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sujet; (13 avril 2003) EICHO x You won't get out the county, 'cause you're bad and free

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(13 avril 2003) EICHO x You won't get out the county, 'cause you're bad and free Empty
Coco trottine tranquillement dans les rues du Chemin de Traverse. Enfin plutôt dans une petite allée sombre, au beau milieu de la nuit, autour du Chemin de Traverse. Elle suit docilement un monsieur assez court sur pattes (mais toujours plus grand qu'elle), avec une calvitie précoce, qui l'entraine plus ou moins sûrement dans la direction de sa planque du soir.
Cela fait plusieurs nuits que Coco passe à valdinguer d'un commerçant à un autre, tous plus ou moins adeptes de la dissimulation discrète de fugitifs (surtout ceux aussi inoffensifs que la demoiselle), lui prêtant une cave, un placard, une chambre d'amis, un matelas sous la table. La peur les frôle toujours et ils sont rarement disposés à entendre son histoire, bien trop occupés à vivre la tragédie de la leur. Et tout en avançant Coco regarde avec tristesse les restes de bâtiments endommagés, les vitrines fermées, la pauvreté qui emplit la rue même en pleine nuit. Pour elle, le Chemin de Traverse a la richesse et les couleurs de toutes ces histoires racontées, de l'époque de Poudlard, de la première baguette, des lumières dans les yeux de ses clients lui parlant de ce qui était sûrement leurs plus beaux souvenirs. Mais le temps qu'elle vienne voir par elle-même, l'endroit est vide et triste, et elle continue de fixer la calvitie du petit monsieur devant elle.

Elle ne sait pas où elle va ce soir. On lui a peut-être dit mais elle n'a pas trop écouté. Cela fait trois semaines qu'elle court d'un lieu à un autre, qu'elle ne reste pas en place, qu'elle arrive plus ou moins à trouver quelque part où dormir le soir venu. Elle se doute qu'elle devra bientôt vraiment quitter le Chemin de Traverse. Elle a bien trop abusé de la générosité de ses habitants, et trop rester au même endroit l'inquiète. De toute manière, malgré ses multiples rencontres, malgré les nombreuses affections qui sont nées au cours de ces trois semaines, il n'y a encore aucun lieu où elle veuille véritablement rester. Aucune nouvelle Maison, aucun véritable travail. Elle erre, un peu perdue, espérant qu'au prochain croisement de route elle rencontre ce lieu, ce groupe, auquel elle se sentira véritablement appartenir. Elle s'accroche à cette croyance comme on s'accroche à la foi en temps de peine.

Finalement, ils s'arrêtent devant une petite porte, à l'arrière d'une grande maison. Cela doit être la porte arrière, utilisée par les domestiques. En tout cas c'est l'interprétation qu'en fait Coco, habituée aux grandes maisons luxueuses de la noblesse parisienne. Elle regarde le monsieur hésiter devant la porte. Elle remarque qu'il tremble un peu, grimace un peu, et se demande dans quel merdier elle s'est encore fourré. Elle se souvient distraitement qu'on lui a dit d'être bien sage, bien polie, de bien se tenir et de  ne rien dire de déplacé. Coco, se considérant toujours comme quelqu'un de sage et poli, ne s'est pas plus inquiété que cela. Le comportement du commerçant, lui, l'inquiète un peu, et elle récupère un peu de son anxiété alors qu'il toque enfin plus ou moins fermement à la porte.
Peu de temps plus tard, une magnifique femme âgée aux cheveux d'un blanc de nacre et aux magnifiques yeux fins fait son apparition. Coco perd de longues secondes à la regarder avec émerveillement et émotion, et rate presque complètement la conversation qu'elle a avec le commerçant. Lorsqu'elle sent enfin le regard de son hôte sur elle, elle s'approche un peu et bafouille dans un anglais à l'accent français presque discret : « Hello, I'm.... I'm Coco, I'm very please meeting you. Thank you very much for your welcoming. » Elle fait encore beaucoup de fautes de conjugaison et de grammaire, son vocabulaire reste sérieusement à désirer, mais au moins elle s'exprime. Ou plutôt elle essaye de s'exprimer parce que  l'émotion lui troue le ventre, et elle ne peut quitter la femme des yeux, comme hypnotisée.

