Rolf aime bien voyager avec Amelia. C'est une constante, un dernier secours, un rempart. Elle est dure, parfois brusque, parfois un peu brisée. Ils sont tous les deux désespérés, Rolf décrète un jour, et ils ne savent pas trop pourquoi ils se battent. Sa proposition de rejoindre Poudlard en sa compagnie l'a laissée indifférente, au début. Survivre seul ou en groupe, à quoi bon? Tenir un siège interminable, à quoi bon? Même si ils sont plutôt pudiques sur leur vie passée, sur leurs mois de fuite et sur leurs (més)aventures musclées, Rolf a bien compris qu'Amelia est une hors-la-loi depuis bien plus longtemps que lui et que ça l'a rendue un peu... non pas difficile à vivre, mais difficile à accomoder. Même si ça lui fait peur, de s'accrocher à quelqu'un (il s'est accroché à Floyd, elle a été capturée par les Rafleurs; il s'est accroché à Boom et Mira et il ne sait plus où ils sont aujourd'hui; il s'est accroché à Marie et- il repousse ces pensées), de compter sur quelqu'un, de laisser quelqu'un dans sa zone de confort. Rolf partage sa tente tous les soirs avec Amelia et des fois, il se réveille au milieu de la nuit avec le coeur qui bat la chamade quand il sent qu'il n'est pas seul. Il n'arrive jamais à se rendormir alors il lit, alors il pense à de la musique et il pense à des petits détails qui lui manquent et qui commencent déjà à s'effacer de son esprit: des rires et des baisers et des promesses proférées comme des suppliques à mi-voix.
Il voit le bout, enfin, Rolf. Ils ont fait quelques détours, se sont perdus une ou deux fois mais enfin, d'après Amelia, ils touchent au but. Leur destination est, apparemment, une safeplace que connait l'ancienne auror (ça, au moins, il a compris de sa vie passée) qui leur permettra de se reposer quelques jours avant de trouver un moyen d'entrer à Poudlard. Même si sa voix n'exprime rien, Rolf entend dans son Bruit que ça lui arrache des sentiments contradictoires, l'évocation de cet endroit. Un peu de tristesse et beaucoup de bonheur, comme toutes les choses depuis longtemps perdues.

Quand enfin elle s'arrête en levant sa baguette, Rolf s'assied et l'observe. La maison apparaît sous leurs yeux: un petit cottage avec un étage et des imposantes fenêtres, une porte rouge à la peinture un peu décrépie, et ce qui ressemble à deux cheminées. Même si, quand elle se retourne vers lui, Amelia est pleine de joie et d'espoir, Rolf note aussi sa mélancolie en demi-teinte, dans son Bruit, sa tristesse fugace; il lui adresse un sourire encourageant en lui emboîtant le pas, pourtant, hésitant à lui passer un bras enthousiaste autour des épaules. “ Bien joué, Cartwright, ” lâche-t-il avec un sourire à la place, détendu à l'idée de savoir qu'ils pourront dormir dans un vrai lit ce soir. Il la suit par la porte d'entrée, observe l'endroit avec curiosité, note machinalement les différences avec les autres cottages qu'il a fréquenté lors de sa fuite, ouvre tentativement son esprit pour écouter le Bruit des émotions d'Amelia. Il sort sa baguette avec un temps de retard et se fige en voyant, par-dessus l'épaule de la blonde, la première silhouette d'homme allongée sur le canapé: le dos droit et les épaules crispées d'Amelia lui indiquent qu'elle ignore qui il est. Rolf n'a pas le temps de poser de question que des pieds font craquer les planches de l'escalier.
