“
Its never safe for us, its always dangerous when everybody's sleeping. I wanna touch you but that just hurts.
«
Don’t touch me you worthless blood traitor ! » Les mots sont crus et durs et la haine palpable dans toute son attitude déforme ses traits juvéniles. Ginny expire, inspire, le souffle court, et l’air trace un sillon brûlant tandis qu’il se faufile jusqu’à ses poumons. Elle a les yeux écarquillés et la colère qui crépite au bout des doigts. Contre cette gamine que la guerre a réformée, que les préjugés ont déformée. Comme elle-même qui – «
That worked ! I can’t believe it », qu’elle crache dans un rire cruel et satisfait, et la rouquine sent monter en elle l’envie de lui écraser le nez de son poing.
Furieuse contre elle-même, parce qu’elle non plus ne peut croire que le subterfuge pourtant grossier ait si bien fonctionné : elle a vu cette gamine, de 16 ans à peine, accroupie à l’arrière d’une boutique du patelin du Sussex où la RDP l’a assignée à une mission ; et elle a réellement cru qu’il s’agissait d’une
civile. Mais non : elle le voit à présent à la bande bleue qui décore son avant-bras, roulé autour du biceps pour signifier qu’elle est en
service parmi les raffleurs pour… combien ? Six mois ? Ginny ne sait plus exactement : elle a entendu parler de cette hérésie durant sa captivité avec écœurement, mais sans réellement se soucier des détails. Elle ne se pardonne pas de s’y être laissée prendre et un rire amer s’étrangle dans sa trachée. N’apprend-elle
pas ? En 99 déjà, pour une
gosse, elle s’est offert un allé simple pour l’Enfer. Et à présent, la voilà qui se replace en position délicate, parce que son esprit refuse d’assimiler le fait que la tyrannie pourrisse jusqu’à la moelle de si jeunes âmes. Comment a-t-elle pu se montrer si
stupide ? «
What do we do with her ? » Dans la maison abandonnée où ils l’ont trainée tandis qu’à l’extérieur rugissent des échanges de sort, le plancher craque tandis qu’ils se déplacent devant elle tels des prédateurs. Le plus âgé des deux ne peut avoir plus de 17 ans, et il a sa baguette ; elle est à leur merci – trop loin de ses alliés pour espérer une intervention. «
Beat her to death ? » Ce n’est que la première idée et déjà la suggestion se mue en flot d’horreur tandis qu’elle évoque avec un plaisir malsain la possibilité de la dépecer, de la démembrer, de la brûler vive – avant d’être interrompue par son comparse, plus pragmatique. «
We can’t deal with it now. » Mais il n’a pas assez de poigne pour la retenir de dégueuler le
Crucio qui flirtait déjà à la coupe de ses lèvres. Le maléfice rugit à travers les membres de Ginny, qui n’a pu l’éviter malgré son réflexe de rouler sur le côté ; son échine s’arque violemment et ce sont des nuées de souvenirs de torture qui affluent sous ses paupières lorsque la sensation s’empare d’elle. Familière peut-être – mais impossible de s’y
accoutumer. Les larmes s’arrachent à ses orbes contre sa volonté et elle se mord la langue jusqu’au sang pour ravaler le cri qui lui râpe la gorge. «
I’ll make you screem- » et elle la croit sur parole, parce qu’elle l’
éprouve – ce nuage de magie noire qui l’engloutit et la déchire, qui tire et brise tout ce qu’il atteint. Ça semble éternel et pourtant l’autre interrompt la torture, arrachant la baguette de la main de la plus jeune. A travers le flou et l’engourdissement, Ginny s’oblige à se raccrocher à ses pensées, refuse de perdre le nord malgré les spasmes qui contractent ses muscles et font convulser sa carcasse. A ses côtés, s’entame un échange de mots précipités, entre agacement et incompréhension, mais elle ne saisit pas. Elle contement les possibilités qui s’offrent à elle alors qu’en fond sonore, le garçon exige : «
