CRAC ! Une silhouette venait d’apparaître à la bordure d’Herpo Creek, une haute silhouette qui malgré les températures douces de ce début du mois de mai était vêtue d’une veste et d’un bas noir. Comme si la chaleur du soleil qui commençait à descendre à l’ouest ne l’affectait guère. L’homme se mit à avancer, d’un pas égal et presque martial jusqu’aux premières grandes maisons où lézardaient les membres de l’Élite. Sur son passage les corneilles qui sautillaient sur le chemin s’envolaient en poussant des croassements sinistres. Toutefois hormis ces cris, on n’entendait rien. Rien que le crissement des semelles de l’homme sur le pavé. Arrivée à l’entrée du village il parut hésiter un instant, regarda derrière lui puis resta quelques secondes planté là. On ne pouvait savoir ce qu’il attendait mais finalement il reprit sa marche et pénétra le village. Derrière lui les corneilles reprirent leur place sur la route pavée.
Il fallait avouer que cette décision n’avait pas été facile. Son esprit ruminait cette idée de très loin et très vaguement depuis déjà quelques mois ; depuis décembre pour être précis. Mais c’était depuis ces derniers jours seulement qu’elle lui revenait sans cesse en tête. Il avait d’abord tenté de la mettre de coté, on ne se refait pas et Rabastan n’aimait pas que des idées parasites viennent lui pourrir sa machine à penser qui était déjà bien trop sensible aux blocages en tout genre. Mais même la grande stratégie de refoulement Lestrange n’était parvenu à l’éradiquer. Elle restait là, obsédante. Terriblement énervante. Énervante tout comme la personne que cette idée concernait. Nul doute qu’Owen Avery serait ravi d’apprendre qu’il empêchait par sa simple existance Rabastant de dormir. Avery… Owen. Ce qui l’avait retenu si longtemps était un mélange de différentes émotions et étrangement la haine n’était pas la plus importante. La pièce maîtresse du frein qui avait arrêté de nombreuses fois Rabastan en songeant à ce jour avait été l’égo. Rabastan avait un lien très particulier avec sa propre fierté : lui-même savait en son for intérieur qu’elle ne tenait pas à grand-chose mais autour de lui les gens s’étaient mis en tête le contraire. Il avait donc pris soin de cultiver cette image là, presque trop heureux des films que ses concitoyens pouvaient se faire sur lui. La plèbe avait la mémoire courte et paraissait avoir oublié les moments les moins reluisants de sa vie — pourtant médiatisés, pour ne garder en tête que ceux qui le désignaient comme un monstre. Mais lui se souvenait. Son égo il avait du le ramasser et tout reconstruire de zéro pour pouvoir vivre avec lui-même et se supporter tous les jours. Et il y avait des choses, des personnes qui étaient bien trop proches des failles comblées à la va-vite. Il ne voulait pas mettre en péril l’équilibre qu’il était parvenu à instaurer et risquer de faire voler en éclat ce qu’il avait rebâti. Et parler à Avery… aller voir Avery pour lui dire ce qu’il avait à lui dire… était bien trop proche de ces failles. Avery était bien trop proche.
C’était également pour ça qu’il ne pouvait pas faire marche arrière. Justement parce qu’Avery était trop proche. Trop important. Trop important pour être ignoré. Et le haïr n’était pas suffisant. C’était cette brusque révélation qui s’était imposé à lui peu de temps après qu’il a compris à quel point il tenait à Hécate — et à quel point Hécate tenait à lui. Il y avait eu des gens pour l’apprécier, fut un temps. Et il y en avait encore. Ils n’étaient pas nombreux, mais ils comptaient. Et il était une époque où Owen en faisait parti. Maintenant ils se détestaient. Depuis bientôt huit ans. Rabastan s’était toujours appliqué à rejeter toutes les fautes sur Owen ; c’était si facile après tout, c’était lui le lâche, c’était lui qui avait fui, c’était lui le traître. Le traître… Même s’il ne l’avait jamais dit à haute voix, même s’il n’avait jamais accusé directement Avery il avait longtemps cru que… Après tout comment lui en vouloir ? Comment lui en vouloir ? Owen s’en était sorti et pas Rabastan. Owen s’en était sorti par on ne sait quel tour de passe-passe et entre temps Rabastan se fait capturer et constate que les autorités connaissent absolument tous les détails de ses missions. Des missions confidentielles. Données par le Lord lui-même. Qu’il avait effectué avec Owen. Lui était pris mais pas son partenaire. Comment lui en vouloir ? Il n’en avait jamais parlé et avait laissé le soupçon lui bouffer les tripes. Jusqu’à ce que ça se confonde avec sa rancœur. Et ça avait donné ce qu’on sait. Maintenant Rabastan savait. Il savait que même si Owen l’avait totalement abandonné au moins ce n’était pas lui le responsable principal de ce qui lui était arrivé. C’était beaucoup. C’était le principal.
Maintenant le haïr n’était plus suffisant parce qu’une grosse partie de cette haine ne trouvait plus d’excuse pour exister.
Il s’arrêta de marcher et releva les yeux quand il se trouva devant la batisse de la famille Avery. Enfin il n’y avait qu’Owen pour vivre dedans. Seul. Il avait comme un arrière goût d’amertume dans sa bouche : la dernière fois qu’il était venu ici il avait bien failli détruire la baraque en entier et son propriétaire avec. Et… ouais, non on va peut être éviter d’y repenser… Valait peut être mieux en effet. Il n’en gardait vraiment pas un excellent souvenir. Plutôt une lourde impression d’échec. Et de vide là où il y aurait pu, là où il y aurait du avoir quelque chose. Ce jour là, ça avait bien failli se briser. Et d’une certaine manière ça avait été le cas. Raison de plus pour mener à bien ce qu’il désirait faire aujourd’hui. Il s’avança jusqu’à la porte d’entrée, cette fois ci il ne la défoncerait pas et se contenta de frapper quelques coups pour se signaler ; signe qu’il n’était pas là pour se battre mais pour parler. Il avait juste une chose à dire. Il ne savait pas s’il pourrait en dire plus ou bien si Owen accepterait d’en entendre plus. Il ne savait même pas si Owen l’écouterait. Ou s’y intéresserait. Mais pour lui-même c’était important, parce qu’il était grand temps…
‹ baguette : est en bois d'acacia rigide, possède un cœur en ventricule de dragon et mesure vingt-neuf centimètres.
‹ gallions (ʛ) : 5709
‹ réputation : la magie noire a rongé mon âme, dilué toute conscience, accru ma folie.
‹ particularité : fou.
‹ faits : ma soeur jumelle vit dans mon esprit dérangé, secret dont seuls quelques chanceux ont connaissance, que je suis aussi dérangé que peut l'être un sbire de Voldemort, que je n'hésite jamais à user de violences quand bien même elles ne seraient pas nécessaires, car la souffrance et les hurlements me font vibrer comme aucune autre drogue au monde. Mais qu'elles me sont infligées souvent par la main du Magister elle-même, car dieu sait combien de fois je l'ai déçu au cours de mes années de bons et loyaux (haha) services.
‹ résidence : Herpo Creek, dans la maison de mes parents, vide et délabrée; ruines.
‹ patronus : irréalisable, autrefois une hyène bien qu'elle ne soit apparue qu'une seule et unique fois sous forme reconnaissable.
‹ épouvantard : le baiser du détraqueur.
‹ risèd : la fin de cette insurrection qui amène autant de satisfaction que de souffrance.
There is a man that live next door In my neighborhood And he gets me down
8 mai -La vie d'Avery ces derniers temps se révélait plus éprouvante qu'il ne l'aurait cru. Depuis décembre, les événements s'étaient enchaînés sans lui laisser un répit. Il s'en plaignait, bien sûr, il savait si bien montrer son mécontentement. Mais quelque chose au fond de lui se réjouissant de ces changements, bien qu'il refusât de l'admettre. Un de ces changements – et pas le moindre – résidait principalement dans le fait que certaines pièces du Manoir avaient été débarrassées de leurs tentures austères et dépoussiérées. Une chambre au dernier étage, ainsi que quelques pièces inutilisées dont Owen ne se servait toujours pas. Ce ménage n'avait pas été fait pour lui. Le retour progressif d'Adele avait engendré une frénésie inusitée chez l'elfe de maison, Donkey, qui se montrait moins morose que d'ordinaire – ce qui avait le don d'agacer prodigieusement son propriétaire. Il détestait le voir ainsi, presque heureux, et il était bien désagréable avec la vieille créature. Quand l'alarme anti-intrusion résonna dans toute la maison, Avery poussa un juron et hurla le nom de l'elfe depuis le grand salon du rez de chaussée. Il se leva à son arrivée, accourut à la fenêtre qui donnait sur l'entrée du domaine sans donner la moindre indication à son esclave. Celui-ci demeura prostré dans l'attente de l'ordre à venir. Avery jura de nouveau en voyant la grande silhouette de Rabastan Lestrange remonter l'allée gravillonnée menant à l'entrée. Qu'est-ce qu'il lui voulait encore, celui là ? « Donk', ramasse tout ce qui traîne, et vite. » Tout ce qui traînait appartenait à Adele et à son maudit mioche : Artur. L'arrivée du gamin dans leur vie était un autre des changements qui nourrissait son besoin avide de manifester son opiniâtreté. Le... neveu d'Adele était un enfant morne et passablement inintéressant aux yeux d'Avery, qui ne se montrait ni chaleureux ni agréable avec lui. Le fait qu'il soit orphelin et trimbalé de foyer en foyer le laissait de marbre et il n'éprouvait aucune compassion à son égard. Le calme relatif qu'il avait réussi à trouver dans sa relation avec Adele était de nouveau menacé par sa simple présence, et cela impactait pas mal sur son humeur déjà décadente. Bones n'avait pas eu le choix : il le savait, Angus Bones se trouvant à Sainte-Mangouste elle était sa seule parente et n'avait pas eu le loisir de refuser de s'en occuper. Ça ne l'enchantait pas du tout, évidemment. Une chose l'enchantait encore moins, et c'était de révéler la présence des Bones chez lui au visiteur, qui frappa bientôt à la porte. Il claqua des doigts et poussa Donkey à se dépêcher : ici un livre qui ne lui appartenait pas, là un petit manteau et une cape féminine. Tout devait disparaître. Rien ne devait laisser penser à quiconque qu'il ne vivait plus seul en ces lieux.
Rabastan frappa. Il ne défonça pas la porte, n'hurla aucune insulte à travers le panneau de bois. Avery mit un temps infini à ouvrir la porte : il passa une main sur son menton, considéra la situation sans savoir à quoi s'attendre. Des mois qu'il n'avait pas eu de nouvelles de Lestrange. Par la fenêtre, il jeta un regard à son collège ; il attendait patiemment qu'on vienne lui ouvrir. C'était plus étrange et plus inquiétant que tout ce qu'il pouvait imaginer. L'époque où Rabastan se montrait aussi poli avec lui remontait à bien loin et avait paru révolue depuis longtemps. Le voir détruire un à un les murs de cette maison lui avait semblé plus normal. Plus compréhensible. Qu'est-ce qu'il lui voulait ? La question tournait en boucle dans sa tête ; il testait toutes les hypothèses, sans en trouver aucune de valable. Ils ne s'étaient ni adressés la parole, ni rien échangé depuis la dernière fois. Le souvenir de leur dernière conversation – qui avait laissé le manoir sans dessus dessous – remonta à la surface. Il s'était excusé. N'était-ce pas assez ? Il voulait la paix. Il voulait l'oublier, lui et ses reproches stupides qu'il avait déjà démonté un à un. « Maître, tout est débarrassé à l'étage, il n'y a plus rien qui ne soit pas à vous, Maître. » Avery hocha la tête en signe d'assentiment et lui fit signe de débarrasser le plancher. « Disparais. »
Non sans hésitation, il se dirigea vers l'entrée et ouvrit la porte en grand, se confronta au visage inexpressif de Rabastan. Pas un sourire, rien. Juste un regard méfiant, un pincement de lèvres mécontent. Il l'observa en silence pendant quelques secondes, et finit par s'écarter pour le laisser passer. Il claqua la porte et poussa le visiteur à se diriger vers le salon. Il songea avec déception au calme dont il avait profité pendant pas moins d'une heure – une heure ! – en l'absence d'Adele et Artur. La première avait quitté les lieux pour Sainte Mangouste (d'astreinte, elle avait été appelée pour une urgence qui avait provoqué chez elle moult récriminations haineuses envers les imbéciles qui décidaient de mourir pendant ses jours de repos) et le second était à l'école. Il avait enfin la paix, et quelqu'un venait encore l'emmerder. Il poussa un soupir dans le dos de Rabastan, puis se tourna face à lui sans savoir sur quel pied danser. N'ayant aucune connaissance de ses intentions, il oscillait entre l'agressivité et le calme prudent. Il n'avait aucune intention de recommencer comme la dernière fois – ça l'avait éprouvé suffisamment, aussi honteux cela soit-il. « Alors ? » commença-t-il. Un bas noir féminin qui traînait sur le bras d'un des canapé attira son œil et il le glissa discrètement derrière un coussin, en espérant que Rabastan n'avait rien vu. Il le regarda de nouveau, haussa les sourcils. « C'est quoi cette fois, tu viens m'accuser d'avoir liquidé Elena ? Mes félicitations d'ailleurs, il était temps qu'elle disparaisse – un verre ? » s'enquit-il avec dans la voix une once de défi qui jurait avec son apparente politesse. Owen n'avait rien de Rookwood : ce dandy le battait à plate couture lorsqu'il s'agissait de se montrer avenant et sympathique, même avec les pires intentions. Avery était, pour l'heure, clairement sur la défensive et prêt à tout (ou presque). Aussi garda-t-il un œil prudent sur son invité en servant deux verres de ce firewhisky toujours posé sur une petite commode dans un coin de la pièce.
