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sujet; fly me to the moon - arline |
| C’est fou à quel point on ne se laissait plus surprendre par le changement de saison. Lors de tes premières et seules années à Poudlard, tu ne voyais pas les mois passer, si bien que les rares fois où tu faisais l’honneur de ta présence aux entraînements de Quidditch –disons que n’être qu’un simple remplaçant n’aidait pas à motiver quand il s’agissait d’aller se geler les fesses sur un balai-, tu mettais toujours un temps à savoir si tu devais choisir la tenue d’été ou d’hiver. Mais tout ça, quand tu me les as racontés, ça semblait faire partie d’une tendre enfance, pourtant pas si loin que ça, et pourtant narrée comme quelque chose de perdue depuis fort longtemps.
En effet, à présent, tu étais à l’affût de tous les signes annonciateurs de changement dans l’air. Il ne s’agissait même pas là d’une question d’adaptabilité, puisque tu n’y pouvais pas grand-chose ; tu n’avais pas l’occasion de changer de vêtements, et le répertoire bien maigre de sortilèges que tu connaissais ne te permettait que de te réchauffer à l’aide d’un penaud lumos. Et parmi eux, y’en avait un qui ne trompait pas : l’humidité grandissante dans l’air, à l’aube de l’automne, qui aplatissait tes cheveux bouclés et t’irritait la gorge. Il ne manquerait plus que tu tombes malade. Ça n’arrangerait pas ton état actuel peu reluisant. Tu avais passé ce qui était autrefois les vacances d’été à la recherche de ta mère. Et, puisque tu ne te doutais pas un seul instant que tu allais bientôt lui tomber dessus –et le regretter amèrement-, tu commençais à perdre espoir. Si tu n’avais pas ce morceau de fierté encore coincé en travers de la gorge, tu aurais tôt fait de rentrer chez ton père, la queue entre les jambes. Lui, au moins, tu étais certain qu’il n’avait pas bougé.
De fait, t’en étais réduit à piocher dans tes retranchements, dans les souvenirs que tu conservais de Paris, encore tièdes, de ces nuits tièdes où vous zoniez dans les quartiers de la soif. Petit groupuscule de racailles en couche-culotte, capuches rabattues sur le nez et baskets de contrefaçon foulant le bitume autour des bars branchés qui se vidaient au petit matin. Vous les attendiez, patiemment, clope au bec mais esprits affûtés, contre les leurs, brumeux et peinant à redescendre de leur soirée arrosée. C’est ainsi que vous procédiez la plupart du temps, pour détrousser la jeunesse dorée française. A tourner autour, lentement, comme des requins en eaux peu profondes. Et à peu de choses près, tu pensais t’y réessayer, mais cette fois-ci, tout seul (je ne suis pas d’une grande aide quand il s’agissait de plaquer quelqu’un au sol, immatérialité oblige), et dans le monde des sorciers.
