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sujet; (début septembre 2003) ELIJUNE + sorry never made it feel alright |
HERO • we saved the world June Winchester | June a trouvé la bouteille elle ne sait où. Ça traînait en cuisine ou dans une chambre. Elle ne sait plus. Toujours est-il qu’elle l’a prise et qu’elle est allée s’installer dans le parc, près du lac, là où personne ne viendrait la chercher et où elle pourrait noyer sa peine à s’en rendre malade. Elle a quitté Andromeda et Teddy un peu plus tôt, prétextant une envie (un besoin) d’air. Ted est mort. Ted a été tué pendant une mission. Ted est mort. Elle boit une gorgée de whisky pur feu qui lui arrache la gorge. Elle fait une grimace tellement le goût est affreux. Elle n’est pas habituée à l’alcool et en tant que loup-garou, elle sait qu’elle ne devrait pas boire, mais ce soir, elle s’en fout. Elle veut oublier la peine d’Andromeda. Elle veut oublier que la personne la plus courageuse était Teddy et pas elle. Elle veut oublier cette guerre et les dommages qui vont avec. Les larmes d’Andromeda. Les cris d’Andromeda. Tout ça, ça lui reste en tête et ça tourne et elle n’en peut plus. Elle prend une deuxième gorgée, la dernière parce que la Terre tourne déjà assez et qu’elle a chaud. June pose la bouteille à côté d’elle et contemple le lac silencieux. Le crépuscule commence à tomber lui donnant une couleur orangée assez jolie. Elle a envie de retourner des années en arrière où la guerre n’était pas là. Où Nymphadora et Remus étaient là. Où ils étaient heureux. Elle se renverse en arrière. Son dos rencontre les pierres et elle pose sa tête contre un rocher, ses cheveux roux s’étalant sur le sol. Elle fixe le ciel. Des nuages passent à mesure que le vent les pousse, elle essaie de deviner les formes, mais ça tourne trop. Elle se redresse et fixe la bouteille. June hésite à en prendre une troisième. Elle sent qu’elle ne va pas oublier si elle se contente de deux. Elle retire le bouchon et porte le goulot à sa bouche. Elle finit par prendre sa troisième gorgée, mais ça n’ira pas plus loin. Son regard se fait un peu plus brumeux. Il se pose sur l’horizon, mais a du mal à se fixer. « J’suis désolée. » Elle lâche dans le vide. Désolée pour Ted. Désolée pour Dora. Désolée pour Remus. Désolée pour Arthur. Désolée pour George. Désolée pour Harry. Tais-toi. Elle ramène ses jambes contre elle et pose sa tête sur ses genoux.
Ses mains se posent sur sa tête et elle pousse un gémissement plaintif. Elle n’arrive plus à assumer. Elle essaie de réveiller son instinct de louve, mais il est lointain. Là mais inaccessible pourtant. Ses pensées sont toujours les mêmes. « T’es jamais là quand j’en ai besoin. » Elle soupire avant de redresser la tête. La louve a pourtant essayé de lui dire quelque chose, mais sans comprendre quoi.