Elle ressemble tellement à la Mama.
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Hormis les potions, son fils et ses petits fils, critiquer ouvertement toutes les sorcières et sorciers guindés qui passaient dans son viseur et caresser son chat il était difficile de savoir avec certitude ce qu’aimait Madame Eithne Ollivander. En revanche il était très facile de savoir ce qu’elle n’aimait pas puisqu’elle n’était pas le genre de femme à dissimuler sa haine, ou plus précisément son mépris. Les Mangemorts étaient dans le haut de la liste des personnes sur lesquelles elle aimerait cracher si une telle action avait été digne d’elle (faute de quoi elle se contente de se gausser plus ou moins ouvertement d’eux) et juste en dessous des moutons de Tom (une sorte de réécriture pathético-dramatique des moutons de Panurge) se trouvait, en assez bonne position donc, les Insurgés des idéalistes au cœur hélàs plus rempli que la cervelle (et rempli de quoi ? de beaux discours, de beaux espoirs… de belles choses ma foi mais rien de bien utile). Eithne se retrouvait donc dans la position extrêmement délicate de la femme qui, tout en haïssant avec tout le feu hargneux du grand âge le gouvernement en place ne pouvait se résoudre de prendre le parti des révoltés. Comme le dit si bien le proverbe : on est jamais mieux servi que par soi même. Il semblait à Eithne qu’elle devrait bien, à un moment donner, retrousser ses manches et se salir les mains. Des mains à demi liées par la menace constante qui pesait sur les siens : elle savait bien que si elle prenait de manière fort trop ouverte le parti contre le gouvernement, en plus d’être veuve elle pouvait risquer d’avoir les corps de ses enfants ou petits enfants à enterrer. Connaissant Tom, connaissant ses suiveurs, ce n’était pas une supposition paranoïaque.

Enfin, la dame n’était pas encore prête à faire la révolution mais aujourd’hui, via un petit anglais stressé qui l’avait contacté il y avait quelques jours, elle allait héberger chez elle une jeune demoiselle apparemment recherchée la Mangemort compagnie ™. Elle s’était un peu renseignée avant d’accepter : quelle genre de jeune demoiselle ? « Very nice. Very nice. » Oui, certes mais là n’était pas vraiment la question ; elle voulait plutôt savoir si elle était plutôt de ceux qui était recherchée parce qu’elle avait une tendance à vouloir égorger tous ceux qui appartenait de près ou de loin au gouvernement ou bien simplement parce qu’elle n’avait pas la pureté de sang nécessaire. « Oh no ! She’s not a… insurrected Madam. I would never dare ask you to… compromise yourself like that. » C’était surtout l’Insurgé qui voudrait venir crécher chez elle qui serait pour le moins compromis… quoiqu’Eithne était une femme avec qui on pouvait encore discuter ; c’était une époque à étiquette et à boîte dans lesquelles on tentait de vous enfermer, elle voulait bien croire que tous les Insurgés n’étaient pas des terroristes furieux et que tous les Mangemorts n’étaient pas des tueurs d’enfants (en revanche le point sur lequel elle n’était pas prêt de revenir était que toute la population était décidément bien imbécile… elle était bien seule maintenant que son Garrick était partie vraiment.) « She won’t cause any trouble Madam, I promise. A young woman… who knows how to behave. Discreet. You won’t even notice she’s here. » « Alright, stop your marketing operation at once, I have the feeling you’re trying to sell me a new broom. I will give your poor soul a home for the night. » Et c’était comme ça qu’elle se retrouve, en pleine nuit, à ouvrir la porte de sa demeure à ce petit homme fuyant et hyperbolique et à une petite pousse blonde qui n’avait en effet pas l’air d’une dangeureuse terroriste. « Madam Ollivander, she’s the… » « Yes, thanks a lot dear no need to introduce her a second time : nice and polite girl, discreet etc. » « Indeed, indeed. Well well… there there… » Quelle rhétorique implacable, par Lug elle était impressionnée ! Mais plutôt que de s’amuser à regarder le bonhomme se liquéfier sur place (elle n’était pas en soirée, là n’était pas le but de la manœuvre) elle se tourna vers sa jeune invitée. Pas bien grande, longs cheveux blonds et grands yeux bleus légèrement ébahis. Elle n’avait aucun souvenir de l’avoir déjà croisé, et pourtant Eithne avait croisé beaucoup de monde. Quand la jeune femme se mit à parler, Eithne fut alors persuadé de n’avoir encore jamais croisé sa route : « Hello, I’m… I’m Coco, I’m very please meeting you. » Lug tout puissant ! C’était ce qui s’appelait une grosse faute de syntaxe. « Thank you very much for your welcoming. » Ouch, Shakespeare venait de prendre un sale coup. Et en plus de ça Eithne pouvait déceler la pointe d’accent étranger qu’elle ne parvenait toutefois pas encore à resituer correctement. Enfin, l’important n’était pas la forme mais le fond (la robe ne faisait pas la sorcière) et cette phrase bancale montrait plusieurs choses en plus de l’origine étrangère de son hôte : elle s’appelait Coco (le nom sentait bon le parfum, la gamine devait être française) et en effet elle était polie. En revanche pour le nom de famille… Soit il s’agissait de la raison pour laquelle elle était recherchée, soit ce n’était pas assez important pour être mentionné, bon comme elle n’allait pas épouser cette Coco son nom de famille avait peu d’importance : « You’re welcome dear. However if you want to get caught by whoever is hunting you staying in front of the door is the best way to go. If not… please come in. » Elle se décale légèrement pour laisser la place à l’invitée de rentrer. Puis avant de refermer la porte elle hoche la tête en direction du petit homme : « I hope you have a good night. If  I may… you seem quite tense, I suggest a Peace philtre, it shall help you a lot. » Avant d’écouter la moindre réponse elle claque la porte. Puis elle se tourne vers Coco : « So young lady, I live here with my son, his wife and my two grand sons. They must never know about your presence here. » Surtout si l’on considérait le récent état de Lorcan. Ce serait tout à fait contre productif. Et puis Ascleus serait furieux contre elle. Elle n’avait pas envie de se mettre son unique fils à dos pour une fillette. « However, no need to worry, the house is big enough. Once I managed to totally avoid my daughter in law for two months so… you shoud’nt have any problem. You will sleep in my working room. Nobody ever comes here. » Maintenant qu’elle y réfléchit : si cette petite ne parle pas très bien anglais, est-ce qu’elle peux comprendre ce qu’elle dit ? Bon ma foi elle finirait bien par admettre qu’elle ne pigeait pas un traître mot à un moment donné. « Do you want some tea ? » Pourchassée ou membre de l’Élite Eithne s’en moquait : si on était admis à passer le palier de sa maison, on avait le droit à un thé. Cette petite et ses grands yeux en avait très certainement besoin.


