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sujet; (1996) What a wicked thing to do, to make me dance with you |
| ❝ | BAL : assemblée de personnes réunies pour danser. «Elle aimait trop le bal c'est ce qui l'a tué. » |
SAINT-PETERSBOURG - MARS 1996
PERTURBATIONS matinales, de paroles échangées entre deux gorgées de thé brûlant parfumé à la confiture de framboise ou deux bouchées de Vareneki et autres petites douceurs, d’éclats de rires discrets à bruyants d’une famille à son grand complet sans distinction de rang et de titres. Les vacances s’avéraient toujours grandement appréciées au cours de l’année scolaire, plus particulièrement par les mères s’ennuyant ferme le reste de l’année tandis que la progéniture s’acharnait à étudier pour être dans les meilleurs classements qui soient. Le père, quant à lui, ne prisait le retour de ses enfants que pour constater de leurs efforts dans les diverses matières officielles présentées à Koldovstoretz, ainsi que celles bien plus officieuses que lui seul enseignait lors de temps libre. Nul repos pour l’enfant Zaïtsev, l’oisiveté prohibée au sein de la demeure familiale. Et quel meilleur moment pour estimer les efforts de chacun que l’heure des divers repas ? La voix placide s’élevant parmi toutes les autres, inspirant au silence et l’attention, la question érigée puis le prénom de l’interrogé pour le final. Nul n’était à l’abri de l’inquisition, chacun s’efforçant de préparer sa propre réponse dans le rare cas où le principal intéressé n’aurait été capable d’offrir une exactitude recherchée. Seuls les aînés, les accomplis, étaient exempts de cette mise à l’épreuve, ayant déjà fait leurs preuves des années plus tôt, ceux-là étaient plutôt questionnés sur les affaires en cours, l’un sur ses études de médicomagie sur lesquelles on ne pouvait que le croire sur parole, l’autre, sur l’état du business familial. Les chiffres étaient constamment mentionnés à la fin de l’épreuve des cadets, ces derniers reprenant le petit déjeuner sans se préoccuper de ce type d’affaires, peu intéressés ou conscients qu’aucun n’hériterait du fardeau de la gestion des diamants. Nikolaï, demi-frère, нечистый, bâtard de sang-mêlé en était seul responsable désormais, sur ordre du future chef de la famille, première décision dont personne, pas même le père, ne pouvait regretter le choix, celui-là s’en sortant à merveille. Un seul mot du patriarche, et les conversations délaissées pour l’interlude reprirent leur cours, ne s’interrompant que pour lire le courrier arrivé entre temps. Deux jours depuis l’arrêt des cours s’étaient écoulés, et d’ici cinq, la quasi totalité de la table retournerait à Koldovstoretz pour la fin des cours. À peine un mois, un peu plus pour ceux dans l’obligation de passer des examens. Cependant, en l’espace de deux jours, bien des évènements s’étaient déroulés, et qu’il fallait absolument retranscrire aux camarades trop éloignés.
Ladáh elle-même était en train de parcourir avec assiduité la missive qui lui avait été envoyée par sa plus chère amie, accompagnée de plusieurs photographies mouvantes dont elle devait, selon les mots à l’encre noire, absolument donner un avis le plus rapidement possible. Tasse de thé au bord des lèvres, le regard s’était naturellement porté sur les diverses photos, observant chaque courbe, chaque motif de tissu des robes présentées. L’exercice était simple, assuré, la mode n’ayant que peu de secrets pour la jeune héritière, passion déléguée par sa génitrice et la concubine principale de son père. N’ayant enfanté qu’une majorité de mâles, elles s’étaient très rapidement entendues sur la façon d’élever l’unique fille de la famille, délaissant rivalités et coups fourrés pour la princesse. « Ne serait-ce pas Freya Anatolievna Ivanova ? » « Quelles robes ravissantes ! J’aime particulièrement l’émeraude, elle sied parfaitement à son teint. » La tasse reposée sur sa coupelle, Ladáh se contenta d’un signe de tête, accordant la même réponse que sa belle-mère, glissant la photographie dans l’enveloppe qui lui était destinée. Le messager, qui avait pour ordre certainement de ne pas partir tant qu’il n’aurait pas eu de réponse, vint volontiers se percher sur le dossier de la chaise, la patte tendue pour récupérer son précieux, le bec attrapant de même un bout de brioche tendu pour récompense.
