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Le sénateur & sa vestale
Quid est in hominis vita diu
82 BC (671 ab urbe condita) ; ROMA + Quintus était heureux : pas d’école depuis cinq jours déjà ! Le précepteur (un bouffon grec soit disant excellent mathématicien) avait été assassiné il y avait quelques jours. Quintus et Flavius un de ses camarades arrivaient tout juste à la schola lorsqu’ils virent des hommes sortir de la salle dans laquelle ils étudiaient chaque jour de longs textes grecs, se posaient d’existencielles questions sur les triangles rectangles. Et entre les mains de ces hommes, il y avait la tête d’Aster, leur précepteur. Il avait du dire une saloperie contre Sylla. Et en ce moment, dire quelque chose qui aurait pu mécontenter le dictateur, c’était pas une bonne idée. Quintus et Flavius s’étaient planqué — des plébéens poussés par l’adrénaline pouvaient bien égorger quelques gamins imprudents, puis étaient rentrés chez eux. Plus d’école ! Et pour longtemps. En bonus, une bonne histoire à raconter à Cornelia.
Il l’avait un peu édulcoré, l’aventure, la première fois qu’il l’a raconté à sa petite voisine. Il ne lui avait pas décrit les yeux révulsés, les cheveux dégoulinant de sang, le visage terrifiants des agresseurs. Il s’était contenté de lui dire qu’il avait été là, et avait omis la partie où il s’était pissé dessus. Puis le lendemain, il rajouta des détails. Et encore plus de détail. Jusqu’à finir en quasi héros. Cornelia était gentille, Cornelia était jolie mais elle n’était pas particulièrement intelligente : elle gobait tout ce qu’on lui disait. « Et à ce moment j’ai dit au plus grand — il faisait au moins deux mètres ! un géant ! d’aller se faire mettre par un macédonien ! Puis il m’a regardé, mais il a pas osé me toucher. Parce que je lui faisais peur. J’avais mon petit couteau dans la main, tu sais Corneliola je l’aurais tué s’il avait fallu ! » Il aimait bien regarder ses yeux bleus s’agrandirent sous l’effet de la surprise (et, l’espérait-il, de l’admiration) c’est qu’elle avait des yeux magnifiques Cornelia. Et on ne savait pas trop d’où ils venaient, ses iris bleus, bleus comme l’eau. Et pas l’eau du Tibre, qui était aussi vaseuse que la Cloaca Maxima, l’eau de la mer. Quintus avait vu la mer, une fois, à Ostie et il avait pensé immédiatement aux yeux de sa voisine.

Ses yeux bleus et ses longs, longs cheveux blonds. C’était la seule fille blonde qu’il connaissait. Il n’y en avait pas beaucoup, à Rome, des vraies romaines aux cheveux jaunes comme elle. Certaines femmes se teignaient les cheveux, mais c’était dégueulasse, d’autres portaient aussi des perruques. Et les autres qui avaient les cheveux clairs naturellement étaient souvent des esclaves. Pas vraiment des vraies personnes donc. Flavius lui avait dit que c’était les putes qui avaient les cheveux blonds. Et il lui avait retourné une patate si forte qu’il lui avait pété la mâchoire. Bien fait pour ce connard. Il aimait pas qu’on parle mal de Corneliola : y avait que lui qui avait le droit !
Là, c’était encore le matin, il était venu jusque dans l’atrium de sa domus. Elle était assise sur le rebord du bassin, à l’écouter raconter une énième fois son aventure, lui mimait chaque geste et ne ratait pas une occasion de sortir une belle grimace lorsqu’il s’agissait de représenter les assassins de son précepteur. Il se disait qu’il ne devrait peut être pas trop en rajouter : l’oncle et la tante de Cornelia avaient été eux aussi victimes des proscription quelques jours plus tôt. Rien de bien grave, juste eux deux et leur trois enfants. Ils s’étaient fait choper par des partisans de Sylla et avaient été mis en pièce, en plein milieu du forum bouarium. Puis leur tête avaient été exposées sur des piques, plus tard dans la journée. Quintus avait poussé le courage jusqu’à se rapprocher et avec quelques amis avaient lancé des pierres sur les débris humains : le premier qui touchait un œil gagnait ! C’était Clemens qui remporta la victoire. Ce salaud avait beau ne pas être le fils d’un sénateur, il savait quand même viser. Mais Cornelia l’avait peut être mal vécu pour ce qu’il en savait. Ses états d’âme ne durèrent pourtant pas. Après tout, c’était l’époque qui voulait ça, on allait pas pleurer pour chaque personne qui se faisait lyncher dans les rues, sinon on ne s’en sortirait pas !

Finalement il touche à la fin de son histoire et se rapproche d’elle, tout sourire : « Et voilà, incroyable hein ? Je propose qu’on m’appelle Quintus Sergius Audacior, le très audacieux ! Le protégé des dieux ! Comme ton oncle ! » Sylla Felix, le dictateur, était l’oncle de Cornelia et on l’appelait Felix, le veinard, l’aimé des dieux parce qu’il avait réussi l’exploit de ne pas se faire assassiner alors que les trois quarts de la ville devaient souhaiter sa mort. Quintus trouvait ça génial. Il aimait bien s’imaginer lui aussi secondé par les dieux, un peu comme Ulysse dans ce stupide récit qu’il avait du apprendre par cœur pour l’école.
Il s’asseoit à coté de Cornelia, plonge sa main dans l’eau du bassin et cueille une pétale de fleur avant de la poser sur le nez de la gamine. Elle n’avait que deux ans de moins que lui — huit ans, parce que lui était grand, il avait dix ans ! mais elle avait tellement l’air d’une gamine, avec sa peau blanche et ses airs innocents. Et son pétale rose sur le nez. « Haha ! Ça te va bien ça Corneliola, tu devrais y aller comme ça à la cérémonie, je suis sur que le Grand Pontife te trouvera adorable ! » Elle arrivait sans doute bientôt l’heure où les esclaves viendraient la chercher pour la préparer pour la cérémonie. Le moment où un certain nombre de fillettes étaient choisis pour devenir Vestales et servir la déesse du foyer. Évidemment que les parents de Cornelia ont fait inscrire son nom sur les listes, mais elle n’avait aucune chance d’être tirée au sort. C’était toujours sur les autres que ça tombait. De toute manière, Cornelia vestale ? Ça le faisait bien rire Quintus. C’était sa voisine, c’était son amoureuse, elle ne pouvait pas être vestale ! Mais il fallait tout de même se coltiner la cérémonie, et au moins Cornelia serait très bien habillée. Tout en blanc. Une longue tunique qui lui couvriraient les jambes. Et ses longs cheveux blonds nattés. Pour le moment, rien n’allait plus et elle était complètement en vrac. Tunique courte de gamine qui lui couvrait à peine les genoux et les cheveux lâchés, à en donner une crise cardiaque à sa mère.
« Hey, hey, quand tout ça sera fini, ça te dis qu’on aille traîner à Subure ? » Quintus en avait jamais assez de vagabonder, même si les parents l’interdisaient formellement (ils devaient avoir trop peur de retrouver le cadavre de leurs enfants éparpillés au quatre coins de la Ville) et il voulait toujours emmener Cornelia avec lui. Ça lui donnait des airs de héros. « Promis, on passera pas par la via lupa. » La rue des putes, la rue principale de Subure. « Mais juste pour traîner un peu. On étouffe ici ! » Le Palatin était la colline la plus riche de Rome, c’était presque une torture de vivre ici tant c’était calme. Bon une foule de plébéen avaient bien fait brûler la maison des Claudii il y avait trois nuits mais sinon c’était trop calme. « Allez, dis oui, dis oui, dis oui ! » Il se penche vers elle pour lui faire des baisers sur la joue, pour ponctuer ses demandes.
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82 BC • Cérémonie des Vestales
Corneliola & Quintillus
Cornelia n’arrive jamais à comprendre Quintus. La plupart des garçons de son âge sont assez simples. Pas Quintus. Parce que, Quintus, parfois, il était gentil, parfois il était méchant. Parfois il la regardait avec des grands yeux émerveillés à chacun de ses mouvements. Parfois il disait qu’elle avait la grâce d’un éléphant. Parfois il lui racontait toutes ses histoires avec un grand sourire, et il posait un pétale sur son nez, la trouvait adorable et l’invitait dans toutes ses aventures. Parfois il l’oubliait, l’ignorait, trainait avec ses amis et la pointait du doigt. Parfois, il l’appelait Corneliola, sa petite Cornelia. Parfois, il l’appelait Tercia, la troisième, la dernière, la plus jeune de trois sœurs plus jolies et plus intelligentes qu’elle. Alors non, vraiment, Cornelia n’arrive jamais à comprendre Quintus et, comme toujours lorsqu’elle ne comprend pas, elle se contente donc de suivre le flot de ses réactions en espérant à chaque fois qu’il redevienne celui qu’elle appelle affectueusement Quintillus.
« Hey, hey, quand tout ça sera fini, ça te dit qu’on aille traîner à Subure ? » Bien sûr qu’elle en a envie, cela fait des jours qu’elle n’a pas le droit de sortir, elle n’a même pas pu aller voir les têtes de son oncle et sa tante, elle veut juste sortir de là parce que Cornelia Prima et Cornelia Secunda sont mariées, ça y est, et qu’il n’y a plus que ses parents occupés et ses esclaves dans la demeure. Bien sûr ses autres copines ne peuvent pas sortir non plus, et il n’y a bien que Quintus pour pouvoir venir jusqu’à elle pour lui raconter ses belles histoires. « Promis, on passera pas par la via lupa. » Aussitôt le rouge lui monte aux joues, elle se redresse et vérifie que personne n’a entendu ce qu’il a pu dire. Elle murmure : « Quintillus, pas si fort… » Si ses parents savaient qu’elle ne faisait que s’approcher de Subure… « Mais juste pour traîner un peu. On étouffe ici ! » Elle aimerait bien, elle aimerait vraiment, parce que les aventures avec Quintus sont les meilleures et que cela fait si longtemps qu’elle n’a pas du rester à travailler des disciplines qui sonnent comme du grec à ses yeux. « Allez, dis oui, dis oui, dis oui ! » Mais voilà, il la regarde avec des grands yeux implorants, et il s’approche d’elle, et lui fait des bisous, et cela finit de rendre la blondinette toute rose. Elle vérifie, encore, que personne ne les regarde et, à son tour, elle pose un bisou sur le nez de Quintus, là où il a mis le pétale. Elle rit un peu, honteuse, parce que même si c’est son amoureux et qu’elle espère bien que papa et maman vont faire en sorte qu’il l’épouse, ce ne sont pas des choses qui se font. Elle finit par hocher de la tête, discrètement. « Il va falloir faire attention, je n’ai pas le droit de sortir toute seule. Mais Clio fait souvent la sieste quand je m’entraîne à la lyre. » Elle lève les yeux au ciel, affligée de cette esclave qu’elle aime de moins en moins au fur et à mesure des cours qui s’étoffent et qui l’attachent à la maison sans la laisser sauter dans les flaques avec Quintus. Elle commence, de plus en plus, à voir la différence entre eux, et elle n’aime pas ça. Pour se rassurer elle se dit qu’elle, au moins, elle n’ira pas à la guerre. « Mais du coup tu n’as pas eu de problèmes pour arriver jusqu’ici ? »