Et justement. Le quoi se tient à quelques mètres d’elle et la fixe d’un regard qui lui fait détourner la tête instantanément. Elijah. Son cœur s’est affolé. Qu’est-ce qu’il fiche ici ? Elle n’a pas envie qu’il soit là. Si. Elle veut qu’il parte. Non, reste. Toujours.. Elle sent ses joues rougir à l’idée qu’il la voit comme ça, aussi pathétique et aussi triste. Elle n’a pas l’habitude d’être dans cet état. Mais Ted est la mort de trop. Et celle d’Harry. Tais-toi. « Qu’est-ce que tu veux ? » Elle lâche légèrement agressive, la voix incertaine et bourrée. Va-t’en. Elle a envie de lui hurler ça, mais elle n’y arrive pas. Les mots ne viennent pas. Elle n’est pas sûre de vouloir qu’il parte. Elle voudrait cacher la bouteille aussi, mais elle sait que c’est trop tard et qu’il l’a vue. Il vient pour quoi ? Comment il a su qu’elle était ici ? Qu’est-ce qu’il veut ? Qu’est-ce que tu veux ? Comme d’habitude, elle est incapable de le regarder dans les yeux alors elle fixe autre chose : son épaule, le haut de sa chemise ou ses joues. Là c’est son épaule. Elle se sent suffisamment honteuse pour ne pas regarder une partie de son visage. L’idée qu’il la voit dans un état de faiblesse comme celui-ci lui est insupportable. La louve voudrait s’agiter, mais June a trop bu et elle ne parvient pas à réveiller ses instincts. Et c’est pour le mieux. Et elle a si honte. Si honte d’être dans cet état et de laisser ses sentiments prendre le dessus ainsi. |
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HERO • we saved the world Elijah Buckley | june winchester but oh my dear, i can’t be clever and stand-offish with you: i love you too much for that. too truly. you have no idea how stand-offish i can be with people i don’t love. i have brought it to a fine art. but you have broken down my defences. and i don’t really resent it.« T’es jamais là quand j’en ai besoin. » Elijah s'arrête machinalement. Non, elle ne lui parlait pas à lui: elle ne semble même pas avoir remarqué sa présence. June est assise sur le bords du Lac Noir, une bouteille de whisky qui empeste non loin d'elle. Elijah est un grand fan de whisky. Il se souvient que pour la majorité, sa mère les a traînés, Cara et lui, à un salon de dégustation de Dublin pour leur faire goûter ses préférés; d'après ses mots, le whisky était la seule chose que les moldus faisaient aussi bien que les sorciers. Mais ce que boit June, c'est pas du bon whisky. Et elle boit pas ça par plaisir. Il a envie de lui dire qu'il comprend, qu'il sait, qu'il partage sa douleur; mais lui pardonnera-t-elle un mensonge de plus? Se pardonnera-t-il un mensonge de plus?
Ted Tonks est mort. Elijah ne connaissait pas particulièrement l'homme, mais il avait eu énormément de respect pour lui, ils avaient participé à quelques rares missions ensemble, c'était même Elijah qui l'avait recommandé pour rejoindre la Renaissance du Phénix, il s'en souvient maintenant. Il l'a fait pour quelques personnes, il ne peut pas se souvenir de tout le monde, malheureusement. Mais il sait une chose, à propos de Ted Tonks. June l'adorait. Et June, malgré tout, il commence à bien la connaître: ça commence à faire un petit bout de temps qu'ils se volent dans les plumes et se jaugent de loin. Il la connait comme un connait un livre chéri qu'on n'a pas lu depuis longtemps. Leur relation n'est clairement pas au beau fixe, et ne l'a jamais été; si bien qu'il ne sait pas trop pourquoi il s'est dirigé droit vers elle, pourquoi il se tient désormais près d'elle sans pour autant révéler sa présence. C'est Peter qui lui a dit qu'il avait vu June sortir dans les jardins, une bouteille à la main; ses sens de semi-loup ont fait le reste. À se demander pourquoi il m'a demandé à moi d'y aller, songe Elijah tandis que brusquement, June se retourne, mue d'un instinct qui n'a rien d'humain et qu'ils partagent. Elle le regarde sans le regarder; il déteste quand elle fait ça, il a envie de la secouer et de la forcer à le regarder dans les yeux. Mais non. Il reste silencieux, immobile, presque sentencieux, l'observant en essayant de comprendre, essayant d'insuffler un peu de douceur à ses traits ordinairement fermés et presque sévères.