« En voilà une qui a trouvé sa robe pour le bal de printemps. Nous irons dans l’après-midi chercher la vôtre Dasha. » Un pouffement de rire se fit entendre à côté de la concernée, à peine masqué par la tasse de thé. « Qu’y a t’il de si drôle mon garçon ? » Un coup de pied sous table, en guise d’avertissement, mais pas assez pour éviter l’ennuyeuse conversation à venir. « C’est que… Ladáh n’a pas de cavalier ! Personne ne veut l’inviter. » Sombre regard contre le narquois, disparaissant derrière la tasse de thé, excellent déguisement pour éviter l’inquisition. « Ils ont tous peur d’elle depuis qu’elle a humilié Luka Mikhailevitch Stepanov. », « Tu veux dire depuis qu’elle lui a jeté ce maléfice ! » Éclats de rire pour les fils les plus jeunes, sourire en coin pour les aînés. Les mères sont offusquées, chagrinées peut-être, le père lui, à délaissé son journal pour un intérêt certain. « Quel genre de maléfice? » s’adresse t’il en se tournant vers son héritière, à la fois aimée et pourtant délaissée. « Rien qui ne mérite une attention particulière. » C’est pourtant bien mal connaître la famille, dont le fils aîné prend enfin la parole. « J’ai entendu dire par un camarade, que Luka avait plutôt reçu une malédiction, l’obligeant à prendre l’apparence d’une bête à la nuit tombée. Et ce, durant une semaine complète. » Raclement de gorge, d’autres éclats de rire en fond. Les explications sont attendues, cependant, tout ce que la jeune fille trouve à dire ne lui paraît pas suffisant. « Je vous prie de me pardonner père. » Aurait-elle dû ajouter que la victime était un bourreau qui avait bien mérité son sort ? Un simple signe de tête fait savoir que l’affaire est entendue. En resteront-ils là ? « Mais vous devez aller au bal ! Cela fait des années que vous nous en parlez ! » Haussement d’épaules, légère grimace sur le bord de la lippe, « Ce n’est qu’un bal mère, il y en aura d’autres ! Veuillez m’excuser, j’ai terminé mon petit-déjeuner, et des révisions m’attendent. » « Igor ! » Un signe de main de l’appelé. D’ordinaire, il laisse les siens régler leurs propres problèmes, mais le geste que sa fille n’a pas vu vaut tout son contraire, il interviendra pour une fois seulement dans les affaires des siens.
KOLDOVSTORETZ – MAI 1996
ANGOISSE naissante, l’estomac aussi noué que le nœud de sa robe teinte de rouge sur la dentelle fine. Nul mot ne lui avait été soufflé concernant son cavalier, pas un indice, seulement le secret. Des cachotteries ne lui donnant nulle envie de continuer sa préparation devant la coiffeuse assaillie par les produits et bijoux. Son père lui avait assuré avoir trouvé le parfait cavalier, mais n’était-il enclin à punir ses enfants par l’humiliation ? Son acte passé n’était pas sans conséquences. Jouer avec les malédictions ne restait jamais impuni, pas avec Igor Zaïtsev, quand bien même était-elle la seule de ses enfants à parvenir à en lancer à la perfection, sans rien laisser aux hasards, sans oublier la porte de secours. Cependant, elle n’était pas naïve, les réprimandes de son géniteur, elle ne les connaissait que trop bien, pour les avoir vues, entendues, senties, subies. Sur sa propre peau, nulle cicatrice pour perpétuer la beauté d’une jeune fille à marier, ses frères néanmoins, ne possédaient pas cette chance, de traces de brûlures à marques indéfinissables sillonnant la chair. S’il ne pouvait blesser la fille physiquement, l’humiliation toutefois, laissait de bien plus jolies traces, assainissant la révolte pour de la soumission. Quelle sombre punition allait-il lui infliger en cette nuit. Allait-il obliger sa fille à assister seule à ce bal dont elle rêvait depuis son entrée à Koldovstoretz ? Ou allait-il mettre à son bras le plus abject des personnages ? Souillerait-il plus encore l’image de sa fille en l’obligeant