Te voilà donc tapi dans la pénombre des ruelles s’entortillant de part et d’autres des artères principales du Londres sorcier. Le col de ton blouson remonté jusqu’aux oreilles, l’air hargneux de celui qui va attaquer parce qu’il a faim, et le bout des doigts bleuis de ce début de soirée. Tu ne pourras pas attendre plus tard dans la nuit, au risque de mourir congelé –et je t’assure qu’il n’y avait pas de place pour un fantôme de plus, ici. Tu laisses passer plusieurs groupes, soit trop nombreux ou trop âgés, jusqu’à ce qu’il te semble être la proie parfaite se profile dans ta direction. C’est un peu triste de te voir te réjouir de la sorte à l’idée de racketter quelqu’un, toi le garçon adorable et beau-parleur de Gryffondor. Mais la guerre et la faim, ça vous change un gosse. La jeune fille passe à ta hauteur, tu te glisses derrière elle, la suit sur quelques mètres et lorsqu’elle doit se demander s’il ne se passe pas un truc louche, tu dégaines ta baguette, lui fais une clef de bras et la lui plantes dans le cou. « Un cri et j’te fais taire ; file-moi juste ton fric et j’te laisse part-… » le nuage de buée se dissipe. Ce visage, tu reconnais ce visage. Tes yeux un peu fous de gamin affamé s’écarquillent et la honte s’abat sur ton front de te retrouver en face d’une ancienne camarade. « Ad-… Fawley ? »
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| SEPTEMBRE 2003 - ARNOLD Fatiguée. Par cette guerre, ces tensions qui ont des répercussions un peu trop importantes sur sa vie. Elle y avait crû pourtant à ce sentiment de liberté une fois ses ASPIC en poche. La situation politique n'avait pourtant pas tardé à la rattraper. Lors des premières agressions, elle avait mis cela sur le compte de la malchance. Ensuite elle avait commencé à avoir peur de se retrouver seule - exposée - le soir. Il y avait aussi eu la phase de haine, envers la neutralité que lui avait inculquée sa famille. En ces moments de faiblesse, en proie à des inconnus, il lui semblait plus simple d'avoir pris parti. Quitte à procéder à l'échange d'injures, de coups et de sortilèges. Au moins elle aurait eu un combat à mener, des idées à défendre. Quelque chose pour justifier.A présent la jeune femme utilisait sa vivacité et sa discrétion en toutes circonstances. Les matchs amicaux s’enchaînaient, ses aller-retours sur Londres se faisaient plus rares. Et pourtant elle y tenait. Comme elle avait tenu à rejoindre sa famille régulièrement en Egypte durant sa scolarité à Poudlard. C'est qu'elle les imaginait déjà l'oublier - la benjamine perdue au fin fond de l'Ecosse - qui s'en serait préoccupé? Alors elle revenait à chaque fois. Aujourd'hui son cœur était partagé en trois points du globe, bien malgré elle, à cause de cette guerre détruisant sa vie, lui volant sa future gloire qu'elle méritait. Elle avait dîné à l’extérieur en compagnie de vieilles connaissances et était sur le chemin du retour lorsqu'elle sentit cette ombre la suivre. Une sensation étrange. L'instinct qui s'était emparé d'elle. Evidemment elle avait du se retrouver seule sur les cinq-cents derniers mètres menant à son appartement. Et quelqu'un avait encore quelque chose à lui redire. Elle pressa le pas mais n'arriva pas à temps - se faisant agresser par derrière - une douleur lui envahissant l'épaule et ayant pour don de l'immobiliser et puis... cette baguette plantée dans sa gorge. La menace ne se fit pas attendre. A vrai dire Adaline ne prêta même pas attention à la requête du sorcier, persuadée d'avoir affaire à un mangemort ou encore un insurgé. « Lâchez-moi! » s'écria-t-elle cherchant un moyen de prendre le dessus sur son agresseur. Et elle y arriva à son grand étonnement - qu'elle