Le temps passe et le temps s'envole.
Ça serait un peu sympa si le temps voulait bien se dépêcher. Il fait sacrément froid, malgré le début de mois de juillet, et Rolf a une folle envie de thé. Il n'a pas encore son permis de transplanage — ne l'aura certainement jamais — et a dû prendre un portoloin, le train, le bus et un nouveau portoloin et marcher pendant environ deux heures pour arriver jusqu'ici, dans la campagne plus ou moins immédiate de Loustry Ste Chaspoule. Chez les Lovegood, devant la porte desquels il attend depuis trente minutes. Une nouvelle fois, il fait tinter la clochette prévue à cette effet avant de retourner sa baguette contre sa gorge armée d'un sonorus discrètement incanté. Depuis qu'il n'a plus la Trace, il prend un malin plaisir à user et abuser de la magie. “ XENOPHILIUUUUUUUUUUS, ” hurle-t-il et il peut presque voir l'étrange demeure trembler, quelques tuiles du toit tomber à ses pieds. C'est pourtant avec une expression sérieuse et pas le moins du monde perturbée qu'il observe Lovegood senior, quand il lui ouvre la porte avec de grands yeux exorbités et un air hagard. Rolf lui tend la note qu'il a reçu par hibou trois jours plus tôt. Avec plaisir pour le T! ASAP! 3jrs ça VA? -XL. (Il n'a même pas essayé de comprendre les abbréviations tracées à la plume ou la ponctuation douteuse)

“ Rolf! — Xenophilius? — Rolf. — ... Xenophilius? — Rolf? — ...Xenophilius...? ” Lovegood cligne des yeux. Rolf soupire. “ Vous avez oublié, c'est ça? — Quoi? Non! Entre, allez, mon garçon. Il y a de l'eau qui chauffe, je vais te faire un thé. ” Et il attrape le bras de Rolf, le tire à l'intérieur et claque la porte derrière lui. Rolf se laisse faire, avec un sourire légèrement tendre parce qu'au fond, il aime trop Xenophilius pour lui en vouloir. Il est exactement tout ce qu'il a jamais espéré trouver chez Newt. Son sac à dos sur les épaules, il se laisse explorer des yeux le salon alors que Xenophilius s'affaire en cuisine pour habilement faire passer l'eau dans des tasses (une entreprise plus compliquée que ça en a l'air, d'après l'air concentré de Lovegood).
“ Luna est rentrée? ” demande Rolf, plus par politesse qu'autre chose mais quand il revient vers lui, lui fourrant sa tasse (sans thé, mais avec du sucre: de l'eau chaude sucrée. Une boisson que Rolf a appris à apprécier en Chine en compagnie des deux Lovegood) dans les mains, Xenophilius semble penser à autre chose. “ J'ai juste un- un tout petit- un truc- je dois- j'ai- — Vous avez oublié, n'est-ce pas? — Non! Non, bien sûr que non, mon garçon. J'ai juste autre chose de prévu un peu avant mais ça ne devrait pas prendre plus de cinq minutes. Rolf soupire. — Je peux revenir un autre jour, si vous voulez... — Non! Ne sois pas ridicule. Non, cinq minutes, promis, juste le temps de- - Cinq minutes, une petite heure, d'accord? Va voir Luna en attendant, elle sera ravie de te voir! ” Rolf lève les yeux au ciel. “ Mais- - ” Mais trop tard, déjà Xenophilius s'empare de son manteau et monte les escaliers quatre à quatre. Il redescend cinq minutes plus tard, s'approche de Rolf, lui pince l'épaule et puis il disparaît derrière la porte.

Après avoir attendu quelques minutes dans le salon d'un air gêné, hésitant à retourner chez lui, Rolf monte à l'étage pour aller voir Luna, sa tasse d'eau chaude à la main. “ Luna? ” appelle-t-il d'un ton morne. “ Luuunaaaaa? ” Il n'est jamais allé à l'étage, remarque-t-il, malgré le nombre incalculable d'heures qu'il a passé à discuter avec Xenophilius dans le salon. Il s'arrête devant la porte qui semble être la sienne, reconnaissable à sa décoration un peu extravagante et colorée, et y toque trois fois. “ Luna? Je peux entrer? ”

Spoiler:

Ses mains étaient noires et sa robe, plus très blanche. A ses côtés reposaient une demie-douzaine de fusains à moitié usés et de pastels déglingués. Cela faisait des heures qu'elle était perchée là-haut, couchée, assise, recroquevillée, à moins d'un mètre du plafond, cherchant toujours la position idéale pour pouvoir tracer ses volutes légères et autres courbes sincères. Elle était tellement obnubilée par ce qu'elle faisait qu'elle n'entendit même pas la longue plainte qui s'était élevée depuis le sol. En revanche, quelques morceaux de plâtre se désagrégèrent et éparpillèrent grains et poussière blanche ça et là, tout autour d'elle. Retenant tant bien que mal un éternuement traitre, Luna se releva, nuque courbée pour ne pas rencontrer de trop près le plafond et dodelina frénétiquement de la tête. Elle devrait avertir Daddy du curieux tremblement de terre qui avait secoué les murs de sa maison et rendu encore plus pâle sa longue chevelure dorée : peut-être que les Gnomes de Tarawalba avaient enfin décider de remonter à la surface, bravant la peur qu'avaient insufflé les habitants du jardin Weasley en s'installant sur leur territoire de Loutry. Imaginez ! Ces Gnomes mythiques, que tous pensaient disparus, étaient bel et bien vivants ! Le regard rêveur se promena un instant quelques mètres plus bas, Luna se demandant bien où elle avait pu rangé l'appareil photo de sa mère. Il était le seul mécanisme assez sophistiqué (désuet) pour pouvoir prétendre capter des créatures aussi joueuses (inexistantes) que les Tarawalbas... Il lui fallait absolument retrouver l'appareil avant la tombée de la nuit.

