‹ occupation : tisseur de mots, journaliste, coureur de monde. à la dérive.
‹ maison : Gryffondor
‹ scolarité : 1984 et 1991.
‹ baguette : était en bois d'érable, relativement flexible, mesurait 26,8 cm et contenait un coeur de phoenix.Désormais brisée, j'ai hérité d'une baguette récupérée sur le cadavre d'un mangemort: bois de noyer noir, 32 cm, coeur inconnu, et absolument pas faite pour moi.
‹ gallions (ʛ) : 4223
‹ réputation : j'ai l'air de regretter la fin de cette guerre, que ce qui secoue ce monde nouveau paraît me révolter bien plus que les atrocités commises par le précédent gouvernement, que je suis un piètre journaliste et écrivain qui tente de percer dans un milieu qui n'a jamais voulu de lui.
‹ particularité : en plein flou.
‹ faits : j'ai soutenu la rébellion, bien que je n'ai quitté ma vie que sur le tard pour aller les retrouver, au détour de la création de la Renaissance du Phoenix ; que beaucoup n'ont pas cru à mon implication, du fait de ma naissance surtout ; que j'ai une tendance fâcheuse à commencer des choses et à ne pas les terminer ; que ma plus grande ambition est d'enfin publier un livre ; que ma fiancée est en fuite et que je n'ai aucune idée de si je la reverrai morte ou vive, offerte aux bons soins des Détraqueurs ; que la nouvelle société me répugne presque autant que la précédente, voir plus ; que je ferai sûrement tout pour ma soeur.
‹ résidence : dans le loft de la Bran Tower ou Eirene et moi vivions avant que tout ne vole en éclat. J'ai réussi à garder l'appartement par je ne sais pas quel miracle, il sert aujourd'hui à ma soeur et à mon beau-frère, Elias, parfois. En vérité je n'y suis pas souvent, je fuis l'endroit.
‹ patronus : une méduse géante
‹ épouvantard : un grand feu, l'anéantissement total de ma famille, rester seul au milieu des cendres
‹ risèd : Eirene se tenant à mes côtés, aussi heureuse qu'elle l'était à nos débuts, lorsque nous étions encore pleins de promesses et de projets fabuleux avant que tout ne soit jeté aux flammes.
My heart cracked, really loved you bad
Lay me down in your ocean Carry me and my burden I was dreaming about you honey I was hoping you'd save me
2 avril 2003 – Tout ça paraît si impensable. Les fibres du parchemin se délitent un peu sous ses doigts, qu'il tient serrés autour de l'article qui décrit la décadence du pays. Poudlard a été pris par les Insurgés. Comme si le lire, le lire et le relire avait le pouvoir de rendre tout ça moins vrai. Un peu plus acceptable. La douloureuse réalité le frappe de plein fouet : Matteo n'a jamais touché d'aussi près la réalité de cette guerre qui tiraille avec tant de violence l'Angleterre sorcière depuis des années. Ces conflits, ces tensions ; ça ne l'a jamais vraiment atteint. Il peut penser ce qu'il veut, prétendre ce qui lui plaît et ce qui le rassure quant à son intégrité. Matteo n'a jamais fait que se planquer. Derrière son écriture, son éducation, ses principes à deux mornilles, ses habitudes, ses belles idées. Cette colère à l'égard de ses parents et de leur ferveur envers le Gouvernement, ne devrait-elle pas être dirigée contre lui ? Cet agacement qui lui fait pincer les lèvres en lisant des articles écrits de sa main, des interviews menées dans le sens de l'opinion publique, parce qu'il le fallait, parce que c'est ce qu'on attendait de lui, n'est-il pas pour lui ? Il a délibérément baissé les yeux quand la guerre a éclaté, et quand il a trouvé la force de les relever, il ne l'a fait qu'à moitié, la nuque courbée. Il s'est contenté de ne mettre qu'un pied dans ce camp qu'avait déjà embrassé sa benjamine de toute son âme. À quoi tout ça a-t-il servi ? A se donner bonne conscience ? s'interroge-t-il rageusement, furieux contre lui-même, désespéré à l'idée que les personnes avec qui il s'est lié ces derniers mois sont sans doute déjà mortes. Le journal atterrit sur le bar auquel il s'accoude, ses paumes venant s'appuyer contre ses paupières comme pour effacer la vague de remords qui le submerge. C'est là-bas, à Poudlard, qu'il devrait être. Avec eux. Et ils ne savent rien de ce qui se passe vraiment au château. On parle de beaucoup de blessés, on parle de morts, on parle d'otages. Mais on ne donne pas de noms, pas d'indice. Il a parcouru les listes des victimes ayant été amenées à Sainte-Mangouste ; mais pas de Marie Talesco, ni de Sansa, ni d'Emily. Ni d'Elias. Sa dernière pensée pour le frère de Simon ne le surprend pas. Tous les Rosier n'ont pas pourri sur pieds, il l'a déjà constaté, à deux reprises. Il se ronge les sangs, Matteo, il en hurlerait presque de frustration, de colère. La saine colère qui le paralyse et lui donne envie de s'arracher un membre. Il est trop tard, bien trop tard pour faire quoi que ce soit et encore moins faire machine arrière. Il a loupé toutes les étapes, pris trois trains de retard, joué la comédie à son encontre et à la face de ceux qui croyaient en lui. Ça le tue.
Il se fustige, encore et encore, qu'il aurait du faire plus. Jouer franc jeu. S'impliquer pour de bon. Les visages d'Eirene et d'Anna se superposent à cette pensée. Elles étaient là, il ne pouvait pas partir. Il voudrait que ce mensonge le rassure, qu'il panse un peu la plaie béante qui s'ouvre dans sa poitrine sous les coups de la culpabilité cuisante. Mais il n'en est rien. Parce qu'il va partir, bientôt. Il s'agite déjà dans tout l'appartement, ramasse ici une chemise, ici un livre, là un lot de plumes, enfourne le tout dans ce sac qui l'a suivi au gré de ses pérégrinations. Sans aucun organisation. Il attrape sa baguette – « Fais-la-malle » – et siffle de rage en voyant les vêtements et autres fournitures exploser hors du bagage. L'inutile arme de bois finit par voler contre le mur de la chambre ; elle rebondit et roule non loin de ses pieds. Sa fidèle baguette ne fonctionne plus comme auparavant. Matteo sait ce qu'on dit sur le bois d'érable : le manque de dépaysement a la même conséquence néfaste que sur lui : il dépérit.
Il dépérit et il va devenir fou. Le manque cruel d'avoir Eirene à ses côtés le saisit avec violence, avant qu'il ne s'inflige une douleur plus grande encore ; tout ce qu'il connaît, tout ce qu'ils ont vécu et construit n'existera plus dès qu'il aura mis les voiles. Si son départ est resté incertain depuis qu'il a rejoint le camp des Insurgés, lui laissant la possibilité de se réconforter avec des projets irréalisables pour garder l'amour d'Eirene et son investissement intacts, il ne peut décemment plus se leurrer. Mais plus que l'idée de partir – Merlin sait que s'il avait le choix... – c'est la vérité qui lui brûle les lèvres. Sa conscience attend désespérément de s’alléger alors qu'il fait les cent pas dans l'appartement. Il a beau savoir que tout est le point d'imploser, elle lui manque. Elle lui manque tant que ça creuse un trou béant à la place de son estomac. Elle te manque encore plus maintenant que tu sais que c'est fini, fini fini fini. « Oh Merlin. » – Il est presque minuit et l'obscurité emplit déjà les rues. Les lampes allumées à certains endroit de la pièce principale sillonnent son champ de vision comme de multiples alarmes. Eirene rentre toujours si tard, à chaque fois plus fantomatique que le soir précédent. Il ne sait pas ce qu'ils lui font, au Ministère, ou ce qu'elle s'inflige d'elle même, mais la fatigue incrustée dans chaque détail de son corps le révolte et le rend malade. Combien de fois a-t-il du se retenir de l'implorer pour qu'elle arrête, qu'elle se ménage. Il y a quelques années, l'ambition d'Eirene lui semblait si admirable. La persévérance et l'implication dont elle faisait preuve l'avait impressionné, et il n'avait pu que la soutenir avec véhémence, l'inciter à aller jusqu'au bout de ses rêves. Mais alors, ses rêves n'étaient pas aussi éloignés des siens. Il voit leurs chemins prendre des directions si différentes, il voit l'écart se creuser entre eux et les séparer silencieusement. Ils se parlent si peu, ces temps-ci, et il a beau essayer de se convaincre du contraire, c'est de sa faute. Quand Eirene passait ses journées au Ministère, occupée à il ne savait quoi qui l'usait tant, il échouait lamentablement (et de plus en plus) lorsqu'il essayait de rédiger le moindre article et vivait le reste du temps avec les Insurgés. Sans jamais répondre aux questions insistantes de sa fiancée. Les raisons de son mutisme lui sont plus difficiles à accepter que tout le reste : le manque de confiance, la crainte de la trahison.
Tenir le silence est plus difficile qu'il n'y parait, en réalité, et plus douloureux qu'il ne l'avait imaginé. Pourquoi se taire, alors ? Rien ne l'y oblige, si ce n'est cette méfiance à son égard, involontaire et incisive, qui a commencé à faire son chemin depuis l'une des conversation entretenues avec Marie Talesco. Marie lui a dit à quel point il fallait être prudent dans son cas : soutenir les Insurgés tout en gardant sa liberté au sein de la société est bien beau, mais dans les faits, loin d'être si simple. Parler de ses activités parallèles nécessite la plus haute prudence en plus de toutes les précautions annexes. Avec délicatesse, Marie lui a fait comprendre que la position d'Eirene dans la hiérarchie actuelle n'était pas de bonne augure, qu'il se devait de bien réfléchir avant de lui révéler quoi que ce soit. Un esprit retord aurait reporté la culpabilité sur Marie ; après tout n'est-ce pas elle qui a planté la graine de la méfiance au premier abord ? Mais Matteo ne mange pas de ce pain là, et est conscient que le soupçon sommeillait en lui bien avant que Marie n'en fasse mention. C'est presque avec soulagement qu'il envisage la fin du secret, même s'il sait ce qui les attend après : le chaos.
Un long soupir brise le silence alors qu'un frisson glacé lui court l'échine. Il est dans le couloir, les doigts croisés derrière sa nuque quand le bruit des flammes grondent soudain dans la cheminée et le fait sursauter. Il se retourne d'un bloc, avise la silhouette mince d'Eirene se détacher dans l'ombre au bout du couloir, dans l'encadrement de la porte menant au salon. Son état d'énervement doit se lire sur son visage, éclairer ses pupilles d'une lueur inhabituelle, mais il s'en fiche. Les barrière sautent, les limites s'évanouissent. Il ne veut plus rien retrouver d'autre qu'un semblant d'unité, de compréhension entre eux. Même l'ombre de cette confiance illimitée qu'ils partageaient avant qu'il ne fiche tout en l'air une première fois en France. Un rien, tout plutôt que ce silence mortel qui les ronge. Matteo en a tellement marre de lui mentir. Il mentirait à n'importe qui autant qu'il le faudrait, mais à elle, il ne peut pas, il ne peut plus. Où sont passés les éclats de rire qu'elle provoquait toujours lorsqu'elle s'entraînait devant la glace ? Où est passée leur complicité d'antan ? Disparus. Après un pincement de lèvres, il ne peut s'empêcher une remarque, lancée d'un ton bas aux accents de déception qu'il ne peut retenir – « Tu rentres de plus en plus tard. » Minuit passé. Il avale la distance en quelques enjambées, entoure son visage de ses paumes et subtilise ses lèvres pour un bref baiser – hésitant.
C'est sans doute le moment de dire quelque chose comme « je voudrais te parler », ou pire « j'ai quelque chose à t'avouer ». Il se contente de plonger son regard dans le sien, avant de le détourner – « Tu veux boire quelque chose ? – Bon sang, tu as encore l'air épuisée. Combien de temps ça va encore durer, Eirene ? Tu ne voudrais pas ralentir la cadence, un peu ? » Et c'est bien la vingtième fois qu'il le lui demande.
‹ occupation : enfermée à azkaban pour 50 ans, elle est persuadée qu'elle n'en sortira pas vivante
‹ maison : serdaigle
‹ scolarité : 1984 et 1991.
‹ baguette : est en bois d'acajou ; elle mesure vingt-six centimètres et possède en son coeur un ventricule de dragon.
‹ gallions (ʛ) : 3581
‹ réputation : je suis un simple objet à la merci des mangemorts, prête à tout pour atteindre ses objectifs. A cela s'ajoute nouvellement l'appellation de criminelle de guerre; vivement recherchée par le gouvernement, je me suis rendue aux autorités début mars 2004
‹ particularité : métamorphomage.