Les deux blonds se crispent en même temps, Rolf levant un peu plus sa baguette, bien décidés à les défendre coûte que coûte pendant qu'Amelia avalanche l'intrus de sortilèges offensifs. Ils vendront cher leur vie. Mais la silhouette rousse qui descend les escaliers n'est pas étrangère d'Amelia, qui se détend au bout de quelques secondes en prononçant un « June ? » incertain. Rolf fronce les sourcils. June... June? June! « Qu'est-ce que tu fais là ? » disent Amelia et Rolf presque en même temps, avant d'échanger un regard à la fois complice et perplexe. “ D'où tu la connais? ” demande-t-il à Amelia, avant de lever les yeux vers la rousse. Il dépasse Amelia pour s'approcher d'elle et, sans même attendre, la prend dans ses bras sans vraiment lui laisser le choix, l'attrapant dans une étreinte d'ours mal léché un peu trop brusque. Rolf n'a jamais été du genre tactile: la fuite a tout changé. Maintenant plus que jamais, il comprend l'importance des alliés et des amis qu'on peut se faire, ainsi que leur précieuseté. “ Ça fait une éternité. ” La dernière fois qu'ils se sont vus... damn. C'était sans doute il y a des années: Dora était encore en vie, Remus aussi et puis- il s'éloigne brusquement, pose ses mains sur les épaules de June, la tient à bout de bras. “ Teddy? Teddy! T-tu sais pour Teddy? ” demande-t-il, soudainement dans le doute, parce que lui l'a appris dans le nerf de la guerre et qu'il n'ignore pas les liens forts entre Dora et June. “ Par Merlin, June, ça fait du bien de te revoir. ” Il se retourne pour regarder Amelia, et les trois silhouettes endormies qui n'ont pas moufté. “ Ils ont l'air fatigué, tes amis. Toi aussi, rajoute-t-il sans tact. Tout va bien? Qu'est-ce que vous faites là? ” répète-t-il encore, la lâchant enfin en reculant d'un pas.

Elle est épuisée, tremblante dans le fond du lit où elle a échoué hier soir. Elle ne se souvient pas, comme d’habitude. Ça lui reviendra dans les prochains jours. Ça hantera ses rêves. A-t-elle tué cette nuit ? Elle ne sait pas. A-t-elle mordu quelqu’un ? Elle ne sait pas. Elle n’espère pas. June a peur de ça, elle a peur de perdre le contrôle à ce point-là. Par chance, depuis sa morsure, la seule chose qu’elle se voit tuer ce sont des petits animaux dont la louve se nourrit sans vergogne. Pour le moment, elle n’a pas d’humains au compteur (à part le gamin. Il y aura toujours le gamin). Elle se recroqueville sur elle-même, serrant la couverture dans ses mains pour essayer de repousser la douleur qui afflue dans tout son corps. C’est souvent par vague. Elle a l’impression de sentir encore les changements s’opérer. Elle ferme les yeux et pousse un soupir pour évacuer le cri qui menace de sortir du fond de sa gorge. Elle n’est pas la seule louve ici et les autres doivent dormir à poing fermé. Il est hors de question qu’elle les réveille. June se tourne sur la gauche puis sur la droite avant de finir sur le dos. Chaque position ne fait que réveiller des parties de son corps qui s’étaient apaisées. Elle finit par se lever et enfiler les vêtements qu’elle a ramené pour l’après transformation. Elle s’assoit sur le lit et passe une main dans ses cheveux en se disant qu’elle ferait mieux de se recoucher pour récupérer de la nuit dernière. Elle sait qu’elle va devoir mettre plusieurs jours avant de se remettre totalement. Comme à chaque fois. Mais elle n’attendra pas trois jours à ne rien faire à Poudlard. Elle s’en sait incapable. Comme à chaque fois. June hésite un long moment à savoir si elle doit descendre pour préparer un petit déjeuner copieux (avec ce qu’ils ont) pour les autres et elle-même ou si elle se recouche pour espérer retomber dans les bras de Morphée. La deuxième option serait la plus raisonnable, mais elle ne sait pas si elle est prête à voir les méfaits qu’elle a pu accomplir sous son autre forme. A chaque fois qu’elle se réveille d’un de ces rêves, elle est nauséeuse (voire la tête dans la cuvette des toilettes) pour toute la journée. Elle finit par soupirer, la fatigue pèse bien trop lourd sur ses épaules pour qu’elle résiste plus longtemps. Elle se rallonge lentement en grimaçant lorsque son corps se rappelle à elle puis s’interrompt lorsqu’elle entend le plancher grincer en dessous. De nouvelles odeurs arrivent jusqu’à ses narines. Méfiante, elle se redresse et attrape la baguette qu’on lui a donnée. Elle sort de la chambre et descend les escaliers.