Mais son lit n'était alors qu'un matelas posé au hasard à même le sol et tous les meubles avaient trouvés le chemin du grenier de la Tour depuis son retour. Pincement au coeur, Luna se résigna et accepta l'évidence : impossible qu'il soit ici. Soudain, la porte s'ouvrit et son père, apprêté d'une gabardine plus grande que lui, se figea dans l'encadrement de la porte. " Harry n'a plus de nez. ", et tout aussi vite qu'il était arrivé, Xenophilius Lovegood referma le battant de la porte et retourna au rez-de-chaussée, les deux Lovegood peu ennuyés de ne pas connaitre la véritable raison qui a amené le patriarche dans l'antre complètement déstructurée de sa fille. Yeux écarquillés, lèvres pincées, c'est avec une irritation peu retenue que Luna se mit à fixer l'autre bout du plafond de sa chambre. Effectivement, le visage d'Harry Potter n'avait pas survécu à la manifestation des Gnomes déridés et faisait dorénavant concurrence au Sphinx de Gizeh. " Les Nargles ont au moins la décence de ne rien saccager ! "

La pointe des pieds brassent curieusement le vide quand soudain retentissent trois coups secs depuis l'autre côté de la porte. Les sourcils blonds se froncent légèrement, c'était curieux que Daddy frappe à la porte alors qu'il venait tout juste de la quitter. Les pieds nus pataugeant toujours à la recherche d'une prise, elle s'apprête à demander à Xenophilius si tout allait bien lorsqu'une voix toute autre que celle de son père se mit à résonner dans la pièce. " Luuunaaaaa? ", elle avait beau être étouffée, Luna la reconnût immédiatement. Elle l'avait assez entendue s'élever depuis les escaliers pour ne pas connaitre l'identité de son propriétaire. " Luna? Je peux entrer? " " Oui, oui ! J'aurais bien besoin d'un peu d'aide pour descendre, si ça ne t'embête pas ! " la porte s'ouvre alors et d'un habile jeu de jambes, Luna le salue aussi aisément que si elle lui avait fait un signe de la main. Elle a l'habitude, Luna, de se retrouver dans ce genre de situations improbables. Mais elle doit bien l'avouer : lorsqu'il s'agissait des perchoirs montés par Xenophilius, la Serdaigle avait beaucoup de mal à se dépêtrer de tels casse-têtes. Peut-être devrait-elle proposer ce Touistère de haute-voltige à l'un de ses camarades nés-moldus durant les réunions de l'A.D, l'année prochaine. " Daddy ne m'avait pas dit que tu venais lui rendre visite. "

Spoiler:

“ Oui, oui ! J'aurais bien besoin d'un peu d'aide pour descendre, si ça ne t'embête pas ! ” Super. Rolf est déjà las, épuisé, en entendant ça, roule des yeux, fait une grimace au néant, a envie de se taper le front. Il n'en peut plus. Luna a la faculté de le fatiguer juste en lui adressant la parole: elle est trop... trop trop. Trop bavarde et parfois sentencieusement silencieuse, trop naïve et parfois trop sérieuse, trop envahissante et trop discrète. Trop heureuse. Trop triste. Il a toujours eu du mal à poser un doigt sur ses émotions et à la comprendre — une première, pour Rolf. Elle est juste trop, et lui il est désespérément rien. Il a l'impression qu'elle a beaucoup changé depuis la dernière fois qu'il l'a vue, l'impression qu'elle a beaucoup grandi, que ses cheveux ont poussé, qu'elle est devenue plus... adulte, et c'est étrange. Il ne peut pas s'empêcher d'avoir l'ombre d'un sourire tendre sur la lippe, qu'il ravale rapidement par pur souci d'orgueil. Étonnament, ça fonctionne plutôt bien entre eux, quand Rolf est de bonne humeur. Hors, là, ça fait presque quarante minutes qu'il attend dans le froid, Xenophilius vient de lui poser un lapin et il manque du sucre à son eau chaude.