‹ faits : que je suis devenue mangemort peu de temps avant la bataille finale mais que je ne soutiens pas les idéologies du Lord. C'est seulement une étape -indispensable- de plus pour faire mes preuves. L'utilisation de mon don m'épuise et il m'est impossible d'oublier les horreurs commises. Avec les blessures de l'attaque de Sainte-Mangouste et les dérèglements magiques qui s'ajoutent, garder le contrôle devient plus compliqué. L'orviétan (fabuleo) a été le seul moyen efficace pour supporter la douleur et reprendre vite le travail, une absence longue mettant en péril ma place dans le système et toutes les années de dur labeur qui vont avec.
‹ résidence : auparavant dans un minuscule appartement à Canterbury, du côté moldu, cachée de tous sous une fausse identité (Susie Marshall) avec Elizabeth Atkins (Leanne Marshall), je réside désormais dans l'une des nombreuses cellules d'Azkaban, toujours en compagnie d'Elizabeth
‹ patronus : une hirondelle, mais impossible d'en produire un depuis l'apposition de la Marque sur son avant-bras.
‹ épouvantard : mon corps vieilli par l'utilisation excessive de mon don. Plus récemment, il prendrait plutôt la forme de Matteo ensanglanté, allongé au sol et laissé pour mort.
‹ risèd : la liberté, un monde où je pourrais rester moi-même sans mettre ma vie en danger ou celle des personnes que j'aime. Matteo vivant, pas uniquement dans ses souvenirs.
All of my dreams, they fall and form a bridge of memories where I can't get back to you. – Des journées comme celles-ci, Eirene s’en passerait bien, si seulement elle en avait la possibilité. C’est un mal nécessaire pensait-elle, lorsque à bout de forces, elle sentait son esprit divaguer, s’envoler loin d’ici, loin de cette guerre, loin de tout. C’est un mal nécessaire répétait-elle quand elle voyait son corps faiblir, ses capacités se réduire, la peur l’envahir. Aux yeux de tous, Eirene ne représentait qu’une adhérente parmi tant d’autres. Une sorcière insignifiante, qui courbait l’échine, se résignait plutôt que de se battre pour ses véritables valeurs. A peine avait-elle le temps de s’intéresser aux derniers événements dans le monde sorcier qu’elle se retrouvait entraînée dans ceux à venir. Alors elle préférait fermer les yeux. Faire comme si de rien n’était. S’intéresser aux médias, très peu pour elle. L’horreur qu’elle voyait tous les jours au Ministère lui suffisait. Lire les faits noirs sur blanc ne ferait qu’aggraver le tout, rendre plus réelle une situation déjà bien critique, la détourner de son objectif premier. Elle filait des jours heureux à travailler pour un gouvernement qui lui promettait monts et merveilles. Rectification : elle se promettait toutes ces belles choses, convaincue qu’un jour, elle n’aurait rien à envier aux plus grands de la société. On lui avait longtemps répété qu’elle se faisait des illusions, que ses ambitions démesurées et que son besoin de reconnaissance ne seraient jamais assouvis. Les sorciers de son genre ne méritaient pas autant, ou du moins, c’est ce que l’on cherchait à leur faire croire. Eirene avait autant de mérite qu’un employé lambda du Ministère, voire même plus. Elle le savait et voulait le prouver. Mieux encore, qu’on l’admette. On se fichait bien de l’horreur de sa nature tant qu’il servait les besoins de ces fidèles mangemorts. « Par ici. » Devant elle se tenait Owen Avery, dans toute sa splendeur, aussi imposant que menaçant. Alors qu’elle s’approchait doucement de cette salle, son estomac se nouait. Elle dut même joindre ses mains pour tenter de contrôler les tremblements qui devenaient bien trop fréquents ces derniers temps. Le moindre faux pas, et c'était la fin. Laisser tomber après toutes ces années de dur labeur, sans être récompensée ? Impossible. Ses sacrifices ne seront pas vains. Alors elle redressait le buste, le regard fixe droit devant elle, elle marchait le long de ce couloir qui s’apparentait plus à celui de la mort plutôt que d’un endroit comme le Ministère. N’était-ce pas ce qu’elle faisait finalement ? Envoyer ces pauvres gens vers une mort certaine – même indirectement – en usant de ses atouts ? Elle chassa ces mauvaises pensées et reprit de l’assurance, celle dont elle devait faire preuve dans les moments de ce genre. Avant d’entrer dans la salle, son regard croisa le petit miroir installé spécialement pour elle – bien qu’elle soupçonnait Avery ou n’importe quel autre mangemort véreux s’y admirer de longues minutes durant – et procédait aux dernières vérifications. Une erreur, même la plus petite, mettait à mal toute cette mascarade, et accessoirement, sa place dans le système. Elle resta quelques instants à se regarder, découvrant cette chevelure d’une blondeur à faire pâlir un Malfoy, ou encore ces yeux d’un vert envoûtant. Jamais sa peau n’avait été aussi blanche et son regard si vide - sa plus grande faiblesse – alors elle prit le temps de rouvrir le dossier qu’elle tenait entre ses mains. Elle y redécouvrit des photos, des visages totalement inconnus qu’elle se forçait à graver dans sa mémoire, comme si elle se torturait elle-même. Quelques mots, des descriptions en vrac, tout ce qui pouvait l’aider à paraître plus vraie en se faisant passer pour quelqu’un d’autre. La seule vérité qui se lisait sur ce visage était la fatigue, résultat d’un travail intensif et usant, sans fin. Prête, l’horreur pouvait commencer.
« Mayfair, c’en est assez pour aujourd’hui. » C’est seulement lorsque ça se termine que la voix d’Avery lui paraît moins désagréable, presque supportable. Le temps s’écoulait d’une lenteur alarmante lorsque la sorcière n’avait qu’une hâte, retrouver son appartement et se perdre sous sa couverture. Elle jeta un coup d’œil rapide vers sa montre qui sonnait déjà minuit. Qu’importe, on se fichait bien de ce qu’elle pouvait faire.
Eirene empruntait souvent le réseau de cheminées après de longues journées, lorsqu’elle n’avait pas la force nécessaire pour transplaner sans prendre de risques inutiles. Les flammes vertes suffisaient à peine à la sortir de cet état de fatigue alors qu’elle ressentait toute la pression de la journée s’écrouler sur ses épaules. « Tu rentres de plus en plus tard. » Elle le sait. Mais c’est comme ça. Elle a envie de le lui dire, mais ce ne serait que répéter encore et toujours les mêmes paroles. « Je ne me savais pas attendue, désolée. » répondit-elle avant qu’il ne vienne déposer un baiser rapide sur ses lèvres. Ça la fait sourire légèrement, Eirene, plus tellement habituée à le retrouver aussi tard. Puis elle se surprend à parler comme eux, comme cette Elite sorcière qu’elle pense pouvoir rejoindre en usant simplement des mots, alors que rien de tout ça n’est nécessaire avec Matteo. Le ton de sa voix se révèle involontairement sec et le regard du Grimaldi insistant. « Tu veux boire quelque chose ? – Bon sang, tu as encore l'air épuisée. Combien de temps ça va encore durer, Eirene ? Tu ne voudrais pas ralentir la cadence, un peu ? » Et toi, tu as l’air exaspéré. La jeune femme se détacha volontairement de Matteo pour déposer sa veste dans un coin. Elle resta silencieuse quelques instants, pesant chacune des paroles pouvant franchir la barrière de ses lèvres. Ces derniers temps, un rien semblait être sujet de discorde. « Le temps qu’il faudra. Ce n’est pas à moi de décider quand ralentir la cadence. Tu le sais bien. C’est comme ça. » Elle haussa les épaules. Rien à débattre de ce côté-là, il fallait juste l’accepter. Elle s’y était faite à force, même si ce n’était pas facile tous les jours. Non pas qu’elle n’appréciait pas son travail au Ministère, mais en ce moment, elle le subit plus qu’autre chose. C’est bien différent de ce qu’elle avait pu imaginer, plus jeune. Qui plus est, Matteo savait pertinemment qu’Eirene se consacrait pleinement à sa carrière au Ministère. Devoir se répéter sans cesse, ça devenait lassant. C’est bien pour cette raison que la plupart du temps elle préférait garder le silence et esquiver les regards accusateurs avant même qu’il n’ait le temps de dire quoi que ce soit. « Juste un thé, s’il-te-plaît. » Elle passa une main derrière sa nuque, pour essayer d’en chasser les tensions. « C’est juste qu’on a tellement abordé ce sujet, Matt. Il faut passer à autre chose… » La discussion désormais engagée, elle n’allait pas non plus fuir sans obtenir à son tour des réponses à ses questions. A le voir, il n’avait pas l’esprit serein. A force de tout garder pour soi, on finit par exploser. Eirene sentait ce moment approcher, dangereusement, comme si elle attendait que le jour des règlements de compte ou autres révélations n’arrive sans pour autant réussir à s’y résoudre. « Assez parlé de moi. Qu’est-ce qui ne va pas ? Et ne me fais pas croire que tu veilles jusque cette heure-là uniquement pour me reprocher de rentrer trop tard, non ? » Elle l’invita à s’asseoir sur le canapé, juste à côté d’elle, avec un sourire sincère. L’heure est aux révélations.
Dernière édition par Eirene Mayfair le Dim 8 Mai 2016 - 0:47, édité 1 fois
‹ occupation : tisseur de mots, journaliste, coureur de monde. à la dérive.
‹ maison : Gryffondor
‹ scolarité : 1984 et 1991.
‹ baguette : était en bois d'érable, relativement flexible, mesurait 26,8 cm et contenait un coeur de phoenix.Désormais brisée, j'ai hérité d'une baguette récupérée sur le cadavre d'un mangemort: bois de noyer noir, 32 cm, coeur inconnu, et absolument pas faite pour moi.
‹ gallions (ʛ) : 4223
‹ réputation : j'ai l'air de regretter la fin de cette guerre, que ce qui secoue ce monde nouveau paraît me révolter bien plus que les atrocités commises par le précédent gouvernement, que je suis un piètre journaliste et écrivain qui tente de percer dans un milieu qui n'a jamais voulu de lui.
‹ particularité : en plein flou.
‹ faits : j'ai soutenu la rébellion, bien que je n'ai quitté ma vie que sur le tard pour aller les retrouver, au détour de la création de la Renaissance du Phoenix ; que beaucoup n'ont pas cru à mon implication, du fait de ma naissance surtout ; que j'ai une tendance fâcheuse à commencer des choses et à ne pas les terminer ; que ma plus grande ambition est d'enfin publier un livre ; que ma fiancée est en fuite et que je n'ai aucune idée de si je la reverrai morte ou vive, offerte aux bons soins des Détraqueurs ; que la nouvelle société me répugne presque autant que la précédente, voir plus ; que je ferai sûrement tout pour ma soeur.
‹ résidence : dans le loft de la Bran Tower ou Eirene et moi vivions avant que tout ne vole en éclat. J'ai réussi à garder l'appartement par je ne sais pas quel miracle, il sert aujourd'hui à ma soeur et à mon beau-frère, Elias, parfois. En vérité je n'y suis pas souvent, je fuis l'endroit.
‹ patronus : une méduse géante
‹ épouvantard : un grand feu, l'anéantissement total de ma famille, rester seul au milieu des cendres
‹ risèd : Eirene se tenant à mes côtés, aussi heureuse qu'elle l'était à nos débuts, lorsque nous étions encore pleins de promesses et de projets fabuleux avant que tout ne soit jeté aux flammes.