Il attendait. Rabastan n’aimait pas vraiment attendre… Est-ce qu’il devait frapper de nouveau ? La soudaine pensée qu’Owen était peut être avachie sur son lit, complètement torché d’une quelconque cuite le traversa alors ; peut-être qu’il devait frapper encore une fois. Mais alors qu’il levait la main pour saisir le heurtoir, il s’arrêta. Il devait bien avoir un elfe de maison dans cette baraque ; Owen n’était pas du style à prendre soin tout seul de son manoir. Alors quoi ? L’elfe dormait aussi ? Qu’est-ce qu’ils foutaient tous ? La dernière fois il avait bazardé la porte, et les gonds avec. Une brusque envie de recommencer cette entrée théâtrale et radicale le chatouillait mais il se contenta de serrer les poigs et de respirer. En fait il ne fallait pas se mentir, la seule chose dont il avait vraiment envie c’était de tourner les talons et de filer. Ce qui l’énervait avec le temps que prenait Avery à ouvrir cette putain de Merlin de porte était que ça lui donnait encore plus de minutes pour s’échapper, filer en douce. Faire comme si de rien n’était et revenir à sa petite vie. Il regarda derrière lui : en quatre enjambées il retournait dans la rue, puis un petit transplanage et hop. Rien ne changerait. C’était terriblement tentant. Mais alors qu’il commençait non pas à perdre patience mais courage la porte s’ouvrit finalement. Lentement. Dans sa totalité. Révélant à Rabastan non pas un petit elfe mais son collègue, Avery. Bien réveillé. Et le silence. La dernière fois Rabastan avait ouvert le bal, et c’était en gueulant des insultes. Ce n’était pas une chose à recommencer. Alors quoi ? Fut un temps où ils n’avaient pas besoin de se parler pour se comprendre, maintenant Rabastan n’arrivait même plus à lui parler. Faute de mots ils se jaugèrent du regard, Avery paraissait en train de déterminer si oui ou non il était prudent de le laisser entrer ; soit Rabastan ne devait pas paraître bien belliqueux soit Owen avait gagné en courage mais finalement le Mangemort s’écarta, ce que Rabastan prit pour une invitation à entrer. Owen fit claquer la porte dans son dos, il se raidit ; qu’il l’ai fait exprès ou non… Tu ne peux plus sortir. Oh putain, ça ira hein. Si vraiment, vraiment ça se passait mal… cette porte il l’avait démantelée une fois, il saurait recommencer. Et c’est toujours dans le silence le plus lourd qu’il était possible de faire qu’il le suivit jusqu’au salon, qui avait été… refait ? Fallait bien avouer qu’après son passage, tout le manoir avait du avoir besoin d’un petit coup de pinceau (et de marteau), des fondations jusqu’au toit. Un instinct qu’il haïssait de plus en plus mais qu’il ne pouvait pas contrôler le poussa à scruter tous les murs à la recherche des fenêtres afin de bien imprimer leur localisation dans son esprit. « Alors ? » Ouf, Merlin merci, Avery avait finit par craquer et le silence était brisé. Ça rendait les choses étrangement beaucoup plus simple. Rabastan reporta son attention dans sa direction, tentait peut être de déchiffrer les traits de son visage mais hormis de la suspicion au plus haut degré qu’il soit, il n’y avait pas grand-chose. De toute manière il ne savait pas à quoi il s’était attendu. C’était évident qu’Owen n’irait pas s’aplatir devant lui pour lui faciliter le travail. « C'est quoi cette fois, tu viens m'accuser d'avoir liquidé Elena ? Mes félicitations d'ailleurs, il était temps qu'elle disparaisse – un verre ? » On pouvait dire qu’il avait le chic pour mettre le doigt pile là où il fallait. Rabastan grimaça à la simple mention du prénom, mais il devrait s’y faire : il allait certainement grimacer de nombreuses fois ces prochaines minutes, quitte à en être malade ce soir avec des aigreurs d’estomacs à n’en plus finir. Et toujours ce ton, bien sûr il s’agissait d’Avery et il ne pouvait pas espérer de lui qu’il tienne pendant une phrase complète un ton uni. Il fallait qu’il joue avec ses nerfs. Depuis toujours. Même avant. Il s’en rappelait un peu. Sauf qu’avant… « Un verre… » acquiesça-t-il en joignant à la parole un bref hochement de tête. Il ne s’asseyait pas, alors qu’il avait en général l’habitude de directement envahir les lieux de vie des personnes chez qui il débarquait à l’improviste. Parce que ça les perturbait. Mais là n’était pas l’objectif. Perturber Avery équivalait à une déclaration de guerre, équivalait à des coups, à des sorts. Comme un cercle vicieux qui ne s’arrêtait jamais. Et il fallait que quelqu’un à un moment donné prenne sur soi.
Il devait être en mesure de faire cet effort, n’est-ce pas ? « Et ne t’inquiète pas, si j’étais venu pour t’accuser d’avoir tué Elena, je me serais pointé avec des fleurs. Je ne suis pas un ingrat. » D’ailleurs cela le dérangeait un peu, en parlant d’Elena. Officiellement cette salope avait crevée dans l’incendie du manoir (c’était étrange de penser qu’il ne se situait qu’à quelques mètres d’ici) mais officieusement… Rabastan avait mis tout son amour conjugal pour l’achever dans les règles de l’art. Il ne savait pas trop que penser de tout ça, ne savait pas qui savait et qui ignorait la vérité. Rien n’avait jamais été dit à haute voix. Rabastan savait que même en temps que patron de la Justice ça ne le protégeait pas de tout. Elena avait été une Sang Pur de l’Elite. Il se doutait que si ça se savait de manière public… ce ne serait pas très bon pour sa petite gueule de Lestrange, Mangemort ou non. Alors qu’Avery l’annonce comme ça, clairement, sans même un petit sourcillement le mit mal à l’aise. « Mais bon… Un incendie hein… » Il haussa les épaules avec un geste vague. Un gosse de trois ans n’y croirait pas. Ooh… « Oh et puis fuck tu te doutes très bien de ce qui s’est passé. Je ne vais pas te prendre pour plus con que tu ne l’es… » Cela faisait plusieurs mois maintenant de toute manière. Si Owen avait vraiment voulu l’emmerder avec ça, lui foutre des bâtons dans les roues, il l’aurait fait plus tôt. Rabastan prit une inspiration, Avery ne le quittait pas des yeux, comme s’il s’attendait à ce qu’il sorte sa baguette d’un moment à l’autre pour lui lancer un Impardonnable. Il pouvait excuser cette conduite, il ne l’avait pas mis en confiance avec son attitude de la dernière fois, son attitude de ces cinq dernières années en réalité. « D’ailleurs… j’étais venu… pour p- » Merlin est-ce qu’il bégayait devant Owen ? Mais respire crétin ! Il respirait ! Il ne voulait juste pas… dire ce qu’il avait à dire. Alors on dégage, prend le verre et on se casse. C’était très tentant. Mais il avait réussi à venir jusque là, ce n’était pas pour renoncer. Allez, il avait vécu plus difficile que ça tout de même ! « J’étais venu pour te parler de ça. D’Elena. Enfin… tu vois. » Non il ne devait pas voir grand-chose et surtout il devait se demander pourquoi diable Rabastan venait le voir pour lui parler de son ex. Il tenta d’être un peu plus clair. Plus vite ce serait dit, mieux ce serait pour lui. « Je l’ai tué parce que… c’est elle qui… » C’était plus facile à formuler dans sa tête qu’à voix haute. Allez une inspiration, et lentement, fluidement : « Enfin j’ai appris il n’y a pas longtemps que c’est elle qui m’a… » Allez ! Juste le dernier mot. Et encore ce n’était pas le plus dur de ce qu’il avait prévu de dire. « Dénoncé. En 1981. C’était elle. » Et pas toi. « Enfin du coup je voulais juste passer pour te dire… » Mmmh, les fenêtres n’étaient pas si loin, il pouvait toujours courir et filer. Non mais et puis quoi encore ? Ou passer par la porte. On défonce tout et on sort. Mmh ? Mieux vaut pas continuer, ça va casser. Il sentait qu’il appuyait sur une fêlure, qu’il marchait sur un terrain très très fragile. Et si ça cassait… il ne voulait pas replonger dans l’eau froide et se noyer. Mais il ne voulait pas non plus à avoir toujours à avancer à tâtons. Quitte ou double alors ? Quitte ou double. « Juste te dire que j’étais… » Longue, très longue inspiration « désolé. » Il aurait voulu ne pas avoir à croiser le regard d’Owen à ce moment précis mais il se força cependant à relever la tête pour le regarder droit dans les yeux : « D’avoir cru que ça aurait pu… être toi. » Il aurait voulu pouvoir débiter toutes ses raisons, et il en avait. Mais il n’avait déjà que trop parlé, et il avait mal à la tête, et au ventre. Il voulait s’asseoir mais… il n’osait pas. Juste… Qu’Owen le foute à la porte. Ce serait peut être le mieux. Il n’était pas en état de subir ses sarcasmes, il ne saurait pas y répondre. Parce que toutes ses barrières, il venait de les faire chuter. C’était un travail dur que de les baisser, mais c’était d’autant plus difficile de les remonter. Surtout après ces paroles. Il voulait juste disparaître.
‹ baguette : est en bois d'acacia rigide, possède un cœur en ventricule de dragon et mesure vingt-neuf centimètres.
‹ gallions (ʛ) : 5709
‹ réputation : la magie noire a rongé mon âme, dilué toute conscience, accru ma folie.
‹ particularité : fou.
‹ faits : ma soeur jumelle vit dans mon esprit dérangé, secret dont seuls quelques chanceux ont connaissance, que je suis aussi dérangé que peut l'être un sbire de Voldemort, que je n'hésite jamais à user de violences quand bien même elles ne seraient pas nécessaires, car la souffrance et les hurlements me font vibrer comme aucune autre drogue au monde. Mais qu'elles me sont infligées souvent par la main du Magister elle-même, car dieu sait combien de fois je l'ai déçu au cours de mes années de bons et loyaux (haha) services.
‹ résidence : Herpo Creek, dans la maison de mes parents, vide et délabrée; ruines.
‹ patronus : irréalisable, autrefois une hyène bien qu'elle ne soit apparue qu'une seule et unique fois sous forme reconnaissable.
‹ épouvantard : le baiser du détraqueur.
‹ risèd : la fin de cette insurrection qui amène autant de satisfaction que de souffrance.
There is a man that live next door In my neighborhood And he gets me down
Tendu comme un arc, Avery servit le verre que Lestrange accepta d'un hochement de tête. Le Mangemort tentait vainement de décrypter les intentions cachées de son collègue. Mission ardue s'il en était, puisque Rabastan ne laissait rien voir, masque d'impassibilité. Il avala une gorgée du liquide ambré qui lui brûla la gorge. Puis il reposa le verre, encore certain de devoir sortir sa baguette à tout moment – question de bon sens. Il ne comprenait pas, ne voyait pas que Lestrange n'était pas là pour lui chercher des noises. En vérité il ne voyait pas pourquoi il était là si ce n'était pour ça. Précisément : « Et ne t’inquiète pas, si j’étais venu pour t’accuser d’avoir tué Elena, je me serais pointé avec des fleurs. Je ne suis pas un ingrat. » Avery haussa un sourcil à cette remarque, dubitatif. Lestrange, pas un ingrat ? Il aurait eu des douzaines d'anecdotes pour démentir cette affirmation si on les lui avait demandées, mais il les garda pour lui et attendit qu'il exprime clairement la raison de sa venue. Son regard balayait discrètement l'ensemble de la pièce à la recherche d'autres indices compromettants qui auraient pu faire entendre à Rabastan que ce manoir n'était plus une cave fantomatique, hantée par sa seule présence. En parlant de manoir... La mort d'Elena Lestrange avait passablement réjoui Avery. Il avait aperçu depuis sa fenêtre les flammes monter vers le ciel, dévorer la bâtisse avec délectation – et son occupante – mais sur le moment, il s'était trouvé bien trop distrait pour se précipiter dehors et porter secours à une femme qu'il n'appréciait pas ni ne considérait comme une sorcière digne d'être sauvegardée. Elena était très bien là où elle était maintenant, aussi l'idée d'avoir eu quelque chose à voir avec son décès inopiné ne le dérangeait pas tant que ça – tant qu'on lui fichait la paix. Mais nul soupçon donc, sans compter qu'il avait – à ses yeux – un alibi en béton pour contrer toute incertitude de ce côté là. De toute manière... il y avait bien une chose qu'il savait encore de Rabastan Lestrange, et c'était qu'il n'avait jamais aimé son épouse, pas plus deux jours auparavant qu'il y avait trente ans. A un point tel qu'à une ou deux reprises, en repensant à cette heureuse nouvelle, Owen ne s'était pas demandé si Rabastan n'avait pas fini par céder à sa haine pour cette femme qui, à n'en pas douter, avait du bouillonner sur le feu pendant des années. Jusqu'à ce qu'il oublie. « Mais bon… Un incendie hein… » Il hocha la tête avec un demi-sourire. Un incendie, bien sûr. « Oh et puis fuck tu te doutes très bien de ce qui s’est passé. Je ne vais pas te prendre pour plus con que tu ne l’es… » Nous y étions. Selma ricana avec joie, toujours stimulée par les trahisons entre les membres d'une même famille. Peut-être y voyait-elle là une distraction plus grande encore que celle que lui procurait sa propre haine envers les siens, même envers Owen. Avery ne pouvait nier qu'il y avait une aura aussi fascinante que malsaine dans les querelles inter-familiales. On ne s'ennuyait jamais à observer la déchéance des membres d'un même clan, qu'il s'agisse du sien ou de celui d'autrui. Il lança un regard chargé de non-dits à Rabastan, certain qu'il y lirait le manque de surprise que l'annonce provoqua en lui et la satisfaction d'être débarrassé à jamais d'Elena. « Ne pas me prendre pour plus con que je ne le suis a au moins le mérite d'être nouveau. » lança-t-il en contournant le Chesterfield dans lequel s'asseyait toujours son père, les yeux toujours rivés sur Rabastan. Il refusait encore de s'asseoir avant de savoir, et il ne proposa pas à Lestrange de le faire. Se battre en duel assis confortablement sur un canapé n'était pas vraiment ce qu'il y avait de plus pratique.