Il entre en soupirant dans la chambre, et est à peine surpris quand il la trouve à quelques mètres du sol, en train de... de peindre? De peindre sur le plafond? Oui. Des portraits que Rolf n'a aucun mal à reconnaître, malgré les traits encore un peu embrouillés: il y a Potter ainsi que quelques membres de sa clique. Rolf fronce les sourcils, répond à son salut du pied par un salut de la main. “ Daddy ne m'avait pas dit que tu venais lui rendre visite. — Ouais. Il a oublié, je crois. ” Il hausse les épaules comme si il s'en fichait. Il ne s'en fiche pas réellement, et ça doit se sentir dans la tension presque boudeuse de sa voix, dans ses épaules un peu renforgnées. Rolf a un peu de mal avec les figures paternelles qui n'ont de cesse que de l'abandonner. Il sait que Xenophilius l'aime, pourtant. Les Lovegood sont juste... spéciaux, même sur ces choses-là. “ Allez, viens là, ” soupire-t-il légèrement en posant sa tasse sur la tour étrange et en ouvrant les bras. Il adresse un petit sourire carnassier à la jeune femme, un air presque de défi dansant dans ses yeux. “ Tu me fais confiance, n'est-ce pas? ” demande-t-il de sa voix la plus innocente possible. La plus sincère aussi. Il se surprend à être curieux de sa réponse. Il ne sait jamais réellement ce qui se passe derrière ces grands yeux clairs qu'elle a. Là, dans la lumière du milieu d'après-midi, avec le soleil timide de juillet, ils sont presque translucides. “ Je te rattrape sans problème, ” dit-il en lui montrant ses muscles naissants et en faisant jouer ses sourcils, se sentant étonnament d'humeur taquine et presque plus morose (elle a aussi cet effet-là sur lui. Elle l'a toujours eu et peut-être que c'est pour ça qu'elle l'agace autant).

Spoiler:

« Ouais. Il a oublié, je crois. » Le ton de Rolf fut assez étrange pour que Luna ne fronce pas des sourcils. Elle jeta un regard par-dessus son épaule, après avoir été happé par les volutes qui frappaient sa tasse. Une tasse du service des grands jours. Daddy n'était vraiment pas dans son assiette, elle en était maintenant certaine. « Il a oublié de me récupérer à King Cross. Je pense qu'il m'en veut. Un peu. » Elle ne précisera pas quoi, ni pourquoi elle pensait une telle chose. Daddy ne lui avait même rien dit de tel, il était resté... lui-même, depuis la fin de l'année scolaire. Mais dans son regard, Luna avait entraperçu de la peur lorsque, trois heures après l'arrivée de l'Hogwarts Express, Xenophilius s'était finalement présenté sur le quai 9¾ de la gare londonienne. Il ne lui avait toujours pas demandé ce qui s'était passé, ce soir-là, au Département des Mystères. « Allez, viens là. » La nuque une nouvelle fois tendue en arrière, elle observa Rolf déposer son thé sur le recoin d'une chaise (un thé bien spécifique, aussi clair que de l'eau et si subtil en goût que ce dernier se confondait souvent avec le sucre que les Lovegood y ajoutaient) pour tendre les bras. Réponse instantanée, mimétisme déformé, Luna lui lança à son tour un sourire éclatant, en décalage total avec l'air téméraire et scabreux que lui revêtait. « Tu me fais confiance, n'est-ce pas? » Elle paraît étonnée par la question ; ne comprit pas non plus le regard intense planté dans le sien. Elle était toujours étonnée, Luna, de le voir aussi peu assuré, une fois loin du regard des autres sorciers. « Je te rattrape sans problème. » Elle ne l'avait pas remarqué, ça. C'était Daddy, quelques années auparavant, qui le lui avait soufflé, en observant le jeune Scamander s'éloigner depuis la fenêtre de la cuisine. C'est dommage. Quoi, Daddy? De le voir rongé ainsi. Par quoi, elle ne savait pas, elle n'avait jamais su. Pandora Lovegood venait de mourir, quelques semaines auparavant – elle n'avait pas eu le cœur à comprendre son père, ce jour-là. Tout ce qui était ressorti de sa longue observation des collines de Loutry, c'était qu'à partir de ce moment-là, elle avait commencé à se préoccuper de Rolf Scamander, pour de vrai. Celui-là même qui grimaçait, lui présentait ses bras, les retendait devant lui pour mieux la réceptionner, deux mètres plus bas. Luna laissa échapper un rire franc avant de lâcher les prises qui la maintenait toujours en équilibre sur la tour-échelle. Sans se poser la moindre question. Elle ne questionnait jamais la loyauté et la confiance de ceux qu'elle connaissait depuis longtemps. Ils étaient rares, ces gens-là, à graviter à ses côtés. Alors non, elle ne perdait pas de temps à les redouter constamment.

L'atterrissage fut brutal. Les bras tendus comme les ailes d'un oiseau, elle tenta de les stabiliser tous les deux, tant bien que mal. Plus mal que bien, en réalité. Elle avait beaucoup de difficulté à trouver un équilibre quelconque, avec les bras de Rolf qui lui comprimaient les hanches, les jambes tendues comme la corde d'un arc et le dos bloqué contre son torse. « Je ne veux pas te faire peur mais... je crois qu'on va avoir mal. » Son visage était à quelques centimètres du pilier désorganisé et de là, elle observait minutieusement les détails de sa plateforme de travail... et son déséquilibre effrayant. Solidité et stabilité entamées par l'impulsion de sa chute volontairement initiée. Luna jeta alors un regard surpris et curieux en direction du plafond : l'instabilité n'était pas seulement visible. Elle était aussi incroyablement audible.