à supporter un parasite ? L’héritière s’inquiète, joue négligemment avec le petit rubis qu’elle porte autour du cou, cadeau de son demi-frère, taillée spécialement pour l’occasion, seul bijou qu’elle s’autorise en cette soirée. Fermeture des paupières, la concentration sur sa respiration, parasitée par le bruit des camarades qui s’admirent entre elles, jalousent la coiffure de l’une, la parure de l’autre. Des poules dans un poulailler, jacassent, caquettent, rient à gorge déployées, s’éventent, soupirent, espèrent à voix haute que le cavalier fera honneur. Pour certaines, ce bal est aussi le meilleur moment pour trouver un époux. Beaucoup ne continueront pas les études, se contentant des rentes familiales ou du salaire du marié. Ladáh n’entend pas vivre ainsi, projets en suspens, à venir, à déclarer devant la famille. Il fut un temps où elle espérait devenir danseuse étoile, brillante au sommet, rêve annihilé par l’ambition paternelle. Ses chaussons se trouvaient pourtant toujours sous son toit, caché à sa barbe et son nez, et la fille toujours sur pointes à se dérober du réel. Elle s’était trouvée une autre passion, encore jeune et cachée, qu’elle pourrait certainement voir évoluer sous un choix de carrière censé : professeur de magie noire. N’était-elle pas douée ? Elle possédait un but, il lui fallait encore passer les obstacles, le plus grand étant le mariage.
« Ne fais pas cette tête Dasha ! Je suis certaine que ton père t’a trouvé le meilleur des cavaliers. » Ouverture des paupières. Derrière elle, son amie la plus fidèle s’attelle à rassembler ses longs, trop longs cheveux noirs. « Tête droite. » ordonne t’elle, obligeant ainsi la jeune héritière à continuer de se préparer. « Tu ne connais pas la dernière ? Anna vient juste de me dire que Maksim Vassilievitch Dolohov est dans l’institut ! Tu y crois toi ? » L’information est entendue comme une autre. Pourquoi cela serait-il si étonnant ? Ce ne serait pas la première fois qu’un ancien étudiant assiste au bal du printemps, l’événement est ouvert à la population, pour peu qu’elle soit dans les bonnes grâces du directeur. « Tu penses qu’il accompagne quelqu’un ? » Haussement d’épaules. Pourquoi serait-il venu seul ? « Ulyana peut-être ? » Par le miroir, Ladáh peut voir son amie grimacer. Peu sont ceux qui apprécient la cadette Dolohova, la jugeant trop étrange, il y a longtemps cependant que l’héritière Zaïtseva côtoie celle-ci, a apprit l’apprécier, à lui trouver des occupations jugées calmes mais susceptibles de l’intéresser. « Ne bouge pas. » Un nouvel ordre, tandis que la baguette dans son dos commence à boucler les longues mèches qui s’échappent d’un chignon savamment coiffé. « Terminé ! Maintenant, dépêches-toi de terminer de te préparer. Par Baba Yaga, où sont tes chaussures ? » Les yeux vers le ciel, touche finale pour enjoliver le faciès. Elle est prête, mais son angoisse ne fait qu’augmenter à mesure que l’heure défile, que les secondes se rapprochent fatidiquement de l’entrée en scène.
La descente des escaliers semble être une épreuve infernale, insoutenable, tandis que ses prunelles cherchent la plus néfaste des créatures pour lui tenir compagnie. Son estomac se tortille jusqu’à former des nœuds, sa respiration se fait courte. Peut-être n’est-il pas trop tard pour remonter dans le dortoir, un ouvrage l’y attend…
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PRISONERS • bloodstains on the carpet Maksim Dolohov ‹ inscription : 12/03/2016
‹ messages : 832
‹ crédits : odistole
‹ dialogues : #2F4F4F
‹ âge : 35 yo
‹ occupation : l'ancien directeur adjoint au département de la justice magique, aujourd'hui incarcéré pour crimes de guerre. Je suis également derrière un réseau d'orviétan impliqué en Angleterre et je gère mon business comme je le peux depuis ma cellule.