« D’ailleurs… j’étais venu… pour p- » « Qu'est-ce qui cloche chez lui ? Est-ce moi ou il a l'air d'avoir subi un sortilège de confusion ? » « Fort probable. A se demander s'il sait où il est et à qui il parle. » Selma ne comprenait pas plus que lui ce qui se tramait dans son foutu salon. Pour? « J’étais venu pour te parler de ça. D’Elena. Enfin… tu vois. » Lui parler d'Elena ? Bon sang. Il avait évoqué cette femme en guise d'entrée en matière, pour étayer la gêne, sans se douter qu'elle était apparemment le point culminant de cette conversation qu'ils allaient avoir. Une conversation. Avery se figea et fronça involontairement les sourcils, ce qui lui donna brièvement l'air inquiet. « Je l’ai tué parce que… c’est elle qui… » Parce qu'elle était une insupportable mégère qui lui avait volé à la fois sa jeunesse et son temps toutes ces années ? Parce qu'elle était un poids mort abominable dans sa vie ? Parce qu'elle était Elena McMillan ? Tant de raisons expliquaient que Rabastan l'ait tuée ! Pour sa part, il y avait bien longtemps qu'Avery l'aurait rayée de la carte, avec une franche extase en plus de ça. Mais il ne l'aurait sans doute jamais mariée, ce même avec toute la pression parentale du monde, et tout ce bordel n'aurait jamais eu lieu, mais sur ça, il se savait bien différent de Rabastan. Il attendit une seconde de plus, pendu aux lèvres de son invité plus qu'il n'aurait voulu le laisser voir. Allons, pourquoi as-tu tué ta pauvre femme, par Merlin ? Explique-toi Rabastan. « Enfin j’ai appris il n’y a pas longtemps que c’est elle qui m’a… » Pourquoi avait-il tant de mal à s'exprimer ? La mort d'Elena l'avait-elle donc secoué à ce point ? Il refusait d'y croire. Selma n'en pouvait plus d'impatience et trépignait de l'entendre prononcer le fin mot de cette histoire qui, elle en était sûre, ne valait même pas toute cette attente. « Dénoncé. En 1981. C’était elle. Enfin du coup je voulais juste passer pour te dire… » Avery siffla entre les dents et se laissa aller à rire pendant que l'autre se débattait encore avec ses mots, qui ne sortaient pas de sa bouche aussi aisément qu'il l'aurait souhaité, visiblement. Rabastan semblait se battre contre lui-même pour simplement arriver à parler. Owen gardait des souvenirs d'un Mangemort bien plus éloquent et prompt à la parole. Il se demandait bien quel démon l'empêchait de s'exprimer de la sorte. C'en était presque inquiétant – et Merlin savait qu'il y avait bien longtemps qu'Owen ne s'inquiétait plus pour Rabastan. Il avait même souhaité son trépas, a une ou deux reprises. « Juste te dire que j’étais… » Selma poussa un soupir exagéré, qui fit écho à l'inspiration sonore de Lestrange. « désolé. » « Remets lui les idées en place, il n'a définitivement plus toute sa tête. Son bon sens a du partir en fumée avec son manoir. Ou il te brouilles l'esprit. Oui, ça doit être ça. »
Ok. Il allait s'asseoir, maintenant. Il aurait pu détourner ce simple mot (il était désolé) en moyen fort efficace pour le déstabiliser et profiter de la diversion. Mais quelque chose au fond de lui (et ce n'était pas Selma, qui grondait déjà à l'attentat porté contre leur vigilance, qui lui murmurait déjà de se préparer pour l'attaque à venir) lui soufflait que ça n'avait rien à voir. C'était la deuxième fois que Lestrange se fendait d'un pardon craché du bout des lèvres sous son toit en quelques mois à peine, comme si ce simple mot avait le pouvoir de lui arracher la peau du visage en une demi-seconde (il le comprenait). Le coup de grâce – « D’avoir cru que ça aurait pu… être toi. » – acheva de le convaincre de sa sincérité. Son attitude bravache et défiante disparut en un rien de temps, et il demeura silencieux le temps d'intégrer l'aveu du Mangemort. Mal à l'aise, il détourna le regard et désigna le canapé du menton pour lui signifier de s'asseoir puisque les baguettes allaient, à l'évidence, rester dans leurs poches respectives. Lui-même s'effondra sur le Chesterfield et regarda partout sauf là où se trouvait Rabastan et reprit son verre en main sans y toucher.
Elena Lestrange, dénoncer son mari ? Il ne savait pas pourquoi une telle annonce le surprenait. Il n'avait pourtant jamais douté du potentiel ordurier de cette bonne femme. « Mh. J'aurais du y penser. » et en disant cela, il n'était pas bien sûr de savoir à quoi il répondait : il aurait pu présager qu'Elena avait vendu son homme, il aurait pu aussi craindre que Rabastan avait nourri une telle méfiance à son égard. Ça ne lui serait pas venu à l'esprit, sa propre défection était une honte suffisante à porter ; vendre son meilleur ami était autrement plus accablant. Avery ne doutait pas du pouvoir malsain des Détraqueurs. Le bref passage effectué à Azkaban avait suffi à l'en convaincre. Sentir les beaux souvenirs vous filer entre les doigts, éprouver chaque jour l'influence macabre de ces créatures sur votre mental, les voir ronger votre identité pour n'en faire qu'un résidu loqueteux, au point de mettre un temps fou à se retrouver. Rabastan en avait fait les frais pendant plus d'une décennie et il n'avait pas de mal à imaginer ce qui avait du tourner en boucle dans son esprit tout ce temps. Il avait cherché un coupable à son malheur, et qui de plus désigné que cet ami qui avait retourné sa veste pour sauver sa peau ? Lors de leur dernière entrevue, il lui avait clairement signifié à quel point il lui en voulait d'avoir sauté du train en marche sans lui proposer de le suivre. Avery n'avait pas oublié ce point, auquel il avait repensé plusieurs fois depuis sans pouvoir s'empêcher de se demander si effectivement, il n'avait pas commis une faute irréparable en se préoccupant seulement de lui et non pas de Rabastan. Il but une gorgée. Reporta son attention sur le moment présent, et sur le Mangemort assis face à lui, aussi calme qu'il pouvait l'être en de telles circonstances. « Comment tu l'as su ? Je veux dire, après tout ce temps... elle a fini par te le dire ? » Ça l'étonnait. « La connaissant elle n'a pas du faire une telle chose. » Elle aussi possédait un sacré instinct de conservation, mais peut-être qu'une violente dispute lui avait délié la langue. « Content d'apprendre qu'elle a payé pour ça. » Qu'elle avait payé pour lui avoir pris un ami, qu'elle avait payé pour avoir instillé d'immondes soupçons dans l'esprit de son comparse, de cet extension de lui-même qui l'avait guidé et soutenu dans leur jeunesse. Elle était donc la responsable de ce carnage. Il y avait quelqu'un a blâmer pour le chaos qu'ils avaient vécu, et elle n'était plus de ce monde.
« Eh bien... Sans vouloir te lancer des fleurs, tu as débarrassé le monde d'une sacrée rombière et tout le monde s'en portera bien mieux. M'est avis que tu as pris ton temps, ça c'est certain. Quel effet ça fait d'être libre ? » La question sonna légère dans sa bouche, plus légère que ne l'était la situation. Désolé d'avoir cru que ça aurait pu être toi. Être toi. Son estomac se tordit. Avery voulut lui dire que malgré tous ses travers, il n'aurait pas été capable d'une telle chose, qu'il aurait voulu qu'il s'en tire, lui aussi, qu'il aurait aimé que cette amitié perdure. Avery aurait voulu de Lestrange à ses côtés, comme avant, toutes ces années. Mais ses mots restèrent bloqués dans sa gorge, inaccessibles et indicibles. « J'ai vu l'incendie, ce soir là. Un beau bûché, la chair des harpies brûle bien apparemment. » fit-il remarquer, avant de laisser un silence pesant s'installer. Il se tourna finalement vers lui, « Est-ce que tu es venu aussi te faire pardonner pour ton affront lors de l'exécution ? Ça fait longtemps que j'attends. » Dire que sa rancune n'était qu'un petit animal inoffensif, terré au fond de lui en cet instant. Le rictus moqueur gravé à la commissure de ses lèvres le prouvait.
Le poids de la culpabilité, c’était quelque chose que Rabastan était habitué à ressentir. Et qu’il était habitué à évacuer d’un geste de la main et d’une pensée. Elle était prête à supporter beaucoup de choses, sa consience, prompte à excuser les mensonges, les meurtres, la cruauté. Peut être fatiguée, à force de tout soutenir. À force de jouer ce rôle de paratonnerre pour un pauvre mec qui n’arrivait pas à faire face à un quart de ses problèmes. Parce que c’était bien ça son utilité, elle prenait tout sur elle, englobait toutes les actions, couvraient toutes leurs conséquences. Imperméable et recluse dans un coin de son esprit elle protégeait Rabastan de trop réfléchir, de trop penser, de trop se torturer. Une conscience usée jusqu’à la corde, qui peinait à reprendre son souffle. Qui maintenant laissait s’échapper trop de choses ; à force de trop fermer, de trop cloisonner les joints s’étaient abîmés. Et le contre coup était dur à vivre. On dit que pour soulager sa conscience, il fallait demander pardon. Paradoxalement Rabastan était tout aussi habitué à s’excuser que très réticent à le faire, ces mots là il les connaissait et les avait répété un nombre incalculable de fois mais ce qui chez lui pouvait s’apparenter à de la fierté l’empêchait de s’exécuter. Parce que c’était un signe de faiblesse, signe qu’il avait merdé quelque part. Face à son père, face au Maître il pouvait se le permettre parce que quoi qu’il fasse il n’avait jamais été et ne serait jamais assez bien, mais devant les autres… devant Owen Avery c’était le chemin de croix. Et deux fois en moins d’un an, là où il avait passé les dernières années soit à l’ignorer ou à le rabaisser… une descente en Enfer aurait été plus aisé. Mais puisqu’il le fallait, puisque c’était devenu terriblement nécessaire pour lui de pouvoir tracer un trait sur cette culpabilité là, à défaut de pouvoir soulager sa conscience sur bien d’autre point, il avait fallu remonter ses manches, lutter contre l’amertume, la honte, l’angoisse et ce sentiment de ratage complet. Et juste le dire. Et attendre.
Que désirait-il de toute manière ? Ce n’était pas des mots ni même une attitude qui allait les ramener tous les deux plusieurs années en arrière. Pardon et excuse n’étaient pas des retourneurs de temps et n’effaçaient pas les souvenirs. Rabastan s’en était bien rendu compte, et tous ses efforts pour tenter de retrouver ces liens qu’il avait pu avoir avaient été vain ; il devait s’y faire. Jamais ses enfants ne l’aimeront ou le considéreront comme on peut considérer un vrai père. Jamais Owen et lui ne pourront de nouveau se regarder, se toucher, se sourire ou se comprendre comme ils l’avaient fait avant. Parce que derrière leur iris, derrière leur masque de Mangemort, leur masque d’humain il y avait eu cette fracture. Ces années qu’on ne pouvait pas oublier. Rabastan serait toujours en colère, quelque part. Et il ne pouvait pas savoir ce qu’Owen ressentait en le voyant mais il était certain que ce n’était pas de l’enthousiasme pur et simple. Ces sentiments là ne disparaitraient jamais. Que désirait-il alors ? Puisque tout était voué à l’échec ? Puisque rien ne serait comme avant. S’il voulait survivre, vivre, il devait se constuire une nouvelle vie. Il devait tout réapprendre. C’était ce qu’il comprenait, morceau par morceau. Le souvenir des lèvres d’Hécate sur les siennes le portait. C’était ça, peut être sa nouvelle vie. Cette vie qu’il n’avait plus le droit de rater, qu’il ne voulait pas rater. Il aimerait juste… que des morceaux de l’ancien Rabastan, du Rabastan avant les Détraqueurs pourrraient le suivre sur ce chemin. Même si ce ne pourrait pas être pareil. C’était pour ça qu’il voulait ses enfants ne se détournent pas de lui, qu’il voulait juste avoir la force de regarder Owen sans ressentir toute cette rage. Il y avait Hécate, mais elle représentait le futur. Peut être un futur heureux, mais il savait qu’il avait eu quelques années de bonheur, avant. Il voulait les retrouver, ne serait-ce qu’un peu. Alors, que désirait-il ? Parler seulement, lui parler à lui, Owen, une part de ce bonheur qu’il avait eu, et ne pas tenter de le blesser, de l’écraser de sa rage.