Spoiler:

« Il a oublié de me récupérer à King Cross. Je pense qu'il m'en veut. Un peu. » Il a l'air prudent, Rolf, fronce les sourcils, ne pipe pas un mot pourtant. Il sait que si il la lance, Luna finira par soit (a) ne pas s'arrêter de parler ou (b) se fermer comme une huître et ne plus rien dire pour l'heure à venir. Et il n'en a pas envie. Si il doit passer du temps dans sa compagnie, autant que ce ne soit pas complètement agaçant. Il pense vaguement à ce qu'il a entendu dire, ce que son grand-père a négligemment laissé tomber sur les évènements d'il y a quelques semaines à peine. Le Ministère de la magie, Celui-Dont-Le-Nom-Ne-Doit-Être-Prononcé, Fudge... Rolf s'était efforcé de se convaincre qu'il s'en fichait. Mais il avait appris que Luna avait été au Ministère et depuis... non, il ne s'inquiétait pas, ce n'était pas ça. C'était plus compliqué. Tout était toujours plus compliqué, avec Luna Lovegood dans l'équation.
Alors autant faire de son mieux pour simplifier. Elle avait le talent pour donner à Rolf un esprit presque enfantin qu'il s'était toujours interdit d'avoir, si ce n'était en compagnie d'Andromeda et sa fille. Comme si son enfance lui avait été volée trop tôt, trop violente, trop complexe, trop abusive. Luna lui donnait envie de sourire un peu plus souvent.

Sauf quand évidemment, elle chute de quelques dizaines de centimètres jusque dans ses bras et qu'elle s'avère un poil plus lourde que prévu. “ Fuc- flurb, ” souffle-t-il sous sa respiration (retenant à la dernière seconde une injure, sans pouvoir expliquer pourquoi), en la maintenant comme il peut contre elle, alors qu'elle agite cruellement des bras et des jambes tant pour les équilibrer que pour échapper à son étreinte maladroite. « Je ne veux pas te faire peur mais... je crois qu'on va avoir mal. » Avec un grognement dubitatif, Rolf souffle puissament pour écarter les cheveux de Luna de son visage et devient blême en voyant la tour qui, naturellement se met à tanguer dangereusement dans un grincement d'enfer. “ Classique, ” commente-t-il par-devers lui-même, l'air presque... blasé tant ce genre d'étrangetés est tout à fait ordinaire chez les Lovegood. Baguette hors d'atteinte. Courir est impossible. Lâcher Luna et transplaner est proscrit (et il n'a même pas son diplôme, en plus, donc ce serait plus dangereux qu'autre chose). Lâcher Luna et se réfugier sous son lit est un peu trop lâche. Impact imminent. “ Arrête de gigo- - ” Il s'interrompt parce que la tour se rapproche plus de seconde en seconde. Rolf se détourne, gardant toujours fermement Luna dans ses bras — elle semble si petite, mais si grande à la fois, si ça fait du sens? — arrondissant le dos en grognant déjà de mécontentement.

La douleur ne manque pas à l'appel. Il se prend le crâne de Luna dans le nez, un meuble dans le bas du dos, chute sur le sol sur les genoux dans un craquement sinistre, sa propre tasse s'écrase sur son crâne et répand le liquide encore trop chaud sur eux, une commode croit bon de déverser le contenu de l'un de ses tiroirs sur leurs deux corps enchevêtrés et même quand le mobilier arrête de s'acharner sur le dos de Rolf, le vacarme continue: crépitements, roulements, grincements, bruits sourds et assourdissants, tout y est. Il a essayé de protéger Luna avec son corps comme il a pu mais n'est sûr de rien. Rolf se redresse à grand mal, avec un grognement de douleur quand sa nuque craque et que la douleur le reprend à l'arrière du crâne; il se met à quatre pattes, observe Luna sous lui qui, somme toute, a l'air intacte. “ Merci pour ce moment. Maintenant, je vais dormir, ” indique-t-il très sérieusement avant de se laisser rouler dans un autre grognement douloureux, s'allongeant à côté d'elle sur le restant d'un sommier. Le regard inquisiteur d'une Hermione Granger encore croquée et pas finie plonge dans le sien. “ Si j'ai pas une place d'honneur sur ton plafond, je fais un scandale, ” lâche-t-il à mi-voix, l'air las.

Spoiler:

Ce n'était pas la tour bancale qu'elle voyait, alors. Juste des dizaines, des centaines (des milliers?), d'étagères poussiéreuses. Ce n'était pas non plus les meubles empilés qui tanguaient, à cet instant. C'était des centaines, des milliers, d'orbes phosphorescentes qui s'apprêtaient à tomber sur eux. « Arrête de gigo... » et la tour tomba (et les prophéties chutèrent). La blonde entrelaça ses doigts et arqua son dos sous l'impulsion de Rolf. Genoux rabattus et bras relevés, elle tenta de protéger la nuque de Scamander de ses paumes mais le choc à l'arrière de sa tête ramena ses avant-bras devant elle pour amortir leur chute au sol. La masse du jeune homme et l'eau brûlante du thé sur ses épaules vinrent couper le souffle de la jeune fille qui, pour seul réflexe, ferma ses paupières et rabattit sa main libre par dessus le visage de Rolf pour lui éviter une rencontre trop brutale d'avec l'une de ses babioles égarées. Ce n'était pas du bois, ni du fer, qu'elle entendait s'écrouler de l'autre côté de la pièce. C'était du cristal qui venait tout juste de se briser..