Elle a du mal à en croire ses yeux lorsqu’elle reconnaît le visage des deux intrus, elle sent comme un coup dans sa poitrine. Amelia et Rolf. Elle a envie de pleurer. « June ? Qu'est-ce que tu fais là ? » Elle ne répond pas, elle ne sait pas quoi répondre. Elle sent juste les larmes qui lui montent aux yeux parce qu’elle n’a pas vu ces deux-là depuis une éternité et qu’elle s’est longtemps dit qu’ils étaient morts. “ D'où tu la connais? ” La voix de Rolf lui donne envie de rire. Elle ne sait pas pourquoi. Elle a envie de pleurer et de rire en même temps, ses émotions sont en vrac, elle le sent. June voit le grand blond dépasser Amelia et une étreinte chaleureuse l’entoure. “ Ça fait une éternité. Teddy? Teddy! T-tu sais pour Teddy? ” Elle hoche la tête, elle est incapable de parler tellement sa gorge est nouée par l’émotion. Oui elle sait. Teddy est en sécurité à Poudlard avec Andromeda maintenant. Elle a la possibilité de voir son filleul autant de fois qu’elle veut désormais. “ Par Merlin, June, ça fait du bien de te revoir. Ils ont l'air fatigué, tes amis. Toi aussi. Tout va bien? Qu'est-ce que vous faites là? ” Rolf s’écarte et elle sent peser sur elle leurs deux regards. Elle se reprend, chasse les larmes qui lui sont montées aux yeux avant de prendre la parole la voix basse et légèrement tremblante. « On va bien, c’était la pleine lune hier soir. » Elle les entraîne dans la cuisine pour avoir un peu plus de tranquillité et pour laisser ses compagnons loups se reposer. « Ed a laissé Storm’s End aux loups de Poudlard pour qu’on puisse avoir un endroit où se reposer les lendemains de pleine lune. » Elle jette un coup d’œil à Amelia. Elle sait qu’Edouard et elle partagent un lien particulier. « Qu’est-ce que vous faites là tous les deux ? » Finit-elle par dire. Elle trouve ça incroyable de les avoir tous les deux ici. Elle a du mal à réaliser. La guerre amène son lot de surprise également.

« On va bien, c’était la pleine lune hier soir. » Ah... oui. Des fois, il oublie qu'elle est... un loup-garou. Il a été élevé dans la peur et, surtout, la haine des loup-garous: des monstres, disait son grand-père, ni tout à fait bêtes, ni tout à fait humains... Après tout, c'est son grand-père qui s'est battu contre les droits de ces monstres, a cherché à les référencer, les parquer dans des catégories et dans des cages. Rolf aussi haïssait les loup-garous. Jusqu'à rencontrer Remus, puis jusqu'à la morsure de June.  Maintenant il... les supporte? Non. Maintenant il comprend qu'ils sont loups, mais aussi humains.
Et fatigués les lendemains de pleine lune. Tout cette compréhension ne l'empêche pas de pâlir un peu quand il comprend que les gens qui l'entourent sont tous des mordus. « Ed a laissé Storm’s End aux loups de Poudlard pour qu’on puisse avoir un endroit où se reposer les lendemains de pleine lune. » Il ne loupe pas l'accroc dans le Bruit d'Amelia, l'espoir, la tristesse, l'incompréhension l'inquiétude, le reste. Il lui adresse un regard en coin et une question muette: Ed? mais elle regarde June avec un feu dans les yeux et ne le voit pas. « Qu’est-ce que vous faites là tous les deux ? — On cherchait un endroit où se poser pendant quelques jours. » Laissant Amelia expliquer, avec un grognement de soulagement, Rolf se défait de son sac à dos et le pose parterre, remuant ses épaules pour les détendre lentement et posément.  « On s'est trouvés sur la route il y a quelques temps. Je ne saurais même pas dire à combien de temps ça remonte. — Un peu plus d'un mois, ” dit-il aussitôt. Le jour de la lettre de Marie.