« Qu’est-ce que tu veux ? » lui crache-t-elle presque à la figure, mais il en faut un peu plus pour faire lâcher le morceau à Elijah Buckley — elle aurait dû apprendre, avec les ans. Il se demande si il ne fait qu'imaginer l'étrange affection qui les lie, si ils sont vraiment... vraiment amis, parce qu'Elijah a l'impression qu'ils le sont parfois. Rohan, le loup qui a récemment rejoint la RDP, lui a expliqué que les liens liant deux loups issus du même Créateurs sont toujours difficiles à expliquer... et à comprendre. Et disons que leur Créateur a été prolifique. Pourtant, la relation qu'il a avec June est incomparable à celle qu'il a avec d'autres rejetons de l'apparemment nommé Claevis. “ Je m'assure juste que tu vas bien, ” dit-il lentement, s'approchant d'un pas, puis d'un deuxième quand elle ne lui hurle pas de la laisser tranquille. Ted est mort, Harry aussi, officiellement. Et tellement d'autres gens dont ils ne connaissent pas les noms, les visages ou les vies. Elijah a toujours été friand de whisky mais il aime pas trop quand June a bu, décide-t-il. Posément, un pas après l'autre, il s'approche d'elle et s'assied sur une pierre. Pas à côté, mais presque: cinq mètres doivent les séparer, et il regarde autre part, le Lac. Il ne veut pas lui dire qu'il sait ce qu'elle ressent. Mais il a l'impression de comprendre, en tout cas. Il ne la regarde pas, parce qu'il a peur de voir ce qui pourrait être écrit sur son visage. “ Tu ne devrais pas avoir bu, dit-il de cette voix tellement raisonnable, tellement raisonnable qu'elle en serait presque condescendante, qu'il a parfois. June-- ” Mais il est à court de mots, pendant un instant, parce que oui, il sait ce qu'elle doit ressentir en cet instant précis. Il se tourne brusquement pour elle et, profitant de son inertie alcoolisée, attrape la bouteille d'un mouvement rapide pour l'éloigner d'elle, la posant de l'autre côté de ses propres genoux. “ En plus, c'est un mauvais whisky, ” dit-il, comme si ça pouvait tout justifier, espérant peut-être lui tirer un sourire dans son désespoir. |
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HERO • we saved the world June Winchester | “ Je m'assure juste que tu vas bien, ” Raté. Ça va pas. Elijah s’approche et elle a envie qu’il parte, qu’il la laisse s’humilier toute la nuit s’il le faut. Elle ne veut pas qu’il la voit comme ça. Elle a peur de ce qu’il va penser. Elle a peur qu’il la trouve ridicule. Finalement, elle le laisse s’installer sur une pierre pas trop loin, mais pas trop près non plus. Le regard de June a bougé, il n’est plus fixé sur son épaule, il s’est replacé sur la surface du Lac Noir, mais elle sait qu’Elijah est là, qu’il l’observe. Son étreinte autour de ses jambes se resserre. “ Tu ne devrais pas avoir bu, Elle finit par détourner la tête dans sa direction finalement. Elle fronce les sourcils. Elle sait qu’elle n’aurait pas dû boire. Un, parce qu’un loup ne tient pas à l’alcool. Deux, parce qu’elle n’aime pas ça. Mais elle a envie d’oublier. Il n’a jamais envie d’oublier, Elijah ? June-- ” Elle frissonne. Elle ne sait pas pourquoi ça lui fait ça à chaque fois qu’il prononce son prénom.
La rouquine le voit se mettre en mouvement et elle a juste le temps de pousser une exclamation « Hé ! » qu’il a déjà pris la bouteille posée juste à côté pour la mettre sur ses genoux. “ En plus, c'est un mauvais whisky, ” – « J’en sais rien… peut-être. J’ai pas – j’ai pas l’habitude de boire ces trucs. » Mais elle n’a plus envie de boire de toute façon. Tout tourne beaucoup trop. Les images ont du mal à suivre quand elle bouge la tête. C’est un peu l’enfer d’être dans cet état. Elle ne comprend pas ceux qui s’en amusent. « Je sais plus à qui je l’ai pris, mais tu pourras lui dire que tu le trouves mauvais. » Sa