s'empressa de dissimuler pour sa survie. Elle lui fit alors face et fut perturbée par la manière dont le jeune homme la fixait du regard. S'ajoutant au malaise, il connaissait son nom. Il avait l'air bien plus inoffensif tout d'un coup mais la Fawley n'en oubliait pas les actes. Il était dangereux, imprévisible. Elle dégaina son arme - non pas sa baguette - mais son orgueil, son arrogance aussi. « Alors qui veut me recruter aujourd'hui? Toi déjà t'es pas un mangemort. » Dit-elle se foutant ouvertement de son agresseur et le détaillant du regard. Son accoutrement n'avait rien d'une personne ne serait-ce qu'un minimum distinguée. « Insurgé peut-être? » Elle le fixa, attendit une réponse - rien - et en conclut rapidement « Non plus. » Au fait, qu'est-ce qu'il lui voulait déjà? Adaline cru se souvenir du mot fric. Elle analysa une dernière fois le sorcier. Un fugitif. Mauvaise pioche. Une personne recherchée n'avait que rarement pour but de se chercher un compagnon de voyage en plein Londres le soir parmi la population. La Fawley aurait-elle fait erreur? Son agacement provoqué par ces agressions répétées avaient eu raison d'elle. Il lui restait donc un point à éclaircir, qui était ce sorcier la fixant bizarrement et connaissant son nom? Bien sûr son visage lui disait quelque chose mais elle aurait été incapable d'en conclure sur l'instant présent qu'il s'agissait d'une personne qu'elle avait déjà côtoyée par le passé. « Excusez-moi, on se connait? » Demanda-t-elle retirant la baguette ennemie de son cou d'un geste de la main. |
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| C’est peut-être tout simplement dû à l’instinct paternel qui ne m’a pas lâché post-mortem, mais je n’ai jamais vraiment aimé te voir jouer la petite terreur des rues. Parce que je ne sais jamais si tu es conscient que tu ne fais peur à personne, que c’est toi qui as l’air terrorisé. A cet instant précis, quand tu reconnais le visage rond comme une lune de ton ancienne camarade de classe. C’était même pas une grande amie à l’époque, tu m’en as rarement parlé, parce que sinon, je l’aurais reconnue. Mais j’ai cru comprendre, au cours de mes voyages, qu’il n’y a pas que les liens les plus forts qui résistent. Il en existe des plus discrets, sinueux comme des mauvaises idées. Cette brutasse qui un jour, au comptoir d’un pub, se souvenait davantage de la gamine qu’il faisait chier trois jours dans l’année, que de sa dernière petite amie.
Et, même si je reste encore caché, afin de voir où va nous mener cette histoire, je la vois, cette pernicieuse idée, ce souvenir comme une guirlande qui s’infiltre dans ta caboche, illumine un peu le fond de tes yeux, te faisant perdre toute la crédibilité de la street. On aurait presque dit que tu t’étais glissé derrière elle pour lui faire une surprise –à ceci près que t’avais la baguette menaçante, quoiqu’un peu tremblante –on va dire que c’est à cause du froid. Défait par la familiarité de son visage, et par l’outrecuidance de ses propos. Tu lâches prise aussitôt, fronçant les sourcils en cherchant à savoir où elle voulait en venir –parce que c’était toujours un peu vexant quand on reconnaissait quelqu’un qui ne vous reconnaissait pas. D’un autre côté, tu n’avais pas eu beaucoup l’occasion de t’observer grandir dans un miroir ces dernières années. De fait, le gamin qu’elle avait connu à Poudlard, avec les joues rondes, le teint frais gorgé de soleil et les boucles brunes n’avait absolument rien à voir avec le grand échalas entortillé dans un survêtement en nylon taché de boue, trois poils de barbe sur son lit de joues creuses, et une coupe de cheveux rasée sur les côtés à faire mourir d’embarras une Adele Bones.