Et c’est alors qu’elle écoutait avec émerveillement comment Quintus avait bravé tous les obstacles pour aller lui rendre visite que Clio vint la chercher. « Cornelia Tierca, si vous ne commencez pas dès maintenant à vous préparer vous ne serez jamais prête à partir ! » Aussitôt Cornelia est debout, alerte. « Oui, j’arrive, j’arrive ! » Elle serait partie de suite sans Quintus, qu’elle regarde avec des grands yeux bleus : « Tu m’attends et on y va ensemble ? » Elle a envie qu’il la voie avec sa belle robe, et qu’il la regarde, ça lui donnera de la force. « Je ferai vite. » Ce qui est faux, ça lui prendra au moins une heure, sans compter les rallongements et les disputes avec Clio, mais elle a trop peur que si elle ne lui dit pas ça, il ne voudra pas rester. Elle attend sa réponse quand Clio arrive enfin en visuel, exaspérée, matrone aux boucles abondantes, aux sourcils aigus et à la voix sévère : « Mademoiselle, on ne vous attendra pas pour commencer la cérémonie et vous le savez. » Elle lève les yeux au ciel, et imite ses geignements face à Quintus. « Oui, j’arrive ! » Elle fait un coucou de la main à son ami puis s’enfuit dans les profondeurs de la maison.

Et bien sûr, comme prévu, Cornelia pleure sous le peigne, geint sous la brosse du bain, et fronce le nez devant beaucoup des bijoux qu’on lui propose. Elle aime la robe blanche, les fleurs dans ses cheveux et les bijoux simples et colorés qui lui rappellent la nature qu’elle va explorer avec Quintus. Mais elle fait partie de la famille des Cornelius et la cérémonie des Vestales est le moment pour pavaner ses plus jeunes filles. Il faut prouver la richesse familiale, et Clio le sait, et Clio fait des efforts, mais doit faire face aux caprices de Cornelia qui se plaint sans jamais véritablement oser la menacer. Cornelia a parfois du mal à savoir qui sont les esclaves et qui sont les libres, elle oublie, et elle oublie aussi à quel point elle peut être méchante avec eux. C’est surtout que Cornelia n’est pas comme Quintus, elle est gentille avec les animaux, et elle refuse de faire à un esclave ce qu’elle ne veut pas faire à un chien.
« Mademoiselle, vos sandales.Non, je ne veux pas, elles me font mal aux pieds !Et bien vous aurez mal aux pieds, car c’est ce qu’il faut pour être une digne domina. Parce qu’à être une gamine aussi indisciplinée, et sale, et inculte, vous ne serez jamais digne de rien et votre petit Quintus n’épousera jamais une petite imbécile comme vous ! »
S’en est trop pour l’enfant, qui se met à pleurer à grosses larmes et à crier sa peine à coup de « Noooon t’es méchaaaaante c’est paaaaas vraaaaaaaaaaaaaaaai ! » Elle pleure et fait du bruit, ce qui alerte inquiète l’esclave. Elle veut pour la faire taire, mais Cornelia l’évite, et bien sûr elles crient toutes deux en courant à travers la chambre, les pleurs de Cornelia couvrant le ton.


Dernière édition par Coco Ladouceur le Mar 11 Oct 2016 - 17:35, édité 1 fois
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Le sénateur & sa vestale
Quid est in hominis vita diu
82 BC (671 ab urbe condita) ; ROMA + Ses yeux s’éclairent lorsque Corneliola se penche vers lui pour lui déposer un bisou sur le nez. Il secoue la tête, en souriant. Si ses amis avaient été là, il aurait certainement détesté (« Bwaah, tu embrasses les filles ! ») parce que les filles, on trouvait ça dégoûtant et ennuyant. Mais Cornelia, elle était pas comme els autres filles, et ça les copains ils ne pouvaient pas le comprendre. Corneliola elle était jolie, déjà, et elle était marrante aussi. Et pas ennuyante comme les autres filles à vouloir jouer les domina, elle était plus normale. Et c’était une Cornelii, fatalement la nièce du dictateur c’est autre chose que l’arrière petite cousine au troisième degré du consul en exercice de l’an 658 (la voisine de Flavius était l’arrière petite cousine au troisième degré du consul en exercice de l’an 658 et elle était bête et elle était moche) Donc quand y a personne, il aime bien qu’elle l’embrasse. Là y a personne. Il aime bien.

Alors qu’elle lève les yeux au ciel, il roule les siens : imbécile de Clio. Ouais, il la comprenait, lui aussi il avait une pelletée d’esclave incompétents chez lui. Sa mère, elle était trop gentille avec eux. Ils se laissaient tous complètement aller. Une fois un d’en eux lui avait crié dessus, sur lui ! Quintus avait fait tout un cirque pour qu’on le vende au laniste comme gladiateur mais il avait fallu insister. (Il se souvenait du jour où il avait vu l’ancien jardinier se faire égorger par un secutor, bien fait pour lui !) « Moi je m’endormirais pas si je pouvais t’écouter jouer de la lyre. » il fait, avec un petit sourire. Il ne pense pas qu’elle doit très bien en jouer, c’est difficile la lyre. Il y a Tepsia, à la maison, qui est la joueuse de lyre de pater et même si elle est très forte ça lui arrive de faire des fausses notes. Pater déteste les fausses notes, la dernière fois il lui avait fait jouer La couronne de Sapho en boucle pendant des heures jusqu’à ce que ses doigts soient complètement en sang parce qu’elle s’était emmêlée les cordes au début de l’air. Mais même si Cornelia n’est pas une experte, il s’en moque, elle doit tirer à demi la langue, toute concentrée pour pincer la bonne corde et ça doit être adorable. Ou drôle. « Mais du coup tu n’as pas eu trop de problèmes pour arriver jusqu’ici ? » Il trépigne presque je joie à l’idée d’avoir de nouvelles choses à lui raconter, il entreprend de lui conter sa merveilleuse et très aventureuse venue à grand coup de mauvais présages et d’embûches diverses (un corbeau a coassé à sa gauche, plusieurs esclaves ont tenté de lui barrer la route, il avait manqué de trébucher dans un fossé, une sorcière s’était approchée de lui pour lui couper un bras, la moitié de la populace romaine l’avait poursuivi pour le capturer dans l’espoir sans doute de le vendre comme esclave en Grèce…). Quintus habitait la villa d’à coté et s’était contenté de traverser la rue palatine, très calme et sécurisée, mais c’était moins intéressant que ce que son imagination lui dictait. « Cornelia Tertia » qui osait l’interrompre pendant ses exploits homériques ? Il avait à peine eu le temps de raconter comment il avait supposément estropié le second du gang de l’Aventin ! « si vous ne commencez pas dès maintenant à vous préparer vous ne serez jamais prête à partir ! » Clio… évidemment. Cornelia se lève et ça dégoûte Quintus, lui quand un esclave l’appelle il ne répond pas parce que cacat ils ont qu’à le demander avec un peu plus d’humilité, non mais on croirait rêver ! « Oui, j’arrive, j’arrive ! » Il pousse un grognement déçu, il avait encore tant de trucs à dire. Il n’a pas envie de s’éloigner des grands yeux de Cornelia. « Tu m’attends et on y va ensemble ? Je ferai vite. » Il cligne des yeux et hoche la tête : oui il avait bien envie de faire ça. De toute manière il l’aurait accompagné dans tous les cas. Parce qu’elle allait certainement être toute belle, la plus belles de toutes les filles. « Oué oué je viens ! Jt’attends. » il lâche à l’instant même où Clio débarque dans l’atrium, toute débordante d’une simili autorité. Quintus n’aimait pas Clio, elle lui volait trop souvent sa Cornelia. « Mademoiselle, on ne vous attendra pas pour commencer la cérémonie et vous le savez. » Ugh. Il répond au signe de Cornelia alors qu’elle quitte l’atrium avec son Cerbère. Puis il plonge sa main dans le bassin d’eau de pluie.

Jusqu’à la manche de sa tunique, puis il joue avec l’eau, recouvre les pétales jusqu’à les faire couler jusqu’au fond du bassin. Il se couche sur le rebord, porte sa bulla à sa bouche, un geste machinal que sa mère lui a dit d’arrêter un nombre incalculable de fois. Il tire sur la corde de la petite amulette, il casse la corde au moins une fois par an, ça rend sa mère dingue. Il lève les jambes, sa tunique se retrousse complètement sur ses jambes et il commence à faire des petits étirements. Elle a dit qu’elle serait pas longue mais ça commence à faire là… Il trépigne, se roule par terre, avec un bout de bois apporté par le vent dans l’atrium il mimique les gestes du bras de ses gladiateurs favoris. « La foule hurle la sentence et porte leur pouce à leur gorge alors que le grand Menno s’approche du vaincu, son glaive levé. » Il lève son petit bâtonnet et se met à frapper le rebord du bassin avec une dignité hargneuse « Et il l’égorge ! Il est envore vainqueur, quel héros quel homme ! La foule l’acclame ! » Quintus salue une plèbe imaginaire « Je sais je sais, tout le monde m’adore… » « Noooon t’es méchaaaaaante c’est paaaaaaaaas vraaaaaaaaaaaaaai ! » Ah ben voilà autre chose. La voix de Cornelia portait et Quintus se précipite sans trop réfléchir vers la chambre de la petite. Y a bien quelques esclaves qui l’ont dévisagé l’air de dire : il fout quoi là ? mais haha, il n’osaient rien dire. Quintus avait sa petite réputation d’emmerdeur professionnel et on ne voulait pas trop lui donner une bonne raison de s’énerver.