« On cherche à rejoindre Poudlard. » Oui. Poudlard. Il faut penser à Poudlard. Pas à Marie. Sinon, il va encore se perdre dans ses pensées et devenir encore plus fou. Poudlard, Poudlard, Poudlard. « J'ai proposé à Rolf qu'on s'arrête ici pour se rapprocher et voir comment procéder. Je ne pensais pas qu'on aurait de la compagnie. Qui a-t-il nommé gardien du secret? » Rolf sent son doute, sa curiosité et toujours, cette tristesse qu'il a remarqué avec Amelia. Elle sourit des fois, rit rarement, a l'air concentré et distant souvent. Il y a quelque chose qui teinte son Bruit, même quand Rolf ferme les yeux et les oreilles et le coeur pour pas l'écouter, pour la laisser dans son coin comme elle le laisse dans le sien. Ils s'entendent bien, parce qu'ils ne sont pas très bavards, pas très agréables, pas franchement fréquentables. Ils ont leurs secrets et leurs vies et leurs blessures et c'est pour ça que ça fonctionne, entre eux, pour ça qu'il lui fait confiance en laissant June et Amelia discuter de Poudlard. Il a vite compris que c'était pas la peine de faire genre avec Amelia. Elle est clairement plus apte que lui en... tout, sauf peut-être traquer les petits animaux ou trouver le sol parfait pour poser la tente.
Il s'éloigne, donc, un tout petit peu, pour caresser machinalement les murs du doigt comme il en a l'habitude quand il débarque dans une nouvelle maison. Ses doigts suivent le liseré du mur en même temps qu'il ouvre son esprit, petit à petit, ses propres émotions entrant en collision avec celles des personnes présentes et, surtout, celles du cottage, celles renfermées dans les murs. C'est une maison récente, qui n'a pas vécu longtemps: il n'y a pas beaucoup de matière avec laquelle travailler ici. Il y a de la curiosité et du bonheur et de la fatigue dans ces murs. Un peu de souffrance, aussi, mais assourdie par la simple joie d'être réuni avec des gens comme soi.

Il hésite à monter les escaliers, et finit par retourner vers Amelia et June. “ J'ai trois milliards de choses à te raconter, ” dit-il finalement avec un grand sourire, ravi de la revoir et ravi de l'endroit qui n'est pas trop triste, pas trop douloureux. Puis son sourire se fige sur ses lèvres. Il se souvient de ce qu'Amelia lui a dit quand ils se sont rencontrés. Who we are and who we need to be to survive are two very different things. Des fois, il aime bien qui il est devenu. L'homme qui a rencontré Teddy et lui a redonné un petit sourire de gamin, l'homme qui a sauvé, soigné une inconnue avant de voyager avec elle, l'homme qui est tombé amoureux. Des fois, il aime bien son visage un peu plus maigre, son corps un peu plus musclé quoique trop fin, sans doute. Des fois, il aime bien la sensation puissante de liberté quand le pays s'ouvre à eux, immense et parfait, la nature une seconde mère.
Et puis des fois il se réveille en sursaut la nuit avec l'impression que ses mains sont couvertes de sang. Amelia ne dort pas mieux, les soirs où ils sont glissés dans leurs sacs de couchage, dans la tente très spacieuse pour deux personnes. Elle s'agite et parfois elle hurle et lui il se réveille à chaque fois, le coeur au bord des lèvres, avec l'envie de se battre dans les tripes. L'envie de survivre.
Il ne sait pas si il a envie de parler de ça à June. “ C'est qui, Ed? ” demande-t-il finalement, mettant la subtilité et la décence à la porte pour le moment, jetant un coup d'oeil plein de questions à Amelia qui ne lui en a jamais parlé, puis à June. “ Est-ce qu'on peut faire du thé? désolé, je pose beaucoup de questions. Je suis juste très... il cherche le mot. Content. Je suis juste très content qu'on soit arrivés ici et puis... June, j'avais peur pour toi. ” Il tait le doute, la peur, la lâcheté, le dégoût de lui-même quand elle est devenue Rebut, quand il l'a vue être vendue, quand il ne l'a pas achetée ni sauvée. Il tait tout ça, l'enferme dans une boîte, l'oublie, détourne les yeux.