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Coco reste un long moment immobile devant la dame. Elle est belle, et grande, et elle a une voix douce, mais autoritaire, et elle a des yeux si gentils et si sévères à la fois. Cela donne envie à Coco de lui plaire, de la satisfaire, de rentrer dans son monde et de correspondre à tous les codes qu'elle doit sûrement trouver essentiels. La Mama avait toujours des choses essentielles auxquelles il fallait se plier pour lui plaire. Coco s'y astreignait avec l'aveuglement de l'imbécile, apprenant par cœur des comportements sans comprendre leur justification, ce qui affligeait souvent sa supérieure, dès qu'elle essayait de lui poser des questions plus précises.
Alors lorsqu'elle pige plusieurs secondes trop tard qu'on lui demande d'entrer dans la maison, elle se frappe intérieurement (méchante Coco ! Méchante!) et s'introduit dans la battisse avec un sourire poli, décidée à se rattraper plus tard. La dame est juste si belle... Elle ne se souvient plus de son nom, on a du lui dire, mais elle ne s'en souvient plus, et elle n'ose pas le demander, même si cela lui brûle les lèvres, parce que cette belle femme doit avoir un si beau nom et...

Écoute ce qu'elle te dit Coco. Arrête de la fixer et écoute ce qu'elle te dit. Déjà qu'elle dit des phrases compliquées, et rapides, et qu'en plus elle bouge en même temps, si tu passes ton temps à l'admirer tu ne feras jamais, jamais bonne impression. «  Ah oh, heu, okay. » murmure-t-elle, soudain tendue, regardant autour d'elle pour vérifier que personne ne peut la voir. Elle se demande si la dame sait qu'elle est prostituée, et si c'est pour ça qu'elle ne doit pas voir sa famille. Mais avant même qu'elle n'arrive à développer cette petite théorie (Coco aime beaucoup se lancer dans des théories absurdes pour se détendre) la voilà qui reparle de son ton sérieux avec des contournements de phrases qui la rendent très compliquée à comprendre et qui lui rappellent un certain mangeur de mort. Celui qui est homosexuel.
Alors apparemment la maison est grande, et elle a une « d'eau t'heure in l'eau » ou quelque chose comme ça. Elle ne comprend pas tout mais elle acquiesce avec un sourire, reprenant vite la posture droite, digne, polie qu'elle a appris à prendre avec la Mama. Et son cœur bat de voir que les habitudes reprennent si vite. Alors elle veut la faire dormir dans sa « pièce de travail ». Les images qui viennent dans la tête de Coco à cette appellation sont bien trop osées pour que l'on puisse les développer ici sans devoir mettre un warning dans le sujet. Disons donc humblement qu'elle pense à ce qu'il se passe dans les chambres de son ancien travail, et qu'elle met quelques secondes à comprendre que ce n'est pas cela, enfin sûrement pas, que la dame entend. Sauf si elle sait qui est elle, et dans ce cas-là...