Grognement douloureux, craquement osseux, et Luna retrouva sa liberté de respirer. La paume obscurcie par le graphite accompagna un instant le visage de Rolf avant de retomber sur le parquet. Elle fut étonnée de ne sentir aucun bris de verre joncher ce dernier. Les paupières s'entrouvrirent et, du coin de l’œil, elle observa l'expression douloureuse de Scamander la surplomber. « Merci pour ce moment. Maintenant, je vais dormir, » et il retomba sur le sol dans bruit sourd, juste à côté d'elle. En silence, choquée, elle observa le profil cabossé être parcouru par des mimiques gênées, douloureuses à regarder – il venait de la protéger, pas vrai ? « Si j'ai pas une place d'honneur sur ton plafond, je fais un scandale. » Le regard céruléen lâcha alors la silhouette de Scamander et lentement, elle suivit la direction empruntée par Rolf. L'esprit préoccupé par ce qu'il venait de faire pour elle, Luna répondit de but en blanc, sans réfléchir un seul instant, à sa requête. « Non... Ce sont mes amis, là-haut... je crois. » Le visage se détourna une nouvelle fois, jaugeant la nuque de Scamander d'un air surpris. « Tu es l'ami de Daddy, Rolf, pas le mien... je le sais. Mais... ce n'est pas grave, tu sais ? Il a besoin d'amis. » Les doigts éraflés de Lovegood se rapprochèrent du cou de Rolf pour se faufiler à l'arrière de sa nuque. En ramenant sa main par-dessus eux, elle lui montra ses phalanges ensanglantées. « Tu saignes. Attends, je reviens ! » Elle se releva, brusquement, et retomba, tout aussi rapidement, à terre, les chevilles entravées par un drap et ses vêtements éparpillés. « Je vais bien ! Ne bouge pas ! » Et comme si l'incident n'était jamais arrivé, elle reprit le chemin de la porte pour aller descendre quatre à quatre les marches de l'escalier en colimaçon de la maison cylindrique.

Luna réapparut cinq minutes plus tard, les bras chargés d'onguents, de bandelettes et d'une bassine remplie à ras-bord d'eau chaude. Elle déposa le tout à côté de Rolf avant de s'agenouiller pour plonger l'une des bandelettes propre dans la bassine d'eau chaude. Elle essora le tissu trop rapidement pour ne pas en répandre partout en dehors du chaudron cuivré, d'ailleurs. Elle traîna surtout des genoux, cherchant à atteindre le plus rapidement possible la blessure qui graciait le haut du crâne de Scamander. « Merci... et vraiment désolée, pour tout ça. », elle se mit alors à observer tout le bric-à-brac environnant, peu importunée d'avoir éparpillé ça et là de l'eau sur le parquet. « Je pensais avoir chassé tous les Nargles en rentrant, l'autre jour. Mais il faut croire que non : il manque un pied à la chaise centrale. ». Elle s'appliquait à nettoyer la plaie de Scamander qui, une fois propre, reçut une noisette d'essence de Dictame. « Est-ce que ça va ? », crût-elle bon d'ajouter, inquiétée par son silence.

Spoiler:

« Non... Ce sont mes amis, là-haut... je crois. » Rolf aurait franchement pu être vexé. Mais ils se connaissent trop, peut-être, pour qu'il le prenne mal. Après tout, elle a raison. Ils ne sont pas amis. Ils se connaissent depuis très longtemps et dans ces cas-là, la plupart des gens se considèrent amis; mais Luna n'est pas la plupart des gens. C'est sans doute pour ça qu'il l'apprécie tant. Il tourne machinalement la tête vers elle, l'observant curieusement, essayant de deviner ses informations — mais, comme d'habitude, confronté à elle, il ne goût que faux-semblants et contrastes, une putain d'énigme. « Tu es l'ami de Daddy, Rolf, pas le mien... je le sais. Mais... ce n'est pas grave, tu sais ? Il a besoin d'amis. » Il ouvre la bouche pour dire: choqué déçu ou bien alors pourquoi m'a-t-il oublié? mais il se retient. Il ne sait pas trop pourquoi. Il se contente de sourire, jusqu'à ce que Luna approche ses doigts de sa peau et qu'il se crispe machinalement, mal à l'aise, surtout quand ses doigts reviennent striés de sang et qu'il se sent déjà tourner de l'oeil. Il saigne. Luna parvient à la même conclusion (logique), se lève, retombe, se relève et s'en va en courant sous le regard terne d'un Rolf trop habitué à elle pour vraiment s'inquiéter.