Il débarque dans la chambre comme une petite furie, pour découvrir une scène digne d’un champ de bataille. Cornelia était poursuivie par Clio qui apparemment n’avait qu’un seul désir, choper la gamine pour qu’elle se taise. Parce que Cornelia courrait en hurlant. Quintus tend sa main pour attraper une petite statuette des dieux du foyer qu’il y avait dans le couloir, à l’entrée de la chambre pour la lancer à la figure de Clio. Pardon dieux du foyer. Mais c’est pour la bonne cause. Quintus crache dans sa main pour contrer un éventuel retour de fortune de la part des dieux. Clio s’est prise la statuette taillée dans de la lourde pierre dans la tête et elle s’est à demi laissée tomber sur le lit, la main à sa tempe. Quintus espère qu’elle ne va pas être trop marquée, logiquement il n’avait pas vraiment le droit de frapper une esclave qui n’était pas à lui, ça ne se faisait pas c’était comme casser la statue d’un ami. Pas cool. Mais il y allait au bluff, au culot, c’était presque son cognomen Quintus Sergius Culot. « Vilaine Clio ! Vilaine Clio qui se conduit mal avec Corneliola ! Si t’étais chez moi, on t’aurais vendu à Carrare pour aller crever dans les mines de marbres ! » Bon, prions Mars et Jupiter Capitolin que les parents de Cornelia ne débarquent pas maintenant parce qu’ils risquaient de mal le prendre. Il se rapproche de son amie puis semble remarquer comme elle était apprêtée. Sa colère enfantine retombe comiquement : « Oh mais ! Tu es trop trop jolie ! Pourquoi la méchante Clio te crie dessus ? » C’était surtout elle qui avait hurlé mais bon, passons… « Tu es la plus jolie de toutes les filles de Rome ! » Il constate ses petits pieds nus « Même si tu vas avoir froid dehors comme ça, pas grave je te porterai ! » Il fait mine de la porter en riant à demi.
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82 BC • Cérémonie des Vestales
Corneliola & Quintillus
« Quintillus ! » s'exclame l'enfant à la vue de son héros qui fait irruption dans la pièce. Heureusement, la méchante Clio n'a pas le temps de réaliser ce qu'il se passe qu'une des statuettes des dieux du foyer atterrit sur la tempe de son esclave. Elle a un mélange de cri de joie et d'horreur. Parce que Cornelia serait incapable de frapper un esclave, mais en même elle est bien content que quelqu'un le fasse à sa place. La voix de Quintus lui paraît forte et puissante lorsqu'il lance à son tour : « Vilaine Clio ! Vilaine Clio qui se conduit mal avec Corneliola ! Si t’étais chez moi, on t’aurais vendu à Carrare pour aller crever dans les mines de marbres ! » Elle se sent soudain protégée et importante, et elle se réfugie aussitôt près de lui, comme s'il était une sorte de prince oriental venant l'emmener sur son bel éléphant. Sauf qu'il n'aurait pas de harem, non, il se contenterait de Cornelia, et resterait avec elle pour toujours.
Et puis enfin Quintus tourne les yeux vers elle et son sourire et son regard valent tous les compliments du monde. « Oh mais ! Tu es trop trop jolie ! Pourquoi la méchante Clio te crie dessus ? » Elle rougit, d'abord à cause du compliment, ensuite parce qu'elle ne veut pas trop avouer pourquoi elle a été aussi vexée. Quintus est plus grand, et plus âgé, elle ne veut pas qu'il la prenne pour un bébé. Alors elle murmure juste en papillonnant des yeux : « Merci Quintillus. » Ils se regardent un peu en silence, les deux enfants imbéciles. « Tu es la plus jolie de toutes les filles de Rome ! » Elle rougit d'autant plus, gênée et même modeste de tant d'attention, et préfère lancer un regard circulaire à la pièce, avisant à peine Clio qui s'enfuit de la chambre, l'air à la fois outré et honteuse. Elle n'osera pas se plaindre, mais Cornelia se demande si elle devra le payer plus tard. « Même si tu vas avoir froid dehors comme ça, pas grave je te porterai ! » Hein ? Quoi ? Elle retourne la tête vers Quintus, puis avise de son regard sur ses pieds et a un petit cri : « Oh oui c'est vrai ! » A cet instant même, elle entend son père l'appeler dans l'atrium. « Vite vite mes sandales ! » Et elle qui s'était tant plainte de ne pas vouloir les mettre, elle se précipite vers les chaussures honnies (mais jolies) (et quand Quintus la regarde elle veut juste être la plus jolie), et les enfile en quelques mouvements, manquant de tomber à un moment, avant de vite se réceptionner. Puis elle revient en trottinant vers son ami « Vite Quintillus, il ne faut pas faire attendre Papa ! » Elle est rose de plaisir et de fierté et, en marchant vite (il ne faut pas courir si on veut être une domina elle rejoint le centre de la maison. Elle est accueillie par son père, sa mère, et une de ses deux sœurs. La plus grand les rejoindront avec tout le reste de la famille sur le forum, avant d'aller sur le lieu de la cérémonie.

C'est la première, et sûrement la dernière cérémonie des Vestales de Cornelia. Ses parents lui font des compliments et lui intiment d'être sage, ce qui pour elle veut dire se taire, le plus souvent. Sa sœur lui donne des conseils, parce qu'elle a déjà fait la cérémonie, mais pas Cornelia Prima, ce qu'elles ne manqueront pas de préciser par la suite. Cornelia adore l'attention, elle adore les compliments, et elle se tourne souvent vers Quintus, sur le chemin, pour avoir son opinion sur ceci, et sur cela, et s'il sait qui habite ici, ou là. Il a toujours réponse à tout, Quintus, et il la fait toujours rire.
Mais bientôt le forum est passé, toute la famille est là, et des amies, et même des copains de Quintus. Ils ne sont plus aussi proches l'un de l'autre et elle commence à sentir la nervosité monter. Elle n'est pas vraiment nerveuse de devenir Vestale, elle sait qu'elle ne le sera pas, il y a bien trop de filles plus intelligentes et plus sérieuses qu'elle, et puis elle a des choses à faire après avec Quintus. Non, elle commence à stresser parce que tout le monde va la regarder, et la juger, et qu'elle va voir Scylla et il la fascine autant qu'il l'effraie. Elle espère que la Vestale ne sera pas une de ses voisines, elle ne veut pas voir son visage de trop près, il est très laid. Certes elle l'aime, parce que Cornelia aime tous les membres de sa famille et que ses parents lui rappellent toujours qu'ils sont sous sa protection mais... mais... elle préfèrerait juste qu'il soit moins moche. Elle voudrait que ce soit Quintus qui tienne la cérémonie, ou au moins quelqu'un qu'elle connait.

Ils sont arrivés et l'heure approche, et elle serre d'une main la toge de sa mère et de l'autre l'amulette autour de son cou. Elle prie tous les dieux qu'elle connaisse que tout se passe bien, qu'elle ne tombe pas, qu'elle ne s'endorme pas et qu'aucun oiseau ne fasse caca sur elle. Elle aimerait bien juste rester là, dans les bras de sa mère, mais celle-ci lui fait les gros yeux. Ils disent Ne fais pas l'enfant, et fait honneur à notre famille. Cornelia acquiesce, en silence, et s'avance doucement vers la foule d'autres filles en blanc. Elle se retourne et arrive à croiser le regard de Quintus, il lui fait un grand sourire et elle sent son cœur se gonfler d'espoir. Quintus la regarde, la protège, et il l'attend. Elle lui murmure du bout des lèvres « A toute à l'heure, attends-moi. » et il ne l'a peut-être pas entendue mais il a sûrement deviné au mouvement de ses lèvres.

Finalement, elle est là, dans cette marée d'enfants en blanc, toutes plus riches et jolies les unes que les autres. Cornelia essaye de se tenir droite, mais pas trop, de sourire, mais pas trop, d'avoir les yeux grands ouverts, mais pas trop et de ne pas toucher à son amulette, parce que c'est les enfants qui s'accrochent à leur amulette quand ils ont peur. Et si elle veut un jour épouser Quintus, il faut qu'elle arrête d'être une enfant.
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Le sénateur & sa vestale
Quid est in hominis vita diu
82 BC (671 ab urbe condita) ; ROMA + Ah, il n’aurait pas à la porter alors, elle se précipite pour enfiler de jolies petites sandales. Dans un sens Quintus était soulagé : il avait beau dire il aurait eu sans doute quelques difficultés à traverser Rome avec Cornelia dans ses bras, c’était une assez grande distance qu’il faudrait parcourir et même si son amie n’était pas bien épaisse, elle n’en demeurait pas moins… eh bien une petite romaine de huit ans. Ainsi elle allait donc marcher et il n’aurait pas à perdre la face en s’écroulant par terre à la mi-parcours. « Vite Quintillus, il ne faut pas faire attendre Papa ! » C’était en effet plus prudent : il ne fallait jamais faire attendre le pater. Il avait un ami, qui allait à l’école avec lui avant le regrettable incident qu’était la décapitation de leur professeur, qui avait une fois manqué de respect à son pater et il avait du recopier (pour apprendre la vie) tout un discours d’Hortensius. Puis son père avait brûlé les rouleaux de parchemin sous ses yeux en lui faisant remarquer que la prochaine fois il vendrait son esclave préféré à l’arène. Fallait pas emmerder les paters.
Quintus était pressé d’en être un lui-même. Après avoir fait son service militaire il pourrait se marier. Avec Cornelia évidemment. Et ils auraient des petits romains. Marcus Sergius Celer, Lucius Sergius Celer et peut être des petites romaines. Sergia Major et Sergia Minor. Pas plus… Parce qu’au bout d’un moment, les matrones elles mourraient quand elles donnaient naissance. Son précepteur (celui d’avant, pas celui qui avait été décapité) lui avait expliqué que c’était parce que le ventre était trop déchiré et que tout partait avec le bébé à la fin. Quintus le soupçonnait de ne pas y connaître grand-chose mais bon, c’était vrai qu’au bout d’un moment, les mamans finissaient par mourir. Il en avait vu une, une plébeenne, qui en était à son dixième. Elle était toute maigre et luisante et finalement elle a hurlé et elle a crevé. Au milieu du forum. Et le bébé… Quintus ne sait plus trop qui l’a récupéré. Enfin… Deux garçons et deux filles… Ou trois garçons et une fille (la fille pour faire plaisir à Cornelia, elle serait sans doute contente d’avoir une poupée vivante à coiffer et à habiller.)