Lay me down in your ocean Carry me and my burden I was dreaming about you honey I was hoping you'd save me
2 avril 2003 – Du pouce, il caresse les cernes sombres qui s'étalent sous ses yeux verts. Il déteste voir ces marques de fatigue. Il voudrait pouvoir les effacer rien qu'en passant les doigts dessus, rien qu'en le souhaitant très fort. Face à Eirene, Matteo parvient à retrouver un semblant de calme, laissant de côté l'agitation qui l'a maintenu à bouts de nerfs toute l'après-midi. « Je ne me savais pas attendue, désolée. » Quelle mauvaise foi, pense-t-il spontanément, avant de réaliser qu'Eirene est bien près de la réalité : rares sont les soirées où il veille encore assez tard pour la voir rentrer, sans compter ces nuits où il n'est carrément pas là. Le temps passé avec elle s'amenuise de semaine en semaine. Son regard redessine les contours du visage aimé, faiblement éclairé; et il se demande si un jour, il se réveillera sans pouvoir se souvenir de ces traits. S'il aura été assez idiot pour la laisser (re)devenir une inconnue, une étrangère. S'il aura perdu le sens des priorités, s'il l'aura laissée filer et l'oublier. La simple idée de devoir vivre une vie sans elle le pousse à rechercher son contact. Il s'inquiète de son état, lui enjoint de se ménager – elle s'écarte et détourne les yeux. De quoi le déstabiliser un instant, le faire craindre le fameux trop tard, tu arrives trop tard. « Le temps qu’il faudra. Ce n’est pas à moi de décider quand ralentir la cadence. Tu le sais bien. C’est comme ça. » Un haussement de sourcil dubitatif accueille les propos d'Eirene. Ils ont eu cette conversation tant de fois que même lui commence à trouver ça lassant. L'ennui, c'est que ni l'un ni l'autre n'est prêt à faire de concession, à céder du terrain. Si tous les larbins du Ministère se tuaient autant à la tâche qu'elle, il n'y aurait plus personne pour faire tourner le pays. Matteo reconnaît qu'elle n'a pas voix au chapitre, pas vraiment. Il est bien conscient aussi de son importance montante, des sacrifices qu'elle a fait pour en arriver là et combien tout ça lui tient à cœur, au détriment de sa santé. Ce qu'il déteste, c'est ce ton défaitiste, l'idée que rien n'est acquis tant qu'elle n'est pas encore rendue à ramper aux pieds du Magister, en haut des marches certes, mais à quel prix ? C'est comme ça. Il a envie de la secouer, comme il a fallu qu'on le secoue pour qu'il ouvre enfin les yeux. Voilà bien le genre de remarque qui ne le faisait pas tiquer le moins du monde, il y a quelques temps encore. C'est en réalisant comme cette passivité l'agace qu'il évalue le chemin parcouru depuis la mort de Teresa. Il n'est plus le même, et il se demande si le problème ne vient pas de lui, en fin de compte. « Juste un thé, s’il-te-plaît. » « Je m'inquiète, c'est tout. » « C’est juste qu’on a tellement abordé ce sujet, Matt. Il faut passer à autre chose… » « Qui décide, dans ce cas ? Que j'aille lui souffler deux mots bien sentis. » marmonne-t-il dans sa barbe en se dirigeant vers la cuisine. Puisque sa baguette est restée sur le sol de la chambre, il s'occupe de préparer le thé à la manière des moldus. S'en passer ne le dérange pas plus que ça, et puis ça lui occupe les mains, à se retenir de gronder contre le Ministère. Il s'en abstient en temps normal. Même Eirene n'a jamais eu à entendre ses récriminations à l'encontre de l'ordre établi ; après tout, il s'y est très bien accommodé, comme le reste de sa famille et de ses amis. Il a gardé ses doutes pour lui sans interférer avec ses convictions. Est-ce qu'elle l'aurait suivi s'il lui en avait parlé plus tôt ? S'il lui avait parlé de ce contact trouvé dans les affaires de Teresa, de ce qu'il avait fait pour les Insurgés ces derniers temps ? La semaine où il avait disparu sans un mot, il aurait pu facilement lui avouer. Elle avait semblé prête à entendre ses aveux, mais il avait reculé, une fois de plus. Mais elle n'aurait pas marché dans son sens, il en est intimement convaincu, même s'il espère encore qu'elle changera d'avis, un jour ou l'autre. Pour lui, c'est trop tard pour faire marche arrière et il n'en a plus envie.
L'eau frémit doucement sur le feu, à côté duquel il patiente en regardant Eirene s'asseoir sur le divan et l'inviter à la rejoindre. « Je refuse de croire que tes collègues subissent une telle pression. » fait-il remarquer, vite interrompu par Eirene. « Assez parlé de moi. (comme d'habitude) Qu’est-ce qui ne va pas ? Et ne me fais pas croire que tu veilles jusque cette heure-là uniquement pour me reprocher de rentrer trop tard, non ? » Un vague sourire étire ses lèvres. Si seulement, ce serait plus simple. Il a déjà oublié le thé en préparation lorsqu'il s'assoit à côté d'elle et l'attire à lui dans une étreinte familière. Ces gestes ont gagné en saveur à mesure qu'ils ont perdu en fréquence. « Non, c'est vrai. Mais j'aurais pu. » Il s'écarte, savoure la vision simple et réconfortante des iris verts rivés sur les siens. Il reconnaîtrait ces nuances entre mille. Sous toutes ses formes, il est certain de la reconnaître. Elle laissait toujours un indice, devant la glace, lorsqu'il la distrayait de ses longues séances d'entraînement quasi-quotidiennes. Même ces quelques heures là lui manquent horriblement. S'il regarde leur vie à présent, il lui trouve un air de vieille mélodie désaccordée. Comme s'il n'y avait plus que la force de l'habitude qui les maintenait ensemble. Matteo sait bien que ce n'est pas le cas. Il y a juste trop d'obstacles à franchir pour parvenir à se retrouver comme avant. Il y a des choses à se dire pour commencer, des aveux à se faire, et des promesses à tenir. Une en particulier qui commence à prendre de l'âge. Il a honte rien qu'en y repensant.
Le silence s'éternise sans qu'elle ne cherche à le briser. C'est ce qui l'avait tellement marqué, en première année. Cette qualité innommable de savoir se taire sans instiller la moindre gêne, quand lui même se trouvait toujours être le premier à combler le moindre blanc. Elle l'avait impressionné, alors. Il se souvient encore de la fascination sans borne éprouvée pour cette jeune fille dans le dos de laquelle les langues de vipère sifflaient avec acharnement. Il ne l'avait plus jamais lâchée, et avait été douloureusement conscient que rien ne l'éloignerait d'elle, hormis la fin du monde. Déclaration naïve portée en son fort intérieur. La fin du monde est encore loin et il a ruiné avec minutie la confiance instaurée après des années d'amitié pure et sincère, il l'a lâchée avec l'air de ne pas y toucher, en faisant comme si. Imbécile. Le simple fait qu'elle ait accepté de lui donner une deuxième chance relève du miracle. Avec l'air préoccupé, il trie la masse d'informations qu'il a tenue secrète tout ce temps. Il a presque deux ans de cachotteries à lui révéler, et ce serait mentir que de dire que ça ne lui fait pas peur. Comment peut-on s'entourer à ce point de mensonges et vivre avec sans finir par exploser ? À deux doigts de tout déballer, il en vient presque à ravaler ses paroles et reculer brusquement. Toutes les raisons qui l'ont tenu éloigné d'elle resurgissent à chaque fois qu'il doute de faire ce qu'il faut. Et pour la énième fois de la journée, il se demande s'il n'est pas en train de faire la plus grosse bêtise de sa vie en la mettant enfin dans la confidence. Mais il ne tiendra plus le silence. C'est fini. « Quand je te vois rentrer comme ça, ça me met tellement en colère contre eux et ce qu'ils te font faire. » Elle se fait exploiter, utiliser comme une arme sans se soucier de l'humain qu'il y a derrière. Il a encore les larmes d'épuisement, l'image de son corps si affaibli les soirs où ça n'allait vraiment pas pressée contre les rétines. « Et ce n'est plus seulement tes patrons, ce malade d'Avery qui te sert de mentor ou je ne sais quoi. C'est le gouvernement tout entier, les sbires du Magister, ces horreurs qui se multiplient dans le pays et contre lesquelles on ne fait rien. Je ne peux plus Eirene. » Il la fixe du regard, le cœur frappant contre sa poitrine. Est-ce que tu me comprends ? Est-ce que tu vois où je veux en venir ? Il se fait violence pour continuer. Eirene n'est pas du genre à sauter au plafond sur de simples suppositions, mais il sait qu'elle a déjà compris. « Est-ce que tu as lu la Gazette ce matin ? » demande-t-il platement. Son désintérêt pour les médias l'a toujours amusé, compte tenu de son métier à lui. Là, ça ne le fait plus rire. Il n'y voit là qu'une façon de se voiler la face, de se cacher de ce qui fait mal à admettre. Ce qu'il faisait si bien, lui aussi, fut un temps. « Enfin, tu n'as pas besoin de ça. Tu dois déjà savoir ce qui se trame à Poudlard, et bien mieux que les médias d'ailleurs. » Le ton laisse filtrer une pointe d'accusation dans ses paroles. La douleur l'étreint ; malgré elle, Eirene est intimement liée à tout ça. Elle est aussi fautive que ses patrons, aussi responsables que les bourreaux qui persécutent les Insurgés. « Les planques découvertes, les otages. Tu y étais. » sa voix n'est plus qu'un souffle, et le regard porté sur elle est chargé d'inquiétude, de sentiments meurtris mêlés à une révolte qu'elle voit pour la première fois briller au fond de ces yeux.
‹ occupation : enfermée à azkaban pour 50 ans, elle est persuadée qu'elle n'en sortira pas vivante
‹ maison : serdaigle
‹ scolarité : 1984 et 1991.
‹ baguette : est en bois d'acajou ; elle mesure vingt-six centimètres et possède en son coeur un ventricule de dragon.
‹ gallions (ʛ) : 3581
‹ réputation : je suis un simple objet à la merci des mangemorts, prête à tout pour atteindre ses objectifs. A cela s'ajoute nouvellement l'appellation de criminelle de guerre; vivement recherchée par le gouvernement, je me suis rendue aux autorités début mars 2004
‹ particularité : métamorphomage.
‹ faits : que je suis devenue mangemort peu de temps avant la bataille finale mais que je ne soutiens pas les idéologies du Lord. C'est seulement une étape -indispensable- de plus pour faire mes preuves. L'utilisation de mon don m'épuise et il m'est impossible d'oublier les horreurs commises. Avec les blessures de l'attaque de Sainte-Mangouste et les dérèglements magiques qui s'ajoutent, garder le contrôle devient plus compliqué. L'orviétan (fabuleo) a été le seul moyen efficace pour supporter la douleur et reprendre vite le travail, une absence longue mettant en péril ma place dans le système et toutes les années de dur labeur qui vont avec.
‹ résidence : auparavant dans un minuscule appartement à Canterbury, du côté moldu, cachée de tous sous une fausse identité (Susie Marshall) avec Elizabeth Atkins (Leanne Marshall), je réside désormais dans l'une des nombreuses cellules d'Azkaban, toujours en compagnie d'Elizabeth
‹ patronus : une hirondelle, mais impossible d'en produire un depuis l'apposition de la Marque sur son avant-bras.
‹ épouvantard : mon corps vieilli par l'utilisation excessive de mon don. Plus récemment, il prendrait plutôt la forme de Matteo ensanglanté, allongé au sol et laissé pour mort.
‹ risèd : la liberté, un monde où je pourrais rester moi-même sans mettre ma vie en danger ou celle des personnes que j'aime. Matteo vivant, pas uniquement dans ses souvenirs.
Alors qu’elle lisait aisément l’inquiétude sur son visage, Eirene eut le réflexe de porter une main à sa joue, comme pour lui ôter ses mauvaises pensées. Avant, elle pouvait rester des heures à le regarder, redécouvrir ce visage qu’elle connaissait pourtant par cœur, se plonger dans ces yeux bleus tout en pensant que rien n’avait d’importance. Elle aimerait retrouver ce temps-là, mais en plus de les avoir séparés, les années les avaient beaucoup trop changés. « Qui décide, dans ce cas ? Que j'aille lui souffler deux mots bien sentis. » Elle se souvenait de ces soirs où il tentait – en vain – de la convaincre d’arrêter, de prendre du temps pour elle et se reposer. Matteo n’avait toujours voulu que son bien, elle n’avait aucun doute là-dessus. Même du temps de Poudlard, alors qu’ils n’étaient que de simples amis. L’épaule sur laquelle se reposer, l’oreille attentive qui lui permettait d’évacuer ce trop-plein d’émotion qu’elle s’efforçait d’intérioriser sous risque de devenir folle, se laisser aller sans avoir peur d’être jugée. Très souvent, il y arrivait. Elle trouvait dans ses bras le réconfort qui lui manquait cruellement ou encore ce sentiment de sécurité dont elle avait besoin. Mais parfois, ça ne suffisait pas. Ça ne suffisait plus. Elle le constate aujourd’hui, ce qui la chagrine autant que ne l’effraie. Tout était si simple à Poudlard, comparé à ce qu’ils étaient devenus. « Ne t’en mêle pas, Matt. Ça ne ferait qu’aggraver la situation. » La sienne, très certainement, et cette réputation beaucoup trop fragile encore à laquelle elle tenait tant. Complètement résignée, Eirene ne faisait que subir ce quotidien qui lui pesait un peu plus sur la conscience chaque jour. Elle ne s’était jamais sentie aussi lasse, prisonnière de ce qu’elle avait elle-même créé. La seule issue possible était celle de plier, user de leurs méthodes quitte à s’oublier elle-même. Pas de faux espoirs ni de rêves démesurés, hormis ceux qu’elle avait déjà avant que tout ça n’aille trop loin. « Je refuse de croire que tes collègues subissent une telle pression. » qu’il poursuit avant que la jeune femme ne le coupe. Effectivement, ses collègues n’avaient pas à vivre ça. Les mangemorts profitaient de ces privilèges qu’elle n’aurait jamais. Mais c’était le prix à payer.