« On cherchait un endroit où se poser pendant quelques jours. » Les deux se mettent à l’aise. Amelia relève ses cheveux blonds et les attache avec un élastique pendant que Rolf dépose son sac non sans un grognement de satisfaction qui soulève un sourire à June. « On s'est trouvés sur la route il y a quelques temps. Je ne saurais même pas dire à combien de temps ça remonte. » Un peu plus d'un mois, ” intervient le grand blond. « On cherche à rejoindre Poudlard. J'ai proposé à Rolf qu'on s'arrête ici pour se rapprocher et voir comment procéder. Je ne pensais pas qu'on aurait de la compagnie. Qui a-t-il nommé gardien du secret? » Elle a un petit regard d’excuse. Ça doit être surprenant pour Amelia voire même, elle doit les considérer comme des envahisseurs. Pendant qu’Amelia parlait, Rolf a fait le tour de la pièce. Elle le suit du coin de l’œil avant de baisser totalement sa garde. Elle les connaît, ils ne sont pas avec l’ennemi. Elle presse légèrement l’arête de son nez. Elle est toujours un peu paranoïaque les lendemains de pleine lune parce qu’elle ne sait pas ce qu’elle a fait la veille et ça l’angoisse toujours un peu tout en la mettant en état d’alerte constant. « Moi. » Répond-elle simplement. Rolf revient près d’elles. “ J'ai trois milliards de choses à te raconter, ” Elle répond à son sourire de la même façon. Elle veut entendre leurs histoires. Savoir ce qu’ils ont fait, ce qu’ils ont vécu dehors et comment ils ont fait pour survivre. “ C'est qui, Ed? ” Le regard de Rolf balance entre les deux. June est surprise qu’Amelia ne l’ait pas mentionné avant. « Un insurgé qui est à Poudlard et qui est propriétaire de la maison. » Si Amelia veut ajouter quelque chose, elle peut. Ce n’est pas à June de raconter tout ça. “ Est-ce qu'on peut faire du thé? désolé, je pose beaucoup de questions. Je suis juste très... Content. Je suis juste très content qu'on soit arrivés ici et puis... June, j'avais peur pour toi. ” Elle ne sait pas pourquoi, ses derniers mots la glacent sur place. Elle chasse l’inquiétude d’un revers de la main et s’approche d’un placard pour en sortir la boîte de thé. Il en reste très peu mais ce sera suffisant. Les autres ne prennent pas de petit-déjeuner ici de toute façon. Elle non plus habituellement. Elle n’ose pas toucher aux affaires d’Edouard.

Elle prend la théière, la remplit d’eau et la dépose sur la petite cuisinière qu’elle allume d’un coup de baguette magique. « T’en fais pas pour moi, Rolf. » Elle lui répond finalement avec un léger sourire. C’était pas le pire. A-t-elle envie d’ajouter. Elle a presque ce réflexe stupide de porter une main au tatouage qu’elle a dans sa nuque et qui marque qu’elle a un jour appartenu à Snape. Les aléas de la guerre. Elle s’attarde finalement sur ses deux amis. Ils ont l’air aussi marqués que n’importe quel insurgé et si épuisés aussi. « Vous avez une sale gueule. » Elle sourit de nouveau avant d’entendre la théière émettre son premier sifflement. Avant qu’elle ne fasse trop de bruit, June la retire de la cuisinière et d’un autre coup de baguette l’éteint. Elle la dépose sur la table et glisse la boule à thé qu’elle a rempli au préalable dans l’eau bouillante. « Je sais pas s’il est bon, mais au moins il vous fera du bien. » Elle pousse une chaise et s’y installe. Elle est épuisée et sent ses muscles qui la tiraillent de nouveau. « Vous en faites pas, c’est juste mon corps qui se rappelle à moi. Ça ira mieux demain. » Elle redresse la tête. « Poudlard donc ? Vous rejoignez les insurgés ? » Amelia, ça ne l’étonne pas, mais c’est un peu la surprise pour Rolf. Il est resté à l’écart une bonne partie de la guerre, elle se demande ce qui l’a décidé. Elle ne rechigne pas à ce que les deux compagnons viennent grossir les rangs de la résistance. C’est même mieux. Puis elle retrouve deux vieux amis alors c’est encore mieux.