Finalement ils quittent la domus et en chemin, il invente tout plein d’histoires pour répondre aux questions de Cornelia. Ils passent à un moment devant la maison de son cousin, Lucius Sergius Catilina, et Quintus se met à partir dans de grandes explications sur ce cousin de dix sept ans son aîné qui s’amusait régulièrement à planter la tête des proscrits sur des piques pour aller réclamer sa récompenser auprès de Sylla. Il l’aimait bien son cousin. Même s’il pouvait faire peur parfois. Finalement ils dépassent le forum et Quintus retrouve des camarades à lui, qui lui font signe de venir mais il leur adresse un geste vulgaire. Il préférait rester avec Cornelia, c’était elle qui allait passer la cérémonie, c’était elle la petite déesse aujourd’hui (pardon les dieux pour ce sacrilère) (quoique…) (c’est pas vraiment un sacrilège hein ?)

Non parce que… franchement, sincèrement, quand on regardait toutes les autres filles là… C’était Cornelia la plus jolie. Déjà elle était blonde et ça lui donnait un air… plus supérieur. Toutes les autres avec leurs lourds cheveux noirs mal peignés là elle faisait pas le poid. Umf… Et puis d’abord elle avait un petit air à Vénus, il trouvait. Des statues de Vénus, y en avait partout à Rome. Mais celle qu’il trouvait la plus jolie de toute, étrangement, c’était celle du temple sur l’Esquilin. La morgue de Rome. Il y avait été une fois, avec des amis, juste pour voir à quoi ça ressemblait un endroit avec plein de cadavres partout. Et il avait vu la statue de la déesse à cette occasion, et elle était drôlement belle. Un peu comme Cornelia. Elle ressemblait à la statue de la morgue voilà.
Quintus, ce dom juan.

Elle est un peu plus en avant, maintenant, avec sa mère. Puis quand elle va pour rejoindre les autres filles à la cérémonie elle se retrourne vers lui et il l’entend son « … attends-moi. » Il cligne des yeux et lui fait un signe de la main : « Va, va, j’t’attends oui ! » Pas comme si ça allait prendre trente ans non plus hein. Hahaha.
Quintus, ce comique.

Il rejoint ses copains. C’est pas ce qu’il y a de plus folichon ce genre de cérémonie, pas assez de sang, mais ça se laissait regarder. Ils devraient exécuter les filles qui n’étaient pas choisies… Mais tu racontes quoi ! Faut pas qu’ils tuent Cornelia bouffon ! Quintus se tape la tête en grimaçant, sa mère lui avait bien dit qu’un jour il se mettrait à souhaiter des choses débiles de ce genre et que les dieux le puniront. Il fait un geste de la main droite pour éloigner la poisse que ce genre de comportement pouvait apporter avant de donner des coups de coudes à ses camarades qui rigolaient sur le dos de Cornelia : « Elle est moins belle que ma cousine. » qu’il dit Mucius, un abruti de crétin d’enculé de sa mère qui ferAIT MIEUX DE SE TAIRE S’IL NE VOULAIT PAS QUE LE NOM DES MEMBRES DE SA FAMILLE SOIT RAJOUTÉ SUR LES LISTES DE PROSCRIPTION PAR JUPITER CAPITOLIN ET MARS VENGEUR BORDEL ! C’est à peut près ce que Quintus sortit, texto, en se jetant sur sa malheureuse victime. Ce furent deux adultes responsables et surtout pas trop peureux qui les séparèrent : « Taisez-vous donc, le dictateur va parler ! » Ah ouais, valait mieux se taire en effet. Quintus crache sur Mucius avant de se tourner pour suivre le reste de la cérémonie.
Sylla, c’était le dictateur, et c’était aussi l’oncle de Cornelia — pour ça que sa famille ne se faisait pas trop de soucis en ces temps troubles : ils étaient plutôt en securité. Quintus lui avait le soutien du cousin Catilina, ce qui n’était pas trop mal non plus. Enfin, Sylla quand il parlait, on se la fermait et on écoutait. « Citoyens… » On écoutait ou on s’endormait, pas de la faute de Quintus si tous les adultes étaient chiants comme des pierres. « blablabla vestales blabla pontife blabla honneur blabla re vestale et re honneur blabla… » C’est qu’il ne s’arrêtait pas.
En fin de compte, peut être que ça prendrait plus de temps de prévu, hahaha.
Puis il commence à tirer au sort. Le principe était simple, la jeune fille appelée s’avançait, Sylla lui prenait les mains (pauvre fille) et ensuite il disait une ou deux paroles endormantes puis… puis on coupait les cheveux de la fille et c’était trop amusant et elle allait les accrocher à un arbre. C’était l’arbre chevelu. Et y avait plein de cheveux de Vestales dessus. Trop beau, trop amusant !
La première à être appelée, c’est Licinia, une parente sans doute de Crassus. Elle est moche et franchement c’est tant mieux pour elle qu’on lui coupe les cheveux parce que ça alourdissait son visage.
La deuxième c’est une Claudia. Boarf.
Et la troisième c’est une Cornelia. Comme… hahaha, ben comme Cornelia.
C’est drôle ce genre de coïncidence. Hahaha.
QU’EST-CE QU’ON SE MARRE !
« Hannnnnnn t’as vuuuuu ? C’est ta voisiiiiiine qui a été choisiiiiiiiiiiiiiiie ! C’est troooo- » Il ne finit pas sa phrase, Quintus lui a déjà enfoncé son poing dans sa tronche. « C’est pas elle ! C’est pas elle ! Tais toi par les Furies tais toi ! C’est pas elle ! » Mais c’est bien Cornelia qui s’avance vers Sylla et Quintus se roule presque par terre d’énervement : « C’est pas popopopossibleeeeeeeeeeeeeeeee !! » Ils coupent les cheveux de Corneliola « Mais naaan, naaan ! NAAAAN ! » « Quintus ! Tu m’as cassé le nez ! » Il le pousse pour le faire tomber par terre, ce con, et lui saute dessus : « C’est ta faute ! C’est ta faute ! Les dieux t’ont entendu ! C’est ta faute ! J’vais t’faire bouffer ta bulla, ta tunique, ton chien, ta mère !! » « Cornelia, blabla… » comme quoi elle est vestale mais… « NAAAAAN ! » On ne l’entendait pas parce que même s’il était fort et un futur imperator et tout, il était encore petit. « CORNELIAAAAAAAAAAAA !!! » Mais mais mais ses cheveux ? Ses beaux ? cheveux ? blonds ?? Pourquoi ???

Mais alors ?
Elle allait pas venir avec lui à Subure ?
Ni aujourd’hui ? Ni demain ? Et… elle allait aller dans ce temple ? Avec Sylla ? Mais non ! Il pourrait plus la toucher ? Plus lui faire des bisous ? Ils avaient quoi ceux qui faisaient des bisous à une vestale ?
Il blanchit.
« NOOOOOON CORNELIAAAA ! »
Ne me reliqueris, bordel ! J’t’avais dit que j’attendrais. Pourquoi tu vas pas revenir ?
Ne me reliqueris quoi !
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Lettres de Cornelia Tierca
Corneliola & Quintillus
Vingt-neuf ans, onze mois et vingt-et-un jours à attendre.

Mon Quintillus,

J'espère que tu vas bien. J'espère que ta famille va bien. J'espère que tu penses à moi. Je pense à toi, souvent, et à la maison, aussi, à ma famille et vous me manquez tous énormément. Même Clio. Comme quoi !
Ici tout se passe bien... Je pense. Je suis Vestale... Enfin je suis une future vestale, une vestale en formation, mais je n'arrive pas à y croire. Je repense à nos projets, à nos désirs de balade, à tout ce que je pensais faire ces prochains jours... Je n'avais jamais imaginé que ça m’arriverait vraiment. J'alterne entre la joie et la peine chaque jour mais, globalement, je suis bien trop occupée pour vraiment y réfléchir. Je suis d'ailleurs désolée de ne t'avoir contacté que maintenant, j'ai tendance à m'endormir directement en rentrant de ma journée d'apprentissage.

Je me suis renseignée, et j'ai encore dix ans à apprendre le métier avant de pouvoir véritablement être autonome. Je pourrais peut-être te voir lors d'un jour néfaste ? Il y a toujours beaucoup à faire mais toujours moins lorsqu'il n'y a pas de cérémonie à l'approche.
Dix ans, c'est beaucoup quand même. Et après vingt ans à travailler. Je ne sais pas si je veux être ici pendant trente ans. Je ne sais pas si je veux être loin de pater, mama, mes sœurs et puis toi. On me dit de vous oublier, de me considérer dédiée aux dieux mais moi... mais moi...

Tu ne m'oublies pas hein ? Tu penses à moi hein ? Tu m'attends toujours ? Je veux pas être toute seule, je veux pas vivre toute seule, je veux avoir une famille comme Prima et je ne ne veux pas toutes ses responsabilités.

J'ai peur.

Ta Corneliola.

Vingt-neuf ans et dix mois à attendre.

Quintillus,

Comment vas-tu ? Comment se porte ta famille ? J'espère que tout se déroule bien pour vous.

Je suis navrée de t'avoir inquiété avec mes précédentes lettres. Je vais bien mieux et j'ai appris à pleinement profiter de ma vie de Vestale. Je me rends compte, avec le temps, qu'elle correspond parfaitement à ce que j'attendais de ma vie. Je suis en paix, j'ai du travail, je suis en communion avec les dieux et j'apprends à faire attention à tout ce qui constitue la vie religieuse de Rome. Je comprends de plus en plus que j'ai vécu une vie bien innocente et que beaucoup de choses m'attendent.