voix est incertaine, légèrement tremblante. « Tu sais que – que Ted est mort ? Ted, le mari d’Andromeda, pas… pas Teddy. » Elle finit par reporter une fois de plus son regard sur le lac, sa tête toujours posée sur ses genoux. Elle laisse retomber une main sur le sol et elle attrape un caillou qu’elle finit par jeter dans l’eau. Il tombe dans un ploc et provoque des ondes qui viennent s’échouer sur le rivage. « C’est – les Tonks, c’est comme ma deuxième famille. Meda mérite pas ça. » La famille a été décimée. Elle sent de nouveau les larmes rouler sur ses joues. Elle prend un second caillou qu’elle jette sans force. Il peine à arriver jusqu’à l’eau et les ondes sont plus courtes et meurent plus rapidement. « On dit qu’il est tombé pendant une mission -- Un traître parmi eux -- J’espère qu’il est mort lui aussi. » Elle ne sait pas pourquoi elle dit tout ça à Elijah. Pourquoi elle pense que quelque part il lui apportera du réconfort. C’est Elijah. Ils ne se sont jamais vraiment entendus. Il est distant, froid et hautain. Mais elle a besoin de lui. Elle est beaucoup trop enflammée et rageuse et incapable de comprendre les sentiments humains. Elle est juste capable de sortir la douleur à coup de larmes et de bouteille d’alcool bon marché. « Dora… Remus… Ted… non, Meda méritait pas ça. Teddy non plus. J’aurai dû être à la place de Dora. » Un troisième caillou vient rejoindre les autres. « À qui j’aurai manqué de toute façon ? » Fait-elle tout bas. À ça, elle y pense trop souvent. C’est pour ça qu’elle s’active, qu’elle s’épuise et qu’elle combat. Elle veut prouver qu’elle peut servir à quelque chose et que son existence n’est pas vaine. « Tu crois que la guerre finira un jour ? » Elle a beaucoup trop parlé, elle s’est beaucoup trop livrée. Dans un état normal, elle l’aurait envoyé baladé, mais pas cette fois. Elle ne sait pas si c’est l’alcool ou la peine qui lui ont délié la langue, mais elle a beaucoup parlé. Probablement que demain, elle l’évitera trois fois plus qu’avant en se rappelant ce qu’elle lui a dit. June n’est pas du genre à se révéler habituellement. Un peu comme lui. La rougeur de ses joues s’est accentuée allant jusqu’à ses oreilles. Qu’est-ce qu’il doit penser d’elle en cet instant ? Une loque irrécupérable et désespérante, probablement ? |
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HERO • we saved the world Elijah Buckley | C'est raté pour le sourire, bien évidemment. C'est vrai qu'il est dur de sourire, ces temps-ci. Et June... elle est forte, June, plus fort que la plupart des gens qu'Elijah ait jamais rencontré dans sa vie. Elle est forte et parfois, comme tout le monde, elle craque. Elijah n'aime pas ça. Il sent l'atmosphère lourde et pesante, sa tristesse incommensurable — il n'a jamais été sensible, Elijah, mais avec June, c'est différent. Tout est différent. Rohan dit que c'est parce qu'elle est une Alpha — leur Alpha – et que du coup, ils sont réglés sur sa fréquence. Elijah n'aime pas cette idée, cette impression de ne pas avoir le choix. Mais quand y'a June qu'est triste, c'est pas un truc de loups, hein? C'est un truc d'humain. Il ne sait pas comment lui faire comprendre que ça le torture de la voir dans cet état-là. Il la préfère véhémente, il la préfère sanguine, il la préfère fougueuse, la voir détruite, ça le détruit aussi un peu. Foutue connexion de loups. « J’en sais rien… peut-être. J’ai pas – j’ai pas l’habitude de boire ces trucs. Je sais plus à qui je l’ai pris, mais tu pourras lui dire que tu le trouves mauvais. » Un petit sourire s'écartèle sur les lèvres d'Elijah, bien malgré lui. Se rend-t-elle que c'en est presque drôle? Comme si la qualité douteuse du whisky l'intéressait réellement. “ Je ferai ça, ” dit-il pourtant, détaché, avec un sérieux certain.