‹ maison : (Koldovstoretz)
‹ scolarité : //
‹ baguette : a été fabriquée par Gregorovitch, elle mesurait 29 centimètres, elle était en bois de genévrier et contenait un cheveux de vélane mais elle a été brisée sous mes yeux.
‹ gallions (ʛ) : 4368
‹ réputation : je suis le remplaçant, le prince gâté qui n'aurait pas dû régner et qui s'est cassé la gueule, celui qui s'est fait berner par sa protégée, celui qui doit être maudit tant le sort s'acharne à lui prendre tout ce qu'il veut si désespérément.
‹ particularité : du genre à me dire que si j'avais été legilimens ou voyant, j'aurais pu voir venir les emmerdes et coups dans le dos et les éviter, malheureusement il n'en est rien.
‹ faits : je fais parfois semblant de ne pas parler Anglais correctement pour voir jusqu'où certains tireront sur la corde. Mon calme sardonique laisse place à des colères monstrueuses et violentes. J'ai deux petites sœurs et mon frère Antonin était le véritable mangemort, je ne suis qu'un pion qui occupe une place, celle du fils d'un chef de clan, celle d'un héritier qui devait assurer des accords et des alliances et doit aujourd'hui en payer les conséquences.
‹ résidence : à Azkaban, loin du faste du manoir Dolohov érigé à Herpo Creek et aujourd'hui en ruine.
‹ patronus : un cygne, impossible à conjurer depuis que la Marque des Ténèbres est sur mon avant bras.
‹ épouvantard : le visage de Ulyana greffé sur le souvenir du corps végétatif de ma mère.
‹ risèd : un gosse blond courant dans les longs couloirs de la résidence de St Petersbourg. Un enfant se jetant dans mes jambes en suppliant d'aller faire flotter une maquette de bateau dans le grand bassin des jardins.
| What a wicked thing to do, to make me dance with you + MAKSADÁH
Le long soupire qui venait de lui échapper pesait encore dans la pièce, pressant contre les vitres, l’embrasure de la porte, le cristal fin des lustres... Planté devant un miroir en pied, le jeune homme dont l’attitude plus que l’âge déterminait la puérilité se retenait de lever les yeux au ciel, conscient que son reflet pouvait atteindre le patriarche, qui fulminait déjà. « Je tiens à te rappeler, Maksim, que toutes les pirouettes que j’ai à faire pour rattraper ton indécence n’auraient pas lieu d’exister si… » Aussitôt, desserrant les dents, le dénommé Maksim coupa la parole à celui qui le fustigeait pour terminer à sa place : « Si j’étais un peu plus comme Antonin et un peu moins comme moi-même, je sais, nous avons déjà eu cette discussion, pas plus tard qu’avant-hier il me semble ? » La question était, évidemment, rhétorique mais évidemment, elle s’avérait surtout être une perche tendue que le chef du clan Dolohov s’empressa de saisir, flanquant un coup métaphorique derrière la tête de son plus jeune garçon. « Je suis étonné que tu t’en souviennes, la conversation s’étant déroulé après onze heures du matin, j’imagine que tu étais déjà complètement saoul » nota le père, tandis que le fils grommelait d’un ton inaudible que c’était là un talent héréditaire, que de boire autant et de fonctionner encore, quoi qu’il doutait de la seconde partie lorsque l’on en venait à celui qui détenait ici l’autorité. L’espace d’un instant, le plus âgé des deux hommes songea à demander ce que venait de souffler sa progéniture mais, sans doute fatigué et déjà à court de patience, il brossa simplement l’insolence d’un revers de main, comme il l’avait fait avec les protestations de son fils quelques minutes plus tôt. C'était un combat sans fin mais ils avaient tous les deux appris à choisir les batailles menées, quand bien même ce n'était pas toujours dans les plus louables qu'ils décidaient de s'engager. « Tu pourras aussi surveiller Ulyana, même si te donner ce genre de responsabilité consiste un peu à laisser le borgne guider les aveugles… Ceci dit, ça lui fera plaisir de te voir, n’est-ce pas ? » lança le patriarche, attrapant sur une petite table en marqueterie un décanteur ciselé et remplissant le verre fermement coincé dans sa main, verre qu'il serra plus fort encore lorsque la réponse à cette question - qui n'en appelait pourtant pas, de réponse - se fit entendre. « Depuis quand vous souciez-vous de ce qui fait plaisir ou non à quelqu’un d’autre qu’Antonin ? » demanda Maksim, narquois, repliant le col amidonné de sa chemise, coinçant dans le pli le nœud-papillon en soie qu'il devait encore attacher. Il n'aimait pas entendre le prénom de sa plus petite soeur dans la bouche de son père, puisque ce dernier l'employait toujours avec une délicatesse hypocrite et détestable, un ton trahissant la fragilité de la jeune femme mais refusant d'admettre qui était responsable de la fragilité en question. Le ton monta rapidement suite à ça, assez vite pour qu'avant de se reprendre, le jeune homme ne se retrouve à serrer les dents, réflexe à la peau dure, relique d'une enfance passée sous l'égide d'un père trop strict, ce même père qui le traitait à présent comme un écolier capricieux : « Je dois une faveur à Igor Zaïtsev, j’entretiens ta débauche, tes excès, tes caprices, je nettoie derrière les scandales que tu sèmes. Tu iras escorter sa fille et prouver que ton éducation n’a pas été totalement vaine, c’est aussi simple que ça, Maksim. » - Une seconde, à peine, il envisagea hocher la tête et partir la queue entre les jambes comme un chiot réprimandé pour avoir uriné sur le parquet, cependant ce fut plus fort que lui. « J’ai autre chose à faire que d’aller faire danser une enfant gâtée se prenant pour une tsarine de pacotille et si vous tenez vraiment à me voir divertir une peste, je peux toujours aller faire valser Polina et récupérer… » commença-t-il, interrompu par le bruit du décanteur s'écrasant sur le petit guéridon orné où il s'était trouvé avant que Dolohov senior ne se serve. « Je crois, mon garçon, que tu t’es trompé lorsque tu as cru comprendre que cette affaire était libre à la discussion » grogna l'homme, menaçant comme un orage, sa main libre formant déjà un poing agacé, une veine protubérante faisant déjà son apparition au niveau de sa tempe. Il était ivre, ça n'en valait pas la peine. Il avait été décidé qu'il irait à ce fichu bal et il n'y couperait pas, car on ne pouvait pas abandonner une jeune fille ainsi, pas à la dernière minute, question d'honneur... et question d'honneur, Maksim préférait éviter d'y arriver avec une marque étoilée sur le visage, témoin d'une gifle ou d'un coup plus violent. Il soupira, puis levant les yeux au plafond une dernière fois pour se donner l'impression d'un peu moins céder, il siffla doucement : « Très bien. Courbettes et danses de salon, voulez-vous un ruban autour de mon libre-arbitre subtilisé ou les dernières onces de ma dignité jetées dans le paquet sont-elles suffisantes ? » si bas à vrai dire qu'alors qu'il vidait d'un trait son verre - à se demander pourquoi il ne buvait pas directement au goulot de la carafe délicate - le père ne nota pas la dernière pique, se contentant d'ajouter avec un claquement de langue, appréciant l'alcool qu'il venait de descendre, observant les quelques glaçons qui restaient, sous la lumière : « Et pour l’amour de tout ce qui est sacré, retiens-toi un peu et évite de frayer avec tout ce qui bouge » poussant le jeune homme, celui qui n'avait que peu de responsabilités, prince sans titre, sans avenir, à lui adresser un sourire mauvais, comme soudain animé d'une idée lugubre. Aussitôt, le sermon s'intensifia, le père connaissant cette lueur au fond des yeux de son fils, ne réalisant pas peut-être que sa progéniture feignait uniquement pour le sortir de ses gonds, maigre façon de s'imposer. « Maksim, gronda-t-il, c’est une jeune fille tout ce qu’il y a de plus respectable, fais en sorte que ça soit toujours vrai à la fin de la soirée! »
Son sourire se fit plus carnassier et il acheva de nouer le nœud-papillon, passant ensuite sa main sur les revers de sa veste pour les aplatir avant de se diriger vers la porte, vers le couloir, vers le transport qui l'attendait pour l'emmener à cette soirée à laquelle il était forcé de se rendre. D'une voix à peine moins menaçante que celle que son père pouvait prendre, teintant cependant ses propres dires d'une once d'impunité insolente, il rétorqua en articulant chaque syllabe plutôt que de maugréer : « Vous vous êtes trompé, père, lorsque vous avez cru que les directives que vous avez l’habitude de donner à Antonin n’allaient pas devenir des suggestions avec moi… » s'éloignant sur ce pied-de-nez.
