. Et si tu as envie de moi...j'ai envie de toi.

Il l'embrasse de nouveau sur le ventre et cette fois, se débarasse complètement de sa chemise, avant de tirer doucement sur celle de Dorian, ramenant son visage à la hauteur du sien. Il est un peu plus grand, un peu plus menaçant sous l'oeil d'un observateur inattentif. Mais il a toujours eu -sans même le savoir- une infinie douceur dans les traits lorsqu'il aime. Kirill aime assez peu et peu de personnes ont donc pu profiter de ce privilège, celui de voir transparaître dans son visage la beauté éthérée de sa mère, le regard perçant de son père. Il attrape la nuque de Dorian, saisit ses lèvres des siennes. Il a le corps qui brûle, les muscles tendus, mais ne veut pas aller trop vite. Il ne veut pas réclamer car tout comme Dorian a ses bourreaux, Kirill a eu les siens, et ils aimaient le faire réclamer.
Il se donne, mais hésite à tout donner. Il le caresse mais n'ose pas le dévêtir. C'est un choix qui ne lui revient pas. Il lui fera du bien, s'il le veut. Mais passer outre sa peur, outre ses traumatismes serait du viol. Et Kirill, tueur, mangemort, n'est pas un violeur. Il est un enfant de lave sous six pieds de glace. On a jamais reproché à la lave de manquer de chaleur.

Doucement, il pose une main sur la ceinture de Dorian et souffle, sa voix à peine plus haute qu'un murmure, rauque, esquintée:

-On peut tout arrrrêter. Si les choses vont trrrrop vites, si je te fais peurrrr. On peut tout cesser. Mais saches une chose : si tu te donnes à moi...si tu acceptes d'êtrrrre...pourrr moi...plus qu'un collègue, plus qu'un ami...tu ne serrrras pas un objet. Pas un jouet. Pas un oiseau de passage. Je donnerrrrai peut être trrrrop dès le déparrrrt, mais je donnerrrrai. Je ne peux pas te mentirrrrr. Tu dois savoirrrr dans quoi tu t'engages. J'ai trrrrrop souffferrrrrt de l'indifférrrrence d'amants en manque de sensualité pourrrr me contenter de plaisirrrr.

Il murmure contre ses lèvres:

-Je veux plus. Peux tu donner...plus..qu'un corrrrps? Je ne te blâmerrrrai pas si ce n'est pas le cas.

Il ne le blâmera pas mais il sera dévasté.
Maigre détail.
"Tu n'es qu'un corps Kirill"
Reste à voir si Dorian va confirmer cette théorie.




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