Elle reste encore quelques secondes à la fixer avec l'air de sortir d'un bocal. Non, vraiment, Coco n'a pas les capacités de compréhension nécessaire pour tenir une réelle conversation avec une femme aussi instruite et aussi peu encline à abaisser son niveau à celui de la prostituée. Et cela la frustre, parce que Coco est la princesse des caméléons, et qu'elle est censée pouvoir s'adapter à tout pour plaire.
Elle est sauvée par cette phrase simple et tellement, tellement, tellement répétée dans ce maudit pays. « Do you want some tea ? » Personne ne lui propose de bière, de café, d'absinthe ou de martini ici. Cela lui manque parfois, mais au moins cela fait une constante à laquelle elle peut s'accrocher et répéter ce qu'elle entend souvent et qu'elle a appris par cœur pour ce genre  de situation exacte. « I would be delighted, thank you. »

Et elle reste là, devant la porte, entre l'extérieur et l'intérieur de la maison, à dévorer du regard tout ce qu'elle peut voir de cette belle batisse, à avoir les joues légèrement rosées, les mains derrière son dos, les doigts entremêlés, à ne pas trop oser, avant de finalement dire lâcher du bout des lèvres : « Your house is pretty. » Pour ne pas dire autre chose.
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La pauvre petite créature avait l’air tout à fait perdue, un peu comme un dragonneau qu’on aurait arraché à sa mère à peine dégagé du placenta. Face à ce petit bout d’humaine tout ébahie Eithne se demanda encore une fois ce qu’elle avait bien pu faire pour être traqué par les autres idiots. Elle n’avait vraiment pas l’air de représenter une menace de taille pour l’État (ou alors c’était que la chienlit était encore plus importante que ce qu’elle imaginait au Ministère). Pauvre petite chose ; toutefois elle avait le mérite, malgré tout, de bien se tenir. Ce qu’Eithne appréciait grandement. Et elle avait également le mérite de répondre correctement à la sacro-sainte question : « I would be delighted, thank you. » La Ollivander lui lança un bref regard appréciateur avant d’esquisser un très léger sourire. Ça se sentait que cette phrase était bien plus ancrée dans sa mémoire que les autres balbutiements qu’elle lui avait servi un peu avant, elle devait avoir l’habitude de la répéter. Ma foi, c’était comme ça qu’on apprenait une langue étrangère. Bien, ce serait deux tasse de thé donc. Peut être quatre. Le thé, ça ne pouvait pas faire de mal. C’était une des rares habitudes britanniques qu’Eithne avait adopté aux fils des années. Elle allait s’avancer vers le petit salon — à cette heure il n’y avait pas de risques d’être dérangé, mais remarqua quand elle fit un pas en avant que la petite restait en arrière, à se tripoter les mains dans son dos. « Your house is pretty. » elle finit par dire, doucement. Eithne hausse les sourcils : « Thank you child, however I will suggest we move to the living room. » Elle joint le geste à la parole et fait un mouvement de la main pour l’inviter à entrer un peu plus avant « You’ll see, it’s far more prettier than the corridor. » elle ajoute avec un nouveau petit sourire désabusé. C’est qu’on s’habituait très vite au confort, Eithne ne se rendait même plus compte de la taille de sa maison, de la chance sans doute qu’elle avait de pouvoir vivre dans un tel endroit.