Ulyana tournoyait, sa robe flottant au-dessus du marbre en une arabesque délicate, semblable peut-être à la surface ondoyante d'un lac sombre agité par le vent. Elle riait, serrant entre ses doigts ceux de Maksim, qui la faisait danser depuis quelques instants après qu'elle se soit jetée dans le grand escalier, glissant presque la rambarde pour venir le saluer. « Encore, encore! » réclamait-elle, exigeante, tandis qu'il la guidait. Il se retenait de rire aussi, à vrai dire, lui demandant entre deux tours effreinés « Vais-je devoir te faire monter sur mes chaussures pour te faire valser, petite soeur ? » C'était un peu comme parler à une enfant, une gosse débordante d'énergie mais qui pouvait aussi piquer les pires colères du continent. Il aimait la voir heureuse, l'entendre rire, quand bien-même il était conscient qu'elle avait parfois des amusements des plus sombres. Quelque chose clochait chez elle, c'était indéniable et pourtant, elle était sans doute la prunelle de ses yeux. Quand leur père avait dit que cela allait faire plaisir à Ulyana de le voir, il avait oublié de mentionner que Maksim allait également y trouver son compte, même si l'entretient n'allait durer que quelques instants, le temps qu'il trouve sa cavalière, pauvre demoiselle qui se retrouvait escortée par un débauché notoire. « Allez, allez, c'est assez, tu vas être malade autrement » souffla-t-il, ralentissant la cadence pour que sa petite soeur arrête de tourner comme une girouette et glissant un bras autour de sa taille pour la garder debout le temps qu'elle reprenne ses esprits. Elle était jolie, ainsi endimanchée, coiffée, maquillée... elle semblait pourtant indéniablement plus jeune que les autres, qui se tenaient plus droites, qui restaient plus solennelles, celles qui la regardaient de travers, mettant le Dolohov en colère presque aussitôt. Il rongea pourtant son frein, se poussant à ignorer les garces la dévisageant, il n'était pas là pour s'occuper de Ulyana, pas officiellement... Non, c'était un pauvre malheureux ne sachant pas à quoi s'attendre qui, planté à quelques mètres, patientait les mains dans les poches. Assurément, c'était au patriarche Dolohov que le père de ce gamin devait une faveur, une faveur consistant à passer la soirée à faire danser l'étrange dernière née Dolohov. Le garçon semblait trop jeune pour avoir la moindre idée déplacée derrière la tête, aussi Maksim ne s'en faisait-il pas trop. « Je vais avoir besoin de toi, souffla-t-il à l'oreille de l'adolescente. Dis moi qui est la fille Zaïtsev, dès que tu la vois, d'accord ? » et sur un hochement de tête, Ulyana accepta la mission avant de se mettre à rire, s'attirant le regard inquisiteur de son ainé. « Elle est déjà là, idiot ! » lança la jeune fille en guise de réponse, pointant déjà du doigt une de ses camarades. Cette dernière s'approchait du bas des escaliers et l'espace d'un instant, Maksim se demanda si elle était au courant de qui devait lui tenir compagnie ou si la surprise avait été gardée pour qu'elle ne proteste pas. Après tout, si elle était sa seule option, ne valait-elle mieux pas venir seule ? Ce n'était pas vraiment une option malheureusement pour elle. Attrapant vite le bras de Ulyana pour l'empêcher de pointer grossièrement, il lui embrassa le front et la poussa sans grande cérémonie vers son cavalier, jetant un regard sombre à l'adolescent et rajustant ensuite sa mise, tirant sur sa veste, ses manches, puis s'approchant du pied de l'escalier où se massait les valeureux soupirants.