Je ne m’en rends pas toujours compte, puisque ça fait un an que je te suis à la trace. Seulement, j’admets que pour la demoiselle, la ressemblance ne doit pas lui frapper à la figure. En effet, à l’écouter essayer de deviner pour quel camp tu bossais, elle se serait certainement attendue à ce que l’Arnie de Poudlard se batte courageusement aux côtés des jeunes rebelles. Parce que t’as toujours été fier de t’imaginer héros de ta propre histoire. Sauf que ton histoire t’avait fait un joli croc-en-jambe, si bien que tu étais tombé tête la première dans la gadoue. Et que les taches partaient pas si facilement après qu’on les ait laissées sécher. Tu cherches peu à peu à te reconstituer une contenance, à mesure qu’elle élimine les différentes possibilités. Comme si tu essayais de reprendre la posture un peu droite et digne d’avant que la guerre ne te chasse. Comme quand tu la dénichais de derrière un bouquin, bombant le torse dans ton maillot de Quidditch, l’exhortant à vous rejoindre aux entraînements, même si tu devais mordre la poussière pour cela. Tu plaques les mains contre ton torse « Un peu qu’on s’connaît ! C’est moi, Heidelberg ! »
Je ne sais pas d’où tu sors cette lubie, ce besoin de lui rappeler le bon vieux temps, là où tu aurais pu profiter de sa confusion pour lui faire les poches. On avait l’impression qu’en toi se débattaient deux entités ; l’homme et le garçon. L’homme trop tôt, contre le garçon qui n’a pas dit son dernier mot. Intrinsèquement, tu ne voulais pas laisser mourir l’enfant qui était en toi. On sait jamais, si quand tu rentrerais, papa ne te reconnaissait pas. « Gryffondor, première année à Poudlard ? » tu te mords les lèvres, soudain conscient que tu passais peut-être pour un être instable qui faisait dans la supercherie « t’étais un p’tit miracle du Nimbus » parce que c’est bien beau d’essayer de remuer les souvenirs dans sa caboche à elle, sans lui montrer que tu t’efforçais à faire de même. « Mais ça avait pas l’air de t’faire kiffer, donc c’était un peu frustrant » avec le recul, tu te rends compte que t’avais sûrement l’air creepy à lui tourner autour comme un moustique autour de l’oreille du dormeur. « ça va, t’as l’air de t’en être bien sortie… » tu la balayes d’un geste de la main, un goût amer au fond de la gorge que tout le monde ne partage pas le même sort que toi « malgré tout ça… »
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| SEPTEMBRE 2003 - ARNOLD « Un peu qu’on s’connaît ! C’est moi, Heidelberg ! » Le sorcier qui lui paraissait dangereux et imprévisible venait de se métamorphoser. C'est tout juste s'il n'avait pas un sourire aux lèvres - étonné mais heureux d'être tombé sur une vieille connaissance. Alors oui son visage lui disait vaguement quelque chose, mais quand on sort tout juste de Poudlard et qu'on a côtoyé des centaines de jeunes sorciers et sorcières, cela se produit souvent. Ce n'est pas pour autant qu'elle se rappelait nettement de qui il s'agissait. « Ah oui! » répondit-elle plus par réflexe qu'autre chose. La peur de paraître stupide ou encore de blesser la personne lui faisant face. La vérité étant qu'elle n'avait aucune idée de qui il pouvait bien s'agir. Elle se raccrocha alors aux maigres informations qu'elle détenait. « Heidelberg... Ça fait longtemps! » Disons qu'Adaline comptait sur lui pour lui fournir plus d'informations sur ce qui avait pu les lier par le passé. « Gryffondor, première année à Poudlard ? » Ou alors c'était trop simple, pas sassez naturel pour être vrai. Après tout il était facile de se faire passer pour une vieille connaissance. Elle préféra suivre son instinct, elle ne savait pas de qui il s'agissait et jusqu'à ce qu'elle se souvienne - si c'était la vérité - elle resterait méfiante. La Fawley était à Poufsouffle et même si elle a noué de belles amitiés avec des élèves d'autres maisons - comme Ionel ou encore Mafalda - elle passait la majorité de son temps avec des élèves de sa maison. « t’étais un p’tit miracle du Nimbus » Toujours