Je suis cependant avide des nouvelles de l'extérieur ? Comment les choses se passent-elles ? Je ne sors qu'assez peu, et tes histoires me manquent parfois, lorsque je me demande ce qui se déroule dans les rues de Rome. Envoie-moi des lettres, je t'en prie, ton silence m'effraie...

Tendrement.

Corneliola.

Vingt-neuf ans et quatre mois à attendre.

Quintus,

Tu ne m'aimes plus ? Tu me détestes ? C'est parce que je suis Vestale, c'est parce que je ne peux plus t'épouser ? Tu ne veux plus de moi ? Tu ne veux plus me parler ? Je vais bien Quintus, je vais vraiment bien, mais tu me manques. Je peux faire tout ce qu'il faut faire Quintus, je peux être une bonne Vestale, je le sais, et j'en ai de plus en plus envie.

Mais dois-je, pour cela, me priver de ton amitié ? Dois-je supporter tes silences, tes ignorances ? Je veux comprendre Quintus, laisse-moi comprendre ce qu'il se passe dans ta vie, dans ta vie, laisse-moi savoir pourquoi tu m'ignores. N'étais-je donc bonne qu'à cela ?

Je t'en supplie, réponds-moi, dis-moi quelque chose, essaye de comprendre ce que je vis au quotidien, à attendre des réponses qui ne viennent pas, à me gonfler d'espoir dès qu'on appelle mon nom, dès que l'on me tend une lettre, mais ce sont toujours mes parents, mes sœurs, mes AUTRES amis.

Tous les autres veulent me parler, veulent savoir comment je vais, ce que je vis. Cela en devient presque sale, la façon dont je deviens tout à coup si importante pour eux, juste parce que je vais être vestale. Mais toi tu m'ignores ? Je ne comprends pas. Tu n'es pas fier de moi ? Tu es déçu de moi ? Tu voulais que je fasse quoi ? Que je REFUSE ? Que je dise NON à la chance de ma vie ? J'aurais été heureuse avec toi Quintus, mais être vestale est un HONNEUR que je ne peux pas regretter.

Je regrette cependant ton amitié, tes histoires, ton audace, ton courage.

J'attendrai ta réponse.

Cornelia.

Vingt-huit ans à attendre.

Quintus,

Tu n'as visiblement pas pris la peine de répondre à ma lettre. Je peux comprendre, et je suis navrée de t'avoir embarrassée avec de telles questions et accusations. Tu n'as visiblement pas l'intention d'avoir des contacts avec moi, tu as sûrement du oublier mon existence. Je n'étais qu'une voisine parmi d'autres. Cela fait deux ans que nous ne sommes pas vus et je ne comprends même pas pourquoi je prends la peine de communiquer avec quelqu'un qui est visiblement passé à autre chose.

Ignore mes lettres, ignore tout cela, sache que mon apprentissage se passe extrêmement bien. J'espère que les choses se passent tout aussi bien de ton côté, et que tu as trouvé une nouvelle noble à qui faire miroiter une amitié qui, visiblement, n'avait aucune importance à tes yeux.

De mon côté, je tacherai d'oublier cette amitié gâchée et me concentrerai sur la vie qui se dessine pour moi et me dédierai aux personnes qui n'ont pas décidé de me rayer de leur existence.

Bonne continuation,

Cornelia Tercia.

Vingt-trois ans à attendre.

Quintus,

J'ai bien reçu ta lettre. Merci de me signaler le commencement de ton service militaire. Je suis fière qu'une telle opportunité s'ouvre pour toi. Je suis sûre que tu feras honneur à ta famille et à la République.

Bonne continuation.
Fais attention à toi.
Préviens-moi quand tu seras de retour.
Ne m'oublie pas.

Je prierai pour toi.

Cornelia.
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Le sénateur & sa vestale
Quid est in hominis vita diu
76 BC (677 ab urbe condita) ; ROME + « Quintus, à Cornelia,
Salut à toi,
Je t’écris cette lettre en toute hâte, demain je rejoins les légions de Cneus Pompée afin de l’aider à écraser les derniers partisans de Marius qui se sont terrés en Hispanie. Mater aurait préféré que je fasse mon service dans une région moins dangeureuse — au pire, que je ne fasse qu’un bref entraînement militaire, mais pater ne l’a évidemment pas écouté.
On dit que ce Sertorius contre qui nous allons nous battre est un vrai monstre, et peut être que je mourrais, mais je mourrais pour défendre la République. Et je tuerai beaucoup de traîtres.
J’espère que ta formation continue de bien se dérouler.
Je te souhaite une vie heureuse et prospère au service des dieux.
Que Mars te protège.




74 BC (677 ab urbe condita) ; HISPANIE + « Par cette petite pute de Jupiter, je jure que si je dois encore bouffer cette merde une semaine de plus : je me fais juif ! » Quintus éclate de rire et donne un coup de coude à son camarade. Ils sont quatre, autour d’un feu de camp, en train d’avaler leur vulgus, au milieu de la cambrousse hispanique. Deux jours d’avance sur les légions proprement dite, quelques kilomètres sur le coté il y a un autre détachements d’éclaireurs qui doivent être eux aussi en train de dîner et de se réchauffer les pattes. Les chevaux avaient la bride attachée à un arbre et les tours de garde avaient été désignés. Maintenant il ne restait plus qu’à se détendre un peu. « Mais quel abruti ! » fait Quintus tout en continuant de rire aux paroles de son ami, comme quoi il lui en fallait peu « Tu dis ça et quand Jupiter va t’enculer profond, tu vas le sentir passer. » « Jupiter préfère pas les petites nymphettes ? selon ces putes de grecs ?  » « Bien pour ça qu’t’as du souci à te faire, Sextus, avec ta gueule de comédienne enfarinée. » Le Sextus prend un air offensé et fait mine de frapper Quintus qui pare le coup de ses avant bras tandis que les deux autres se marrent. « Non mais… vraiment vous devriez pas rire autant des dieux. » « Oh, chut, tout le monde se tait, le Grand Pontife Manlius a quelque chose à nous dire. » « Vous vous moquez de Jupiter mais… » « Je me moque pas des dieux, comme j’l’ai dit à Sextus, quand ils t’enculent tu le sens et pour longtemps. » Comme blasé par tant de vulgarité Manlius lève les yeux au ciel et rapproche ses mains du feu. Mais ça intéresse Sextus et le dernier compère, Lucius : « Haha, un sale coup de fortune Quintus ? » « Le pire. » Quintus est presque ravi d’avoir un auditoire prêt à écouter cette histoire qu’il resservait dans chaque campement qu’il traversait. Il lève les yeux vers le ciel, comme s’il était fatigué de tant de misère : « Le pire de tous… » « Si avec ça tu nous révèle pas que t’as baisé ta mère, je serais déçu ! » Quintus hoche la tête avant de répondre : « Dans ma jeunesse… » le murmure des trois compagnons l’empêcha de continuer « Oh les gars, je vous raconte ma tragique histoire ! » « T’es obligé de la faire remonter à ta naissance ? » « Si je veux ! » « T’es con ! » « C’est toi qu’es con ! » « Bon ? Ce revers de fortune ? Tu étais jeune et… » Quintus passe sa main dans ses cheveux avant de continuer, en fusillant les autres du regard : « J’étais jeune et j’avais une petite voisine, très belle. Très gentille. Je pensais que j’allais me marier avec elle… » « Et tu as découvert que tu préférais les hommes. » « Je ne… préfère pas les hommes ! » « Hum hum hum… » « J’aime les deux pareillement ! » « Pas ce que t’as dit en sortant du bordel la dernière fois. » « Vous m’aviez laissé la plus laide du lot ! Evidemment que j’étais pas ravi ! Elle ressemblait à la mère de Sylla par les dieux ! Je préfère me taper Manlius dans ces cas là. » « Trop aimable. » « Enfin… je continue. Elle était très jolie. Elle était blonde. Mais pas teinte. C’était naturel. » « Mazette ! Et il lui est arrivé quoi ? Tuée dans les proscriptions ? » « C’était la nièce de Sylla. » « Ah ouais… » « Pire que tuée. » « Vendue ? » « Pire. » C’est Manlius qui trouve en premier : « Elle est Vestale c’est ça ? » Quintus hoche la tête. « Une putain de Vestale. La plus belle femme de Rome, la femme de ma vie : une vestale. Voilà comment les dieux vous crachent à la gueule. » « Ils font une vestale de la femme de ta vie. » « Pour toi c’est ta mère en fait ? Elle peut pas être Vestale elle a été sauté par tout l’Esquilin. » « Mais… » « Par les Furies, vous pourriez compatir un minimum non ? » Lucius hausse les épaules « Quand tu rentreras, tu la baiseras. » Manlius en hurle presque : « On parle d’une vestale ! Une vestale ! UNE VESTALE ! » « Arrête de hurler comme une chienne en chaleur tu vas attirer tous les loups bordel ! » « Le mot baiser… et vestale dans la même phrase… » « BAISER UNE VESTALE BAISER UNE VESTALE BAISER UNE VESTALE BAISER UNE VESTALE ! » « Arrête, il va nous crever entre les pattes ! » « Votre compassion me fait chaud au cœur les mecs. » « T’as qu’à attendre qu’elle ait fini son sacerdoce ? et après tu te l’enfiles. Et tu l’épouses. » « En attendant… tu te tapes Manlius et les filles moches des bordel. » « En l’attendant ouais… C’est bien ce que je compte faire. Ça fait déjà huit ans que j’attends. »




73 BC (678 ab urbe condita) ; GAULE TRANSALPINE + Quintus, à Cornelia,

Salut à toi,
Je reviens d’Hispanie. Avec Pompée nous allons marcher sur l’Italie et aider les légions de Crassus à mater Spartacus et ses esclaves. Il parait que Rome tremble : ne craignez plus rien nous arrivons.
Nous avons défait les rebelles. J’ai été plusieurs fois blessé et j’ai même cru mourir. Pendant une bataille j’ai été enseveli sous les cadavres et ce n’est que grâce à la bonne fortune que je m’en suis tiré.
Pompée est un grand général. Je suis fier d’avoir combattu à ses cotés. J’espère que le Sénat reconnaitra sa valeur et la notre lorsque nous arriverons et que nous vous aurons libéré de la peur causée par Spartacus.
Rassure tes sœurs Vestales, nous arrivons.