Avec un grognement de douleur, en l'attendant, il se redresse lentement jusqu'à s'asseoir en tailleur au beau milieu du désastre qu'est devenue la chambre de la jeune femme. Ça allait prendre des heures à ranger et à réparer. Elle revient rapidement et Rolf lui jette un regard en coin, pour vérifier qu'elle ne s'est pas blessée en allant chercher ce qu'elle est allée chercher, puis reste silencieux quand elle s'installe et commence à s'occuper du saignement à l'arrière de son crâne, forçant ses muscles à ne pas se crisper et son corps à ne pas s'enfuir en courant — mémoire musculaire, réflexe standard quand quiconque l'approche. « Merci... et vraiment désolée, pour tout ça. » Il ne répond pas, hausse les épaules légèrement, simplement. « Je pensais avoir chassé tous les Nargles en rentrant, l'autre jour. Mais il faut croire que non : il manque un pied à la chaise centrale. » Il lui tourne le dos et se permet un lever de yeux au ciel, mais c'est un sourire tendre et amusé qui déchire sa lippe. Les Nargles. Classique. « Est-ce que ça va ? » Son crâne lui fait vraiment moins mal et il tourne lentement la tête vers elle, lui jetant un coup d'oeil par-dessus son épaule. “ Oui, dit-il simplement. Et toi? ”

Il semble hésiter. Puis se lance. “ Je savais pas que t'étais pote avec eux, ” dit-il en désignant, d'un mouvement du menton, les débuts de portraits qui recouvrent le plafond. Une hésitation. “ Je suis content. Ils ont l'air sympa. ” Incroyablement curieux. C'est plus fort que lui: il n'y a pas une bande d'amis de laquelle on parle plus en ce moment dans la Gazette. “ Ah ouais et- - Il s'interrompt. Tourne à nouveau la tête vers elle. Ton père m'avait dit que vous alliez peut-être partir en Suède, cet été. Pour les Ronflaks... (Il grimace à ce mot) C'est toujours prévu? ” Il l'observe. Attentivement. Plisse des yeux. Il y a l'impression qu'il y a une tension. Il repense aux unes de la Gazette. Peut-être qu'elle n'a pas envie d'en parler. “ Tu veux de l'aide pour ranger? J'ai ça pour m'aider, moi, maintenant, ” dit-il en sortant sa baguette, parvenant à articuler un petit sourire gentil qui, il l'espère, détendra un peu l'atmosphère.

Spoiler:

« Oui. Et toi ? » Lovegood ânonna sa réponse plus qu'elle ne la vocalisa. Ce n'était pas elle qui venait de se faire assommer. Le bandage usé fut bien vite fourré dans le chaudron et sans un mot de plus, elle se retrouva également assise en tailleur près de lui. « Je savais pas que t'étais pote avec eux. », elle plongea les mains dans l'eau alors, préférant se concentrer sur l'eau qu'elle souillait des réminiscences de charbon, de sang et de Dictame plutôt que sur le visage de Rolf ou les portraits incomplets qui jalonnaient son plafond. « Je suis content. Ils ont l'air sympa » Sourire en coin même si Luna resta hypnotisée par l'eau, essuyant distraitement ses mains contre les pans de sa robe. Un peu trop distraite pour se rendre compte qu'elle les salissait encore une fois, l'humidité des paumes accrochant le plâtre et les traces de ses lubies artistiques.

« Ils le sont. », répondit-elle d'une voix éthérée, « Mais ce n'est pas pour ça que je leur fais confiance. » Le dos de sa main rejoignit alors son front : elle crevait d'envie de lui dire, de lui raconter, l'incroyable année qu'elle venait de passer. Daddy n'avait rien pu savoir jusqu'à présent, et le fait de le voir silencieux, peu curieux, n'arrangeait en rien à son envie de tout avouer. Mais le visage de Marietta Edgecombe s'imposa à son esprit, dissuadant définitivement Luna de parler de l'A.D. à Scamander. « Ton père m'avait dit que vous alliez peut-être partir en Suède, cet été. Pour les Ronflaks... » Elle se contenta de rehausser un sourcil face à sa grimace. « C'est toujours prévu? » « Oui. Tu veux venir ? », s'empressa-t-elle de demander, certaine que son père ne serait pas contre l'idée. Elle voulut même lui expliquer d'où venait l'argent du voyage mais il la coupa une nouvelle fois dans son élan, lui demandant si elle voulait de l'aide pour tout ranger. Il était malade ? Quelque chose clochait... il parlait un peu trop aujourd'hui (elle ne comprenait surtout pas ses tentatives pour l'amadouer et l'amener à parler). Nouveau sourire, mutin cette fois et, tout en jaugeant la baguette magique de Scamander, elle lui lança d'une voix chantante : « Je me disais bien qu'il y avait un air de famille entre les serpents et les hippogriffes », ou était-ce seulement les élèves de Serpentard (passés, présents et futurs) qui aimaient naturellement parader (se vanter) ? « Si tu t'en sens capable ! » et de la main, elle lui offrit les pleins pouvoirs sur la pièce cylindrique.

« Je suis contente de pouvoir aller en Suède, tu sais ? », lui avoua-t-elle soudainement, obnubilée par les rebords usés de sa robe d'été. « Mais nous y allons juste parce que les gens veulent savoir, maintenant. » Elle était... prudente, Luna, désormais. Du moins, aussi prudente qu'elle puisse paraître, avec ses grands yeux clairs, ses opinions loufoques et son style décalé. Elle partait en vacances juste parce que la Gazette avait racheté les droits d'une interview bien spécifique au Chicaneur, et ça, ça la rendait amer. « Je suis triste que personne n'ait voulu le croire, à l'époque », regard en direction d'un Harry toujours croqué, toujours défiguré par un trou béant à la place du nez, « , je suis triste parce que le monde sorcier a besoin de voir pour croire. Ils ont besoin d'un Atrium détruit, de Mangemorts en liberté, de la silhouette de Tu-Sais-Qui pour seulement arrêter de l'insulter de menteur. C'est le seul à Lui avoir survécu : tu ne trouves pas ça suffisant pour juste accepter l'évidence ? » La question revêtait des airs d'affirmations. Elle ne remettait jamais en rien en cause, Luna, puisque de son point de vue tout était possible. Ils changeaient de formes sous l'impulsion de sortilèges, ils volaient sur des balais ! Mieux encore : ils réussissaient à faire croire aux Moldus qu'ils n'existaient pas, n'étaient rien de plus qu'une légende : rien de plus que  des contes fabuleux comme ceux de Beedle le Barde. Elle haussa lourdement des épaules, mi-résignée, mi-ennuyée. « Peut-être qu'on ne partira pas, finalement. »