Il n'était pas exactement nerveux, non, mais les souvenirs de l'angoisse générale qu'imposait cette fichue soirée, déjà à son époque, le rendait presque mal à l'aise. C'était peut-être aussi l'impression de ne pas être à sa place, ou de ne pas avoir avancé depuis son départ de l'école. C'était Antonin qui avait progressé, lui était resté dans ce même schéma d'épicurisme ne souffrant aucune conséquence, enchainant les regards désapprobateurs... Il jura en silence et chassa tout ça au loin, se concentrant sur un simple fait : il était déjà en retard. Passant, non sans les bousculer légèrement, entre deux imbéciles oisifs, il alla rejoindre la jeune fille, se dépêchant afin qu'elle ne regarde pas trop longtemps autour d'elle comme une enfant égarée. Il arriva finalement à sa hauteur, esquissant une salutation formelle et lui présentant son bras avec un sourire, de ceux assurés qu'il adressait lorsqu'il voulait faire bonne impression. « Toutes mes excuses pour le délai, l'affront sera corrigé au plus vite » souffla-t-il, prêt à l'escorter, soudain à sa place dans ce monde de paraître et d'étiquette. « Je crois que vos camarades auront une meilleure vue un peu plus loin, shall we ? » ajouta-t-il, souriant encore, avant de la taquiner tandis qu'il l'entrainait, couvrant quelques murmures qui s'élevaient déjà. « Par tous les saints, quelle réputation avez-vous pour être ainsi observée, mademoiselle ? Devrais-je m'en faire pour mon image ? » |
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| La descente des marches lui sembla être la plus insoutenable des épreuves, examen mortel auquel elle n’espèrait ni obtenir note d’excellence, ni même survivre. Elle ne respirait pas le serein, et ses genoux marquaient un effort inestimable pour ne pas flancher sous le poids de la terreur qu’elle expirait tel un parfum embaumant. Ses phalanges glissant le long de la rambarde de marbre, seul soutien moral et physique dont elle disposait, tandis que ses prunelles de glace scrutaient l’assemblée, à la recherche d’un visage abhorré, l’homme dont le paternel aura disposé pour accompagner celle qui ne songeait plus qu’à faire demi-tour pour se glisser dans un fauteuil, livre en main et pensées éloignées de ce bal dont elle a toujours rêvé. Il y avait longtemps maintenant que la confiance envers le patriarche avait disparue, docile hypocrisie qui marquait autrefois tout l’amour que l’unique fille lui portait, s’écaillant à mesure que celui-là disposait d’elle et de ses autres enfants. Ne subsistait aujourd’hui que le respect d’une fille envers son père, obéissance taciturne et crainte à peine voilée. Une marche, puis encore une autre, sans qu’elle ne parvienne à trouver son éventuel cavalier. À peine pensait-elle l’avoir trouvé qu’une voix forte annonçait la cavalière de ce dernier, et les deux audacieux disparaissaient dans une vague de couleurs et de pas répétés à la perfection absolue. D’ici moins de temps qu’il n’en faut pour dire « Koldovstoretz », elle serait en bas de ces marches maudites, et l’humiliation ne manquerait pas de venir frapper à sa porte pour la couvrir de toute son imperfection. Plus que quatre, et déjà, elle pouvait sentir les regards se poser sur elle. Étaient-ils tous au courant qu’elle n’avait pas de cavalier ? La rumeur n’avait pas tardé à se propager quelques semaines plus tôt : personne ne l’avait invité à cause de Luka. Après tout, pourquoi la faute lui revenait-elle ? N’était-ce pas lui qui avait osé l’insulter ? N’était-ce pas lui qui avait commit l’atrocité méritant punition ? Ladáh ne pouvait regretter son geste, elle en était même plutôt fière, même en cet instant. Deux marches, pas de regard insistant en sa direction. Cette nuit, elle pouvait détester son père de tout son saoul. Cette nuit, elle savait qu’elle ne pourrait jamais pardonner à cet homme insensible, et jamais ne le ferait. Ses prunelles cherchaient une issue de secours, ses méninges retraçaient le plan du château, à la recherche du chemin le plus adéquat pour retrouver la tour de sa maison. Ce soir serait une nuit affreuse, cependant, les autres étudiants seraient trop occupés à passer leur propre soirée pour penser à la tournure des évènements. Demain serait bien pire, et les autres jours à venir tout autant. Les cours par correspondance seraient certainement une excellente solution pour terminer l’année et passer ses A.S.P.I.C. Dernière marche, et la sorcière pouvait déjà sentir ses joues s’empourprer, mais pas ses yeux s’embuer, une Zaïtseva ne pleurait pas devant n’importe qui. Raspoutine, qu’elle pouvait haïr son père en cet instant, plus que jamais auparavant. Cet homme ne méritait ni son amour, ni même son respect !