À très bientôt, si je ne péris pas en protégeant la patrie.
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72 BC • Banquet pour Pompée
Le soldat et sa vestale

Vingt ans à attendre. • Cornelia regrette parfois d'avoir brûlé la lette de Quintus. Elle se souvient de ces quelques lignes lui annonçant un retour proche. Elle se souvient des larmes et des rires qu'elle n'a pas pu retenir, elle se souvient de son cœur battant, qu'elle a voulu éventrer. Il avait si peu changé, en dix ans, toujours le même héro étrange aux caprices chevaleresques, aux rêves aussi haut que les colonnades des temples les plus somptueux. Elle a plusieurs fois relu cette lettre, tremblant de le savoir blessé, craignant qu'il meure maintenant, riant de ses imbécilités. Mais surtout, elle s'est détestée de ces réactions bien trop exagérées pour un homme qu'elle s'était résolue à haïr. Quintus, son amour d'enfance, n'est plus censé avoir de l'importance pour elle. A dire la vérité, elle est parfaitement heureuse lorsqu'il ne lui revient pas en mémoire. Et son bonheur s'était agrandi au fur et à mesure de la profondeur de son silence.
Depuis cette lettre, elle espère. Elle espère quoi, le revoir ? Puis quoi, trahir son vœu ? Non, jamais. Cornelia est une Vestale à présent, elle a fini sa formation, finalement, et elle peut se déplacer avec dignité et voir presque toute la population de Rome lui laisser le passage avec respect. Elle est la voix de Vesta, elle est la gardienne du feu sacré, elle est la femme qui, par sa vertu, permet la stabilité romaine. Avec la défaite de Spartacus, elles seront une énième fois saluées comme l'une des clefs de la gloire de la République. Elle ne se permettra jamais de risquer une telle chose pour les beaux yeux de... d'un... Non. Quintus peut continuer de briller dans ses souvenirs comme l'ultime regret de sa vocation, mais jamais plus.

Pourtant, elle se demande encore souvent pourquoi elle a brûlé sa dernière lettre. Elle en a oublié certains passages, aujourd'hui, et doute parfois de certains détails concernant ce qu'il fait, avec qui, et surtout, du jour de son retour. Elle sait, cependant, pourquoi elle l'a brûlée. Elle se souvient parfaitement de son état en la découvrant, l'année dernière. La Vestale Fabia, une femme imposante de charme et de puissante,  la belle-soeur de Cicero (!), venait de se faire attraper avec Catilina, le cousin préféré de Quintus (toujours, toujours, toujours lui). Elle se souvient encore de la honte terrible en apprenant dans quelle dépravation Fabia s'était laissée entraînée. Elle se souvient de sa colère, terrible, contre le terrible Catilina qui avait osé souiller les dieux. Elle se souvient des larmes qu'elle avait réprimé au cours du jugement et des divers discours. Elle s'était imaginée à la place de Fabia, souillée, honteuse, accusée des pires dépravations, et elle s'était sentie terriblement coupable. Les dieux, une nouvelle fois, lui avaient parlé et elle avait pu connaître l'état de tous ceux avec et avant elle, en cet endroit. Elle avait été connectée à la honte générale et ancestrale et, à ce moment, le souvenir de sa tendresse survivante pour Quintus lui avait brûlé l'âme. Elle s'était insultée, méprisée, de se laisser aller à des affections autres que celles dignes d'une Vestale. Elle n'était pas digne, ne serait jamais digne de ce rôle, tant qu'elle conserverait quelque part en son cœur le moindre sentiment pour celui qui l'avait abandonnée.
Fabia et Catilina avaient été acquittés, mais même les discours de Cicero n'avaient pas pu sauver Cornelia. Rentrée chez elle, autant effrayée d'elle-même que d'une possible fouille de sa chambre, elle avait brûlé tout ce qui pouvait lui rappeler ce garçon qu'elle n'osait imaginer adulte. La lettre, arrivée peu après, avait été lue et relue une dizaine de fois dans une nuit sans sommeil avant de, finalement, rejoindre les autres dans le jeu.
Elle ne regrette pas, elle ne peut pas regretter son geste. Elle voudrait juste, parfois...

Pourquoi penser à cela maintenant ? Parce qu'elle se dirige, actuellement, vers le banquet de la victoire de Pompée. On lui a demandé, avec deux autres Vestales, de participer aux festivités afin d'honorer les hauts gradés de cette guerre qui avait sauvé Rome de la ruine. Jeune Vestale, ce banquet est l'une de ses premières apparitions officielles. Pourquoi ce banquet-là, pourquoi elle ? Elle ne pourra que penser à lui, espérer le voir, ridicule, ridicule Cornelia. Elle chasse ces pensées en ajustant sa tenue, faisant sûrement attendre Decimus, son liteur, mais il s'y est habitué. Elle tremble un peu en ajustant ses cheveux, mais se reprend dès qu'elle passe la porte de sa chambre. « Salutations Decimus, vous ais-je fait attendre ? » Le licteur, protecteur attitré de la jeune Vestale depuis quelques mois maintenant, sursaute à sa brusque apparition. « Nullement, Vestale Cornelia, vous êtes parfaitement à l'heure, comme toujours. » Cornelia laisse échapper un rire cristallin, toujours amusée de la façon qu'avait le licteur de lui reprendre de façon si cérémonieuse et si malicieuse à la fois. « Je suppose que mes sœurs sont déjà parties ? » Il ne peut empêcher un petit sourire en lui répondant : « Depuis un quart d'heure, ma dame, mais vous savez bien que le banquet n'aura d'intérêt avant votre arrivée. » Elle rit encore, parfaitement consciente que Decimus ne cherche aucunement à la charmer. Le licteur, particulièrement sérieux et religieux, a mis très longtemps à se laisser amadouer à la jeune femme, continuellement suspicieux, et elle a d'abord cru qu'il se pensait plus son surveillant que son protecteur. Finalement, il av enfin cru à ses défenses outrées à toute insinuation, et ils pouvaient ainsi travailler ensemble en toute amabilité. De plus, elle es quasiment persuadée qu'il ne s'intéressait aucunement aux charmes féminins. (Cela ne l'empêchait cependant pas d'être un grand homme musclé particulièrement virile, elle suppose qu'il doit jouer l'homme dans ce genre de rapports.) (Pas qu'elle sache exactement comment toute cette histoire fonctionne, bien entendu.)
Ils finissent cependant à se mettre en route, et heureusement le temple n'est pas si loin de la demeure du Pontife (un certain... un certain... non, véritablement, elle ne se souvient plus de son nom, elle lui sourira et lui promettra une prière ou demandera à Decimus avant d'arriver sur place). Elle portait des sandales des plus inconfortables, comme l'étaient toujours les chausses les plus belles et elle n'avait rien ménagé ce soir pour ravir tous les regards. Juste au cas où Q... où il... Juste parce qu'une Vestale doit faire honneur à sa déesse lorsqu'il s'agit de la représenter en public.

« Nous sommes arrivés domina, je vous souhaite une excellente soirée. » Quoi ? Déjà ? « Decimus ! Attends ! » Il s'immobilise, regard attentif et tendre posé sur elle. Il a du sentir sa nervosité, il sent toujours tout malgré son air distrait. Elle bafouille un instant, comme une enfant, puis fini par se reprendre (Je suis une Vestale, je suis une Vestale!) avant de rajouter : « Non rien, Decimus, tu peux partir. Attends-moi. » Il la regarde un moment avec surprise, puis obtempère sagement, sans relever que bien sûr, il l'attendrait, il est son lecteur après tout. C'est son métier. Pas comme d'autres... Elle inspire, profondément, et pénètre enfin finalement dans le cœur de la fête.
Elle ne fait pas trois pas qu'elle sent déjà l'eau parfumée du bassin de sa maison d'enfance envahir ses narines. Elle sait ce que cela signifie, et cela entache un instant son sourire : Quintus est ici.
Elle va revoir Quintus. Elle va même devoir le saluer, s'il s'est illustré à un moment de la bataille.
Et elle sait déjà qu'il l'a fait, son âme d'enfant lui hurle qu'il l'a fait, et elle se déteste pour cela.

Le début du banquet passe comme un songe, elle observe les magistrats la saluer, tout le monde lui sourire, et elle les salue en retour, essayant de retenir le plus de noms possibles, sachant d'avance que ce serait peine perdue. Elle n'aime pas véritablement ce genre de festivité, trop vulgaires à son goût. Elle se sent sale, à devoir saluer autant d'hommes l'admirant aussi ouvertement, et elle veut toujours revenir à sa studieuse vie de prêtresse, fuyant l’opulence et les hypocrisies sociales. On lui disait souvent d'être moins sévère avec les hommes, d'oublier un peu son devoir, mais les fastes romains la gênaient toujours terriblement. Ils appartenaient à son ancienne vie, à ses anciens rêves, ceux où elle aurait rayonné au bras de...
Quintus.
Elle a fini par trouver un oncle Cornelius, homme affable qu'elle apprécie pour sa tendre modestie, et elle se sent bien trop secouée pour se risquer à des rencontres nouvelles. Elle n'a cependant pas pris en compte le fait que son oncle, comme toute sa famille, connait Quintus. Et qu'il s'est donc, naturellement, dirigé vers lui dès qu'il l'avait croisé. Et alors que Cornelia voulait juste fuir à l'autre bout de la pièce, elle se retrouva entraînée vers lui sans pouvoir résister.