Elle conduit Coco jusqu’à un salon où elle lui désigne le canapé d’un index nonchalant : « Please, have a sit. You must be exhausted. » Elle imaginait que, étant donné son statut, la jeune femme devait crapahuter un peu partout pour ne pas risquer de se faire repérer. C’était de son âge, Eithne n’aurait sans doute plus le courage suffisant pour courrir dans tous les sens comme elle le faisait quand elle avait encore vingt ou cinquante ans — à la jeunesse ! quoique si c’était pour faire enrager Tom… elle serait bien capable de se découvrir des forces. Elle-même s’asseoit sur un fauteuil et sort sa baguette pour l’agiter d’un court geste sec. Une théière vient léviter jusqu’à la table basse. Un nouveau geste de baguette fait immédiatement chauffer l’eau et assez vite deux petites soucoupes et deux petites tasses s’échappent d’une armoire vitrifiée pour se poser à leur tour devant les deux sorcières. « Green ? Black ? » propose Eithne en présentant à Coco plusieurs boîtes qui venaient elles aussi d’arriver pour se mêler à la petite fête. « If you need some advice, I strongly suggest you try the thé des Lords, it’s really soothing. » C’était de l’earl grey, mais avec un nom fancy et une pointe d’arome de fleur. Eithne avait prononcé le nom français avec une trace d’accent britannique, qu’on sentait toujours sur le r. Elle se sert elle-même avant de verser l’eau chaude dans les deux tasses. Elle boit une gorgée avec un sourire de satisfaction. C’était tout de même magique, le thé.

Elle repose un moment sa tasse sur sa soucoupe, regarde la jeune fille de ses yeux inquisiteurs : « So… you’re not from England now, are you ? » elle finit par dire, les mains posées sur les accoudoirs du fauteuil, les jambes croisée. « I can very well be mistaken but… with your accent I shall say… french ? » Elle fait doucement claquer sa langue contre ses dents t-t-t « You’re far from home child. » Pourquoi est-ce qu’on irait quitter son pays pour venir en Angleterre ? Ce pays était pourri jusqu’à la moelle. Ah, Eithne regrettait son Irlande. Une ombre glissa près de ses pieds, elle détourna un instant le regard pour voir son chat, Aífé, marcher avec l’air du conquérant jusqu’au canapé avant de sauter dessus pour scruter à son tour Coco comme s’il était juge d’instruction. Cette chatte prenait vraiment de mauvaises habitudes à trop rester avec Eithne.

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Le regard appréciatif de la dame à sa réponse construite comble Coco de joie et de fierté. Et comme à chaque fois qu’elle ressent quelque chose – hors du travail – elle laisse cette émotion transparaître dans ses yeux, dans son sourire, dans ton son être. Coco qui sourit pleinement, c’est aussi chose que la petite souris intimidée qui jusque là faisait face à la dame. Ça la réveille, et cela lui permet de suivre la dame plus avant dans la maison d’un pas leste et assuré, retrouvant peu à peu ce quelque chose de charmeur et langoureux qu’elle a appris à prendre avec ses clients.
Coco, lorsqu’elle le désire, est un caméléon. Toujours prête à tout pour survivre, elle s’est épanouie dans le rôle de prostituée, où il faut comprendre et correspondre aux besoins de son client. Alors ici, doucement, Coco efface les signes de ses doutes et de ses maladresses, adopte la façon précise mais ronde de faire les choses, penche légèrement la tête, adopte un regard plus indolent et malicieux qu’imbécile. Coco prend rarement la peine de lancer la machine à charme pour ceux qui ne la payent pas. Pour cette dame-là, cependant, elle a envie de faire du bénévolat. Pour cette dame-là, qui lui rappelle tant la femme qu’elle a aimée, à qui elle a tant voulu plaire, dont elle a tant attendu l’approbation, le sourire, les cajoleries. Pour cette dame-là, elle se rappellera tout ce qu’elle pourra de la bienséance, elle fera bien attention quand elle parlera mais fera toujours, toujours attention à rester ce petit élément absurde, décalé et charmant de sa vie.  Lorsqu’on accueille des hors-la-loi, ce n’est pas pour retrouver les mêmes personnes que l’on croise dans toutes les soirées mondaines où la dame doit aller. Il faut juste qu’elle soit acceptable, regardable, écoutable, et pour le rester, la charmer par son exotisme.
Tout cela, elle l’a déjà fait tant de fois qu’elle pourrait le faire les yeux fermés, sauf qu’aujourd’hui elle risque bien plus que de l’argent à échouer à charmer cette femme. Si elle le fait, si elle s’assoit avec grâce et si elle papillonne des yeux d’un air ingénu devant les propositions de divers thés, c’est pour quelque chose de plus que de l’argent. Pour de la reconnaissance, et pour ce petit quelque chose qui lui rappelle la maison.