Et maintenant que les mots étaient sortis (difficilement mais inéluctablement, il ne pouvait plus retirer ce qui avait été dit, ne pouvait plus fuir) un part de lui se sentait peut être mieux, plus libre, plus légitime. Même si ce sentiment de se livrer ainsi à Avery l’éprouvait. Il le sentait, ce serait tellement simple en cet instant pour son ancien camarade de serrer le poing et de le briser. Il ne faudrait qu’une pression. Qu’une insulte ou une moquerie. Et Rabastan ne savait même pas s’il aurait eu le droit de lui en vouloir. Œil pour œil… fierté pour fierté. Mais Owen ne fit pas de remarque, resta silencieux et assis sur les fauteuils confortabes du salon. Poussa même la courtoisie à lui faire signe à lui de s’asseoir. Il s’éxécuta plutôt lentement, se posant sur le canapé tout en restant droit, prêt à se lever. Vidé, dans son esprit. Vidé, physiquement. Et comme il voyait le visage d’Avery perdre la méfiance compréhensible qu’il affichait depuis son arrivée, lui essayait de reprendre lentement cette expression froide et détachée qui lui permettait de faire face. « Mh. J'aurais du y penser. » C’était la première phrase qu’il daigna lâcher et Rabastan ne savait pas comment la prendre : de quoi aurait-il pu se douter, parlait-il d’Elena ou bien des suspicions de Rabastan ? Quoiqu’il en soit il ne s’agissait pas d’une remarque moqueuse ou cinglante destinée à le casser. Ce dont il pouvait s’estmer heureux… non ? Il aurait du y penser. Ouais, il n’était pas le seul, Rabastan aurait du y penser aussi plus tôt et un peu mieux y faire face. C’était sa lâcheté qui l’avait ralenti tout ce temps. Avery bu une gorgée de son verre, Rabastan prit le sien, l’imita. Mimétisme social, quant on pataugeait allègrement dans l’incompréhension et le brouillard c’était ce qui sauvait, ce mimétisme. « …Comment tu l'as su ? Je veux dire, après tout ce temps... elle a fini par te le dire ? La connaissant elle n'a pas du faire une telle chose. » Il eut un rictus, ouais Elena aurait plutôt avalé sa langue plutôt que de lui avouer une telle chose. De toute manière elle n’avait pas eu affaire à Rabastan depuis sa libération, son évasion, juste une fois et c’était pour crever. Il haussa un peu les épaules, comme s’il voulait signifier que cela importait peu, que cela ne l’avait en fin de compte pas tant bouleversé que ça (même s’il savait fondamentalement que c’était trop tard pour sauver les apparences) : « Je l’ai découvert en fouillant les archives. Presque par hasard. » Ouais il avait par hasard fait monter tous les documents concernant la fin de l’année 1981 et avait par pur accident épluché tous les parchemins qui comportaient son patronyme. Tout cela n’était qu’une pure coïncidence. « Je ne l’avais même pas vraiment soupçonné parce que je ne pensais pas qu’elle en savait autant. » Sa voix avait retrouvé l’assurance posée et distante qu’il affectait dans de nombreuses circonstances. Maintenant que le pire était passé, tout devenait plus simple. « Des trucs que personne ne savaient. Ou presque. Mais elle devait me tenir plus à l’œil que ce que je croyais. Et devait vraiment me haïr plus que je ne le pensais. Mais au final… » Il hausse de nouveau les épaules, boit une gorgée machinalement « Ça ne lui aura acheté que vingt ans de répit. » Vingt ans pendant lesquels elle avait pu profiter d’Arsenius, d’Aramis et de Cedrella, du soleil et du vent, de la liberté et de la joie. « Content d'apprendre qu'elle a payé pour ça. » Rabastan hocha la tête : « C’est presqu’étonnant que tu ne l’aies pas entendu gueuler d’ici. Parce que je t’assures que ça n’a pas été silencieux. » En réalité il avait peut être plus hurler qu’elle, il ne s’en souvenait plus très bien. Encore un truc que sa conscience s’évertuait à flouter, pour qu’il ne s’arrête pas de marcher. « « Eh bien... Sans vouloir te lancer des fleurs, tu as débarrassé le monde d'une sacrée rombière et tout le monde s'en portera bien mieux. M'est avis que tu as pris ton temps, ça c'est certain. Quel effet ça fait d'être libre ? » C’était étrange… de parler comme ça avec Owen. Il sentait bien que son collègue faisait de son mieux pour ne pas laisser un désagréable et embarrassant silence s’installer et Rabastan tentait tant bien que mal de suivre le mouvement. Leur voix à tout deux était creuse, comme s’ils répétaient une pièce, un dialogue soigneusement appris. Ils n’y mettaient pas leurs tripes, comme lorsqu’ils s’envoyaient des insultes, se donnaient des coups. Parce que détester avec passion était toujours plus simple que d’apprécier. « Pour être honnête… pas grand-chose. Pas comme si je la croisais souvent depuis qu’on est sorti. » Depuis qu’on est sorti. Depuis quand est-ce que tu l’impliques là dedans ? Même si Rabastan l’oubliait parfois, Avery avait fait son temps aussi. Il y pensait rarement : parce que ça ne le réjouissait pas d’imaginer Owen recroquevillé dans un coin, à imaginer on ne sait quoi, à revivre Merlin seul sait quel pan de sa vie. Ça ne le réjouissait pas de savoir qu’Owen savait, lui aussi, ce que c’était. Un putain de gâchis. « Je suis juste… tu sais content que ce soit réglé. Comme si ça devait arriver un jour ou un autre. Elle le savait elle aussi, sans doute. Alors voilà, elle est morte. Elle ne fera plus de mal à personne maintenant. Tant mieux. Mais pour moi c’est trop tard. » Qu’est-ce qu’il pouvait dire d’autre ? Tuer Elena ne l’avait pas rempli d’une éternelle vague de satisfaction. Il était juste sombrement heureux de savoir que maintenant elle ne toucherait plus à un seule cheveux de Gwen. Sombrement heureux de savoir qu’elle avait passé les derniers instants de sa vie à le voir, lui, et à l’entendre. Qu’elle avait très certainement regrettée beaucoup de choses. Qu’elle avait souffert. Il était content. Mais pas libre. La tuer ne lui rendrait rien. Ses années qu’on lu avait prise, elles étaient parties en fumée, comme le manoir. Avery lâcha une remarque sur l’incendie, justement. Rabastan but une nouvelle gorgée, ça aussi ça restait flou. Il se rappelait juste des cris, des cris. De Gwen et d’Aramis. Et encore. Il avait presque redécouvert l’incendie sur le tard, en même temps que tout le monde, trop perdu dans sa rage pour que sa mémoire garde tous ces instants bien nets. Ce qui n’était pas plus mal.
« Est-ce que tu es venu aussi te faire pardonner pour ton affront lors de l'exécution ? Ça fait longtemps que j'attends. » Il fronça les sourcils et regarda Owen droit dans les yeux, comme si cette simple remarque avait détruit absolument toute la gêne qu’il avait pu encore éprouver. Il avait déjà entendu ce ton, non ? Et il avait déjà vu ce faux sourire, n’est-ce pas ? Quelque part, à une époque, il y avait longtemps, très longtemps. Ce n’était pas entier, tout comme ses souvenirs n’étaient plus que de vagues bribes rassemblant un faible éventail de couleurs, rires et sensations, mais c’était là. Avery n’était pas sérieux. En tout cas pas tout à fait. « Tu risques d’attendre encore longtemps. Pas ma putain de faute si tu ne sais pas tenir sur tes jambes, Avery. » lâcha-t-il en affectant un air de mépris savamment travaillé, sa main droite portant une nouvelle fois son verre à ses lèvres pour qu’il puisse siroter une petite lampée. « Vrai, je ne sais pas comment tu as pu survivre toutes ces années sans que je ne sois là pour te sauver la mise. Un putain de miracle. » Lui ne souriait pas, mais l’idée était là. Avant il riait beaucoup, Owen le faisait rire beaucoup. Avec ses conneries et ses remarques toujours à l’ouest. Maintenant il en faudrait plus pour lui faire lâcher autre chose que ce vague rire sans joie et désabusé qui lui arrivait de servir tout aussi bien à ses collègues qu’à des prisonniers. Quant à sourire… ce n’était pas l’exercice le plus aisé pour lui. Mais ça se comprenait, dans son ton et dans ses yeux qu’il n’était pas si sérieux, lui non plus. Évidemment qu’Avery s’en était sorti sans lui, c’était plutôt lui qui n’avait réussi à rien sans Owen si on y réfléchissait bien. Mais pour la beauté du mot, il pouvait bien opérer à une licence artistique. Et il avait du se trouver des fois où Rabastan avait sauver la mise à son confrère. Ils avaient beaucoup crapahuté ensemble, dans des missions toutes différentes. Moi je ne sais pas. Non, il n’y avait que le lui d’avant qui savait. Le Rabastan du début de la vingtaine. Le Rabastan qui s’était éteint, son rire, ses mimiques, sa mémoire avec lui. Ses yeux étaient toujours sur Owen, mais il paraissait fixer le vide. Il retournait son cerveau, et pour une fois ce n’était pas pour enfouir des pensées mais pour en extraire. Rien n’était vraiment intact, tout était troué. Des anciennes missions, il ne se souvenait que des moments de crainte ou d’hésitation. Pas de la complicité. Mais elle avait du être là. « Y avait pas une fois où on avait bien failli y passer tous les deux ? » fit-il en clignant des yeux, en se reconcentrant sur son hôte. « Genre… on s’en est sorti in extremis ? » Ce genre de chose, c’était ce qui lui restait. Il aurait aimé pouvoir en avoir plus mais toute la concentration du monde ne l’aiderait pas à faire revenir ce qui avait été pris. Il soupira finalement et se cala un peu mieux sur le canapé, simulant un détachement qui était très loin d’être le sien : « Je dis sans doute des conneries. » Une nouvelle gorgée. « Je me souviens de rien de cette époque de toute manière. » Il aurait bien aimé le dire d’une telle manière à ce que ça sonne blasé dans sa bouche, comme si se souvenir de ça n’en valait pas la peine. Et même si sa voix était redevenue égale à elle-même, il pressentait qu’il faudrait plus que ses talents de comédien pour tromper Owen.
Spoiler:
On est des thugs Feels!Raben court c’est pas dans nos gênes
‹ baguette : est en bois d'acacia rigide, possède un cœur en ventricule de dragon et mesure vingt-neuf centimètres.
‹ gallions (ʛ) : 5709
‹ réputation : la magie noire a rongé mon âme, dilué toute conscience, accru ma folie.
‹ particularité : fou.
‹ faits : ma soeur jumelle vit dans mon esprit dérangé, secret dont seuls quelques chanceux ont connaissance, que je suis aussi dérangé que peut l'être un sbire de Voldemort, que je n'hésite jamais à user de violences quand bien même elles ne seraient pas nécessaires, car la souffrance et les hurlements me font vibrer comme aucune autre drogue au monde. Mais qu'elles me sont infligées souvent par la main du Magister elle-même, car dieu sait combien de fois je l'ai déçu au cours de mes années de bons et loyaux (haha) services.
‹ résidence : Herpo Creek, dans la maison de mes parents, vide et délabrée; ruines.
‹ patronus : irréalisable, autrefois une hyène bien qu'elle ne soit apparue qu'une seule et unique fois sous forme reconnaissable.
‹ épouvantard : le baiser du détraqueur.
‹ risèd : la fin de cette insurrection qui amène autant de satisfaction que de souffrance.
There is a man that live next door In my neighborhood And he gets me down
Il était incroyable de se rendre compte d'à quel point les ouvertures crées par l'autre lors d'un face à face étaient capables de faire resurgir des limbes des souvenirs et des émotions enfouies, terrées dans le déni et la résistance. Avant ce jour, voir même avant la dernière visite du Mangemort au manoir Avery, les souvenirs qui concernaient Rabastan s'étaient tous – sans exception – trouvés refoulés et plongés dans un coma inaccessible. Pire, les moments de joie et les complicités partagées s'étaient vues voilées d'un halo de haine et de rancœur. Il avait volontairement aliéné ces clichés heureux pour en faire des raisons valables de haïr cet homme qui avait tant changé. Le Lestrange qu'il avait vu sortir d'Azkaban ne correspondait en rien aux souvenirs qu'il avait gardé de lui ; pourquoi s'accrocher à du vent, à des regrets ? La nostalgie était une chose qu'il laissait volontiers aux femmes et à leurs humeurs instables. Quand il avait revu Rabastan sans y avoir été préparé, quand il s'était confronté pour la première fois à la silhouette rachitique de son ancien camarade, à son regard terrifié et éclairé d'une folie qu'il n'aurait jamais cru voir briller au fond de ces yeux bleus, quand il avait compris que rien ne serait comme avant, Avery avait rejeté violemment les bons moments de sa mémoire afin de se faire plus aisément à la nouvelle « amitié » qui allait désormais le relier à Rabastan Lestrange. Hors l'aura de calme et de conciliation qui les entourait semblait adoucir peu à peu la violence de ce rejet et amenait le Mangemort à se défaire d'une méfiance si ancrée en lui qu'il n'arrivait plus à la dissocier d'un trait de caractère inné. Évoquer Elena et leur haine commune et réciproque pour la femme de Rabastan était un début, une amorce dont ils semblaient tous deux se saisir dans un désir commun de faire table rase d'un passé pavé de dissidence et de rivalité. Du moins était-ce son ressenti, mais il n'était pas vraiment certain de pouvoir se fier à cette impression somme toute un peu naïve. On parlait bien là de deux Mangemorts dont l'opposition farouche était presque passée dans le domaine public, depuis le temps. Personne ne s'attendait à ce qu'ils échangent une poignée de main amicale et reprennent tout depuis le début, comme au bon vieux temps. Et surtout pas Avery. Aussi s'enquit-il poliment de la façon dont Rabastan avait découvert que sa femme était l'unique fautive dans cette histoire, la parjure, place qu'il lui avait gracieusement offerte toutes ces années. Au fond de lui, il ne le digérait pas. Il avait eu beau enfouir tout ce qui pouvait affaiblir son antipathie pour Rabastan, certaines choses restaient trop profondément ancrées en vous pour pouvoir les oublier définitivement et ce malgré la qualité des efforts fournis pour y arriver. Avery restait amer en pensant que son ancien ami l'avait pris pour un tel traître. Car traître il l'avait été, et il l'était toujours – là aussi c'était une chose dont il ne se débarrasserait jamais vraiment. Mais Owen aimait à penser qu'en ce temps là, il avait encore eu des valeurs et une morale suffisante pour ne pas en arriver là.