Save her for later. » Devrait-elle prétendre être morte et attendre que l’un d’eux approche pour le déstabiliser, voler une baguette grâce à l’effet de surprise ? Mais elle est incapable de s’y résigner et roule sur le ventre pour pousser sur ses bras et ses jambes avant même d’avoir réfléchi plus avant. «
Wanna fight ? » se moque la fille, et Ginny la fusille de son regard brouillé. «
Give me my wand and I’ll show you a real witch in action », claque-t-elle (ou sont-ce ses
mâchoires qui s’entrechoquent, contrecoup du maléfice ?). «
I’m not as stupid as you. » Une goutte de sueur se perd à l’orée de ses lèvres et entre ses mèches flamboyantes Ginny la dévisage avec tout le mépris qu’elle possède. «
Or you know you’re weaker than me. Isn’t it why you’re afraid to give my wand back when you’re still two against one ? » Elle rassemble l’énergie disparate et l’assimile en même temps qu’une bouffée de rage et de frustration qui nourrissent sa volonté de les
détruire. Si seulement elle pouvait jouer sur les cordes de leur orgueil et les convaincre de – «
Disrespectful bitch », s’exclame la fille, mais c’est son partenaire cette fois qui exhale le sort de torture supposé lui apprendre à se
taire, et la douleur est telle cette fois que le monde se réduit à un sifflement à ses oreilles. Tout bruit étouffé, vision obscurcie, elle est embourbée dans la peine comme dans des sables mouvants et lorsque le sort est levé, il lui semble surgir de
loin, revenir des bras décharnés de la mort. Elle tremble encore violemment mais l’un après l’autre ses sens s’éveillent. Elle capte qu’ils décident de la ramener à leur QG – et dans ses pensées, les réminiscences d’une voix rêche et d’un œil de verre tournant furieusement dans son orbite la secoue. Elle imagine Moody la mettre en garde, marteler l’importance de ne pas se laisser emporter
ailleurs. Et si on ne peut l’éviter, de ne surtout jamais se laisser
enfermer car alors, il n’y a plus aucune chance d’y échapper.
Aucune chance.
Aucune chance.
Elle l’a vécu, elle l’a testé, elle l’a validée cette théorie qui est en fait une vérité indéniable. Lorsqu’on l’a emportée de Poudlard vers Azkaban, puis d’Azkaban aux ventes de rebuts, chaque déplacement a impliqué une situation plus rude encore, plus insurmontable que la précédente. Elle pense à ses frères, à Harry ; de façon choquante, elle pense à
Pansy qui ne la protégera pas en l’achetant et en la martyrisant elle-même, si elle se fait rattraper cette fois. Non, elle sera livrée au soin des plus cruels des mangemorts et il n’y aura pas de survie possible.
Aucune chance. Alors quand la fille tourne les talons pour monter la garde au bout de la rue et s’assurer qu’aucun ennemi n’approche, quand le garçon approche pour la râler par le col de sa robe et la hisser sur ses pieds en vue de la trainer ailleurs, Ginny se jette sur lui. Entremêlement de membres, ses phalanges cherchent des yeux à arracher et ses ongles tracent des lignes rouges et blanches, mettant la chair à vif. Il est plus fort, physiquement, mais de son genou elle cogne et cogne et cherche un point sensible, prête à l’émasculer s’il le faut, prête à
tout pour atteindre la baguette qu’il sert sans son poing. De sa main libre il l’attrape par la gorge et Ginny abandonne ses réserves d’oxygène : au lieu de tenter vainement de se libérer de sa poigne, elle force pour faire plier le bras qui lui coupe le souffle, jusqu’à être assez bien positionné pour coincer le poing armé entre ses
dents. Et elle mord,
mord, il lui lâche la gorge, la frappe sur l’oreille pour la déstabiliser, et un vertige la fait vaciller mais elle ne lâche pas, jusqu’à ce que coule le sang, jusqu’à ce que chute la baguette.