« Non, c'est vrai. Mais j'aurais pu. » Il n’avait pas tort. Matteo aurait pu l’attendre comme il le faisait avant, simplement pour discuter, passer du temps ensemble. Se rappeler de ce lien si fort qui les unissait tant, profiter. Mais le simple fait de l’avouer suffisait à lui arracher un petit sourire. C’était plus simple que de parler. Parfois, les paroles ne servaient à rien et lui seul pouvait la comprendre. Un simple regard suffisait pour lire le fond de ses pensées alors qu’elle s’obstinait à ne laisser paraître aucune émotion. L’instant d’après, le silence gagna de nouveau leur appartement. Un silence paisible mais gâché par la tension qui ne cessait de s’élever. « Quand je te vois rentrer comme ça, ça me met tellement en colère contre eux et ce qu'ils te font faire. Et ce n'est plus seulement tes patrons, ce malade d'Avery qui te sert de mentor ou je ne sais quoi. C'est le gouvernement tout entier, les sbires du Magister, ces horreurs qui se multiplient dans le pays et contre lesquelles on ne fait rien. Je ne peux plus Eirene. » A peine avait-il terminé qu’elle reprit la parole, sans même lui laisser de temps de s’interposer. « Sais-tu au moins ce qu’ils me font faire ? Ce que je dois faire ? Si c’était le cas, tu ne ressentirais pas toute cette colère. Pas contre eux du moins. » Tous ces secrets, tous ces non-dits, Eirene les supportait de moins en moins. Elle voulait hurler, avouer qu’elle ne valait pas mieux que ces fichus mangemorts, qu’elle avait fait des choses abominables qui la marqueraient à vie. Mais à quoi bon ? L’admettre ne changerait en rien les faits. C’était déjà trop tard. S’il venait à apprendre ses véritables activités au Ministère, plus jamais Matteo ne la regarderait de la même manière, ce qu'elle ne pourrait supporter. Alors elle se contente de lui reprocher ses erreurs à lui, pour oublier quelques instants les siennes. Pour essayer de se convaincre qu’elle n’était pas la seule à s'être perdu et que dans le fond, ils en étaient au même point. « Ça n’avait pourtant pas l’air de te déranger il y a quelques temps encore. » Eirene avait du mal à comprendre le changement radical de comportement de son fiancé. Au début, cette guerre ne l’intéressait pas tellement, sauf quand il devait s’y pencher dans le cadre de son travail. Il ne faisait que relater les informations à la Gazette sans trop s’en soucier. Il vivait dans ce confort qui lui revenait de droit, simplement parce qu’il avait eu la chance de naître dans une bonne famille. « Ne me dis pas que… » … Si. Nul besoin de poursuivre sa phrase, c’était trop évident. Toutes ces cachoteries, les absences à répétition et autres mensonges prirent soudainement un sens. Quelque chose avait changé dans le regard du Grimaldi et Eirene n’avait jamais remarqué ce sentiment de révolte et la rage qui le brûlait intérieurement. Elle détourne les yeux, analyse les informations qu’il vient de lui révéler, essaye puis comprend ce que ça implique.
« Est-ce que tu as lu la Gazette ce matin ? » Elle fit un signe de tête. « Non. Ça fait bien longtemps que j’ai arrêté. » Ce n’était plus un secret. Elle ne se moquait pas du travail de Matteo. Seulement, elle n’avait pas besoin d’un énième rappel pour lui montrer à quel point l’Angleterre plongeait vers ses heures les plus sombres. C’était fatiguant. Eirene avait pris l’habitude de voir toutes ces horreurs se dérouler sous ses yeux. Mais finalement, comment peut-on s’habituer à ça, alors qu’autour d’eux des milliers de personnes souffrent ? Encore une fois, elle préférait ne pas y penser de peur que la folie ne la fasse sombrer à son tour. « Enfin, tu n'as pas besoin de ça. Tu dois déjà savoir ce qui se trame à Poudlard, et bien mieux que les médias d'ailleurs. » La remarque de Matteo la tire subitement de ses pensées. Elle a l’impression de se prendre une violente claque, un couteau dans le dos, un coup de poing qui lui bloque la respiration. Terrée dans son silence, elle se contente de le fixer. Elle attend qu’il termine, calmement, son regard se durcissant au fil de ses paroles. Et pendant ce temps-là, elle se sent bouillir de l’intérieur. « Les planques découvertes, les otages. Tu y étais. » C’en était trop cette fois-ci. Elle ne pouvait plus le supporter. La jeune femme manqua de se lever pour partir, n’importe où, tant qu’elle quittait cet endroit. Pourtant, Eirene aurait aimé affirmer le contraire, vraiment, réfuter ces accusations-là. Elle devait se rendre à l’évidence : la situation dans laquelle elle s’était embourbée la dépassait totalement. Elle n’avait aucun contrôle sur les événements alors qu’elle essayait d’en montrer le contraire. « Crois-tu une seule seconde que je voulais y être ? Que je fais tout ça par pur plaisir ? » commença-t-elle sans démentir ses propos, pourtant légèrement agacée par cet air qu’il venait de prendre. C’était tellement injuste. Elle ne pourrait supporter l’idée que Matteo se retourne contre elle, lui aussi. Pas lui, son pilier, son unique repère dans ce monde complètement dévasté. Force est de constater que c’est bien parti pour. « J’en ai besoin ! Mais ça, tu ne pourras jamais le comprendre. » termine-t-elle dans un murmure, une remarque qu’elle ne voulait pourtant pas accusatrice. Ce n'était que la pure vérité. Un sorcier de sang-pur n’avait pas besoin de fournir les mêmes efforts que les autres. Encore moins lorsque l’on est issu d’une illustre famille comme les Grimaldi. Matteo ne connaissait pas ce désir-là, puisque jamais au cours de sa vie on ne le lui avait fait ressentir. « Tu ne peux pas me juger. Pas parce que tu as enfin décidé de réagir. Tu devrais me comprendre ! » Elle se lève, fait les cent pas dans le salon, tourne en rond pour se canaliser, trouver les mots justes.
« Pourquoi maintenant ? » Elle-même restait assez floue quant à ses positions, se disant plutôt neutre, cherchant à tirer son épingle du jeu. C’était égoïste, peut-être. Sûrement. Qu’il reste loin des événements l’arrangeait mais ce n’était plus le cas maintenant. Le fait est qu’il aurait pu lui révéler ses activités en dehors du travail à de nombreuses reprises mais il n’avait jamais saisi l’occasion. « Alors quoi ? Tu choisis les insurgés, c’est ça ? » lâcha-t-elle complètement larguée. Plutôt qu’elle, plutôt qu’eux. Il choisissait de se battre, mais pas pour les bonnes raisons. Pas auprès d’elle. Il savait ô combien elle avait besoin de lui, même si dernièrement elle ne le montrait que très peu. « S’il-te-plaît Matteo, ne me fais pas faire quelque chose que je pourrais regretter. Tu comprends bien que… » Elle reprit une inspiration, pour se donner le courage nécessaire peut-être. « Tu comprends que je ne pourrais garder cette information pour moi bien longtemps. Ils vont finir par le découvrir. Autant te dire que ça met tout ton entourage en danger. » En s’engageant définitivement dans cette guerre, Matteo n’impliquait pas que sa propre personne. « As-tu pensé à Anna ? Tes parents ? C’est toute la crédibilité des Grimaldi qui va prendre un coup ! Et moi, dans toute cette histoire ? Te rends-tu comptes de ce que tu vas faire ? De la position dans laquelle tu me mets ? Et s’il t’arrivait quelque chose ? » Des tas de questions sans réponses qu’elle balançait à une vitesse folle, sans ne plus rien contrôler. S’il devait lui arriver malheur, elle ne pourrait jamais se le pardonner. Matteo était capable de se protéger et elle ne doutait pas de ses capacités. Ce sont les autres qui l’inquiétaient, les personnes qui pourraient lui faire face. « Ça s’appelle de la trahison Matt, ouvre les yeux ! Beaucoup se sont fait arrêter pour moins. » Elle parlait en connaissance de cause. Parfois, un simple soupçon pouvait mener à une arrestation voire même une condamnation. Il ne s’en rendait pas compte, sinon il n’agirait pas de cette manière. Elle reprit son souffle, tenta de contrôler les battements de son cœur et regagner son calme. Elle avait tellement peur que cette guerre ne la touche une nouvelle fois. « Tu sais ce qu’ils font aux traîtres, enfin… Tu le sais. S'il-te-plaît, Matt... » L’instant d’une seconde, elle voulut évoquer Teresa, prononcer son prénom pour le faire réagir enfin. Mais c’était bien trop cruel et elle ne voulait pas le blesser, juste comprendre ses motivations, comprendre les raisons qui le poussaient à prendre de tels risques alors qu’il avait déjà tellement perdu.
Dernière édition par Eirene Mayfair le Ven 13 Mai 2016 - 3:33, édité 2 fois
‹ occupation : tisseur de mots, journaliste, coureur de monde. à la dérive.
‹ maison : Gryffondor
‹ scolarité : 1984 et 1991.
‹ baguette : était en bois d'érable, relativement flexible, mesurait 26,8 cm et contenait un coeur de phoenix.Désormais brisée, j'ai hérité d'une baguette récupérée sur le cadavre d'un mangemort: bois de noyer noir, 32 cm, coeur inconnu, et absolument pas faite pour moi.
‹ gallions (ʛ) : 4223
‹ réputation : j'ai l'air de regretter la fin de cette guerre, que ce qui secoue ce monde nouveau paraît me révolter bien plus que les atrocités commises par le précédent gouvernement, que je suis un piètre journaliste et écrivain qui tente de percer dans un milieu qui n'a jamais voulu de lui.
‹ particularité : en plein flou.
‹ faits : j'ai soutenu la rébellion, bien que je n'ai quitté ma vie que sur le tard pour aller les retrouver, au détour de la création de la Renaissance du Phoenix ; que beaucoup n'ont pas cru à mon implication, du fait de ma naissance surtout ; que j'ai une tendance fâcheuse à commencer des choses et à ne pas les terminer ; que ma plus grande ambition est d'enfin publier un livre ; que ma fiancée est en fuite et que je n'ai aucune idée de si je la reverrai morte ou vive, offerte aux bons soins des Détraqueurs ; que la nouvelle société me répugne presque autant que la précédente, voir plus ; que je ferai sûrement tout pour ma soeur.
‹ résidence : dans le loft de la Bran Tower ou Eirene et moi vivions avant que tout ne vole en éclat. J'ai réussi à garder l'appartement par je ne sais pas quel miracle, il sert aujourd'hui à ma soeur et à mon beau-frère, Elias, parfois. En vérité je n'y suis pas souvent, je fuis l'endroit.
‹ patronus : une méduse géante
‹ épouvantard : un grand feu, l'anéantissement total de ma famille, rester seul au milieu des cendres
‹ risèd : Eirene se tenant à mes côtés, aussi heureuse qu'elle l'était à nos débuts, lorsque nous étions encore pleins de promesses et de projets fabuleux avant que tout ne soit jeté aux flammes.
Lay me down in your ocean Carry me and my burden I was dreaming about you honey I was hoping you'd save me
2 avril 2003 – « Sais-tu au moins ce qu’ils me font faire ? Ce que je dois faire ? Si c’était le cas, tu ne ressentirais pas toute cette colère. Pas contre eux du moins. » Il secoue la tête, sans répondre. Matteo n'a pas besoin de savoir ce qu'ils lui font faire pour ressentir cette saine colère envers les employeurs de sa fiancée. Ils l'usent. Ils abusent de ses talents, de son envie démesurée de prouver sa valeur. Ne voit-elle pas qu'elle se suffit à elle-même ? Qu'à ses yeux à lui, elle est parfaite comme elle est ? Qu'elle a déjà prouvé plus d'une fois qu'elle était bien supérieure à ces sangs-purs arrivés là grâce à leur naissance et rien d'autre ? En y repensant, il se rend compte qu'il ne lui a sans doute jamais dit tout ça. Il s'est contenté de l'appuyer dans toutes ses démarches, de rechercher son bonheur à ses côtés, sans voir que tout cela allait finir par lui nuire un jour ou l'autre. Il en vient à se demander s'il ne lui a pas fait défaut en la poussant dans le mauvais sens. S'il n'a pas contribué à sa façon à sa décadence. « Ça n’avait pourtant pas l’air de te déranger il y a quelques temps encore. » La honte enfle dans sa poitrine. Véridique. Ça ne le dérangeait pas du tout. « Les choses ont changé Eirene. J'ai changé. » « Ne me dis pas que… » Il ne le dit pas, mais comme il s'y attendait, elle comprend sans même avoir à entendre sa réponse. Son silence parle plus que tous les mots. Il la voit fuir son regard avec un pincement de lèvres embarrassé. Alors il change de direction Matteo, il appuie là où ça fait mal, là où leur relation s'est étiolée, l'origine même de leur mal-être. Tu y étais. Il accuse, il se blesse lui-même en mettant à jour la déception acide qu'il éprouve à chaque fois qu'il pense à elle, à ses obligations de plus en plus pesantes. Ça lui fait mal de la prendre pour responsable de cette débâcle, de tous ces doutes qui le traversent quand il songe aux Insurgés cloîtrés à Poudlard. Quand il pense à ceux restés derrière, dans les camps dévastés par les Mangemorts, dont elle fait partie, de façon plus ou moins officielle. Il se déteste lorsqu'il réalise que plus le temps passe, plus il l'associe à eux, à leurs méfaits, à leur folie destructrice. On ne peut rien faire contre les convictions qui s'installent durablement, qui sapent ce qu'on croyait éternel et sur. Alors on s'y soumet, on essaye de faire avec. On prie pour que les choses reviennent à la normale, sans vraiment y croire. Matteo ne perd pas une seule des expressions qui marquent le visage de l'être aimé ; il les voit se succéder, il craint de voir la répulsion finir par supplanter tout le reste.