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« Oui. Tu veux venir ? — Ce- ce serait avec plaisir, ” marmonne-t-il, mal à l'aise par son empressement. Ils ne sont pas amis après tout, pourquoi est-elle enthousiaste? Il masque sa gêne — qu'il n'explique pas vraiment — en lui proposant de s'occuper de ranger la pièce. Nouveau sourire de Luna. Presque joueur. « Je me disais bien qu'il y avait un air de famille entre les serpents et les hippogriffes. » Il fronce les sourcils. « Si tu t'en sens capable ! » et à ces mots, les traits de Rolf se froncent un peu plus alors qu'il écartèle une moue enfantine sur ses lèvres, faisant nerveusement tourner la baguette entre ses doigts avant de la tenir correctement. “ T'es juste jalouse, ” dit-il, très factuel, avec cet humour pince-sans-rire un peu dérangeant qui le caractérisait si bien.
Du bout de la baguette, en marmonnant sous sa respiration une incantation, il répare la tasse que Xenophilius lui a donné. « Je suis contente de pouvoir aller en Suède, tu sais ? » Il l'écoute d'une oreille distraite, concentré sur sa tâche. « Mais nous y allons juste parce que les gens veulent savoir, maintenant. » Un instant, il tourne un oeil vers elle; puis se refocalise sur la commode écroulée, comme éventrée avec ses tiroirs dégueulant leurs contenus sur le sol. Gadgets et vêtements entremêlés se réparent et se plient et se glissent dans le meuble qui se redresse sur ses pieds, alors qu'autour d'eux le reste du mobilier se met à flotter joyeusement, remenant sa place dans la pièce sous le filet de paroles de Rolf qui, tout bas, ne veut pas interrompre Luna.

Il n'était pas au Ministère, quand c'est arrivé. Il a juste entendu dire, il a juste vu, il est revenu en vitesse avec tout le monde en recevant le message d'urgence, plus par obligation que par curiosité. Il n'a pas vu Celui-Dont-On-Ne-Doit-Pas-Prononcer-Le-Nom de ses propres yeux mais il a entendu la rumeur enfler. Il a vu la peur, aussi, dans les yeux de Fudge. « Peut-être qu'on ne partira pas, finalement. » Les objets tremblent, menacent de se casser la gueule et Rolf fronce les sourcils pour se concentrer. Le mobilier se fige et retombe, à moitié refait, à moitié réparé, à moitié rangé. “ Les gens ont peur, Luna, ” dit-il finalement en réponse à sa question quelques secondes auparavant. “ Au Ministère, ils- - ” Il fronce les sourcils. “ Les gens ont peur, répète-t-il. J'ai peur. Pas toi? ” Elle a changé. Elle semble plus... confiante. Rolf se demande si c'est grâce à ses nouveaux amis. Machinalement, il lève la tête pour croiser le fer avec ce satané Harry Potter, qu'il n'a pas hésité à traiter de menteur, à considérer de fraud. Ce doit être quelqu'un de bien si Luna l'apprécie, décide-t-il.
Sans un mot, il reprend ses réparations et son nettoyage et son rangement, l'air préoccupé et concentré, sourcils froncés et moue pensive collée aux lèvres. “ Tu veux voir quelque chose de cool? ” dit-il finalement, soucieux de changer de sujet. Il fouille dans sa poche après avoir reposé sa baguette, le mobilier toujours en chantier, avant de jeter sur les genoux de Luna une petite fiole... avec un oeil dedans. “ C'est un oeil de Bandimon. Ils le perdent parfois quand ils sont très nerveux. En revanche, ça brûle si tu le touches sans protection et ça peut te faire perdre connaissance et te retirer un souvenir. C'est pour ça qu'ils aiment les maisons. C'est infesté de souvenirs, les maisons. ” L'oeil s'agite dans la fiole quand il sent que les regards sont tournés vers lui, passant du jaune au bleu, du bleu au jaune. “ Apparemment, ça porte chance de le garder sur soi. Après une hésitation: Tu peux le garder, si tu veux. On a tous besoin d'un peu de chance de temps à autre. ”

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Le regard était hypnotisé par les meubles en mouvement, se focalisant seulement sur les vêtements lorsque ces derniers furent repliés comme si des mains humaines venaient d'elle-mêmes les agencer correctement. Elle était hypnotisée par la magie de Rolf, en bonne observatrice occasionnelle des distorsions émises par chaque sorcier. Luna Lovegood, voyante de différence et des infimes nuances, pouvait parfois identifier la provenance réelle des séquences magiques qui se profilait  devant elle. Ou pas. Peut-être était-ce juste parce qu'elle était chez elle, qu'elle savait Daddy absent (ou qu'il ne laisserait jamais vaciller les objets aussi distraitement que ne le faisait Scamander), qu'elle pouvait attester de cette profession de la magie comme étant étrangère.