Alors le ballet les porte ailleurs – ils se jettent au sol et se débattent, mus par la volonté d’être le premier à récupérer l’arme, et Ginny en pleure presque de soulagement quand ses doigts tremblants se referment sur le bois. Elle est cruellement consciente de combien
incompatible l’objet peut être, alors l’instinct prévaut. Elle s’en sert comme une arme blanche, parfois sans succès parfois douloureusement, sans trop
penser, jusqu’à ce que le temps se fige. L’objet s’est enfoncé dans la narine de son maître et la nausée la submerge losqu’elle sent du cartilage céder sous la pression et que le liquide vitale rend poisseux ses doigts encore fermement accrochés au bois. L’adolescent a un sursaut, le visage livide et les yeux écarquillés de douleur, et elle oscille entre honte, culpabilité, et une
intense satisfaction.
How is it to be the one in pain ? se retient-elle de justesse de murmurer à son oreille comme une caresse cruelle. Parce qu’il n’a pas juste
mal : il meurt. Et Ginny sait qu’elle doit étouffer cette part d’elle, qu’elle n’a pas le droit de retourner la baguette dans la plaie, d’être un monstre comme lui. Alors elle lâche la baguette, qui reste coincée là où elle l’a enfoncée. Elle fait un pas en arrière, lutte pour s’arracher aux mains qui sont crispées autour des tendons entre ses épaules et son cou. Recule d’un pas précipité lorsqu’elle arrive à le forcer à la lâcher. Le regarde tomber à genou et s’écrouler, bave et sang s’écoulant de son visage au sol.
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«
I want to see mum. » L’exigence est assumée mais Ginny est surtout, avant tout, drainée. Sur le lit de l’infirmerie, quelques Pacifistes lui lançant des regards noirs semblant exiger qu’elle dégage de leur territoire et retourne dans les quartiers des Audacieux dont elle fait partie, elle n’arrive plus à échapper aux images d’aujourd’hui. Aux combats, aux vies arrachées, à tout ce que la guerre prend,
prend sans cesse. Avec son vêtement tâché de sang bruni, elle jure parmi ses adeptes de la philosophie
ne pas rendre le mal pour le mal, mais Susan n’a demandé l’avis de personne lorsqu’elle l’a trainée ici pour l’obliger à se faire soigner. Ginny se sent sale mais tout à la fois, elle n’arrive pas à regretter, car ce qui est fait est fait – mais elle se déteste de ne pas s’en vouloir. C’est confus et épuisant et «
Please Perce, you can’t keep her away from me. I need her. » Son frère hésite, détourne la tête, passe une main dans ses cheveux roux-auburn, en plein dilemme. «
She’s not herself you know. She’s very difficult to deal with and can’t comfort you anymore. Ginny, it’s not a good idea to see her for now. Maybe later ? » Mais elle ne veut rien entendre. Réplique qu’elle encaisse cette phrase depuis des mois. «
Later, I promise, and if you need someone to talk to- » «
I want her. » Et ses mots sont lacés du
I don’t want to talk to you qu’elle retient de justesse, mais qui lui échappera tôt ou tard s’il insiste.
Ce n’est pas qu’elle lui en veuille pour quoi que ce soit ; et elle s’en veut d’être blessante. Mais le manque la brise et aujourd’hui, alors qu’elle est de nouveau passée si près de la fin, elle a pris conscience que mourir sans avoir revu sa mère serait pire que tout. Elle ne peut pas. Elle ne
peut pas, et il faut que Percy le comprenne. Il faut que ses frères cessent de vouloir la protéger de tout, parce que la guerre brise de toute façon, et que même si Molly n’est plus elle-même, on prend le réconfort dans les moindres petits détails. Le seul fait de la savoir en vie peut être un moteur, une motivation, Ginny s’en persuade. Elle passe une paume sur la joue de son frère, le regard suppliant. «
Please Perce », plaide-t-elle encore, et cette fois, il hoche sombrement la tête.