« Crois-tu une seule seconde que je voulais y être ? Que je fais tout ça par pur plaisir ? » Incapable de lui dire qu'il n'y crois pas, il se rend compte combien sa vision de ses actes est déformée par ce qu'il ne sait pas. Elle ne lui dit rien, rien ! Comment veut-elle qu'il comprenne quoi que ce soit d'autre que ce qu'il voit et lit et entend ? « J’en ai besoin ! Mais ça, tu ne pourras jamais le comprendre. » Là, non. Soufflé par l'injustice de ses paroles il se redresse - « Comment tu peux dire une chose pareille. J'ai toujours été la pour te soutenir dans tout ce que tu faisais, il me semble. » Il a bien du mal à ressentir autre chose que de l'agacement. Il a du mal à ne pas lui en vouloir pour ce qu'elle lui dit. « Tu ne peux pas me juger. Pas parce que tu as enfin décidé de réagir. Tu devrais me comprendre ! » « Te juger ? » s'exclame-t-il, outré. Eirene se lève et s'agite autour de la pièce – il ne la quitte pas des yeux, cherche son regard qu'elle refuse de croiser. Quelque chose dans ses paroles l'atteint plus que tout le reste, sans être étonné qu'Eirene ait vu clair dans ce qui le bouleverse autant. Oui, il a mis trop longtemps avant de réagir. Maintenant qu'il le fait, il est hors de question de reculer. (Même pour elle ? – …) « Est-ce que j'ai jamais donné l'impression de te juger, Eirene ? Est-ce que j'ai eu l'air, à un seul moment de notre vie, de vouloir t'empêcher de faire ce que tu voulais, d'atteindre ton but ? » Pas une seule fois. Pas une seule, tu m'entends. « Tout ce que je te demande c'est de prendre soin de toi. » – de nous. « Pas de laisser tomber. » Est-ce encore vrai ? Ne souhaite-t-il pas qu'elle abandonne ses idéaux pour l'accompagner, dans le fond ? C'est une idée si douce qu'il n'ose même pas la formuler en pensée. Elle l'a effleuré, bien sûr, mais il refuse de s'y accrocher. Des yeux, il suit le circuit qu'elle emprunte autour des meubles du salon. La pièce est dénuée de vie. Rangée, organisée, joliment décorée ; mais morte. Cet appartement est hanté par deux fantômes constamment ailleurs. Il en est venu à haïr cet endroit. Sans elle, il ne respire pas ici et il se préfère – presque – à Herpo Creek. L'eau qu'il a mise à bouillir un peu plus tôt se manifeste à gros bouillons ; il se lève et part éteindre le feu avant de revenir sur ses pas, la mine préoccupée – tant pis pour le thé.
« Pourquoi maintenant ? » La remarque le plonge dans un profond désarroi. Il a beau savoir pourquoi maintenant, il se sait incapable d'exposer clairement, précisément, comment ça a commencé. Matteo lui doit bien ça pourtant. « C'est... je ne savais même pas que Teresa était avec les Insurgés. Je ne savais même pas ça. » La colère transparaît clairement dans son aveu : quel genre de frère ai-je été pour ne pas voir que ma sœur avait renié jusqu'à ses origines pour se battre ? Il est amer, même après tout ce temps. Le décès de sa sœur reste une réalité qu'il a bien du mal à accepter. Les circonstances de sa disparition, l'atrocité qu'elle a vécu. Il n'arrive pas à y faire face. Il a cru que suivre ses traces le guérirait, effacerait un peu son absence, son ignorance. Il a eu tord. Rien de tout ça n'a arrangé la peine, tout juste si cela l'a fait accepter que sa petite sœur est disparue à jamais. Teresa a été cruellement délaissée par sa famille, par lui tout particulièrement. Sa petite sœur si courageuse. « Elle a été tué par le Gouvernement, pour sauver ceux qui se battaient pour un peu de justice. (Cette justice qu'elle affectionne tant) J'ai toujours ignoré les horreurs qu'ils commettaient, j'ai fermé les yeux sur ce qui n'allait pas dans ce pays pour mon propre confort, Eirene. Il a fallu qu'elle meurre pour que je me rende compte que rien de tout ça ne me convenait, à moi non plus. Il était temps que ça se termine. Que j'essaye de faire quelque chose moi aussi, autrement qu'en écrivant pour leur compte des mensonges destinés à farcir les esprits de fausses affirmations. » Ces mêmes affirmations qu'il intégrait malgré lui, qu'il choisissait de croire pour se protéger de la révolte, du sentiment d'être un pantin utilisable et malléable. Il ne valait pas plus que le plus commun des imbéciles. « Alors quoi ? Tu choisis les insurgés, c’est ça ? » Il laisse échapper un rire sans joie. « Oui, je les choisis. » laisse-t-il tomber avec un calme qu'il est loin de ressentir. « Eirene... » souffle-t-il sans aller plus loin, appuyé contre l'encadrement de la porte, les yeux rivés sur elle. Elle est si proche, et si loin en même temps. « S’il-te-plaît Matteo, ne me fais pas faire quelque chose que je pourrais regretter. Tu comprends bien que… » Que quoi ? Avant même que les mots ne franchissent ses lèvres, il sait ce qu'elle va dire. Il sait qu'il va la haïr. « Tu comprends que je ne pourrais garder cette information pour moi bien longtemps. Ils vont finir par le découvrir. Autant te dire que ça met tout ton entourage en danger. As-tu pensé à Anna ? Tes parents ? C’est toute la crédibilité des Grimaldi qui va prendre un coup ! Et moi, dans toute cette histoire ? Te rends-tu comptes de ce que tu vas faire ? De la position dans laquelle tu me mets ? Et s’il t’arrivait quelque chose ? »
Le coup de grâce. Une panique sourde enfle comme une bulle et écarte tout bon sens. En décidant de parler de ses activités aux côtés des Insurgés, il s'était attendu à une opposition farouche de la part de sa compagne. Il n'avait pas pensé... et pourtant, il aurait du s'y attendre. Peut-être qu'il avait préféré croire qu'elle ferait passer son amour avant son arrivisme. Comme il a eu tort. Son sang bat violemment à ses oreilles, l'assourdit momentanément. « Ça s’appelle de la trahison Matt, ouvre les yeux ! Beaucoup se sont fait arrêter pour moins. Tu sais ce qu’ils font aux traîtres, enfin… Tu le sais. S'il-te-plaît, Matt... » Soufflé, Matteo se redresse et lui tourne le dos, pas certain d'être capable d'encaisser la vision de ce visage qu'il a tant aimé (et qu'il aime tant) lui parler de ce chaos que sera sa vie dans peu de temps, parce qu'il l'aura choisi. La respiration courte, il passe une main sur son visage comme pour effacer la colère qui commence à étirer ses traits. Il s'enjoint au calme – renonce. « Tu... tu me parles de trahison quand tu es prête à me vendre à tes supérieurs pour sauvegarder ta réputation ? C'est bien ça que tu sous-entends, alors, tu vas me dénoncer ? Sûr qu'avec une telle information, tu vas l'obtenir, ta foutue marque ! » jette-t-il avec véhémence, conscient de l'abomination cachée dans ses propos. Cette chasse à la reconnaissance dans laquelle elle s'est lancée ne l'a pourtant pas dérangé, toutes ces années. Mais c'est comme pour le reste : il commence enfin à considérer l'autre versant, celui qu'il refusait d'admettre avant. Ce versant qui la fait passer pour un monstre aux yeux des opprimés. On ne se demande pas pourquoi il a choisi de l'ignorer. Rien n'altérera jamais son attachement pour elle, tout ça ne contribue qu'à les blesser, les séparer. La dernière chose qu'il souhaite, pour l'heure, c'est de voir la Marque tatouée sur le bras gauche d'Eirene. Il ne saurait supporter cette chose qu'il a vu briller sur la peau des Mangemorts, ces meurtriers. L'opposition d'Eirene ne fait que renforcer un peu plus sa décision de quitter cette vie hypocrite pour s'impliquer pleinement dans la lutte. Il pense aux Insurgés, à leurs conditions de vie, à cette guerre menée contre les puissants – dont il fait partie. L'idée de la voir intégrer les rangs des Mangemorts le fait craindre le pire, l'impensable : il a peur de ne plus la regarder pareil, de la voir se fondre dans ce décors sordide qu'elle cherche à faire sien avec tant d'avidité. Il a peur de penser à elle comme à une Mangemort, et non plus comme à Eirene, sa fiancée, cette femme qui a partagé sa vie toutes ces années.
Il a peur, si peur de la perdre.
« Tu ne penses pas que je le sais déjà ? Après Teresa, après les interrogatoires, la surveillance, les soupçons ? Tu ne crois pas que j'ai pensé à ce que ça allait changer, non seulement pour moi, mais pour vous, toi, Anna, sa fille ? Bien sûr que si, Eirene. Et rien de tout ça ne me fait plaisir. Tu ne sais pas les sacrifices que ça représente. » lance-t-il durement. Tous ceux qu'elle fait sont pour le camp adverse, elle se jette seule à la gueule des loups quand lui risque la vie de sa famille au complet pour cette guerre qui est devenue sienne. Cette folie qui les tiraille de tous les bords. L'effroi gagne du terrain, et Matteo s'efforce d'adopter une attitude plus calme, désireux de ne pas voir le ton monter, conscient que cela ne mènerait à rien de constructif. Après une grande inspiration, il s'approche d'elle et la force à le regarder, les deux mains entourant son visage. « S'il te plaît, renonce. Ne fais pas cette bêtise. Ils le découvriront, c'est évident. Mais tu n'as rien besoin de leur dire. Je refuse de croire qu'avec tout le mal que tu te donnes, tu pâtiras de tout ça. » et dans le secret de son esprit, il réalise que pour bien faire, les souvenirs de cette soirée devraient être éradiqués. Il en est incapable. Incapable. « Ne nous inflige pas une chose pareille, je t'en supplie. » Ou nous sommes perdus. « Anna a compris il y a longtemps ce qui se passait. » Il ne l'accuse pas d'avoir été aveugle, il lui affirme simplement qu'à ses yeux, Anna a déjà eu le temps de se faire à l'idée de le voir déserter l'élite et ses privilèges. Il espère, quelque part, qu'Anna saura panser les plaies d'Eirene une fois qu'il sera parti. Pas sûr qu'elle sache calmer la colère, cela dit. « S'il te plaît Eirene, » qu'il répète.
‹ occupation : enfermée à azkaban pour 50 ans, elle est persuadée qu'elle n'en sortira pas vivante
‹ maison : serdaigle
‹ scolarité : 1984 et 1991.
‹ baguette : est en bois d'acajou ; elle mesure vingt-six centimètres et possède en son coeur un ventricule de dragon.
‹ gallions (ʛ) : 3581
‹ réputation : je suis un simple objet à la merci des mangemorts, prête à tout pour atteindre ses objectifs. A cela s'ajoute nouvellement l'appellation de criminelle de guerre; vivement recherchée par le gouvernement, je me suis rendue aux autorités début mars 2004
‹ particularité : métamorphomage.
‹ faits : que je suis devenue mangemort peu de temps avant la bataille finale mais que je ne soutiens pas les idéologies du Lord. C'est seulement une étape -indispensable- de plus pour faire mes preuves. L'utilisation de mon don m'épuise et il m'est impossible d'oublier les horreurs commises. Avec les blessures de l'attaque de Sainte-Mangouste et les dérèglements magiques qui s'ajoutent, garder le contrôle devient plus compliqué. L'orviétan (fabuleo) a été le seul moyen efficace pour supporter la douleur et reprendre vite le travail, une absence longue mettant en péril ma place dans le système et toutes les années de dur labeur qui vont avec.
‹ résidence : auparavant dans un minuscule appartement à Canterbury, du côté moldu, cachée de tous sous une fausse identité (Susie Marshall) avec Elizabeth Atkins (Leanne Marshall), je réside désormais dans l'une des nombreuses cellules d'Azkaban, toujours en compagnie d'Elizabeth
‹ patronus : une hirondelle, mais impossible d'en produire un depuis l'apposition de la Marque sur son avant-bras.
‹ épouvantard : mon corps vieilli par l'utilisation excessive de mon don. Plus récemment, il prendrait plutôt la forme de Matteo ensanglanté, allongé au sol et laissé pour mort.