Le plan pour retourner vers sa tour d’ivoire était déjà tout tracé dans son esprit, le regard se voilant sous la réflexion, se dirigeant au sol pour ne pas entrevoir les réactions de ses camarades. C’était bien plus qu’elle ne pouvait en supporter. Nonobstant, le Destin, ce fieffé joueur, ne lui laissa pas même le temps de descendre cette dernière marche, l’incitant à redresser le visage vers la silhouette qui s’était plantée devant elle, costume d’excellente manufacture, bras élégamment présenté et langue instruite. Un cavalier de bonne famille, fut la première pensée de la sorcière, l’iris continuant l’examen jusqu’à ce qu’elle ne soit saisie de stupeur, à la pointe de l’effroi. Elle s’était attendue à toute l’ignominie possible venant de la tête de son géniteur, mais certainement pas à cela. La gorge aussi sèche que le désert, incapable de prononcer une parole censée, saisissant le bras non sans hésitation. Était-ce réellement Maksim Dolohov le cavalier que son père avait choisi pour elle ? Elle peinait vraisemblablement à croire en cela, jusqu’à ce qu’un coup d’œil vers l’un de ses frères, le pouce tendu ne lui confirme le doute subsistant. Intérieurement, elle évacua les mauvaises pensées qu’elle avait eu à l’encontre de celui qui avait été un modèle pour elle, pour se consacrer vers l’homme aux frasques connues. Toujours dans l’incapacité de prononcer un mot, elle se laissa guider, faciès tourné vers son cavalier. Ce pouvait-il que ce soit une plaisanterie de mauvais goût ? Qu’un autre ait put prendre du polynectar pour se moquer plus encore d’elle ? La paranoïa était en train de se frayer un chemin. Seules les nouvelles paroles de son vis-à-vis surent trouver suffisamment d’impact pour la sortir de cette torpeur, l’incitant à se gifler mentalement pour revenir sur le temps présent. Suivant le regard de ses camarades, elle remarqua le spectacle qu’ils devaient offrir, elle, l’étudiante de dernière année, et lui, le parti dont rêvait bien des demoiselles de la soirée. Trouvant le courage de revenir vers lui, elle repoussa de sa main libre cette boucle ténébreuse impertinente qui, lui semblait-il, allait l’ennuyer toute la soirée. « J’ai bien peur que d’ici la fin de la soirée, vous ne soyez sujet à ragots. Peut-être serons-nous promis l’un à l’autre, ou sous effet d’un puissant philtre d’amour. À moins que l’on ne vous clame sous malédiction avec chantage à la clé. Je vous laisse le soin de choisir la rumeur qui vous plaira le plus… » Formula t’elle, non sans un léger étirement de lèvres en coin. Personne ne pourrait croire que le fils Dolohov venait l’accompagner de son plein gré, pas même elle. « Je vous prie de m’excuser, j’imagine que vous aviez d’autres projets pour cette nuit. » Son père avait du se montrer bien convaincant, elle en était persuadée. « Je ne souhaite pas vous importuner plus que vous ne le voudriez, que pensez-vous de deux danses ? Cela devrait amplement faire ma soirée et vous pourrez repartir tout en ayant honoré ce que mon père vous a certainement imposé. » La négociation était simple, au minimum de ce qu’elle pouvait espérer. |
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