« Je l’ai découvert en fouillant les archives. Presque par hasard. » Le hasard n'ayant jamais été une variable appréciée de Lestrange, Avery douta fortement de l'authenticité de son récit mais n'en montra pas un signe. Il demeura interdit, écouta la suite avec un intérêt non feint : « Je ne l’avais même pas vraiment soupçonnée parce que je ne pensais pas qu’elle en savait autant. » « Ça a été le cas de tout le monde. » laissa-t-il glisser d'un ton bas. Il aurait été le dernier à songer qu'une femme aussi insignifiante qu'Elena aurait pu posséder autant de secrets lourds de conséquences. Peut-être allait-il devoir commencer à se méfier des jolies potiches de la haute société sorcière dans le genre de Nyssandra Ollivander et sa clique, y compris la fille de Rabastan, Guenièvre. Les vipères étaient partout, décidément, encore un détail qui donnait raison à sa paranoïa d'exister. « Des trucs que personne ne savaient. Ou presque. Mais elle devait me tenir plus à l’œil que ce que je croyais. Et devait vraiment me haïr plus que je ne le pensais. Mais au final… Ça ne lui aura acheté que vingt ans de répit. » (A quel prix, pour Lestrange ?) « C’est presqu’étonnant que tu ne l’aies pas entendu gueuler d’ici. Parce que je t’assures que ça n’a pas été silencieux. » laissa-t-il tomber à un moment donné. Avery n'eut d'autre choix que de rire. Que n'aurait-il pas donné pour assister à ce spectacle. Nul doute qu'Elena n'était pas morte digne et silencieuse comme la belle martyre qu'elle se plaisait sans doute à croire qu'elle était.
Quand il eut le culot de demander à Lestrange quel effet cela lui faisait d'être libre, Avery se rendit compte de l'absurdité de sa question. Non pas parce que Rabastan et Elena avaient été un couple uni et que la mort de l'un d'entre eux était une entrave de moins, mais parce que parler de liberté à quelqu'un qui avait passé quatorze ans en prison pouvait très vite s'apparenter à une provocation. Et Salazar lui-même pouvait témoigner de la susceptibilité de Lestrange dès lors que l'on abordait le sujet de son enfermement. Il avait été un prétexte fréquent d'accrochage et de discorde entre eux, un moyen de faire mal en pleine altercation, de marquer des points de la façon la moins fairplay du monde. Aujourd'hui il se surprenait lui-même à parler de liberté retrouvée sans aucune arrière pensée mesquine, et bien plus surpris encore de constater que Lestrange ne sautait pas au plafond en montrant les crocs. Bien au contraire. La retenue dans sa voix trahissait le profond malaise qu'il ressentait, à l'instar d'Owen, mais les efforts qu'ils fournissaient tous deux pour avoir une conversation civilisée – digne des Mangemorts les plus éduqués, par Salazar, c'était impressionnant – parvenaient un peu à étouffer cette gêne. La réponse de Lestrange sonna comme une bizarrerie dans cette atmosphère étrangement lisse. « Pour être honnête… pas grand-chose. Pas comme si je la croisais souvent depuis qu’on est sorti. » (Avery se sentit si peu concerné par l'usage du pronom qu'il ne tiqua même pas.) « Je suis juste… tu sais content que ce soit réglé. Comme si ça devait arriver un jour ou un autre. Elle le savait elle aussi, sans doute. Alors voilà, elle est morte. Elle ne fera plus de mal à personne maintenant. Tant mieux. Mais pour moi c’est trop tard. » Il était certain que tout le monde était destiné à mourir un jour ou l'autre, mais certains sorciers méritaient plus que d'autres de trépasser dans d'atroces souffrances. Bien sûr, ceux qui méritaient un tel sort variaient dès lors que l'on changeait de position, de regard. Aux yeux de beaucoup, les Mangemorts dans leurs genres appelaient bien plus à la torture que les femmes comme Elena McMillan. Peut-être même que sa félonie était perçue comme un bel acte de bravoure pour certains idéalistes – ces imbéciles d'Insurgés – et son décès comme une injustice de plus. Tout était relatif, évidemment, mais aucune opinion ne comptait autant pour Owen Avery que la sienne. Voilà qui clôturait le débat et achevait de le convaincre qu'Elena avait eu tout ce qu'elle méritait, et bien plus. Cette harpie cesserait à tout jamais de répandre son venin sur le monde, de polluer l'air de sa simple présence. À la simple pensée qu'elle n'existait plus, Avery pressentait que le monde se porterait mieux. Et pour fêter ça, il descendit le niveau de son verre d'une bonne moitié. « J'espère que tes gosses en profitent plus que toi. » Encore une chose dont il ne fallait pas qu'il parle avec Rabastan : ses enfants, ses sacrés enfants. Ses morveux qui lui prenaient tant de temps lorsqu'ils étaient encore de jeunes hommes destinés à profiter de ce qu'on leur offrait, qui le faisaient rentrer plus tôt quand Owen ne demandait qu'à le retenir hors de chez lui toujours un peu plus longtemps. Et si il était trop tard pour Lestrange, peut-être était-il juste temps pour ses enfants. Enfin, c'était là une remarque jetée d'une voix blanche qui trahissait le manque d'intérêt flagrant du Mangemort pour la progéniture de son collègue. Les enfants de Rabastan, même lorsqu'ils étaient encore amis, n'avaient jamais intéressé Avery plus que ça. Ils avaient été pour lui des mouflets braillards et baveux aux propos désordonnés et aux voix passablement agaçantes, ils étaient aujourd'hui des jeunes gens dont l'utilité pour la société sorcière se limitait à perpétuer un nom qui se voulait grand et important – sans vouloir froisser personne... Seul Arsenius avait su piquer un peu son intérêt à sa naissance. Quant à savoir si la mort de leur mère les réjouissait ou non, Rabastan pouvait bien répondre à cela, ça ne changerait rien à ce qu'Avery pensait de la situation.
Plus que tout, Avery devait faire attention à ne pas se laisser aller à croire à la sincérité de cette entrevue. Le lendemain, ils ouvriraient les yeux chacun de leur côté et auraient tout oublié. Cette scène leur semblerait aussi irréelle qu'un rêve, et ils auraient tôt fait de reprendre leurs vieilles habitudes. Persuadé au plus profond de lui-même que cette vague de paix n'était que passagère, Owen décida tout de même d'en profiter et de tester les limites de cette situation insolite. Il testa l'apparente sérénité de Rabastan, il testa sa propre propension à l'humour sincère en présence d'un homme qu'il considérait comme un ennemi jusqu'alors. Et ça fonctionna. Le regard qu'il écopa en réaction à sa bravade lancée d'un ton railleur élargit un sourire déjà bien installé sur ses lèvres. « Tu risques d’attendre encore longtemps. Pas ma putain de faute si tu ne sais pas tenir sur tes jambes, Avery. » « Oh oh, moi qui commençait à me demander si on ne t'avais pas mis sous Imperium, me voilà rassuré. » « Vrai, je ne sais pas comment tu as pu survivre toutes ces années sans que je ne sois là pour te sauver la mise. Un putain de miracle. » Ce qui eut le mérite de couper toute envie de rire à Avery. Ce dernier s'enfonça dans son fauteuil et termina son verre, les sourcils froncés au dessus de ses yeux sombres et frondeurs. « Je te rappelle que les fois où j'ai failli y passer te sont directement imputables, Lestrange. » A commencer par cette foutue exécution dont Rabastan refusait encore d'admettre qu'il avait eu tort. Sur le sujet, aucun des deux ne semblait prêt à faire un pas en avant et cela rassurait assez le Mangemort quant à l'authenticité de leurs rapports. Les limites de leur relation se trouvaient bafouées et brouillées par l'initiative de Rabastan, et il était toujours plaisant de voir qu'ils étaient encore capables de se taper dessus et de se haïr s'ils le désiraient. Difficile de croire qu'en une ou deux entrevues cordiales de ce genre, ils parviendraient à effacer des années d'éloignement et d'aversion dans son état le plus pur. « Y avait pas une fois où on avait bien failli y passer tous les deux ? Genre… on s’en est sorti in extremis ? » rebondit-il, et Avery dut avoir un air légèrement perdu en regardant son collègue, pas certain de comprendre où il voulait en venir. « Je dis sans doute des conneries. » « Tu en dis toujours un tas, c'est ce que tu sais faire de mieux Lestrange, dire des conneries. » lança-t-il, plus pour meubler le silence qu'il pressentait gênant qu'autre chose tandis que Rabastan sirotait une lampée de firewhisky d'un air concerné. « Je me souviens de rien de cette époque de toute manière. »
L'effet de ses mots était peut-être recherché, peut-être pas. En tout cas, ils eurent un impact non négligeable sur Owen. Il n'avait jamais réellement réfléchi à la condition de Rabastan. Pour être passé entre les mains des Détraqueurs une année durant, il savait ce dont ils étaient capables. Il en était douloureusement conscient, et n'aurait souhaité cela à personne – ou presque. Mais il n'avait jamais pensé au delà de sa courte période d'enfermement. Qu'était une année comparée à quatorze ? Qu'étaient les cicatrices qu'il conservait de son séjour à Azkaban comparées à celles que se coltinait Rabastan ? Il n'y avait jamais vraiment pensé. Le regard de Lestrange l'avait hanté pendant des mois ; l'allure décharnée, les os saillants et tirants sous la peau trop tendue, le teint hagard. Cela aussi, il avait choisi de l'oublier, et Rabastan s'était appliqué à ce que tout le monde efface de son esprit l'homme qui était ressorti si changé d'Azkaban. Lestrange était devenu un monstre, de ceux qui hantait les cauchemars de ses nombreuses victimes, cruel à sa manière, bien différent de la jeune recrue de Lord Voldemort mais tout aussi craint. Il avait retrouvé une prestance et imposait un respect qu'Owen Avery n'aurait jamais. « De rien ? » Il caressait nerveusement ses phalanges, le verre ayant retrouvé sa place sur la table basse posée entre eux. Les joues pâles, il posait sur son invité un regard prudent et malavisé, comme s'il cherchait à repérer dans cet aveu une boutade de mauvais goût. « Bien sûr qu'on a failli y passer, et plus d'une fois. Mais on s'en est toujours sortis indemnes et victorieux. On était parfaits lorsqu'on opérait ensemble, Lestrange. Rien ne nous arrêtait. Le Seigneur des Ténèbres lui-même nous accordait au moins ça. » et quelque chose dans le ton de sa voix trahissait un regret immuable. Cette nostalgie là qu'il refusait d'éprouver et qui, pourtant, le martelait avec insistance en cet instant. « Je n'ai pas d'exemple à te donner – il y en a tellement. » Avery se sentait d'humeur trop labile pour avoir simplement envie de raviver un passé mort et enterré à cet ami tout aussi mort et enterré. Rabastan était devenu un étranger, inaccessible et froid. Le silence s'installa, perdura quelques longues secondes durant lesquelles Owen laissa son esprit divaguer, illustrant ses propos – tant d'exemples, en effet.
« Je ne peux pas nier que ta visite me surprend. Ni qu'elle me déplaît. C'est simplement que tout ça me laisse perplexe. Ça fait trop longtemps, Rabastan – et le prénom écorche les muqueuses, maladroitement –,[/color] j'ai l'impression de ne plus te connaître. » D'ailleurs ce n'était pas une impression, c'était un fait. « Je ne comprends toujours pas avec quelles intentions tu es arrivé et dans quelle optique tu comptes repartir. Savoir que tu m'as pris pour responsable de ton emprisonnement me fait aussi plaisir que de savoir ma mère à Sainte Mangouste – je me sens privilégié, crois-le ou non... » Un rire bref, puis – « ...mais je suis désolé que tu aies eu à en arriver à cette conclusion. Désolé également que tu aies perdu ce qu'on a partagé à cette époque. Crois-moi, ça vaut le coup de s'en souvenir. Qu'espère-tu, que je fasse revivre cette jeunesse là ? Que je te raconte ce qu'on a vécu à Poudlard, après, auprès du Maître ? » Qu'attends-tu de moi exactement, Rabastan ? « Je ne peux pas faire ça. Pas maintenant. » Pour un milliard de raisons qu'il n'aurait su expliquer à voix haute et intelligible mais dont la principale était sans doute la rancœur évidente qui persistait encore à son égard. La haine pouvait s'apaiser, mais trop d'années avaient passé et avec elles avaient grandi les discordances entre eux deux, au point de les séparer d'un gouffre qui lui paraissait infranchissable. Avery ne croyait pas au retour de leur complicité d'antan, il ne croyait pas à la renaissance d'une amitié si durement brisée. L’accalmie du moment lui suffisait déjà amplement, et il espérait que l'autre n'en attendait pas plus de lui, du moins pour l'heure. N'étant pas du genre optimiste, il s'attendait à voir cette entente prudente et effacée perdurer avec les efforts, au mieux. Rien de plus.