Il n'a pas tant changé que cela. C'est étrange comme elle le reconnaît, aussi facilement. Plus de boucles, certes. Il est plus grand, plus musclé, mais il est certainement moins beau que dans ses souvenirs. Il n'a pas cet étrange halo héroïque et même divin qu'elle lui a si souvent prêté dans ses rêves. Et pourtant, lorsqu'elle croise son regard, elle repense aux lettres qu'elle a brûlé, et elle se répète que c'était la bonne décision.
« Cornelia, tu te souviens sûrement de ton jeune voisin Quintus ? Il nous revient de son service militaire, et je n'ai entendu que des louanges à son propos. » Je le savais hurle la voix enfantine de Corneliola. « Il a tenu, héroïque, face à un nombre imposant d'esclave tout en protégeant le corps de son frère d'armes, tombé à terre. » Elle sent son cœur battre de cette énième aventure de Quintus, mais garde son sourire distrait et pourtant ravi de Vestale confirmée. « Et Quintus... Tu te souviens de Cornelia Tercia je pense ? N'est-elle pas devenue une charmante Vestale ? » Il a enfin fini de parler, et elle a largement eu le temps de retrouver son calme intérieur. Elle le regarde avec curiosité, visiblement hésitante, puis avec un signe de tête de reconnaissance, elle lui sourit. « Oui, bien entendu, Quintus, suis-je bête de ne pas t'avoir reconnu ! » Elle a un rire rapide, déterminée à dissimulée son émoi, et lui tend une main délicate et blanche, prête à être baisée. Elle ne se sent pas prête à s'approcher d'avantage de lui actuellement. « C'est un plaisir de revoir dans de telles circonstances un ami d'enfance. Cela fait si longtemps ! J'espère que ton retour à Rome se déroule bien ? » Continue ainsi, Cornelia, continue ainsi toute la soirée, et tu auras peut-être enfin réussi à te tromper toi-même.
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72 BC • Banquet pour Pompée
Le soldat et sa vestale

72 BC (681 ab urbe condita) ; VIA APPIA + Il est vautré par terre, dans le fossé qui borde la Via Appia, entre Lucius et Sextus. Manlius, lui, est sur la route, en train de s’occuper du dernier esclave encore debout. « Vous pourriez m’aider quand même ! » il se plaint alors qu’il fait se coucher l’esclave sur la croix. « Pousse pas, on a monté toutes les croix. On a bien le droit de se reposer un peu. » « Je déteste faire ça. » « Fais pas ta vestale effarouchée Manlius, cloue le qu’on puisse se barrer. On va rattraper le reste de la légion et on arrivera aux portes de Rome avant la nuit. » L’esclave révolté hurle lorsque le rivet lui transperce le poignet pour le clouer au bois. Puis le deuxième poignet. Faute de clous, Manlius lui attache les pieds avec de la corde. « Encore heureux qu’on arrive à la fin, on risquait vraiment d’être en manque de bois. » « T’inquiète pas que Crassus aurait fini par trouver de quoi faire. C’est qu’il y tenait, à tous les crucifier ces sales chiens. » En effet, après avoir maté définitivement la rebellion de Spartacus, avec l’aide de Pompée, Crassus décida de crucifier tous les esclaves tout le long de la grande Via Appia. Des kilomètres et des kilomètres de croix dressées et de gémissements. Quintus avait les bras en compote. C’était crevant, à la longue de soulever ce genre de connerie pour les enfoncer dans le sol. « On va ptet pas le laisser la soulever seul non ? » propose Lucius, grand prince. « J’vais l’aider. » Quintus se lève et avec des cordes ils lèvent la croix. Quintus se frotte les mains pour en retirer la poussière. « Ce soir… nous arrivons aux portes de Rome. » « On dépose nos armes et nos vêtements de soldats. » « On rentre dans la ville. » « Et on baise enfin de vraies romaines ! Marre de toutes ces femmes étrangères. » « Charmant Sextus. Toujours le mot délicat. » « J’ai appris auprès des meilleurs. »




ROME + La Ville était telle qu’il l’avait laissée : bruyante et sale. Bondée. Irrespirable. Mais c’était vraiment la seule ville où vivre valait la peine. Il en avait vu des cités, en Hispanie et en Gaule (Massilia, c’était pas si mal, à Massilia les gens avaient un peu un esprit romain) mais aucune qui ne se hisse à la cheville de Rome. Traverser le forum de nouveau… lui procure des frissons de plaisir. Il avait dix sept ans lorsqu’il avait quitté l’Urbs et même si cela ne faisait que trois… ou peut être quatre ans ? il avait l’impression qu’une décennie s’était passée. Il avait grandi, mûri. Ne s’était certainement pas assagi, selon Manlius en tout cas. Même s’il fallait admettre que frôler la mort quelques petites dizaines de fois avait le chic pour vous remettre les idées en place. S’il restait une parfaite petite tête de con, il était au moins une parfaite petite tête de con musclée, sûre d’elle et consciente que la vie était trop courte pour qu’on la gâche.
Eh bien Quintus ? Où te guident tes pas ? Est-ce que tu vas chez toi ? Retrouver ta mère (tu as prié les dieux qu’elle soit toujours en vie), retrouver ton père (tu as prié les dieux pour qu’il soit toujours aussi riche), retrouver ta maison (tu as prié les dieux pour qu’ils n’aient pas vendu ou tué Stella, la joueuse de harpe qui était drôlement mignonne). C’est vers tous ces souvenirs que tu te diriges ? Vers toute cette enfance que tu es prête à venir contempler ?
Il sort de ses pensées alors que son pied bute sur la première marche de la demeure du grand pontife. Et ses yeux glissent sur le bâtiment d’à coté. Il était reconnaissable entre mille. Rond, à colonnades : c’était le temple de Vesta, la maison des Vestales.
Il n’était jamais entré à l’intérieur, bien que ça ne soit aucunement défendu. Il n’avait juste jamais voulu se rapprocher de l’endroit qui avait emprisonné Corneliola, l’endroit qui apparemment la rendait si heureuse si on en croyait son blabla. Parce que ses lettres, il les avait lu. Et n’y avait jamais répondu. Dans sa rage de petit garçon, il aurait préféré oublier la petite blonde avec qui il jouait dans l’atrium. Et même s’il grimaçait lorsqu’il avait pu lire ses accusations selon lesquelles il se moquait certainement de cette amitié partagée, il n’avait jamais pris la peine de la démentir.
Il allait partir à l’armée, il allait combattre. Quintus était une parfaite tête de con, pas très doué dans les mathématiques mais il ne fallait pas être particulièrement savant pour savoir qu’il avait de grandes chances de finir en charpie sur les champs de bataille en Hispanie. Pourquoi s’attacher à une fille qu’il ne pourrait plus approcher ? Pourquoi la laisser s’accrocher ?

Mais maintenant ? N’était-il pas de retour ?
Et plus d’armée pour lui. Maintenant il allait très certainement entreprendre une carrière d’homme politique, même si ça l’intéressait autant que de vendre du jambon au forum au moins il ne risquait pas de finir embroché au bout du javelot d’un barbare. Il allait rester à Rome. Il ne risquait plus rien. Maintenant que l’armée était passé… maintenant que le moment critique était passé, il était à présent persuadé de vivre jusqu’à sa soixantaine. Sauf guerre civile, maladie, meurtre etc. les petits tracas habituels. Mais maintenant… voilà il pouvait l’attendre.
De nouveau.
Il était un homme. Un citoyen romain. Responsable de lui-même et de son avenir. Plus de général, quelque grand et respectable soit-il, pour lui demander d’aller se faire tuer en première ligne. Plus rien pour l’empêcher de vivre.
Ah Corneliola… Je te l’avais promis.
Maintenant je suis de retour. En vie.
Maintenant je peux t’attendre.




BANQUET EN L’HONNEUR DES VAINQUEURS + Pompée lui donne une claque dans le dos : « Et alors là je vois le jeune Quintus se précipiter en avant. Vraiment, il s’en est remis à Fortuna. Et… le coup de Vénus ! Les deux adversaires, il n’en a fait qu’une bouchée. » Quintus rayonne alors que le général fait ses louanges devant quelques magistrats. Et son regard se détachait du visage imposant de Pompée pour aller scruter la silhouette de Cornelia.
« Oh, merde, les gars : elle est bonne ! » « De qui tu parles Sextus ? » « De la créature divine qui vient d’arriver, tu crois quoi ? » « C’est une Vestale, sale impie ! » crache Manlius. Quintus se redresse immédiatemment en lissant les plis de sa toge : « C’est ma Vestale ! » C’était Cornelia. Combien de chance y avait-il qu’elle soit là ? Qu’ils se retrouvent là, tous les deux ?
Il voit Cornelius, un des oncles de sa voisine s’approcher de lui, entraînant sa nièce dans son sillage. Il affiche un sourire assuré alors qu’elle se rapproche. Et il peut la voir maintenant.
Il l’avait souvent imaginé, s’était souvent remémoré son visage. Tout ce qu’il avait pu garder correctement était ses longs cheveux blonds. Ils n’avaient pas changé. Pour le reste… elle avait grandi, et s’était embellie. Un visage de déesse. Et Vénus était bien en deça d’elle. Telle Hélène, la plus belle femme du monde. Dix ans de guerre, selon Homère, pour une seule femme. Il ne comprenait pas Quintus, surtout lorsqu’il était perdu avec de la boue jusqu’aux hanches, le glaive glacé dans sa main, pourquoi dix ans de galère pour une femme ? Baises-en une autre et c’est réglé.
Là… Cornelia le regardait avec ses yeux clairs, comme la grande mer. Il aurait bien fait dix ans de guerre, pour être certain de l’avoir pour lui. Et aurait bien tué tous ceux qui l’auraient touché. Même si en l’occurrence, il n’avait pas trop de soucis à se faire.
Quoique… de ce qu’il avait appris en revenant en Ville, son charmant cousin Catilina avait apparemment un faible pour les vestales. Ce parfait imbécile. Il avait manqué à Quintus lui, c’était certain.
La voix de Cornelius lui venait comme affaiblie à ses oreilles : « Et Quintus… tu te souviens de Cornelia Tertia je pense ? » Et comment donc ? Il sourit en baissant doucement la tête en avant, en signe de respect. « N’est-elle pas devenue une charmante Vestale ? » Son sourire s’agrandit encore plus et il hoche de nouveau la tête, muet, attendant que Cornelia fasse le premier mouvement pour qu’on aille pas le taxer de brusquer une Vestale. « Oui, bien entendu, Quintus… » Ses yeux brillent, et encore une fois, il ressent ce qui lui arrive de ressentir à d’autres moments.
Il appelle ça, la vue de Minerve faute d’un meilleur terme. Parfois, il regarde les personnes dans les yeux et il sait. Il sait ce à quoi elle pense. A l’instant même. Parfois, il arrive à apercevoir des bribes de leur passé. Parfois il arrive à dire si elles mentent ou si elles disent la vérité. Parfois il parvient à savoir ce que ces personnes attendent. Toujours en les regardant dans les yeux. Un peu comme si la déesse Minerve lui murmurait des informations. Là, en regardant Cornelia, il sait qu’elle ne l’a pas oublié. Il sait qu’il a toujours été présent, dans ses pensées. « suis-je bête de ne pas t’avoir reconnu ! » et elle rit, alors que Quintus s’amuse de cette tentative de mensonge.