Quelques heures plus tard, le temps de sécuriser une sortie et d’organiser un trajet par portoloin jusqu’à
Shell Cottage, Ginny foule le sable blanc de ses pas et encercle ses avant-bras pour échapper à la brise et aux larmes célestes. C’est un sale printemps, tantôt brûlant tantôt horriblement pluvieux. Aujourd’hui le crachin est aussi incessant et glacé, mais elle aime à croire qu’il lave la terre souillée par le sang écoulé. Elle n’a pas pensé à prendre une cape. Peut-être dans l’espoir que la pluie la purifie, elle aussi, de toutes cette laideur qui la pourrit de l’intérieur.
Ses frères ne lui ont pas dit exactement ce qu’il en est de Molly. Simplement repoussé l’échéance autant que possible. Tout à l’heure, Percy a tenté de la prendre entre quatre yeux et d’entamer la discussion délicate concernant ce qu’elle devait s’attendre à voir, mais Ginny lui a certifié qu’elle préférait voir par elle-même. Avec douceur mais fermeté, jusqu’à ce qu’il abdique, bien que désapprobateur. Et alors qu’elle se tient devant la porte d’entrée, consciente de n’avoir pas été dénoncée par les barrières de protection grâce à son identité de
Weasley, la jeune femme est figée par l’hésitation. Les jointures levées juste devant le bois sans oser y cogner.
Si elle fait demi-tour, personne ne le saurait en dehors de Percy et elle. Et il sera soulagé, elle le sait.
Si elle fait demi-tour… Elle secoue la tête, chassant cette option qui n’en est pas une, mais qui persiste avec plus d’insistance qu’elle ne l’aurait pensé.
Elle cogne. Plus brusquement que nécessaire sans doute, simplement parce que tous ses nerfs se sont rassemblés en un nœud au creux de sa paume, tant elle doute et s’en veut de douter. Et lorsque le panneau de bois s’efface pour révéler sa belle-sœur, Ginny ne peut s’empêcher d’être
soulagée de ne pas être immédiatement confrontée à sa mère. Pourtant elle la verra. Il le faut. Elle le
doit. Pour avancer. «
Hey », entame-t-elle, un peu
awkward. L’air dur, par habitude, parce que c’est
Fleurk et que ses traits se fige toujours et que ses lèvres s’affinent par impulsion, manifestant un détachement teinté de mécontentement. C’est systématique et pourtant, le regard de Ginny parcourt malgré elle la silhouette trop parfaite de la française, et le soulagement l’apaise un peu quand elle la découvre intacte, sauve,
entière autant que l’on peut l’être au cœur de tels conflits. Elle masque le coup d’œil derrière son poignet, faisant mine de remettre de l’ordre dans ses cheveux absolument défaits. Fleur, elle est impeccable, comme toujours, et elle vacille encore agacement et soulagement. «
Je viens voir ma mère. » Il lui a fallu rassembler une dose incroyable de volonté pour formuler ces mots et soupire de soulagement comme si elle venait de s’arracher à une rixe. Elle n'ose pas demander de nouvelles sur le porche ; discuter à l'extérieur n'est pas la meilleure option, et elle choisit d'attendre de rentrer pour poser les questions inévitables. Les
comment vas-tu auquel personne ne répond jamais facilement. Cependant elle se fige, hésite. «
Et j’aimerais beaucoup- » commence-t-elle avant de s'arrêter. Tire sur ses doigts, mal à l’aise. Se racle la gorge. «
est-ce qu’Espérance est avec toi ? » Elle parvient à le dire de façon posée, ce qui sauve un peu la donne, mais
tout de même. Quelle question stupide,
vraiment. Où serait la petite, si ce n’est avec sa mère ? Ginny en lèverait presque les yeux au ciel, mais elle est occupée à faire bonne figure avec application, les traits volontairement neutres. S’en veut d’avoir posé la question. Si Molly a été tenue à l’écart d’elle, c’est elle-même qui s’est arrangée pour limiter les occasions de voir sa nièce. Parce qu’elle sale, si
sale ; mais aujourd’hui, elle a surtout besoin d’espoir.