Ses doigts claquèrent dans le vide lorsqu'il appela Donkey en renfort, pris d'une soudaine inspiration. « Donk', ramène l'album qui est rangé dans la malle de Marcus, à la cave. » L'elfe s'inclina puis disparut de nouveau, après un regard craintif en direction de Lestrange. Lorsqu'il revint muni de l'album offert par Rabastan des années plus tôt, Avery le jeta dans sa direction, troublé par la situation. « C'est toi qui me l'a donné, quand on fêtait ton vingt-troisième anniversaire. » Cette fameuse nuit où tout avait basculé. « Il y a une photo d'Evan dont je me suis servi pour attirer une jeune femme de sa famille. Peut-être la connais-tu, elle appartient à la résistance maintenant. Sansa. C'est dingue ce qu'elle lui ressemble. » Le poids de cette révélation sauta aux yeux d'Avery, qui réalisa qu'en admettant avoir rencontré Sansa Rosier en personne, il s'exposait à de dures sanctions pour ne pas l'avoir capturée et ramenée au Maître. Mais si Lestrange venait ici avec de véritables intentions pacifistes, il n'avait pas de meilleure preuve à lui offrir concernant sa bonne volonté dans cette histoire. C'était ce qu'il avait de mieux comme preuve de sa bonne volonté, pour l'heure. « Évite de l'ouvrir maintenant, la dernière fois qu'on a regardé ces photos tu t'es mis à pleurer d'émotion comme un enfant. » signala-t-il avec un léger rictus au coin de la lèvre en voyant Rabastan sur le point de soulever la couverture. Avery n'était pas prêt aux effusions de sentiments que cela ne manquerait pas de déclencher. Il y avait finalement des avantages à s'adresser à quelqu'un qui n'était pas en mesure de démentir quoi que ce soit ni de vérifier ses propos – encore que Lestrange était plutôt doué en Légilimencie, soit.
Il ne pouvait s’empêcher de lancer régulièrement des regards alentours, comme pour vérifier à intervalle réguliers que rien ni personne ne se cachait derrière un rideau, une porte, prête à se jeter sur eux, ou plus précisément sur lui. Pourtant s’il y avait bien une chose dont il pouvait être certain, c’était que le degré de paranoïa d’Avery devait être au moins équivalent au sien (ou en tout cas s’en approcher honorablement) et qu’il n’y avait techniquement pas grand risque de trouver un ennemi au sein de cette baraque. La seule potentielle menace pourrait venir d’Owen, lui-même mais comme la situation semblait plutôt se passer dans un pacifisme et une politesse digne des meilleurs salons de l’Élite il n’avait pas non plus trop de mauvais sang à se faire de ce coté là. En outre Avery était une menace qu’il connaissait et qu’il savait écluser facilement. Une menace qu’il aurait pu très certainement éliminer même définitivement à plusieurs reprises. Pas que cette pensée ne lui soit jamais venue à l’esprit : Avery avait la grande bonté de ne pas être dans les petits papiers du boss (même s’il conservait sa place dans le Cercle par un tour de force que Rabastan ne s’expliquait toujours pas) et sa soudaine mort n’aurait certainement pas été décrété jour de deuil national. Combien de fois il avait pu y penser, quand il croisait aux bureaux ou au QG ou même de manière tout à fait impromptue dans la rue le regard du Mangemort ? Étonnant vraiment qu’Avery ait pu survivre aussi longtemps, on parlait de l’impulsivité de Rabastan mais sincèrement les gens ignoraient à quel point il pouvait prendre sur lui. Quoique… Si tu avais vraiment voulu le tuer, il serait mort. Et s’il était là aujourd’hui c’était bien pour admettre que, d’une certaine manière, il avait bien fait de ne pas le liquider un jour de mauvaise humeur. Fallait bien avouer une chose, maintenant qu’il l’avait dit, maintenant qu’Owen avait appris, de façon un peu cavalière mais il saurait s’en contenter, le pourquoi du comment d’une partie de la haine de Lestrange, Rabastan se sentait étrangement plus calme, plus détendu (enfin aussi détendu qu’il pouvait l’être dans cette situation). Comme quoi la gentille morale qui dit qu’on se sent toujours mieux après avoir admis qu’on avait déconné n’était pas si fausse. C’est Dumbledore qui doit être heureux de se rendre compte qu’un de ses élèves en faisait l’expérience avec quelques années de retard. Yepee. Et une gorgée pour fêter ça.
« J’espère que tes gosses en profitent plus que toi. » Haussement de sourcils, il observa Owen un bref instant, de la même manière qu’il avait d’observer les détenus qui se permettaient de lui mentir sans aucune vergogne. J’espère qu’il disait l’ahuri, Rabastan savait bien qu’il n’espèrait pas grand-chose, il n’avait jamais eu besoin que son collègue lui rédige une dissertation en trois parties et trois sous partie pour comprendre que ses enfants il s’en tamponnait allègrement le coquillard. C’était déjà d’actualité avant même si Avery avait toujours eu plus ou moins la délicatesse de le dissimuler il ne s’était pas donné cette peine après. Alors ses soit disants espoirs… Rabastan ne se sentira pas trop mal de les laisser se briser. « Je sais pas s’ils en profitent. Je ne parle plus à Arsenius depuis… ma sortie et Aramis décide de jouer les abonnés absents. » On repassera pour la gratitude. Il ne lui restait que Guenièvre. « Mais je suppose que ça améliore les choses pour Gwen, pour ce que ça te fait de toute manière. » Gwen il l’aurait laissé crevé il y a à peine un an donc bon… il était certain de ne pas lui coller d’insomnie. Il laissa ses yeux accrocher le regard d’Owen un instant : ouais il n’y avait clairement pas besoin de legilimancie pour s’apercevoir du non intérêt patent qu’il portait à la question. Ou alors il le connaissait trop bien, mine de rien, pour s’y laisser tromper. Si le cerveau oubliait, les muscles et le corps eux gardaient tout ancré en mémoire Rabastan avait plusieurs fois eu l’occasion d’en prendre conscience ; alors quand il voyait certaines ombres passer sur le visage d’Avery, certains infimes plissements de paupières, certaines contractions musculaires, même minime, il avait l’impression que quelque chose chez lui réagissait en conséquence. Il avait été toujours comme ça comme gosse, et plus tard comme adulte à toujours surveiller les autres, à mesurer le ton de leur voix et l’ampleur de leur geste, par précaution, par habitude, pour éviter de prendre des coups ou pour mieux savoir comment les prendre et se les mettre dans la poche. Owen avait du être un livre ouvert à une époque, même sans magie. Et Rabastan avait du être un expert pour le déchiffrer. Il y avait encore quelques restes. Et le désintérêt était un sentiment facile à détecter.
Mais il n’y avait pas que ça chez Avery, et apparemment il n’y avait pas que le Lestrange qui tentait de faire des efforts de civilité dans cette pièce : même si l’humour d’Owen était discutable, ç’aurait été cracher dans la soupe que de refuser une telle perche. « Oh oh, moi qui commençait à me demander si on ne t’avais pas mis sous Imperium, me voilà rassuré. » « Ah, surtout que j’ai face à moi un expert dans ce sortilège, n’est-ce pas ? Pour l’avoir subi des années durant… » C’était peut être un coup bas mais très sincèrement il l’avait cherché non ? Et surtout si Rabastan était prêt à assumer ses erreurs (ou tout du moins une partie) il n’était pas encore prêt à pardonner plusieurs choses. Il n’était pas certain de pouvoir un jour. Il ne savait pas ce qu’il voulait, entre tenter d’oublier ou garder rancune. La dernière solution il l’entretenait depuis quelques années mais force était de constater que ça ne le rendait pas heureux outre mesure. La première ne l’enchantait pourtant pas plus que ça. « Je te rappelle que les fois où j’ai failli y passer te sont directement imputables, Lestrange. » « Ben tiens. » Si faire retomber toutes les fautes sur autrui était un sport national, Lestrange et Avery auraient très certainement fait partis de l’équipe des champions du monde, et payés rubis sur l’ongle. Quand ils étaient partis rien ne les arrêtait. « T’es encore vivant, ne chouine donc pas. Si j’y avais mis vraiment du mien tu serais mort. Tu devrais t’estimer heureux. » Il ne savait pas vraiment pourquoi il répondait à ses piques, pourquoi il était même heureux d’y répondre. Il savait qu’Owen ne le prendrait pas au sérieux, qu’il hausserait peut être les sourcils, peut être même élargirait son sourire. C’était comme l’écho d’un autre temps, ça venait tout seul sur le bout de ses lères et même s’il essayait d’y mettre peut être une pointe de méchanceté, il n’y parvenait pas vraiment. Mais ce ne fut pas de la méchanceté qui fit disparaitre le sourire d’Owen mais bien sa remarque quant à sa mémoire défaillante. Avery sembla un moment perdu, comme s’il ne comprenait pas vraiment ce que venait de lui dire Rabastan. Eh bien quoi ? Il devait bien s’en douter non ? Lui aussi était passé par là après tout. Même si un an restait peu de choses, c’était tout de même une année. On avait le temps de laisser les choses s’effacer en une année. « De rien ? » Rabastan haussa les épaules avec une vague moue. Si, il y avait quelques peties choses qui restaient. Il se souvenait de quelques mots, quelques phrases, quelques regards. Quelques situations aussi. Mais c’était flou, et même en s’y attardant il n’en tirait rien. Comme si ces derniers moments qui avaient persistés dans sa mémoire avait été drainé de toute leur énergie. « Bien sûr qu'on a failli y passer, et plus d'une fois. Mais on s'en est toujours sortis indemnes et victorieux. On était parfaits lorsqu'on opérait ensemble, Lestrange. Rien ne nous arrêtait. Le Seigneur des Ténèbres lui-même nous accordait au moins ça. » Une belle époque sans nul doute. Il avait presque l’impression qu’Avery s’adressait à un autre personne, ou lui parlait d’une autre personne ; c’était un sentiment courant qu’il avait quand on évoquait la vie d’avant. Il eut un faible rire, si le Rabastan de vingt ans lui paraissait étranger à lui alors qu’est-ce que ça devait être pour les autres ? Owen parlait bel et bien d’un temps qui semblait appartenir à un autre siècle et d’un personnage mort depuis belle lurette. On était parfaits lorsqu’on opérait ensemble. Rabastan pinça les lèvres. « Je n’ai pas d’exemple à te donner — il y en a tellement. » Ouais, même si ça ne lui faisait pas plaisir, c’était une pointe de jalousie qu’il ressentait. Alors lui il s’en souvenait ? Il y en a tellement. Est-ce qu’il exagérait ? Il devait exagérer. Ou alors tu as a éclusé toi-même, comme un grand. Il y avait peut être de ça… Rabastan ne savait plus distingué ce qui lui avait été volé suite à la prison ou bien suite à ses manipulations personnelles. Aurait-il volontairement arraché certains résidus de joie ? Par orgueil ou par mépris ? Le fait que ça ne l’étonne pas n’était pas très bon signe. Quel con, par Merlin, quel con.