‹ risèd : la liberté, un monde où je pourrais rester moi-même sans mettre ma vie en danger ou celle des personnes que j'aime. Matteo vivant, pas uniquement dans ses souvenirs.
« Les choses ont changé Eirene. J'ai changé. » Elle haussa les sourcils. Bien-sûr qu’il avait changé. Il le lui faisait bien comprendre. Ils avaient tous les deux changé, beaucoup trop peut-être. Tous ces efforts, elle ne les faisait pas uniquement pour elle, même s’il pensait le contraire. Il pouvait croire ce qu’il voulait, elle ne semblait pas avoir son mot à dire. « Comment tu peux dire une chose pareille. J'ai toujours été là pour te soutenir dans tout ce que tu faisais, il me semble. » Comme elle avait toujours été là pour le soutenir aussi. « Est-ce que j'ai jamais donné l'impression de te juger, Eirene ? Est-ce que j'ai eu l'air, à un seul moment de notre vie, de vouloir t'empêcher de faire ce que tu voulais, d'atteindre ton but ? Tout ce que je te demande c'est de prendre soin de toi. » Elle hoche la tête. Non, jamais il n’avait essayé de la retenir. Pas une seule fois. Ce qu’il n’arrivait pas à accepter, c’est que Eirene ne prendrait soin d’elle que lorsqu’elle se saurait hors de danger. Elle avait beaucoup trop peur encore. « Et je te demande de prendre soin de toi. » Ce qui ne serait clairement pas le cas s’il rejoignait les insurgés. « Pas de laisser tomber – Vraiment ? » Question rhétorique à laquelle elle n’attendait pas de réponse. Matteo la poussait à envisager cette possibilité, tout plaquer pour le rejoindre. Elle le sentait. Mais elle ne voulait pas essayer, pas même une seconde. Alors elle l’observait, se demandait ce qui avait bien pu lui passer par la tête, ce qu’elle avait de travers – plein de choses, sans doutes – et elle se taisait. Un malaise semble l’envahir lorsqu’elle lui demande ses motivations et elle comprit bien vite que sa sœur était liée à tout ça. « C'est... je ne savais même pas que Teresa était avec les Insurgés. Je ne savais même pas ça. » A l’époque, seule Eirene semblait pouvoir lui apporter un semblant de réconfort. Elle l’avait aidé à surmonter cette peine, aller de l’avant comme il avait pu la soutenir à la mort de Wes. Mais est-ce que ça avait été assez ? Non. Elle n’avait jamais pu lui retirer ce sentiment de culpabilité, pas un seul instant. « Teresa a fait ses choix, tu n’en es pas responsable. Tu n’aurais rien pu faire. Ce n’est pas de ta faute. » Le souvenir de son frère restait toujours aussi fort, même après ces dix années. Le temps ne suffisait pas à panser une plaie qui resterait à jamais grande ouverte. Elle ne pouvait que trop bien comprendre son désarroi. Elle fit un pas en avant pour s’approcher un peu plus – toujours par réflexe – parce qu’elle ne supportait pas de le voir se mettre dans des états pareils, mais finit par se rappeler que la situation ne se prêtait guère aux marques d’affection. « Elle a été tué par le Gouvernement, pour sauver ceux qui se battaient pour un peu de justice. J’ai toujours ignoré les horreurs qu'ils commettaient, j'ai fermé les yeux sur ce qui n'allait pas dans ce pays pour mon propre confort, Eirene. Il a fallu qu'elle meurre pour que je me rende compte que rien de tout ça ne me convenait, à moi non plus. Il était temps que ça se termine. Que j'essaye de faire quelque chose moi aussi, autrement qu'en écrivant pour leur compte des mensonges destinés à farcir les esprits de fausses affirmations. » Puis le verdict tombe, sachant depuis le début qu’elle ne pourrait le dissuader tout en gardant encore un peu l’espoir qu’il ne se rétracte. Il affirme ses propos, apportant alors cette conversation – s’apparentant plus à une dispute – une dimension beaucoup plus réelle. Comment avaient-ils pu en arriver là ? Leurs différences avaient fini par prendre le dessus, et inévitablement, les déchirer. « Oui, je les choisis. Eirene... » Et tout le semblant de calme dont elle avait pu faire preuve finit par s’envoler.
« Tu... tu me parles de trahison quand tu es prête à me vendre à tes supérieurs pour sauvegarder ta réputation ? C'est bien ça que tu sous-entends, alors, tu vas me dénoncer ? Sûr qu'avec une telle information, tu vas l'obtenir, ta foutue marque ! » Elle ferme les yeux, lâche un soupir. « Tu as pris ta décision, qu’est-ce que ça pourrait changer maintenant ? Que je te dénonce ou pas, tu vas t’en aller. » Elle préférait que le Ministère ne l’apprenne de sa bouche plutôt que de quelqu’un d’autre. Ou que l’on ne remarque son absence le lendemain à la Gazette, confirmant ainsi les doutes qu’ils avaient toujours eu. « Alors oui, je compte te dénoncer. Mais tu le savais déjà, non ? Ne rien dire n’éveillera qu’un peu plus les soupçons nous concernant. Autant faire ce qu’il y a à faire pour écarter ce risque. » Il pouvait penser ce qu’il voulait, qu’elle agissait de manière égoïste : c’était probablement le cas et elle s’en fichait. Avec tout ce qu’elle voyait au Ministère tous les jours, elle ne pouvait accepter l’idée qu’il puisse détruire les années ensemble, leurs efforts, sa famille, tout. Dans cette histoire, il avait beaucoup plus à perdre qu’à y gagner. « C’est bien plus, c’est tellement plus qu’une simple marque ! » Elle savait ce que porter la Marque des Ténèbres induisait, elle n’était pas complètement dupe ou aveuglée pour ça. Elle y renoncerait immédiatement, si seulement elle voyait un autre moyen. C’était le seul choix qui s’offrait à elle. L’exigence, elle ne pouvait se le permettre. Elle n’avait pas à dicter les règles, mais à s’y plier. Elle ne voulait pas entraîner Matteo là-dedans mais elle ne pouvait pas non plus s’en sortir sans le faire. « Tu ne penses pas que je le sais déjà ? Après Teresa, après les interrogatoires, la surveillance, les soupçons ? Tu ne crois pas que j'ai pensé à ce que ça allait changer, non seulement pour moi, mais pour vous, toi, Anna, sa fille ? Bien sûr que si, Eirene. Et rien de tout ça ne me fait plaisir. Tu ne sais pas les sacrifices que ça représente. » S’il se posait quelques instants, il constaterait que tout pouvait être simple pour lui alors qu’elle devait batailler. Tout le temps, à chaque instant. Elle ne pouvait se permettre de baisser sa garde, se reposer, s’arrêter sans craindre des représailles. Elle avait tout le temps si peur. « Qu’est-ce que tu cherches à faire ? Te venger ? Honorer sa mémoire ? Ce n’est pas comme ça que ça marche. Teresa est morte et rien ni personne ne pourra y changer quelque chose. » Matteo parlait de sacrifices comme s’il savait ce que ça signifiait mieux que quiconque. « Je sais parfaitement ce que faire des sacrifices représente, Matteo. Bienvenue dans mon monde. Tu verras, ça n’est pas très plaisant. » lâcha-t-elle amère. A force d’en faire, il comprendrait peut-être cette envie folle qu’elle avait de s’échapper. « Toute ma vie n’a été que des sacrifices. Evite de parler de ton don, Eirene, cache-toi. N’oublie pas, sois prudente à Poudlard. Reste méfiante, toujours. Comment peut-on demander à un enfant de cacher sa véritable nature alors que c’est une partie intégrante de son identité. Dis-moi ! » Toute cette rancœur qu’elle ressentait vis-à-vis de leur société remontait si loin… C’était ancré en elle. « Mes parents, tout ce qu’ils m’ont appris, ces choses qui font ce que je suis. Tous-les-jours je dois faire comme si ça n’avait jamais été là. Comment rester debout, se lever chaque matin en sachant que cette voie n’est peut-être pas la bonne ? » Elle en est incapable. Eirene veut vivre et non pas survivre. Elle laisse son esprit divaguer, sa sensibilité prendre le dessus. « Toi. Te laisser partir, se pardonner nos erreurs. » qu’elle lâcha d’une voix presque inaudible, fatiguée de devoir se battre, de se justifier même avec lui. A une époque, elle lui en avait tant voulu. Mais l’amour qu’elle ressentait à son égard était beaucoup trop fort pour l’abandonner, le quitter pour une simple erreur. Ils valaient bien plus qu’une histoire d’adultère. Ils étaient beaucoup plus forts. Alors elle lui avait donné une seconde chance, ne se laissant pas aveugler par ces sentiments de solitude ou d’abandon qui l’envahissaient chaque fois qu’il s’en allait, toujours plus loin, toujours plus longtemps. La crainte qu’un jour, il ne revienne pas, qu’il trouve mieux ailleurs, qu’il finisse par l’oublier, se lasser. Et le voilà qui recommence, ignorant une nouvelle fois ce qu’elle pouvait ressentir pour partir. Encore. Sauf que cette fois-ci, elle savait qu’il la quittait pour ne plus jamais revenir. « Et… et mon frère. Wes. » Elle en parlait si peu, espérant qu’un jour la douleur s’atténuerait, qu’elle finirait par disparaître quelque part dans son cœur meurtri. Mais ça n’arriverait jamais. Prononcer son prénom à haute voix suffisait à provoquer en elle une réaction sur laquelle elle n’avait aucun contrôle. « Wes… » répéta-t-elle, le ton beaucoup plus grave, la tête baissée vers le sol. Elle se rappelait de ce visage si doux, si paisible, même après avoir subi une mort des plus douloureuses. Dans le fond, elle l’enviait peut-être un peu, parce qu’il n’avait plus jamais à se battre. « Tu penses que la liste est assez longue ? » reprit-elle beaucoup plus dure. Elle respire, tente de calmer ses émotions. Matteo avait toujours été si spécial. Il lui avait prouvé plus d’une fois que les exigences sociales ne l’atteignaient pas. Il avait fait en sorte qu’elle se sente mieux, moins perdue dans ce monde qu’elle ne connaissait pas et il avait accepté de s’engouffrer dans le sien, ignorant les menaces et réflexions désobligeantes. Il avait toujours cru en elle, comme elle avait cru en lui. Ils n’auraient peut-être pas dû. C’était tellement naïf. Aujourd’hui, elle tient beaucoup trop à lui pour supporter qu’un malheur ne lui arrive. « Je ne veux plus jamais avoir à perdre quelqu’un. Surtout pas toi. Je n’y arriverais pas, j’y survivrais pas ! » Elle s’arrête, réalise que c’est probablement la dernière fois qu’elle pourrait le lui dire, la dernière fois avant qu’il ne fasse une croix sur elle, sur eux. « Je t’aime… je t’aime tellement. » qu’elle finit par murmurer, doucement, tout doucement. La vérité la plus pure, celle que même le gouvernement ou ses ambitions démesurées ne pourraient lui retirer. Alors oui, Eirene avait décidé d’adhérer à un système qui ne lui convenait peut-être pas, d’y croire plus que de raison, chercher à s’y élever toujours un peu plus. Mais si elle était rentrée dans les rangs, c’était bien pour éviter qu’une horreur comme la mort de son frère ne se reproduise. Elle s’était faite prisonnière de ses idées et il était beaucoup, beaucoup trop tard pour espérer pouvoir la sauver un jour.
« S'il te plaît, renonce. Ne fais pas cette bêtise. Ils le découvriront, c'est évident. Mais tu n'as rien besoin de leur dire. Je refuse de croire qu'avec tout le mal que tu te donnes, tu pâtiras de tout ça. » Chacune de ses paroles lui faisaient mal. Absolument tout. « C’est trop tard. Je ne peux pas abandonner, pas après tout ce temps. Ils finiront par savoir… par savoir que j’étais au courant et… et je ne peux pas prendre ce risque. » Tu ne devrais pas le prendre non plus. Elle avait envie de pleurer, de hurler, de tout balancer. Les larmes lui montent aux yeux, son cœur se brise et son estomac se tord de douleur. Mais pleurer ne résoudrait rien, alors elle se laisse emporter par la colère. Pour essayer de se protéger, pour ne pas craquer. Parce que c’était plus simple que de faire face à la réalité. « Ne nous inflige pas une chose pareille, je t'en supplie. – Et que penses-tu nous infliger là, maintenant ? Tu parles de rejoindre les insurgés, tu dis penser à nous mais si c’était le cas tu agirais différemment. » Il ferait comme elle. « Ne me rejette pas entièrement la faute. Car ce n’est pas le cas. » Ils avaient chacun leur part de responsabilité dans ce qui leur arrivait. Autant Eirene que Matteo.