Si elle mentait sur ce sujet, c’était que ça la gênait.
Pour gêner une vestale il fallait que cela relève de… Il passe une main dans ses boucles. « Ce n’est pas étonnant, tu as embellie, Cornelia alors que moi… j’ai vieilli. » Il ment, il sait qu’il n’est pas laid.
Il s’estime même plutôt beau.
Plus que Sextus ou Lucius en tout cas. Manlius avait une belle gueule. Une belle petite gueule d’ange. Moins belle que la sienne pourtant. « C’est un plaisir de revoir dans de telles circonstances un ami d’enfance. Cela fait si longtemps ! J’espère que ton retour à Rome se déroule bien ? » Sa main est tenue en avant. Quintus s’en empare et se penche pour l’embrasser. « Le mieux du monde. Cela fait plaisir de retrouver la civilisation. L’Hispanie… c’est loin de tout et les femmes ne sont pas charmantes comme ici. » « Je suppose que tout ce temps là bas… ça a du être terriblement long pour vous. » « J’étais bien entouré, de bons camarades. Vous savez, ces liens virils et fraternels que nouent les hommes entre eux au cœur du combat. » Il se tourne vers Manlius en souriant. « Et combattre aux cotés de Pompée est un honneur. » Il bombe légèrement le torse et affiche un sourire de fierté. « Mais je dois avouer que certaines choses m’échappent maintenant que je suis de retour. La politique évolue si vite… Et cette guerre contre Spartacus a tout bouleversé. Dis moi, chère voisine… enfin je veux dire, Cornelia, j’espère que vous n’avez pas trop souffert de tout ce remue-ménage. » Il lui tient toujours la main mais finit par la lâcher doucement. « De ce que j’ai entendu, Rome tremblait de peur. » Et je suis venu te sauver, tu as vu n’est-ce pas ? Je suis arrivé et je t’ai sauvé. Et je le referais autant de fois que nécessaire.
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72 BC • Banquet pour Pompée
Le soldat et sa vestale

Quintus se penche vers elle pour attraper sa main et il lui faut tout son contrôle pour réprimer un mouvement en arrière, elle-même surprise de sentir la vague de chaleur lui envahir le ventre à partir de ce simple contact. Au moins, lorsqu'il se penche pour lui déposer un baiser, il ne la regarde pas dans les yeux. Elle avait oublié à quel point ses yeux pouvaient être transperçant... Elle craint, sottement, qu'il puisse clairement voir dans son jeu et la mener à sa parte. Ah, ma petite voisine n'a toujours pas réussi à m'oublier, quelle idiote! Il pourrait même la dénoncer. Elle ne le connaît plus vraiment, il a pu tellement changer durant toutes ces années. Il n'est plus Quintillus, cherche-t-elle à se convaincre, mais elle sent déjà son cœur et ses oreilles tendre vers chacune des paroles qu'il peut prononcer de sa voix enchanteresse : « Le mieux du monde. Cela fait plaisir de retrouver la civilisation. L’Hispanie… c’est loin de tout et les femmes ne sont pas charmantes comme ici.  » La réflexion, avec le compliment qu'il lui a donné quelques secondes auparavant, réussi à arracher une réaction à la Vestale. « Oh, l'Hispanie, j'ai entendue les pires rumeurs sur leur hygiène... » Sans compter l'hygiène de leurs femmes. Pas qu'elle soit gênée qu'il ai profité de leurs charmes, bien entendu, mais tout de même, c'est indécent de ne faire que comparer les dames de Rome avec ces créatures barbares... Quintus ne peu pas... N'orait pas osé... Non, il est un jeune noble, de la famille des Sergius, il ne peut pas s'abaisser à ce genre d'horreur. Une petite voix, perfide, lui souffle cependant que, dans la famille des Sergius, il y a le terrible Catalina. La source de toutes ses dernières terreurs. A cette pensée, sa main devient atrocement moite, et elle prie qu'il ne le remarque pas, bien qu'il ai l'air bien trop plongé dans son récit pour cela.
« J’étais bien entouré, de bons camarades. Vous savez, ces liens virils et fraternels que nouent les hommes entre eux au cœur du combat.  » Un très léger froncement de sourcil déforme un instant le visage angélique de Cornelia, alors qu'elle suit son regard vers un autre soldat – bien moins charmant que Quintus. Elle essaye de comprendre exactement où il veut en venir. Serait-il... Quintus serait-il... comme Decimus ? Oh non. Perdre avant même d'avoir essayé, se dire qu'elle aurait perdu même sans devenir Vestale, elle ne le supporterait pas. Elle chasse, encore une fois, cette terrible pensée. Elle n'arrive plus à suivre son discours comme avant, et elle se déteste pour cela, car il doit mériter toute son attention. Mais c'est sa main, il ne l'a pas lâchée, leurs doigts restent entremêlés et cela l'émeut bien plus que cela ne devrait. Cela ne devrait ne pas l'émouvoir du tout, par ailleurs, si elle écoutait ne serait-ce qu'un instant ce que lui soufflait sa conscience. Elle arrive, cependant, à revenir au fil de la discussion lorsqu'il se tourne pleinement vers elle pour lui parler.

« Dis-moi, chère voisine, » son cœur rate un battement, parce qu'elle n'est plus sa voisine depuis longtemps, mais par Vesta, qu'est-ce qu'elle aimer- « enfin je veux dire, Cornelia, j’espère que vous n’avez pas trop souffert de tout ce remue-ménage.  ». Elle ouvre de petits yeux étonnés, recouvrant lentement son calme alors qu'il achève enfin leur contact, la laissant reprendre la posture détendue et pourtant sévère d'une digne Vestale. Elle lui offre un regard attentif et curieux, ainsi qu'un sourire poli, signe qu'il peut continuer. « De ce que j’ai entendu, Rome tremblait de peur.  »
Elle ne peut retenir le sourire tendre qui lui éclaire son visage. Un rire léger, clair, sans moquerie, s'élève un instant. « Oh Quintus... » Elle a l'air soudain bien plus sûre d'elle, loin de la terreur du contact, enfin de nouveau elle-même face à cet invité au banquet. « ... Rome, effectivement, craignait beaucoup pour son intégrité, mais en tant que Vestales nous avions foi en la force et la victoire de nos troupes. » Elle porte la main à son cœur, presque émue de ce souvenir. « Soyez assuré que nous n'avons jamais manqué de rassurer le peuple et ses inquiétudes infondées, et que nous dormions soulagées de vous savoir en route. » Par vous, elle entend bien entendu l'armée, n'est-ce pas, en aucun cas une attente particulière de Quintus. Elle ne l'a pas attendu. Ce serait ridicule, non ?

Elle agite une main soudain modeste, « mais ne parlons pas de cela, nous n'avons fait que notre devoir. » Tout comme lui, au fond, mais tandis que Quintus est de retour et pourrait retourner à la vie civile, elle, vit sa vocation dont elle a de plus en plus de mal à se vanter. Elle n'est plus l'adolescente ayant le besoin viscéral de rendre jaloux un petit Quintus. Elle est fière de ce qu'elle fait, et son travail est si important qu'elle n'a même plus besoin de le mettre en valeur. Elle lui sourit, et lui dit doucement : « Tes histoires, cependant, doivent être bien plus intéressantes ! Tu m'en racontais beaucoup, à l'époque, non ? » Elle a un petit air hésitant, alors qu'elle se souvient de chacune d'entre elles, ce qui lui a rapidement permis de comprendre à quel point on lui avait menti. Et pourtant, un instant, elle avait été attendrie de ce Quintus qui embellissait ses histoires pour l'émerveiller.
Et la magie, de nouveau, opère. Ils se dirigent naturellement sur quelque canapé où ils s'installent, Cornelia buvant vite ses paroles et ses récits, perdant parfois son regard dans ses boucles, se risquant à subir l'examen de ses yeux afin de pouvoir s'y noyer. Elle rit, doucement, fait des têtes horrifiées lorsqu'il lui décrit le cœur de la bataille, et montre un visage soulagé dès qu'il arrive aux victoires. Si, parfois, leurs mains viennent à s'effleurer elle déplace chastement la sienne, lui envoyant une nouvelle question afin de tromper la gêne, toujours impliquée dans son rôle de Vestale inaccessible.

Elle ne remarque pas que son oncle les a depuis laissé tous les deux. Elle ignore, aussi, les soldats que Quintus a pu montrer auparavant qui ne semblent pas les quitter du regard, elle oublie aussi un instant les autres invités, s'arrêtant à peine pour saluer et sourire à ceux venant se risquer jusqu'à eux. C'est comme si quelque chose, une sorte de bénédiction des dieux, garde quiconque de venir les déranger. Ils sont, en quelque sorte, seuls.
Après un autre récit où Quintus a failli trouver la mort, elle ne peut s'empêcher de se laisser à une remarque, enfin, un tant soit peu affectée. Jusque là, elle a véritablement tenu à avoir l'air distraitement intéressée, davantage par l'histoire que par son sort personnel. Serait-ce l'alcool, ses yeux, sa voix enchanteresse ou l'impression que, de toute façon, il sait tout ce qu'elle pense ? Elle ose, délicatement, lui ouvrir ses pensées. « Malgré toutes mes certitudes, je suis vraiment soulagée que tu sois de retour... » Elle n'ose plus vraiment le regarder, et se sert délicatement du raison, espérant rafraîchir une gorge asséchée. « Je n'ai pas crains pour Rome, j'avais confiance en Vesta, mais je ne pouvais pas m'assurer que mes prières te concernant arrivent à bon port. » Les prières personnelles ne sont pas exactement son métier et, surtout, celles-ci n'avaient pas été des plus pures.... « Je... Je ne sais pas si tu t'en souviens, je t'ai envoyé des lettres ces dernières années et elles ont pu être assez... amères. Je te prie de m'excuser, la jeunesse et l'inexpérience m'a fait sur-réagir. » Elle un petit rire, amusée et attendrie de l'enfant d'alors, qui avait tant pleuré la perte de son voisin. Elle arrive, enfin, à affronter de nouveau son regard, affectueuse : « Je suis vraiment contente de te retrouver, Rome peut parfois être cruellement vide d'amis de confiance. »
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