« Tu sais que – que Ted est mort ? Ted, le mari d’Andromeda, pas… pas Teddy. » Elijah ne répond pas. Il sait. Il l'observe attraper un caillou, et le jeter dans l'eau, sans rien dire. Il ne sait pas quoi dire. Il ne peut qu'imaginer le lien qui liait June et Ted, pour les avoir vus une ou deux fois ensemble... et il ne peut qu'imaginer ce qu'elle ressent actuellement, même si il en comprend certaines parties. « C’est – les Tonks, c’est comme ma deuxième famille. Meda mérite pas ça. » Personne mérite pas ça. June, toi tu ne mérites pas ça! a-t-il envie de lui hurler à la tête. Mais elle le sait, c'est peut-être pour ça qu'elle pleure. Elle pleure. « On dit qu’il est tombé pendant une mission -- Un traître parmi eux -- J’espère qu’il est mort lui aussi. » Il se demande pourquoi elle lui raconte tout ça. Ils n'ont jamais été proches, jamais pu s'entendre, deux aimants contraires gravitant dans les mêmes cercles, mais jamais sur le même orbite. Elijah se rend subitement compte qu'il ne sait pas quoi faire du chagrin des autres. Il sait quoi faire du sien: il le repousse, l'enfouit sous des mauvais sentiments (ma soeur était une traîtresse, je dois être fort pour Rhaenys, je m'en fiche de ma soeur, ma soeur était une traîtresse) et l'oublie dans les tréfonds de son esprit. Le chagrin des autres, il s'en occupe avec distance, des tapes distraits sur l'épaule, le crâne, des étreintes pas le moins du monde chaleureuses, mais rassurantes. Mais le chagrin de June? Il va trop loin, trop fort, trop rapidement, Elijah ne sait pas quoi en faire. « Dora… Remus… Ted… non, Meda méritait pas ça. Teddy non plus. J’aurai dû être à la place de Dora. — Ne dis pas ça, dit-il doucement, mais elle ne l'entend pas. — À qui j’aurai manqué de toute façon ? — June, ne dis pas ça, ” répète-t-il, un peu plus fort, le ton plus dur qu'il ne l'aurait voulu.
Elle n'a pas le droit de dire ça. Il n'irait pas jusqu'à dire qu'elle lui aurait manqué à lui mais.. à la Meute! Oui, à la Meute, elle aurait manqué. À Rohan, à Douglas, à Amelia. Aux Weasleys, à Meda, à Teddy, à Susan et à tout le monde, Elijah le sait parce qu'en la rencontrant, on ne peut qu'apprécier June, elle est volontaire et déterminée et jolie et parfois trop téméraire, mais souvent juste courageuse à défaut. « Tu crois que la guerre finira un jour ? » Il réfléchit un peu. Pas parce qu'il ignore si la guerre va éventuellement finir — les guerres finissent toujours, comme les bonnes histoires — mais parce qu'il ne sait pas comment formuler ce qu'il a en tête. “ Elle finira avec notre victoire, ou avec notre mort. À toi de décider ce que tu préfères et à toi de te battre pour l'accomplir, ” finit-il par laisser tomber comme la sentence d'un juge, avant d'ouvrir la bouteille d'un mouvement rapide et de renverser la tête en arrière en avalant une longue gorgée. L'alcool est brûlant, et mauvais, et heureusement est-il entraîné dans le domaine des alcools forts ou il aurait tout recraché en s'étouffant. “ Vraiment dégueulasse, ” commente-t-il, avant d'exploser la bouteille sur le sol, comme ça si elle veut réparer les morceaux de verre, le liquide est quant à lui à jamais perdu.
Il est parvenu à éviter des petites blessures et regarde le liquide ambré couler entre les cailloux, rejoindre le lac. “ T'aurais manqué à plein de gens, June. Dis plus jamais ça, t'as pas le droit de mourir, et moi non plus. Je dois m'occuper de Rhaenys, de Peter... (Sa voix se brise, bien malgré lui, à la mention de sa nièce; il s'éclaircit la gorge) et toi de Teddy ton filleul, et de Meda qui est toute seule, et de cette putain de Meute qui fonctionne pas. T'as pensé à ça? Hein? ” À eux? À moi? “ Je vais pas te laisser te morfondre comme ça, June. L'heure de la misère est finie. Tu veux savoir si la guerre finira un jour? Oui elle finira un jour, June, elle finira forcément un jour, et t'as intérêt à être là et à te battre, sinon tout ça, toutes ces morts, Ted, Harry, McGonagall et les autres, elles auront servi à rien et je te le pardonnerai jamais. ” Il a la sensation d'être un enfant geignard. Sa gorge est encore brûlante de l'alcool, et il a les yeux rivés sur le Lac, et son corps est immobile, figé comme une statue, nerveux comme un élastique sur le point de craquer. |
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HERO • we saved the world June Winchester | “ June, ne dis pas ça, ” Elle ne rebondira pas dessus. Elle sait que c’est inutile, mais elle note le ton de sa voix. Comme si… oui, comme si ça lui tient à cœur quelque part. June a le syndrome du survivant et cette petite voix sournoise dans sa tête qui lui répète sans cesse qu’elle ne mérite pas d’être en vie. “ Elle finira avec notre victoire, ou avec notre mort. À toi de décider ce que tu préfères et à toi de te battre pour l'accomplir, ” Un monde meilleur pour Teddy, c’est pour quoi elle se bat. Pour que les enfants puissent connaître un monde sans guerre et sans les atrocités de Voldemort. Elle veut pouvoir voir son filleul et Scorpius et les jumelles de Parkinson et Rhaenys grandir en souriant et en riant. Pas comme eux. Pas comme toutes ces générations qui vivront avec le traumatisme de la guerre et le spectre de Voldemort au-dessus de leur tête. Ouais, June veut se battre pour ça et elle n’est pas prête d’abandonner. Elle le sait. Mais continuellement perdre des gens l’empêche de rassembler tout son courage. Puis affronter la peine des autres a toujours été difficile.