« Anna a compris il y a longtemps ce qui se passait – Et elle est d’accord avec ça. C’est trop dangereux, quand allez-vous le comprendre ? » Elle secoue la tête, ne comprend toujours pas. Elle ne ne veut pas comprendre. Ça la dépasse. Si elle le faisait, son monde tout entier s’écroulerait. Elle perdrait tout, pas uniquement Matteo ou son poste, elle se perdrait elle-même, elle n’aurait plus aucune attache. Rien. « S'il te plaît Eirene » « Quand comptes-tu partir ? » se contente-t-elle de demander la gorge nouée. Elle ne veut pas le voir s’en aller et encore moins le dénoncer. « Tu ne me laisses pas le choix Matteo… » Et dans ce bout de phrase s’entendrait presque une supplication. Ne me laisse pas te faire ça. Pas à toi. Elle l’aime tellement que ça en devient douloureux. Eirene n’est même pas sûre de pouvoir se pardonner cette trahison un jour. Cependant, reculer n’était plus envisageable. Ni pour elle, ni pour lui. « Ne m’abandonne pas… » car sans toi, je suis perdue. Complètement perdue. Des paroles qui n’arrivaient pas à franchir la barrière de ses lèvres, envahie par l’angoisse, la peur de ce que son avenir pouvait devenir sans lui. Elle ne pouvait envisager son quotidien sans l’avoir à ses côtés – elle ne le voulait pas – tout comme il ne pouvait pas débarquer dans sa vie, la marquer à jamais et s’en aller, tout simplement. « Tu ne peux pas partir, juste comme ça… Non, ça ne devait pas se passer de cette manière. » qu’elle poursuivit, la voix tremblotante. Ils devaient se marier, fonder une famille, être heureux. Une idée qu’elle ne pourrait plus jamais considérer après ça. Ils devaient partager tous ces moments qu’ils n’avaient pas eu encore l’occasion de vivre. Et tout s’arrêtait là, comme ça. Brusquement. « C’est terminé, n’est-ce-pas ? » Elle redoute tant sa réponse, alors qu’elle la connaît déjà. « Tu… tu peux pas ! Tu m’entends ? Tu peux pas partir comme si on n’avait jamais existé, ignorer, effacer toutes ces années ensemble, tu peux pas me forcer à mettre un terme à tout ça ! Tu peux pas essayer de me convaincre de tout abandonner, de me faire croire qu’il reste encore une chance si seulement je te suivais parce que tu sais parfaitement qu’il n’y en n’a pas. Tu sais qu’il n’y en aura plus. » Matteo se voilait la face, à croire qu’il pourrait encore rattraper la situation. Leur dernière chance s’était envolée à l’instant même où ils avaient entamé cette conversation. Ils étaient condamnés : idées beaucoup trop divergentes, trop difficiles à concilier. C’était fini. Il ne restait plus rien d’eux que des cœurs brisés, des morceaux piétinés. Elle s’arrête, le souffle rapide, comme si elle avait couru des heures durant. Elle porte les mains sur son visage, constate seulement que ses joues sont humides. Elle avait pleuré, sans même s'en rendre compte tant la colère l’avait envahie. Ça avait pris le dessus sur le reste. Tout ce qu’elle voulait absolument éviter s’était produit. Et elle se remit à pleurer, complètement déboussolée, alors qu’elle s’était jurée de ne plus se montrer aussi faible. Même ses iris changèrent de couleur, virant en un bleu foncé qui accentuait un peu plus son chamboulement. En réalité, Eirene ne contrôlait rien. Elle ne contrôlait plus rien. Elle avait peur, aussi, peur de faire face à ce qu’allait devenir sa vie. Peur de ne plus avoir à penser qu’à elle, et non plus à eux.
« Tu as jusque demain midi pour partir. Passé ce délai, j’espère que tu seras en sécurité. » Le plus loin d’ici, le plus loin d’elle, le plus loin de ce qu’elle allait devenir. Hors d'atteinte.
‹ occupation : tisseur de mots, journaliste, coureur de monde. à la dérive.
‹ maison : Gryffondor
‹ scolarité : 1984 et 1991.
‹ baguette : était en bois d'érable, relativement flexible, mesurait 26,8 cm et contenait un coeur de phoenix.Désormais brisée, j'ai hérité d'une baguette récupérée sur le cadavre d'un mangemort: bois de noyer noir, 32 cm, coeur inconnu, et absolument pas faite pour moi.
‹ gallions (ʛ) : 4223
‹ réputation : j'ai l'air de regretter la fin de cette guerre, que ce qui secoue ce monde nouveau paraît me révolter bien plus que les atrocités commises par le précédent gouvernement, que je suis un piètre journaliste et écrivain qui tente de percer dans un milieu qui n'a jamais voulu de lui.
‹ particularité : en plein flou.
‹ faits : j'ai soutenu la rébellion, bien que je n'ai quitté ma vie que sur le tard pour aller les retrouver, au détour de la création de la Renaissance du Phoenix ; que beaucoup n'ont pas cru à mon implication, du fait de ma naissance surtout ; que j'ai une tendance fâcheuse à commencer des choses et à ne pas les terminer ; que ma plus grande ambition est d'enfin publier un livre ; que ma fiancée est en fuite et que je n'ai aucune idée de si je la reverrai morte ou vive, offerte aux bons soins des Détraqueurs ; que la nouvelle société me répugne presque autant que la précédente, voir plus ; que je ferai sûrement tout pour ma soeur.
‹ résidence : dans le loft de la Bran Tower ou Eirene et moi vivions avant que tout ne vole en éclat. J'ai réussi à garder l'appartement par je ne sais pas quel miracle, il sert aujourd'hui à ma soeur et à mon beau-frère, Elias, parfois. En vérité je n'y suis pas souvent, je fuis l'endroit.
‹ patronus : une méduse géante
‹ épouvantard : un grand feu, l'anéantissement total de ma famille, rester seul au milieu des cendres
‹ risèd : Eirene se tenant à mes côtés, aussi heureuse qu'elle l'était à nos débuts, lorsque nous étions encore pleins de promesses et de projets fabuleux avant que tout ne soit jeté aux flammes.
Lay me down in your ocean Carry me and my burden I was dreaming about you honey I was hoping you'd save me
2 avril 2003 – « Teresa a fait ses choix, tu n’en es pas responsable. Tu n’aurais rien pu faire. Ce n’est pas de ta faute. » Matteo opine machinalement du chef, certain toutefois d'avoir eu une part importante dans la disparition de sa sœur. Tout comme Eirene aura la sienne dans son propre départ. L'acidité des propos échangés se mêle à la douceur inhérente à leur amour réciproque et partagé depuis si longtemps. Parfois, ça l'étonne lui-même de la désirer encore autant. De garder un œil aussi neuf, aussi pur sur elle, sur leur relation qui à ses yeux, ne peut prendre fin. Jamais. Ainsi songe-t-il à Eirene : comme à l'unique compagne qu'il désirera jamais, l'unique personne au monde dont il ne pourrait se passer. Il ne veut rien d'autre qu'elle, que sa présence simple et douce. Il veut tout partager avec elle, jusqu'à l'éternité. Pourtant loin d'être naïf, rien de ce qui se profile à l'horizon ne lui effleure l'esprit. Il croit tant à leur histoire, la perdre est impossible. Le choc n'en est que plus important.
« Tu as pris ta décision, qu’est-ce que ça pourrait changer maintenant ? Que je te dénonce ou pas, tu vas t’en aller. » « Ce que ça pourrait changer ? » Il explose, il s'insurge. Il essaye de se convaincre que rien de ce qu'elle vient de dire n'est réel. Eirene ne peut pas avoir posé une telle question. « Quelle différence cela pourrait faire si tu me dénonçais au lieu de ne rien dire, je me le demande ! » Elle n'entend rien, et ses mots le transpercent, le condamnent à mille morts simultanées. « Alors oui, je compte te dénoncer. Mais tu le savais déjà, non ? Ne rien dire n’éveillera qu’un peu plus les soupçons nous concernant. Autant faire ce qu’il y a à faire pour écarter ce risque. » Jamais il n'a ressenti ce sentiment de rejet à son égard. Jamais il n'a souhaité à ce point qu'elle se taise, qu'elle ne dise pas un mot de plus. Elle qui a toujours été si précautionneuse, ce genre de personne capable de réfléchir avant de parler. Elle a toujours été douée pour ça, peser ses mots, faire attention. Il l'admirait, Merlin comme il aimait cette qualité qu'elle avait. Aujourd'hui la colère et la peine semblent avoir annihilé sa réflexion. C'est ce qu'il se dit, c'est ce qu'il espère : qu'elle ne lui jette pas tout ça au visage avec la seule force de la conviction. Il espère vainement que ce n'est qu'un acte désespéré, une tentative pour le retenir. C'est sous le coup de la colère... Alors qu'il peine à retrouver la parole, profondément ébranlé par ce qu'il vient d'entendre, Eirene soutient que la marque signifie bien plus. Il ne peut qu'aller dans son sens sur ce point, ça n'est pas qu'un tatouage ridicule sur l'avant-bras. C'est le point final de leur histoire, c'est le couperet qui tranchera définitivement les liens tissés au fil des années, côte à côte. Il refuse de voir ce signe sur sa peau, l'idée seule lui soulève le cœur et le rebute. Se rend-elle compte de ce qu'elle deviendra à ses yeux ce jour là ? Maintenant il en est sûr, il ne pourra plus la regarder pareil. Elle retombera inévitablement dans son estime, ça lui lacère le cœur. Je voudrais qu'il en soit autrement. « Je n'aurais pas osé imaginer que tu me dénoncerais, non. Pardon d'avoir cru que tu tenais suffisamment à nous pour ne pas faire une telle chose. » siffle-t-il rageusement, choqué par l'intensité de sa propre colère qui gronde et oscille par vagues puissantes, incontrôlables. « Qu’est-ce que tu cherches à faire ? Te venger ? Honorer sa mémoire ? Ce n’est pas comme ça que ça marche. Teresa est morte et rien ni personne ne pourra y changer quelque chose. » Oui, oui, oui ! C'est tout ce qu'il veut : que la mort de Teresa ne soit pas vaine, qu'elle n'ait pas servi à rien. Car pour l'heure, c'est tout ce qu'il ressent, ce vide immense en pensant à elle, en pensant que sa disparition n'aura rien changé à la situation. Au moins cela aura-t-il servi à le lancer sur ses traces pour finir ce qu'elle avait commencé. L'entendre parler du décès de sa petite sœur avec tant de désinvolture le jette dans un désarroi profond. On dirait qu'elle cherche à le blesser, croit-elle que rappeler à sa mémoire son manque d'implication dans la vie de sa cadette l'empêchera de partir ? Elle ne fait qu'attiser le feu de cette manière, elle va finir par s'y brûler les doigts. « Je sais parfaitement ce que faire des sacrifices représente, Matteo. Bienvenue dans mon monde. Tu verras, ça n’est pas très plaisant. Toute ma vie n’a été que des sacrifices. Evite de parler de ton don, Eirene, cache-toi. N’oublie pas, sois prudente à Poudlard. Reste méfiante, toujours. Comment peut-on demander à un enfant de cacher sa véritable nature alors que c’est une partie intégrante de son identité. Dis-moi ! Mes parents, tout ce qu’ils m’ont appris, ces choses qui font ce que je suis. Tous-les-jours je dois faire comme si ça n’avait jamais été là. Comment rester debout, se lever chaque matin en sachant que cette voie n’est peut-être pas la bonne ? » Il secoue la tête, partagé entre la sidération et l'élan ancré en lui qui le pousse toujours à la récupérer au moindre signe de détresse, de relâchement. Elle énonce avec ferveur des choses qu'il sait déjà, qu'il a déjà entendues de sa bouche. Matteo a parfaitement conscience des précautions qu'elle a du prendre tout au long de sa vie sous l'insistance protectrice de ses parents, mais aussi face à la méfiance générale pour les gens comme elle. Eirene s'est confiée à lui, et il l'a écoutée. Mais jamais encore il n'a entendu cette haine, cette rancœur percer dans ses paroles. À la réflexion, il réalise également qu'il aurait du y penser plus tôt. Il s'en veut d'avoir pris le self contrôle de sa fiancée pour autre chose que ce qu'elle était vraiment : un masque, de la dissimulation pure et simple. Il s'en veut d'avoir pu croire qu'elle avait su vivre avec la pression constante qu'on lui imposait et qu'elle s'imposait à elle-même dans son désir de briller au yeux des autres sans en pâtir, personne ne peut supporter une telle chose, pas même elle.