Il venait de terminer son verre. Il fit léviter la bouteille jusqu’à lui — ce n’était pas ce qu’on faisait de plus poli mais la dernière fois il avait presque tout péter dans le manoir, Avery pouvait s’estimer heureux qu’il ne s’en prenne qu’à ses réserve en alcool. Se reservit un verre, assez plein, qu’il n’aille pas faire son radin. Il ne buvait pas souvent mais quand c’était le cas, il pouvait en descendre. « Je ne peux pas nier que ta visite me surprend. Ni qu'elle me déplaît. C'est simplement que tout ça me laisse perplexe. Ça fait trop longtemps, Rabastan — j’ai l’impression de ne plus te connaître. » Il avait tapé juste. Qu’est-ce qu’il voulait qu’on lui réponde à ça ? Lui aussi avait l’impression de ne plus se connaître, alors de là à reconnaître les autres… il y avait un pas encore plus grand. Même son grand frère lui échappait, même ses enfants. Alors Avery… « Je ne comprends toujours pas avec quelles intentions tu es arrivé et dans quelle optique tu comptes repartir. » Il boit une gorgée de son verre, son autre main tapote l’accoudoir de l’assise où il se trouve. « Savoir que tu m'as pris pour responsable de ton emprisonnement me fait aussi plaisir que de savoir ma mère à Sainte Mangouste – je me sens privilégié, crois-le ou non... » Il rit, Rabastan grimace un rictus : il était certain que ça n’avait pas été son état d’esprit général quand il s’était rendu compte que Rabastan s’amusait à lui faire retomber toutes les conneries possibles sur le dos face au Maître, il se serait très certainement passé d’un tel honneur, quoi qu’il en dise. « ...mais je suis désolé que tu aies eu à en arriver à cette conclusion. Désolé également que tu aies perdu ce qu'on a partagé à cette époque. Crois-moi, ça vaut le coup de s'en souvenir. Qu'espère-tu, que je fasse revivre cette jeunesse là ? Que je te raconte ce qu'on a vécu à Poudlard, après, auprès du Maître ? » Il ne savait pas lui-même si c’était ce qu’il voulait. Évidemment qu’une part de lui avait besoin de se remémorer ces moments, comme pour l’assurer que oui, ça pouvait exister. Mais une autre part de lui, qu’il découvrait depuis peu de temps, tentait de le convaincre qu’à force de trop rester dans le passé il ne parviendrait jamais à être heureux. C’était révolu maintenant. Il était mort l’ancien Rabastan. Il ne pourrait plus jamais revenir. Alors fais ton deuil et vis bordel ! « Je ne peux pas faire ça. Pas maintenant. » « Ce n’est pas ce que je te demande. » lâcha-t-il en avalant une deuxième gorgée « En fait je ne te demande rien du tout. Tu voulais savoir quelles étaient mes intentions, j’étais juste venu m’excuser d’une connerie que j’avais pensé, que tu m’avais laissé pensé. » Il haussa les épaules « Je ne sais pas pourquoi mais j’ai pensé que je te devais au moins ça. Le reste… tu peux le garder. » Nouvelle gorgée, nouvel haussement d’épaule, petite moue désintéressée « Je suis certain que ça doit valoir le coup, je m’en suis toujours douté. Sinon ils seraient toujours là. Mais que veux-tu que ça m’apporte ? Et puis ne t’inquiète pas, si j’ai envie de me souvenir, un jour, je pourrais toujours te payer une visite dans ta mémoire. » La jalousie et l’amertume le rendait presqu’agressif, mais il tempéra ses paroles d’un vague rictus. C’est le moment que choisi Owen pour appeler son elfe de maison. « Donk’, ramène l’album qui est rangé dans la malle de Marcus, à la cave. » Tant qu’il passait par la cave il ne pouvait pas remonter aussi une autre bouteille ? Ne savait-on jamais… Mais en réalité une contraction crispa la mâchoire de Rabastan en regardant la petite créature filer obéir aux ordres. « Tu tiens des albums photo toi ? » ricana-t-il en lançant un regard à son collègue quand l’elfe reparut avec ce qui avait été demandé. Avery le lui lança nonchalemment et Rabastan fut à deux doigts de renverser son verre en rattrapant l’objet. Pouvait pas faire gaffe non ? Et pourquoi il voulait lui refiler un album à la con ? Rabastan se rappelait vaguement que les photos, c’était lui qui les prenait. Avant. Il n’avait plus touché à un appareil depuis 1981. Et les seules photographies qu’il avait avec lui étaient celles que ses enfants lui avait offert. Il avait d’ailleurs conscieusement retiré toutes celles du début où il apparaissait pour les dissimuler au fin fond d’un tiroir. Il avait vite remarqué qu’il ne supportait plus de se voir. Mais pourquoi Owen venait de lui balancer ça sur ses genoux, sans introduction, ça le laissait perplexe. « C’est toi qui me l’a donné, quand on fêtait ton vingt-troisième anniversaire. » Une mauvaise date. Il regarda avec plus d’attention la couverture et cligna des yeux. Oui… exact, c’était à lui ce truc. Il ne se souvenait pas que c’était Avery qui l’avait. Il pensait qu’Elena l’avait brûlé. C’était étrange de se retrouver avec ça dans les mains. Il n’avait pas besoin de l’ouvrir pour savoir ce qu’il allait y trouver. « Il y a une photo d'Evan dont je me suis servi pour attirer une jeune femme de sa famille. Peut-être la connais-tu, elle appartient à la résistance maintenant. Sansa. C'est dingue ce qu'elle lui ressemble. » L’information glissa sur lui sans qu’il ne tique vraiment, trop occupé à passer ses doigts sur la couverture. Il allait l’ouvrir, tout en sachant très bien qu’il n’avait sans doute pas très envie de voir ce qu’il y avait à l’intérieur quand Avery l’interrompit. « Évite de l'ouvrir maintenant, la dernière fois qu'on a regardé ces photos tu t'es mis à pleurer d'émotion comme un enfant. » Il interrompit son geste pour dévisager son collègue. Il disait peut être vrai, peut être pas. De toute manière ce n’avait pas tant été lui que sa jeune version de lui-même. « Mais ta gueule pauvre con. » lâcha-t-il en refermant pourtant l’album. « Je suis surpris que tu l’ais gardé. On te manquait à ce point là ? » Il y avait des photos de tout le monde là dedans, de lui (quelques unes) et de toute la bande de crétins. Mulciber, Wilkes, Snape, Rosier. Rosier… « Attends, tu as dit quoi à propos d’Evan ? Que sa frangine lui ressemblait ? » Le wagon qu’il avait raté lui revenait en pleine gueule. « Attends… tu as rencontré Sansa Rosier ? » Rabastan avait eu du mal à la remettre, mais finalement après l’affaire Godric’s Hollow il avait finalement réussi à mettre un nom sur la petite Insurgée blonde qui avait voulu lui dévisser la tête. Sansa Rosier. La petite sœur du grand frère comme on dit. Comme quoi. Il aurait du la tuer à ce moment là, mais trop occupé à assassiner Morgana Ives il avait laissé échapper l’occasion. Et là… qu’est ce qu’il lui disait ? Il posa son verre sur la table et passa sa main sur son visage « Attends… tu me dis que tu as attiré la gamine Rosier… que tu l’as vu et… » Sa voix retrouve les intonations classiques de directeur « … je peux savoir alors pourquoi je n’ai pas eu l’occasion de la voir passer par mon niveau ? » Ses doigts appuyaient fort sur ses tempes, comme s’il luttait avec son envie de prendre sa baguette et d’envoyer bouler Owen sur le tapis (qui n’était pas un Axminster, franchement les Avery n’avaient pas de goût, ou pas d’argent…). « Avery, dois-je te faire remarquer que si tu croises la route d’Insurgés notoire, tu dois les capturer, hein ? Pas prendre le thé avec eux, leur refiler des photos de leur frère décédé et parler du bon vieux temps ! » Il soupira : « Parce que ne me fais quand même pas croire que cette gamine a pu te damer le pion, même moi je t’estime plus doué que ça. »
‹ baguette : est en bois d'acacia rigide, possède un cœur en ventricule de dragon et mesure vingt-neuf centimètres.
‹ gallions (ʛ) : 5709
‹ réputation : la magie noire a rongé mon âme, dilué toute conscience, accru ma folie.
‹ particularité : fou.
‹ faits : ma soeur jumelle vit dans mon esprit dérangé, secret dont seuls quelques chanceux ont connaissance, que je suis aussi dérangé que peut l'être un sbire de Voldemort, que je n'hésite jamais à user de violences quand bien même elles ne seraient pas nécessaires, car la souffrance et les hurlements me font vibrer comme aucune autre drogue au monde. Mais qu'elles me sont infligées souvent par la main du Magister elle-même, car dieu sait combien de fois je l'ai déçu au cours de mes années de bons et loyaux (haha) services.
‹ résidence : Herpo Creek, dans la maison de mes parents, vide et délabrée; ruines.
‹ patronus : irréalisable, autrefois une hyène bien qu'elle ne soit apparue qu'une seule et unique fois sous forme reconnaissable.
‹ épouvantard : le baiser du détraqueur.
‹ risèd : la fin de cette insurrection qui amène autant de satisfaction que de souffrance.
Avery se fustigeait mentalement afin de parvenir à s'en foutre réellement : dans le fond en quoi ça le regardait que Lestrange ait tout oublié de leurs belles années ? Il ne cessait de se le répéter, de le tourner encore et encore: de l'eau avait passé sous le pont, comme dirait l'autre. Beaucoup de choses avaient été perdues et demeureraient irrécupérables, à quoi bon tenter de les repêcher. Il refoulait le tout en se persuadant d'y arriver. Mais quelque part, que Rabastan retrouve son passé, ça comptait. Et ça comptait bien trop aux yeux du Mangemort. Il préférait – et de loin – n'en avoir rien à secouer de cette histoire, accepter la reddition de son collègue et les quelques politesses échangées, le voir repartir, et basta. Comme souvent, c'était la solution de facilité qu'il choisissait d'emprunter : alors non, il ne pouvait pas raviver les souvenirs perdus de Rabastan, ni maintenant ni jamais. C'est ce qu'il dit. « Ce n’est pas ce que je te demande. » Son regard sombre s'attarda un instant sur le visage impassible de Rabastan. « En fait je ne te demande rien du tout. Tu voulais savoir quelles étaient mes intentions, j’étais juste venu m’excuser d’une connerie que j’avais pensé, que tu m’avais laissé pensé. Je ne sais pas pourquoi mais j’ai pensé que je te devais au moins ça. Le reste… tu peux le garder. » Depuis quand Lestrange devait-il quelque chose à Avery, ironisa-t-il dans le secret de son esprit. Malgré lui, Owen ne put s'empêcher d'esquisser un rictus moqueur. Cela faisait des années qui listait point par point tout ce que cette raclure lui devait, et voilà qu'il se trouvait devant lui, aujourd'hui, s'excusant d'un fait dont Owen n'aurait jamais entendu parler s'il n'avait pas décidé (sur quel coup de tête, par Merlin?) de s'amender de lui-même, et qu'il évoquait en prime un juste retour des choses. Selma renifla dans un coin de sa tête, pointa du doigt la dérangeante vérité. C'était difficile d'y croire, mais la visite de Lestrange ressemblait de plus en plus à une déclaration de paix. Ce que cela impliquait réellement, Avery ne voulait pas y penser. « Je suis certain que ça doit valoir le coup, je m’en suis toujours douté. Sinon ils seraient toujours là. Mais que veux-tu que ça m’apporte ? Et puis ne t’inquiète pas, si j’ai envie de me souvenir, un jour, je pourrais toujours te payer une visite dans ta mémoire. » Pour rien au monde Avery ne souhaitait que son collègue fasse un tour dans ses précieux souvenir, en temps de guerre ou de paix. La confiance qu'il lui avait accordée lorsqu'il le laissait se promener allègrement dans ses pensées n'était plus d'actualité et ne le serait sûrement plus jamais. En ce temps là, il savait pouvoir compter sur Lestrange, ouvrir son esprit était plus simple ; maintenant, malgré la présence de Selma, c'était bien plus pénible, plus douloureux. Comme une crispation involontaire, ses pensées se fermaient à l'approche de quiconque. Il fallait dire aussi que les intrusions forcées du Seigneur des Ténèbres avaient sensiblement refroidi Avery quant à ce genre de pratiques. Il ne cautionnerait plus ce genre d'aide, pas même pour un ami. « Tu peux toujours crever. » lança-t-il, avant d'envoyer l'elfe de maison à la recherche du fameux album.
Le fameux album. Avery scrutait les changements d'expression qui animaient le visage du Mangemort ; d'abord l'amusement à l'idée qu'Avery tenait des albums photo alors que c'était ce crétin qui sentimentalisait le moindre bon moment, à l'époque. Puis, la perplexité, quand il reconnut l'objet, sûrement incapable de pointer mentalement du doigt le moment précis où cette chose lui avait appartenu. Il se recula, s'adossa au dossier du grand fauteuil dans lequel son père s'asseyait toujours en rentrant, silencieux, refusant tout contact pendant au moins une demi heure. C'était la règle : une demi heure de silence, après quoi Marcus Avery reprenait vie. Il lui fallait cette demi-heure de paix. Une fois, Byron et lui avaient fait l'erreur de jouer un peu trop bruyamment près de lui et tous deux l'avaient amèrement regretté. Des souvenirs, des souvenirs. Tout ne tournait plus qu'autour de ça, ces fragments de passé qu'on conservait à l'abri, à la manière de talismans aux propriétés exceptionnelles. Face à lui, il avait un homme dépouillé de tous les siens, ou presque. Et il n'arrivait toujours pas à imaginer l'effet que cela faisait. « Mais ta gueule pauvre con. » répliqua Lestrange à sa remarque, avec la sensibilité et la délicatesse qui lui étaient propres. Avery ricana, amusé de le voir refermer l'album quand même, selon son bon conseil. « Je suis surpris que tu l’ais gardé. On te manquait à ce point là ? » Avery haussa les épaules, attira d'un informulé la carafe de Firewhisky, qu'il versa pour remplir leurs deux verres. Comme au bon vieux temps. Après quoi il en sirota une gorgée avec délectation, peu pressé de répondre. Bien évidemment que ça lui avait manqué. Il n'avait pas regardé ces photos tous les soirs en se lamentant sur le sort de ses trop nombreux amis perdus, loin de là. Elles étaient restées cachées dans la cave depuis l'heure où Lord Voldemort avait disparu la première fois, peu de temps après qu'Avery l'ait reçu des mains de Lestrange, en fait. Il ne l'en avait ressorti qu'il y avait quelques semaines, dans le but de rencontrer Sansa. Il n'empêche, savoir qu'à la moindre envie il pouvait replonger à l'époque de Poudlard où bien peu de choses les empêchaient d'être ce qu'ils voulaient être... « Attends, tu as dit quoi à propos d’Evan ? Que sa frangine lui ressemblait ? » Owen releva la tête et poussa un soupir. « Avant que tu montes sur tes grands chevaux, écoutes-moi – Attends… tu as rencontré Sansa Rosier ? » Nouveau soupir. Il sentait Rabastan monter dans les tours à mesure qu'il réalisait ce qu'Avery venait de lui dire. Il garda le silence le temps que son vis-à-vis se déleste de la rage grandissante qui semblait le prendre à la gorge. « Attends… tu me dis que tu as attiré la gamine Rosier… que tu l’as vu et… » De marbre, Avery hocha la tête, lentement. « C'était très impressionnant, son portrait craché. Même toi en aurais été surpris ! – … je peux savoir alors pourquoi je n’ai pas eu l’occasion de la voir passer par mon niveau ? » Ses yeux roulèrent dans ses orbites : nous y étions, Monsieur le Directeur du Département de la Justice Magique flairait la trahison et menaçait d'exploser face à une telle outrecuidance. D'un calme olympien, Avery garda le silence, subit la tirade lancée d'un ton tranchant sans broncher. « Avery, dois-je te faire remarquer que si tu croises la route d’Insurgés notoire, tu dois les capturer, hein ? Pas prendre le thé avec eux, leur refiler des photos de leur frère décédé et parler du bon vieux temps ! Parce que ne me fais quand même pas croire que cette gamine a pu te damer le pion, même moi je t’estime plus doué que ça. »
Et voilà, Lestrange recommençait à l'agacer profondément, avec ses grands airs importants. J'ai un travail important à faire, moi, monsieur ! Il le connaissait bien trop cet air là. Lui, Rookwood, Malfoy. Ils arboraient tous cette même suffisance lorsque cela touchait à leur travail et à leur position. Ils le fatiguaient. « Arrête un peu ton cinéma Lestrange. J'admets que quand j'ai pris l'initiative de la contacter – Avery préféra fixer la tenture à sa droite plutôt que le visage de Lestrange – j'espérais non seulement savoir qui elle était mais aussi l'avoir en vie. » Un léger accroc absorbait toute son attention. Le silence parlait pour eux, et la tension qui s'installa le rendit soudain aussi nerveux qu'à l'entrée de Rabastan quelques minutes plus tôt. « Ne me demande pas comment c'est arrivé, elle est repartie comme elle est venue : libre et avec une photo d'Evan, en prime. » Lestrange ouvrit la bouche et il le coupa dans son élan – « Je sais, je n'aurais jamais du faire ça. J'ai simplement voulu savoir, j'étais curieux, j'admets. Il se trouve que la gamine est bien plus hésitante que tu ne le penses quant à son camp dans cette guerre. » Le whisky termina dans sa gorge, et Avery affronta enfin le regard ulcéré de Lestrange. « Personne n'a jamais essayé de ramener cette fille sur le droit chemin. » – simple constatation. Seulement, il y avait des éléments que Rabastan ne manquerait pas de soulever : le fait que, même si (et les doutes étaient permis) Sansa se laissait tenter par une place parmi les adhérents, il n'était pas exclus qu'elle cherche à relayer les informations reçus à son ancien camp. Le fait également qu'elle avait aussi bien pu se jouer d'Owen ce jour là, mais Avery n'y croyait pas. Ni celle là ni les suivantes. Il ne lui avait rien donné, sinon des espoirs mirobolants à l'évocation des avantages qu'elle aurait à tirer d'un retour parmi les siens. Il ne lui avait laissé aucun indice, quedal. Et elle avait quand même accepté de revenir, encore et encore. Néanmoins, il aurait sans doute mieux fallu pour tout le monde qu'il la tue. De ça au moins, il était conscient. Sa curiosité pouvait lui coûter très cher. Il haussa les épaules : « Quoi qu'il en soit, Sansa court toujours dans la nature. Oh, tu as tous les droits d'être en rogne. Mais parles-en à quelqu'un et je t'étripe de mes propres mains, Lestrange. » Voyant que l'autre ne décolérait pas – « Vois ça comme une preuve de confiance, en souvenir d'une vieille amitié qui nous a été chère à tous les deux. » – Avery tenta de tourner l'aveu à son avantage, bien maladroitement. En vérité si Lestrange décidait de rapporter l'affaire aux oreilles du Magister, il ne donnait pas cher de sa peau. Aussi il regretta presque aussitôt d'avoir trop parlé. Ses yeux ne quittèrent pas ceux de Rabastan un seul instant, guettant les signes annonçant que, finalement, Lestrange allait réellement en finir avec lui. Que tout ça n'était qu'un monceau de bêtises et qu'Avery ne méritait ni ses excuses, ni sa patience, encore moins son indulgence.