« If you need some advice, I strongly suggest you try the thé des Lords, it’s really soothing. » Coco sourit délicieusement à cette proposition. « Oh, so nice, thank you ! Thé des Lords, please ! » Et elle prononce le nom du thé à la française, si différente de la prononciation de l'Ollivander qu'on pourrait croire que ce n'est pas la même chose. Mais Coco a l'oreille fine, et a vite reconnu sa langue natale, si délicieusement métamorphosée par son hôte que cela la fait sourire encore plus. Elle trouve la langue française charmante avec l'accent anglais, encore plus par cette femme si distinguée. Elle la regarde lui servir le thé avec un air admiratif, parce que Coco admire souvent les choses les simples et les plus idiotes. En récupérant la tasse, elle renifle un peu pour en apprécier l'odeur, puis imite la dame pour la suivre dans sa façon de gérer le liquide, remontant souvent des yeux curieux vers elle, copiant la façon qu'elle avait eu de mélanger à la petite cuillère, puis d'amener délicatement jusqu'à ses lèvres. Elle retient le mécanisme pour les prochaines fois. Elle se montre pour attendrir et flatter la dame. Elle la regarde aussi parce qu'elle a envie de la regarder. Elle a l'air de tellement apprécier son thé...
Elle a un petit sursaut lorsque son observation est surprise par le regard inquisiteur de la dame. « So… you’re not from England now, are you ? » Coco a un sourire à cette question, et marque la négation de la tête, non, elle n'est vraiment pas d'Angleterre, d'aucune façon que ce soit. « I can very well be mistaken but… with your accent I shall say… french ? » Cette question la fait encore sourire, et elle acquiesce, visiblement particulièrement fière de ses origines. « Yes, french, I'm from Paris. » se permet-elle même de préciser. « I came ago three years. » Et on ne dirait pas qu'elle est là depuis trois ans, vu son incapacité à faire une phrase grammaticalement correcte, malgré toute sa bonne volonté. « You’re far from home child. » La remarque, quant à elle, arrête un peu Coco dans son sourire charmant, « Oh », oui, en effet, « Yes I am », et il y a quelque chose au fond de la gorge qu'elle réprime aussitôt, parce que ce n'est pas le moment de faire l'enfant. « But nobody waiting me there. » ajoute-t-elle, sans trop savoir pourquoi, parce qu'il n'y a pas besoin de lui dire quelque chose d'aussi déprimant alors qu'elle veut lui plaire. Mais elle a le regard de la Mama, le regard qui peut et veut tout savoir, et qui n'aime pas qu'on lui cache des choses.

Heureusement, à ce moment-là, le chat fait diversion de son étalage obscène de malheur privé. Un chat magnifique, digne, sensuel et agile, qui vient s'installer non loin de Coco sous son regard émerveillé. « Ooh un chat ! » Comme à chaque fois qu'elle parle à un animal, elle quitte son anglais hésitant pour retrouver le roucoulement gazouillant de sa langue natale. « Que vous êtes joli Monsieur Chat, ou serait-ce Madame Chat ? » Elle tend doucement les doigts, autant habituée à charmer les animaux que les humains. « Est-ce que tu as envie de caresses, de bisous, de tout plein d'attention ? » Après l'avoir longuement observée, et jugée, le chat se redresse dignement et, avec un air de grand seigneur accordant un service à un plébéien, il vient s'installer assez proche de Coco pour la laisser faire glisser ses doigts dans sa fourrure. « Oh que vous êtes doux, et chaud, et tout propre, on sent que l'on s'occupe bien de vous, dis donc. Je me demande si vous buvez du thé, est-ce que vous buvez du thé ? Un chat anglais, ça doit boire du thé non ? » Après encore quelques murmures sans queue ni tête cherchant juste à amadouer encore plus le chat qui se laisse de plus en plus faire sous ses doigs, elle finit par lever les yeux vers la dame. Oups. « Oh, sorry. » Elle ne lâche cependant pas le chat des doigts, confuse mais pas vraiment désolée, au fond. « I just... love animals. » Les humains aussi, mais les animaux sont plus rares, et plus doux au toucher. « It is very pretty. Its name ? »
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