« Toi. Te laisser partir, se pardonner nos erreurs. » Tu m'as déjà trop pardonné. Il y a des fautes qui ne disparaîtront jamais vraiment. De celles qui entachent une histoire solide jusqu'à la fin des temps, même quand les deux protagonistes ont fini par faire semblant d'oublier, par soucis de conservation, par amour. « Ne pense plus à ça, je t'en prie. » Il serait prêt à la supplier. Parmi tous les problèmes qui embuchent leur relation à ce jour, celui-ci est bien le dernier qu'il a envie d'aborder en cet instant. Ce n'est pas qu'il repousse sa culpabilité, non. On en a déjà trop parlé. « Et… et mon frère. Wes. » Rares sont les fois où il l'a entendue prononcer son prénom, comme frappé d'un tabou. Quand Matteo s'applique à faire vivre la mémoire de Teresa, Eirene a enterré son frère dans les tréfonds de sa mémoire, comme pour effacer une vérité qui la dérange, qui l'empêche d'avancer. « Wes… » « Wes est... » – mort pour ton gouvernement, mort par la faute de ceux que tu soutiens, mort pour rien, lui aussi. Les mots manquent de peu de s'échapper de sa bouche, elle le coupe de justesse. « Tu penses que la liste est assez longue ? » Il ne répond rien, pense à tous ceux qui ne figurent pas sur sa foutue liste. À tous ceux à qui elle ne songe pas, à tous ceux qui s'inscriront à la liste des aimés disparus – même inconnus – parce qu'elle aura rejoint les rangs des Mangemorts. « Je ne veux plus jamais avoir à perdre quelqu’un. Surtout pas toi. Je n’y arriverais pas, j’y survivrais pas ! » Tout en elle crie l'importance du paradoxe qu'elle ressent. Matteo est douloureusement conscient du déchirement que provoque son départ, il n'est pas loin d'avoir envie de renoncer lui aussi, elle n'est pas loin de le convaincre de rester. Il reste pourtant cette part d'elle qui ne peut dévier du droit chemin, qui l'empêche de baisser les bras, même pour lui, même pour eux. Et au delà de la douleur, c'est la déception qui enfle lentement en lui à l'idée qu'elle lui préfère sa carrière, qu'elle fait passer son avenir avant son amour. « Je t’aime… je t’aime tellement. – Pourquoi faire ça alors... » et il la supplie de ne pas commettre l'irréparable. Il lui suffirait de tenir sa langue, de garder le silence, elle sait le faire, il en est sûr. Elle ne veut tout simplement pas. « C’est trop tard. Je ne peux pas abandonner, pas après tout ce temps. Ils finiront par savoir… par savoir que j’étais au courant et… et je ne peux pas prendre ce risque. – Ne nous inflige pas une chose pareille, je t'en supplie. – Et que penses-tu nous infliger là, maintenant ? Tu parles de rejoindre les insurgés, tu dis penser à nous mais si c’était le cas tu agirais différemment. Ne me rejette pas entièrement la faute. Car ce n’est pas le cas. – Anna a compris il y a longtemps ce qui se passait – Et elle est d’accord avec ça. C’est trop dangereux, quand allez-vous le comprendre ? – S'il te plaît Eirene – Quand comptes-tu partir ? » Ses mains s'attardent une seconde de plus sur le velours de sa peau, puis glissent et tombent dans le vide, suivi de près par son cœur. Une masse s'écrase sur ses entrailles et les bras ballants, il l'observe, le visage vide d'expression, l'impression de peser une tonne et de s'enfoncer dans le sol vers l'enfer.
« Alors c'est tout ? Juste comme ça ? » laisse-t-il tomber platement. Il ne se sent plus capable de la moindre réaction sensée. Il se sent juste siphonné de l'intérieur. Elle a aspiré sa vitalité, a tout emporté avec elle, écartant les dernières chances en quatre malheureux mots. Quand comptes-tu partir ? Ses doigts se perdent dans les cheveux ras de sa nuque. Il fait curieusement froid, soudainement. « Je... » Que veut-elle qu'il lui réponde ?? Demain, dans une semaine, dans un mois ? Le problème restera le même tant qu'ils resteront plantés sur leurs positions. « Ta décision à l'air prise. » Sa voix sonne faux, empreinte de cette assurance factice qu'il essaye d'adopter lorsqu'il lui tourne le dos et qu'il trouve de nouveau appui sur le comptoir. « Tu ne me laisses pas le choix Matteo… » Mensonge. « C'est faux et tu le sais. Tu es la seule à te mettre des œillères. » Las, il est tellement las. « Ne m’abandonne pas… » Les doigts pressés contre ses paupières, Matteo s'astreint au calme et s'efforce de garder la conviction qui l'a poussé à faire ses bagages. Ça fait si longtemps qu'il prépare ce départ, qu'il tente de s'imaginer la douleur de cette séparation, la difficulté d'avoir à annoncer qu'il s'en va à la femme qu'il aime. Il en était bien loin. Rien de ce qu'il avait pu penser n'atteint la réalité de ce qu'il vit en ce moment. C'est un véritable déchirement qui le retient, le fait hésiter. Lui qui s'était juré de ne pas se laisser détourner de son objectif, par quoi ou qui que ce soit ! « Tu ne peux pas partir, juste comme ça… Non, ça ne devait pas se passer de cette manière. » « Il le faut, je dois le faire ! Je refuse d'être ce genre de lâche. Ça fait plus d'un an que je m'y prépare, plus d'un an que je te cache mes projets. J'ai repoussé le moment de mon départ pour toi, mais ça ne peut plus durer. Il se passe des choses dont je ne peux rester éloigné plus longtemps, tu comprends ? Poudlard est assiégé et je ne compte pas rester là confortablement installé dans un foutu bureau pendant que mes amis risquent de claquer sous les sortilèges de tes maudits collègues, Eirene ! Ce temps est révolu, je ne resterais plus en arrière à attendre que les choses se passent, c'est insupportable, et je ne me supporterais pas si je faisais une telle chose, d'accord ? » – et il ne supportera pas de la voir exécuter les ordres du Magister pour massacrer les âmes qui ont pris tant d'importance dans sa vie au cours des derniers mois. Le souffle court, il s'aperçoit qu'il s'est mis à crier, à s'agiter de nouveau. Une étincelle l'a quitté, c'en est une autre, plus violente, qui est venue la remplacer : cette fervente colère, qui écarte les doutes et les hésitations, les récriminations déchirantes de son cœur amoureux. Elle voudrait le retenir – elle y est presque arrivé. Presque. À croire qu'ils se valent bien tous les deux, prêts à tourner le dos à leur bonheur pour des certitudes trop ancrées en eux pour qu'ils puissent y renoncer. La tristesse de la situation lui saute aux yeux, lui dévore le cœur.
« C’est terminé, n’est-ce-pas ? » « C'était la dernière chose que je voulais avant que tu n'arrives. Partir ne voulait pas dire que toi et moi étions fini, mais je crois que tu viens de décider pour moi de l'issue de cette conversation. Je quittais simplement ma vie pour une autre, te quitter n'a jamais été dans mes plans Eirene. » Ses propres paroles le blessent, elles semblent sorties d'une autre bouche que la sienne. « Je pensais que quelques soient les obstacles qu'on aurait à traverser, on y arriverait. Tu ne m'empêcheras pas de partir, je vais le faire, même si je dois te perdre. » Sa voix se briser quelque part entre deux mots, et il n'est plus capable de la regarder dans les yeux. « Tu… tu peux pas ! Tu m’entends ? Tu peux pas partir comme si on n’avait jamais existé, ignorer, effacer toutes ces années ensemble, tu peux pas me forcer à mettre un terme à tout ça ! Tu peux pas essayer de me convaincre de tout abandonner, de me faire croire qu’il reste encore une chance si seulement je te suivais parce que tu sais parfaitement qu’il n’y en n’a pas. Tu sais qu’il n’y en aura plus. » « Tu es celle qui vient de foutre en l'air toutes ces années ! Tu es celle qui vient de ruiner nos chances, comme tu dis ! Vas-y, dénonce moi, fais le vite avant que tes patrons bien aimés puissent douter un seul instant de ton intégrité ! » D'un revers de main, il envoie valser la tasse à thé d'Eirene – celle qu'elle tient toujours serrée entre ses paumes le matin. Elle illustre si bien le désastre qui leur tombe dessus, la confiance brisée en mille morceaux, les bris de porcelaine éclatés un peu partout au sol. Il leur marche dessus, les réduit à néant pour ne plus voir le désespoir qui s'y attache. « Peut-être qu'en fin de compte, il fallait que ça se termine comme ça un jour. Ton ambition n'a pas de limite, pas même celle de me vendre pour ton propre salut, qui au passage était sauf même sans que tu n'aies rien à faire. Ton travail t'a changée au delà de tout ce que j'imaginais. La Eirene que j'ai connue à Poudlard ne m'aurait pas fait ça. La Eirene que j'ai voulu épouser et avec qui je voulais partager ma vie est morte à leur contact. » Il perd le contrôle, il le sait. Les limites de la bienséance ont disparu avec ses espoirs d'avenir radieux. Ce mariage qu'il espérait tant, il n'arrivera pas. Il est condamné à rester un échec cuisant sur le tracé de son existence. Un regret innommable. « Tu sais quoi, tu leur ressembles, réflexion faite. Tu es faite pour être des leurs, je te souhaite tout le bonheur du monde auprès de tes nouveaux compagnons de route. Au plaisir de te voir à la tête du Mangenmagot d'ici quelques mois, nul doute que tu auras gagné leur confiance d'ici là : une femme qui jette son propre fiancé aux autorités pour trahison et complit ne peut que gagner en intérêt pour des gens comme eux. »
« Tu as jusque demain midi pour partir. Passé ce délai, j’espère que tu seras en sécurité. » Et où pourrait-il être au delà de ce délai qu'elle lui impose ? Partout sauf en sécurité. Il désire tant celle de ses bras, la douceur de ce creux caché entre la clavicule et la naissance de sa gorge. Il désire tant retrouver son unique demeure, son cœur à elle, sa tendresse, si loin de la sentence qu'elle vient de laisser tomber avec une détermination cruelle. Ses yeux rencontrent les siens, s'y perdent un instant. Il y cherche un mensonge, une hésitation. N'importe quoi qui lui ferait penser qu'elle pourrait changer d'avis, faire marche arrière. Éviter le saccage vers lequel ils courent. Il n'y trouve rien d'autre que l'assurance de faire ce qu'il faut. « En sécurité... je l'espère aussi. » fait-il d'une voix atone sans y croire. Il voudrait ne pas avoir à ressentir cette haine envers elle, en cet instant. Il voudrait pouvoir faire autrement. Vraiment. « Je connais des gens sensés sur cette terre que j'ai envie de rejoindre. Et ce ne sera pas toi. Tu fous tout en l'air Eirene, j'espère que tu en es fière. Encore une victoire que tu pourras ajouter à tes multiples talents, congrats darling. Maintenant j'ai des bagages à terminer, puisqu'apparemment je n'ai pas le temps de traîner. » Tu es impitoyable. Matteo se détourne et quitte la pièce d'un pas rageur sans un regard en arrière, ouvre la porte de la chambre et se blesse les phalanges contre le panneau de bois, qui part s'écraser contre le mur – et y laisse un trou. L'immeuble peut bien tomber en ruines à cause de lui à présent, ça ne l'intéresse plus. Brusque, il ramasse sa baguette et achève de jeter dans son sac le reste de ce dont il pourrait avoir besoin, y envoie des affaires inutiles sans se rendre compte de l'aberrance de ses commandes : la boite à dissimulation en bois de cyprès du Pérou ne lui servira probablement à rien mais il s'en fiche, il ne le voit même pas se mêler aux quelques vêtements et parchemins qui se mélangent dans un fatras indescriptible au fond du bagage. La fermeture éclaire se ferme dans un bruit sonore et Matteo attrape les hanses du sac et le porte jusqu'à son épaule, en se promettant de lui infliger un sort pour l'alléger.
Dans une autre vie, il aurait étreint sa fiancée avant de s'en aller. Il lui aurait dit combien elle comptait à ses yeux, combien ce départ lui coûtait, combien il espérait la revoir au plus vite. Et il l'aurait embrassée, une dernière fois. C'était là ce qu'il avait imaginé avant d'avoir la main sur la poignée de la porte d'entrée, le cœur battant, meurtri. Matteo hésite un instant, s'adresse à l'ombre qui se tient dans son dos, petite mais si lumineuse. Il ressent sa présence comme une blessure qu'on ne cesse de lécher pour la guérir, mais qui refuse de s'en aller, de se laisser oublier. Il n'y arrivera jamais. Elle planera toujours comme une ombre sur son existence. Elle restera la déception la plus terrible qu'il lui sera jamais donné de ressentir à l'égard de quiconque. Et surtout, elle sera l'amour le plus puissant et le plus vrai qu'il s'autorisera à éprouver. Quand elle aura tout détruit, il n'y aura plus personne – pas même lui. Le verrou s'enclenche et l'obscurité du couloir s'offre à ses yeux. « J'espère que tu obtiendras ce que tu veux, que me perdre te servira au moins à ça. Sois heureuse Eirene. » Parce qu'il ne le sera plus jamais.
Et il se laisse glisser dans le noir, la nuit, le corps affolé et l'angoisse collée à la peau. Ils ne sont plus.
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