Alors que la situation tournait au vinaigre, une sphère verte et lumineuse apparut dans les airs, au dessus de leurs têtes : le signal d'une présence autorisée dans l'enceinte de sa propriété. Avery la fixa, impassible. Il savait d'emblée qui allait pénétrer les lieux dans les deux minutes à venir. C'était bien simple, il n'avait autorisé le passage qu'à une seule autre personne. Et elle ouvrait déjà la porte d'entrée. Avery jeta un regard désolé en direction de Rabastan, poussa un profond soupir en s'attendant déjà au pire. Nul doute que Rabastan Lestrange allait regretter d'être venu aujourd'hui.
‹ occupation : en fuite, déchue de tout type de privilèges.
‹ maison : Serpentard
‹ scolarité : 1976 et 1983.
‹ baguette : est en bois d'if, mesure 23,7 centimètres et possède un ventricule de dragon en son cœur.
‹ gallions (ʛ) : 5965
‹ réputation : je suis sans aucun scrupule.
‹ particularité : semi-Vélane.
‹ résidence : ici et là, clamant comme miens les différents cottages investis durant notre cavale.
‹ patronus : inexistant
‹ épouvantard : une vie silencieuse, ponctuée par des râles de douleur, et non plus par les rires des rares personnes auxquelles je tiens.
‹ risèd : une journée d'été, Artur m'aidant au jardin ; Owen Avery se moquant de l'activité sans chercher à dérober son regard attendri.
Owen Avery & Rabastan Lestrange
face your life: its pain, its pleasure, leave no path untaken.
Lorsqu'elle était arrivée à Ste-Mangouste, ce matin-là, le personnel d'accueil de l'hôpital avait ressenti l'étrange besoin de ne pas se trouver sur son passage ; et encore moins dans sa ligne de mire. La raison se passait d'explication: tous auraient juré voir dans son regard brûler mille nuances terribles, l'irritation impossible à ignorer dans le regard d'ambre de l'habituellement impassible Adele Bones. Cette simple nuance attestait, pour qui savait bien observer, de la fatigue qu'elle parvenait de moins en moins à cacher. Toujours stoïque, toujours distinguée, Adele se coulait pourtant parfaitement dans le moule forgeant les directeurs des services médicomagiques: ils ne lésinaient jamais, quoiqu'ils puissent faire paraître, développaient des capacités d'adaptation extraordinaires ; ne prenaient que très rarement des jours de congés et craignaient toujours l'arrivée de ces dates providentielles. Ils savaient qu'ils seraient sans doute rappelés aussi vite qu'ils ne s'étaient défaits de leurs responsabilités. Résultats: ils ressemblaient tous plus ou moins à des Inferi avec le temps. Là résidait la seule différence entre Adele et ses pairs: favorisée par un métabolisme moins enclin à se laisser dégradé, à se désintégrer aussi rapidement que ne pouvait le faire le temps sur un individu brûlant la vie par les deux bouts, elle paraissait aussi fraîche et vivace qu'à ses débuts... Et pourtant. Si son visage ne changeait pas, c'était dans son regard qu'on pouvait voir la fatigue et la sagesse s'accumuler, celles là même qui flétrissait ses collaborateurs à chaque nouvelle garde prise. Presque tous s'étaient aperçus du regard ambré se ternissant de plus en plus de l'hybride. Aujourd'hui, cela faisait presque trois mois qu'elle n'avait pas connu un seul jour de repos réel (sans compter tous les à-côtés qu'elle gérait toujours d'une main de maître, sans même savoir comment elle y parvenait désormais) et la situation commençait sérieusement à la ronger de l'intérieur. En grimpant dans l'un des ascenseurs de l'hôpital et ignorant ostensiblement les personnes rencontrées en chemin, Bones tenta malgré tout de se raisonner: ses employés ne l'appelaient jamais lorsqu'il ne s'agissait pas d'une véritable urgence, de celles dont elle avait déterminé les critères en accédant à son poste, bien des années auparavant. Elle se mit à énumérer ces règles, une par une, pour reprendre contenance ; chaque précepte effacé par le suivant au même rythme que les sonorités caractéristiques de l'ascenseur magique. Pourtant, la réflexion ne parvint qu'à tamiser très légèrement la nuance sombre de ses iris, une fois les grilles de la cabine ouvertes sur son service. Adele transportait toujours cette aura morose et terrible en parcourant les couloirs du service des empoisonnements. L'accueil et sa statue, les couloirs aux lumières reposantes et marines... sans un regard pour personne, Adele se dirige vers la partie du service où l'on plaçait toujours ses urgences médicales, la petite salle de consultation privative qu'elle avait faite installer tout près de son bureau (des enchanteurs avaient même été commissionnés pour ouvrir un passage entre les deux pièces occupées exclusivement par la médicomage). Adele s'empare de la poignée de porte et la pousse rapidement, hésitant presque à pénétrer son antre tant son esprit est toujours embrumé par le voile de l'incertitude. Devait-elle ou non redéfinir les conditions d'urgences pour quelques t... Le regard de Nehanda Lukombo est finalement la seule chose qui réussit effectivement à l'apaiser, rejetant la colère et la fatigue qui développaient des colonies impressionnantes de dégoût de son métier, à mesure que le temps passait. « Nannie? Qu'est-ce que tu as encore fait? – Je voulais pas v'nir, Adele. C'est le Murdock qui m'a forcée... » Elle soupire légèrement et s'avance dans la salle, refermant la porte d'un coup de talon aiguille. « Forcée ? Nannie, je t'ai déjà dit que... – Je sais, je sais! Mais... bon... tu sais, je vois bien qu'en ce moment, t'es pas vraiment là. Ta tête, elle est pas là, Adele. J'veux pas te donner du souci en plus. » La Médicomage s'approche, jauge d'un regard critique les côtes que Nannie protège à l'aide de ses bras croisés. « Right. Tu as raison mais Nannie, toi, tu ne m'ennuies pas, jamais. D'accord ? » Lukombo la regarde curieusement avant de lui décrocher un sourire franc et Adele de lui répondre de la même façon. Bones en a peut-être assez d'être toujours réquisitionnée ses jours de repos mais pas lorsque l'urgence répondait au nom de Nannie. Jamais pour elle.
Le transplanage jusqu'au manoir d'Avery termina de la défaire des troubles qui la hantaient depuis son départ et Adele a l'esprit bien plus léger, désormais. Revoir Lukombo lui avait fait énormément de bien et même si elle venait de passer les deux dernières heures à la soigner et à la sermonner, l'hybride ne cachait pas pour autant l'allégresse conférée par la seule présence de sa vieille et très chère amie. Les gravillons crissent sous ses talons et si elle avait eu beaucoup de mal à retrouver ses marques en remontant cette même allée au départ, Bones avait retrouvé l'équilibre félin et raffiné de ses premiers pas sur ce domaine, ceux d'autrefois. La lourde porte d'entrée se dessine dans son champ de vision et la pousse à accélérer le pas, élaborant un planning très précis des dernières heures qui lui restait avec Owen avant le retour d'Artur de ses cours particuliers. Elle adorerait prendre un verre, se lover contre son amant et ne penser à rien d'autre qu'à le pousser à changer d'avis lorsqu'il décréterait purement et simplement que non, je déteste barboter dans cette foutue baignoire. Si l'enfant avait réussi à se frayer un chemin dans le labyrinthe sinueux et complexe qu'était sa personne, Adele Bones ne pouvait s'empêcher d'être parfois amère en pensant à la sérénité tranquille que le neveu sorti de nulle part avait éclipsé en s'imposant dans leur vie. Incroyable était le fait qu'à peine après avoir trouvé une sorte... d'équilibre avec le Mangemort, le destin (ou le hasard ou n'importe quelle autre idiotie décrétée par la magie) ne décide déjà de le faire périclité vers un stade encore mal défini de leur relation.
Sans même s'annoncer (elle sait qu'un sortilège s'en est déjà chargé), l'hybride ouvre les portes du manoir de la pointe de sa baguette, avance dans le hall en abandonnant cape, talons et sacoche à même le sol pour continuer son chemin jusqu'au salon, ignorant les sortilèges qu'elle avait elle-même conjurer pour que ses effets s'envolent et aillent retrouver leur place de rangement automatiquement. 'Ordre et discipline n'empêchent pas de se sentir rapidement confortable at home' avait-elle lancé à Avery la première fois qu'elle avait agi ainsi, des mois auparavant. Un rictus s'installe sur ses lèvres tandis qu'elle replace sa baguette dans l'étui argenté de son avant-bras, avant de délicatement défaire la coiffure stylisée qui lui maintenait la chevelure impeccablement tirée en arrière. Les boucles retombent de part et d'autre de son visage, sur ses épaules, à mesure qu'elle ne retire les épingles sombres, les intercalant entre ses lèvres à chaque nouvelle prise. Elle en est à la moitié de son ouvrage lorsqu'elle passe le seuil du salon, s'arrête au bout de quelques mètres en apercevant Owen dans une causeuse et nulle autre que Rabastan Lestrange en face de lui. À en juger par son air, elle se demande s'il n'est pas en train de frôler l'apoplexie. Avant de se dépeindre la cause hautement probable d'un tel diagnostic: elle, pieds nus, toujours affublée de ses robes de guérisseuse, la chevelure à moitié défaite, au beau milieu du salon d'Avery. Shit.
Tout en déposant les épingles sur un guéridon se trouvant non loin de là, elle jauge la scène: verres ambrés dans les mains ou sur la table basse, album photos ouvert sur des images jaunies par le temps, postures plus ou moins menaçantes des deux hommes ; Rabastan seulement présent entre ces murs... Nul doute: elle n'aurait pas pu tomber plus à point nommé que maintenant. « Bonjour Rabastan, lâche-t-elle finalement en reprenant naturellement la tâche qui l'avait occupée jusqu'ici, ôter les dernières épingles de ses cheveux pour les libérer de leur carcan discipliné (inutile de faire comme si elle venait d'apparaître 'accidentellement' ici, ça ne ferait qu'empirer les choses, c'était certain). Boys, juste par pur souci informatif... dois-je prévenir la BPM ou St-Mungo en premier? » Dernière épingle, et Adele plonge une main experte dans ses boucles, les secouant quelques secondes avant de les ramener en arrière. Elle désigne le coin où sont posés verres et bouteilles cristallisés de l'index avant de reprendre la parole: « Je vais juste me servir un verre et vous laissez... régler... ce que vous étiez en train de régler... »
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