Les genoux se redressèrent, les bras allèrent entourés ses jambes tandis que, pensivement, son menton se posa dans le creux formé par les deux rotules réunies maladroitement. « Les gens ont peur, Luna. » La blonde ne releva pas la tête ni même le regard. Elle se contentait de regarder résolument droit devant elle, l'air rêveur subtilement remplacé par une expression indéchiffrable. « Au Ministère, ils- Les gens ont peur... J'ai peur. Pas toi? » Ce fut seulement à cet instant qu'elle se focalisa de nouveau sur lui, les deux grands yeux clairs le scrutant comme s'il venait de lui pousser une deuxième tête. Lentement, ses jambes s'affaissèrent pour aller se recroiser en tailleur sur le sol ; les mains posées quelque part derrière elle pour la soutenir tandis qu'elle reculait son port de tête, comme pour avoir une meilleure vue d'ensemble. La peur. Sentiment étrange qu'était la peur. Elle tenta de la déceler parmi les traits de Scamander pendant qu'il observait très attentivement le plafond inachevé. Elle ne réussissait pas à se dépeindre la peur, Luna, ne savait pas réellement ce qu'elle pouvait bien représenter. Peut-être avait-elle ressenti quelques picotements à l'arrière de la nuque quand, en deuxième année, toute une horde de Détraqueurs avait été postée tout autour de l'école. Mais ça s'arrêtait là. Luna Lovegood ne connaissait pas, ne comprenait pas, la peur. « Avoir peur, ce n'est pas une vie, Rolf. Je suis triste d'apprendre que tu ne vis pas ta vie. » Et le regard se perdit à nouveau dans le vide, sourcils froncés, lèvres pincées ; le silence retombant autour d'eux comme pour les laisser digérer ces nouvelles informations.

Elle ne l'entendit pas lorsqu'il prononça à nouveau quelques mots, rien de plus qu'un murmure dans la cacophonie sonore intérieure qui tentait de la distraire de ces sombres pensées. Elle parut étonnée en sentant un poids atterrir, rebondir, sur le tissu tendu de sa robe. Un œil étrange se mit alors à la fixer, intensément. « C'est un œil de Bandimon. Ils le perdent parfois quand ils sont très nerveux. En revanche, ça brûle si tu le touches sans protection et ça peut te faire perdre connaissance et te retirer un souvenir. C'est pour ça qu'ils aiment les maisons. C'est infesté de souvenirs, les maisons. ». Un sourire plein de candeur et d'amusement étira de nouveau ses lèvres, effaçant les dernières traces réfléchies qui avaient alourdie son expression légère. La fiole calée entre l'index et le pouce, Luna porta l'étrangeté au niveau son visage, secouant légèrement le liquide pour vérifier si l’œil s'animait toujours malgré la disparition de son corps. « Il vit vraiment ? », demanda-t-elle en jetant un coup d’œil vif et curieux vers Rolf, la voix de nouveau parée par son timbre éthéré. « Apparemment, ça porte chance de le garder sur soi... Tu peux le garder, si tu veux. On a tous besoin d'un peu de chance de temps à autre. » Nouvel éclair de surprise : Rolf avait une drôle de logique. Selon elle, il avait peur... donc il ne vivait pas. D'eux deux, il était certainement celui qui avait le plus besoin de chance ici. Luna avait ses amis, elle avait l'A.D, elle avait Daddy... et ses croyances, et ses théories, et ses passions, et ses joies, et ses chasses constantes aux Nargles pour la maintenir en vie. Avait-elle réellement besoin de plus de chance que lui ? « Mais Rolf... et toi ? » L’œil vira encore une fois du bleu au jaune et du jaune au bleu, formant à chaque fois une fugace teinte de vert entre deux regards. Relevant encore une fois les yeux de l’œil de Bandimon, elle l'observa se crisper légèrement, s'occuper de nouveau résolument du rangement de la chambre. Une seconde et puis, Luna tira de son col le collier aux perles bleutées qui s'y terrait, surmonté par l'un de ses fameux bouchons de Bierraubeurre. Quelques mèches cendrées s'accrochèrent au montant mais la force de l'habitude aidant, elle eut vite fait de démêler ce casse-tête capillaire pour se relever dans la foulée. Doucement elle s'approcha de Scamander et fourra dans la paume du sorcier son talisman fétiche. « Pour les Nargles. Merci pour le troisième œil. » et tout aussi silencieusement, elle s'éloigna de Scamander pour aller à côté de la petite fenêtre et profiter de la lumière solaire poor mieux observer l'étrangeté, plus obnubilée encore maintenant que le liquide translucide revêtait les couleurs saisonnières. « Comment vont Lolly, Floppy et Mundy ? », et si l'intention aurait pu paraître normale socialement, elle ne percuta pas à un seul moment qu'elle venait tout juste d'écorcher les noms des Fléreurs Scamander.

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