On dirait presque qu'il porte soudainement le poids du monde sur les épaules: son visage s'est affaissé et il s'est renfrogné, mal à l'aise. C'est comme avec Luna sauf que Luna, il n'a pas pu la sauver. C'est comme avec Luna, il a été le collaborateur passif et actif, lors qu'il était Adhérent, des pratiques inhumaines du Gouvernement. Des Rebuts, des esclaves... les sorciers se sont toujours prétendus meilleurs que les moldus mais finalement, tous les humains peuvent faire preuve d'une cruauté sauvage et inhumaine.
Et il se déteste, parce qu'il sent la tristesse de June qui le frappe comme un mur, la douleur refoulée et passée. Il sent aussi, dans son Bruit, qu'Amelia a compris. Rolf croise les bras, machinalement, mal à l'aise, enfonçant sans douceur ses doigts dans ses biceps, comme si la douleur allait lui permettre de se faire pardonner pour son inertie, son silence, sa collaboration. « T’en fais pas pour moi, Rolf, » dit pourtant June. Et June, elle a toujours été juste, honorable; Rolf est le premier à le savoir. Et elle dit ça d'un ton si raisonnable... il serait tenté d'y croire, qu'il ne doit pas s'inquiéter, que c'est de l'histoire ancienne.
S'en sortiront-ils jamais des conséquences désastreuses de cette guerre destructrice? « Je sais pas s’il est bon, mais au moins il vous fera du bien. » Elle fait du thé et Rolf suit chacun de ses mouvements des yeux. Rolf s'assied en face de June tandis qu'Amelia va chercher des tasses sans hésiter une seule seconde — il ne peut s'empêcher de remarquer ce détail, sans savoir trop quoi en faire. De quoi s'étonne-t-il? Lui-même n'a pas tout raconté à Amelia. Mais il se rend seulement compte à quel point elle reste un mystère à ses yeux.

Il reporte rapidement son regard sur June qui a sale mine, quand même. Objective. “ T'es sûre que ça va? demande-t-il doucement, hésitant, ne voulant pas qu'elle prenne sa sollicitude pour de la pitié. — Vous en faites pas, c’est juste mon corps qui se rappelle à moi. Ça ira mieux demain. » Il hoche la tête, lippe serrée. Une louve-garou... il n'aurait jamais pensé... oh par Merlin, il aimerait retourner dans le temps.
Cette pensée le pétrifie aussitôt, il se redresse sur son siège, ses doigts s'agrippent au rebord de la table comme si il allait perdre pied. « Poudlard donc ? Vous rejoignez les insurgés ? » Rolf se détend un peu, à peine. Les Insurgés, oui... ce concept semble risible, pour lui, le couard par excellence. « Oui. On essaie depuis un moment. » Rolf lui jette un regard en coin, lui adresse un petit sourire complice. « Ça fait des mois que j'essaie de trouver une piste, mais ce n'est qu'en trouvant Rolf que j'ai appris pour Poudlard. Je n'avais pas eu accès aux informations depuis... Un bon moment. » Une créature solitaire et triste, cette Amelia. Rolf commence à la connaître un peu. “ J'ai rencontré pas mal d'Insurgés en route, quant à moi, et j'ai appris pour Poudlard avec la Gazette... et puis je suis tombé sur Amelia. Je sais pas. Ça semblait être la chose à faire, j'imagine, ” dit-il plutôt simplement, mettant sous silence quelques aspects plus... personnels de ses aventures. « Tu as des liens avec eux qui nous permettraient de rejoindre l'école? » Toujours professionnelle et raisonnable. « J'ai beaucoup de questions, je suis désolée. Peut-être qu'on devrait juste prendre le temps de se reposer et de se requinquer avant de parler des choses sérieuses. On en a tous besoin, je crois. Pas vrai, Rolf? — Si ça peut m'épargner tes ronflements, ” dit-il en roulant des yeux, s'occupant de servir le thé dans les trois tasses, rajoutant une cuillère de sucre qu'il fait tourner rapidement dans le sien avant de souffler dessus. Mais avant de boire il hésite, puis pince des lèvres, l'air d'hésiter un long moment avant de se lancer. “ Euh June... tu connais une sorcière appelée Marie? dit-il d'une voix plutôt égale, qui pourrait presque passer pour seulement motivée par un intérêt distant. Une française. Est-ce que tu sais si... enfin, si elle va bien? ” Il s'éclaircit la gorge, apporte la tasse brûlante à ses lèvres. Smooth, Rolf. Real smooth. “ Ce thé a un goût bizarre, non? ”