pas d'informations utilisables. Il n'était pas incroyable d'annoncer ça sachant qu'elle était à présent joueuse professionnelle dans une grande équipe de quidditch. Elle le laissa donc tenter de la convaincre. « Mais ça avait pas l’air de t’faire kiffer, donc c’était un peu frustrant » Adaline ne comprit pas tout de suite. Ce sport c'était sa passion comment aurait-elle pu ne pas aimer? Premier point qui desservait le fameux Heidelberg. « Tu faisais du quidditch toi aussi.. » dit-elle alors sans que ce soit ni trop une question ni trop une affirmation - espérant que le sorcier s'empare de la perche tendue et lui fournisse d'autres informations. Et puis elle eut comme un déclic, tout parut plus clair dans sa tête. Non elle ne se souvenait pas encore de qui c'était - et elle en était désolée pour lui - mais elle comprit où il voulait en venir. Seule une personne l'ayant connue à Poudlard pouvait savoir ça. La connaître un peu aussi, car tout le monde n'était pas au courant qu'au fil des années, jouer dans une équipe sans grande ambition de victoire la déprimait. Elle était restée titulaire, évidemment, mais n'avait plus la même passion. La Fawley, elle voulait parler pendant des heures de tactiques, travailler encore et encore de nouveaux éléments techniques or certains joueurs avaient comme un complexe d'infériorité face aux équipes des autres maisons. Et résultat, c'était plus pour se défouler que pour gagner. « ça va, t’as l’air de t’en être bien sortie… » Adaline sentie une pointe de rédemption - une constatation presque amère - de la part du jeune homme. Un sentiment qui s'amplifia quand il fit illusion à la guerre et la situation actuelle du Royaume-Uni. « malgré tout ça… » Elle aurait aimé lui exprimer toute sa compassion car apparemment il ne s'en était pas si bien sortie qu'elle - pour reprendre ses propos. Mais voilà, Ada en était bien incapable. La guerre elle l'ignorait et s'en tenait à l'écart le plus possible. « Disons que je me suis débrouillée. » admit-elle. Et tandis qu'un blanc s'installait l'image du sorcier l'attaquant dans l'ombre de la ruelle lui revint en mémoire. Même sans l'avoir reconnue, pourquoi s'en était-il pris à elle de la sorte? Avait-elle raison? Était-il devenu un fugitif? « Et toi qu'est-ce que tu deviens? » lui demanda la jeune femme. Avait-elle meilleure solution pour en apprendre plus sur lui? « Bon par contre c'était pas drôle ta blague, tu m'as fait peur... » Adaline ne voulut pas le mettre mal à l'aise plus que nécessaire. A la différence de ses agresseurs de la semaine précédente, Arnie ne semblait pas être tombé dans le racket par plaisir. Voilà! Arnie! Arnold même pour être précis. Les souvenirs revenaient doucement mais sûrement et la Fawley pouvait enfin mettre un prénom sur ce visage. |
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| Au début, tu crois bien qu’elle te reconnaît, que ce serait presque trop beau pour être vrai ; c’est vrai, quoi, c’était pas réellement gagné avec le peu de détails que tu lui avais fourni. A croire qu’elle te faisait confiance, ou que tu avais marqué son esprit. Toutefois, les réjouissances sont de courte durée, puisque de sous son enthousiasme à elle transparaît une suspicion grandissante. Tu te disais aussi… ça aurait été trop facile. Dans ces moments-là, tu avais tendance à oublier que tu étais un fugitif, un hors-la-loi, et qu’aux yeux des gens encore-dans-la-loi, c’était un peu toi le méchant ; c’était un peu de ta faute si la surveillance dans les rues s’était accentuée ; un peu de ta faute si la BPM et les rafleurs étaient à cran.
C’est toujours un peu vexant de se rendre compte qu’on se souvient d’un visage, mais que le visage en question se plisse d’appréhension. T’avais été un peu habitué dans ton enfance à être le centre du monde, le centre du système solaire Heidelberg ; de fait, tu avais du mal à comprendre qu’on ne puisse pas se rappeler qui tu étais et, dans le cas présent, ô combien tu avais pu l’embêter dans sa vie.
Tu aurais peut-être dû commencer par là. Par cette impression circonspecte, cette sidération que tu devais lui inspirer, à chaque fois que tu essayais de nouer le contact avec elle. Tout le monde n’était pas sensible à ton charme ni à ton humour douteux, ‘faut croire. Tu regretterais presque d’avoir si vite baissé ta garde pour essayer de lui remuer les souvenirs. C’était pas vraiment le moment, et t’avais toujours aussi faim. C’est que c’était plus fort que toi, une envie intrinsèque de rétablir la communication avec le reste du monde, vérifier si tu n’avais pas perdu la main, pour le jour où tu retrouverais ta mère. « Ouais ‘fin j’étais remplaçant, plus que joueur » tu hausses une épaule, résigné à l’admettre, si ça pouvait l’aider à te resituer. Tu tenais une autre sorte de discours, par le passé, quand tu t’évertuais à faire entrer dans le crâne de quiconque en doutait que tu faisais partie intégralement de l’équipe de l’école, quand bien même tu servais davantage de déco, à sourire impeccablement sur le banc de touche.
Ah, il est beaucoup moins impeccable, ton sourire, à présent. T’as les lèvres abimées à cause du froid et de la peur, toutes bleues et gercées comme celles d’un noyé. La langue engourdie et les mots mâchés, comme si tu ne prenais plus le temps de les articuler correctement ; plus le temps pour ça, c’est à se demander ce qu’il te passe actuellement par la tête de lui tailler ainsi une bavette. « Hm, bibliothèque ; un jour, j’ai déboulé avec le balai entre les jambes, juste pour venir te chercher ; et même que je renversais toutes les chaises dès que j’me tournais ? » tentes-tu une dernière fois, puisant dans tes maigres souvenirs comme des bougies en fin de vie, maintenues cependant avec affection et mélancolie.
Après ça, tu ne pourrais plus rien pour elle ; mais peut-être qu’elle, elle pourrait faire quelque chose pour toi. Non ? Au vu de ta misérable dégaine, de ton souffle court et de tes yeux hagards. On dirait qu’ils me cherchent, comme on chercherait la réponse correcte. Qu’est-ce que tu voulais répondre à ça ? Qu’est-ce que tu étais devenu ? Rien –un rien. Un peu plus que rien ; une paire de jambes qui court, un estomac qui se vide, des joues qui se creusent. Tu ne devenais pas ; tu n’avais pas l’impression d’avoir grandi. Rétablir la communication n’était pas si facile, quand il ne s’agissait pas que de causer du bon vieux temps. Et puis, il serait peut-être temps que je me présente à mon tour, maintenant que la tension n’était plus si palpable que ça. Je redescends jusqu’à arriver à hauteur d’homme, me raclant la gorge afin d’annoncer mon arrivée. Une petite courbette, histoire de montrer que de nous deux, il y en avait un qui avait encore des manières.
« Si je puis me permettre, mademoiselle ; je suis Vincent, le compagnon de route de notre ami commun » petit signe de tête, à défaut de pouvoir encore lui serrer la main. Je sens ton regard me remercier. « Bah voilà, j’voyage avec Vince » que tu renchéris pour ne pas paraître totalement largué ou névrosé de ta condition actuelle. Voilà, parfait, restons vagues comme ça ; elle comprendra ce qu’elle veut et nous aurons l- « ma blague ? » répètes-tu soudain, sans prendre le temps de réfléchir. Mauvaise pioche. « J’ai pas fait d’blague… » Je lève les yeux au ciel avant d’essayer de sauver les meubles « Ce qu’on veut dire par là, c’est que c’est malheureusement un réflexe que l’on développe quand on vit tout seul, en ces temps de trouble » ça sert un peu à rien d’essayer de m’interposer, puisque je suis immatériel. Cela dit, je t’aurais bien fichu un coup de coude dans le ventre, afin que tu percutes ta bêtise « mais crois-moi, ça n’avait rien de personnel ; nous sommes un peu à cran, et dis-toi que la faim et la fatigue n’aident pas, pas vrai, Arnold ? » Tu acquiesces, un vague sourire incompréhensible aux lèvres, et j’espère qu’elle, est davantage compréhensive.
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| | | | | fly me to the moon - arline | |
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