Oui. On essaie depuis un moment. Ça fait des mois que j'essaie de trouver une piste, mais ce n'est qu'en trouvant Rolf que j'ai appris pour Poudlard. Je n'avais pas eu accès aux informations depuis... Un bon moment. » Comment a fait Amelia pour survivre si longtemps toute seule avant de trouver Rolf ? La solitude n’a jamais été un problème pour June, mais si longtemps, si isolée de tout et de tout le monde… Elle ne peut s’empêcher d’avoir une pointe d’admiration pour elle et pour sa force de caractère. June a presque envie de la prendre dans ses bras pour lui dire que c’est fini maintenant, qu’elle ne sera plus jamais seule. “ J'ai rencontré pas mal d'Insurgés en route, quant à moi, et j'ai appris pour Poudlard avec la Gazette... et puis je suis tombé sur Amelia. Je sais pas. Ça semblait être la chose à faire, j'imagine, ” Elle hoche la tête. Elle se demande quand est-ce que Rolf a décidé de fuir lui aussi et qu’est-ce qui l’a décidé finalement. « Tu as des liens avec eux qui nous permettraient de rejoindre l'école? » Elle hoche la tête. « J'ai beaucoup de questions, je suis désolée. Peut-être qu'on devrait juste prendre le temps de se reposer et de se requinquer avant de parler des choses sérieuses. On en a tous besoin, je crois. Pas vrai, Rolf? — Si ça peut m'épargner tes ronflements, ” June laisse échapper un rire. Rolf s’occupe de verser le thé dans les tasses. La rouquine le remercie du bout des lèvres avant de prendre sa tasse et de l’entourer de ses mains. La chaleur se propage dans tout son corps et lui fait du bien. La pleine lune a été rude et son corps la remercie pour cette douce chaleur. “ Euh June... tu connais une sorcière appelée Marie? Une française. Est-ce que tu sais si... enfin, si elle va bien? ” Elle est surprise par sa question et surprise aussi par le fait qu’il connaisse Marie. Enfin Luna. Enfin Marie. Bref. “ Ce thé a un goût bizarre, non? ”-« Alors tu connais Marie ? » Question purement rhétorique, elle le sait. « Elle est à Poudlard. » Elle est curieuse d’en savoir plus. Marie fait-elle partie de ces insurgés que Rolf a rencontrés sur sa route ? « Et aux dernières nouvelles, elle va bien, oui. » Fait-elle avant de boire une gorgée de thé. Ce n’est pas le meilleur qu’elle ait pu boire, mais il reste buvable. « Quant à Poudlard, je peux vous y amener, mais avant, prenez le temps de dormir réellement s’il vous plaît. » Les cernes qu’ils ont sous les yeux sont criants d’une fatigue trop longtemps accumulée. Ils ont touché leur but final, ils ont le droit de prendre du temps pour eux avant de continuer et ça commence par dormir plusieurs heures. Poudlard ne bougera pas, June peut très bien les accompagner plus tard. « Je peux laisser ma chambre à l’un de vous et voir où il y a de la place pour l’autre. Certains sont déjà repartis à Poudlard de toute façon. » Elle pense à Edouard notamment et elle se demande la réaction qu’il va avoir en voyant qu’Amelia est de retour. « J’irai prévenir le Conseil que vous cherchez à nous rejoindre et je vous amènerai à eux une fois que vous serez levés. » Autant qu’elle prépare le terrain avant de les amener là-bas. Ils ne sont pas du genre à refuser des bras en plus, mais autant qu’elle les prévienne avant.