Il boit à la bouteille qu’il lui a pris. “ Vraiment dégueulasse, ” Il finit par l’éclater au sol, laissant le whisky se répandre sur les cailloux, glissant lentement en direction de l’eau du lac. “ T'aurais manqué à plein de gens, June. Dis plus jamais ça, t'as pas le droit de mourir, et moi non plus. Je dois m'occuper de Rhaenys, de Peter... et toi de Teddy ton filleul, et de Meda qui est toute seule, et de cette putain de Meute qui fonctionne pas. T'as pensé à ça? Hein? Je vais pas te laisser te morfondre comme ça, June. L'heure de la misère est finie. Tu veux savoir si la guerre finira un jour? Oui elle finira un jour, June, elle finira forcément un jour, et t'as intérêt à être là et à te battre, sinon tout ça, toutes ces morts, Ted, Harry, McGonagall et les autres, elles auront servi à rien et je te le pardonnerai jamais. ” La Meute. Parce que ça fonctionne tellement entre eux. Ils sont bancals. Des âmes déchirées, enfants d’un loup irresponsable et monstrueux. June a pas demandé à être un loup-garou, elle a pas demandé à ce qu’on l’identifie comme une alpha. Ça l’énerve qu’Elijah lui parle comme ça. Et tout se mélange d’un coup. La tristesse. La colère. Le sentiment que sa place est nulle part. « C’est pas ma faute s’ils sont morts, t’acharne pas sur moi. » Elle a mal. Les mots d’Elijah lui font mal. Si mal. Et Harry n’est pas mort. Il est pas mort. « T’as pas le droit de t’acharner sur moi. » Elle s’est levée en titubant sérieusement et manquant de se vautrer plusieurs fois. Elle a serré ses poings et pour une fois, elle regarde Elijah. Vraiment. Pas son épaule. Pas le col de son haut. Lui. « Je me morfonds si je veux, tu sais même pas ce que c’est que perdre quelqu’un de toute façon. T’as pas le droit de me juger là-dessus. » La colère. La tristesse. Le sentiment de ne pas avoir sa place. Tout ça qui se mélange encore. June est probablement allée trop loin. Elle ne connaît pas la vie d’Elijah, elle ne connaît rien de lui. Il a probablement perdu des êtres chers comme tous, mais elle ne se rend pas compte qu’il peut être blessé par ses paroles. Elijah est intouchable, rien ne l’ébranle. Il n’a pas réagi à la mort de Harry. Et ça a énervé June qu’il ne réagisse pas. Il est plus fort que n’importe qui et encaisse mieux que n’importe qui. C’est Elijah. « C’est facile de donner des – des ordres aux autres. De dire que -- qu’il faut pas se morfondre. Je suis fatiguée, Elijah. Fatiguée de perdre les gens que j’aime. Je -- » Je veux pas te perdre toi aussi, va-t’en. Elle se tait et referme la bouche. Elle regrette l’alcool, les confidences. Elle a l’impression d’être un déchet. Rohan l’a vue en alpha, mais alpha de rien du tout. Elle est même pas capable de garder la tête froide. C’est Elijah qui est comme ça. Elijah. Pas elle. Jamais elle. |
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HERO • we saved the world Elijah Buckley | Il sent sa colère tremblante, qui le frappe comme un mur. Il comprend, lui aussi est en colère: c'est effectivement injuste, tout ce qui leur arrive, tout ce qui se passe en ce moment. Mais ils ne peuvent pas flancher, se morfondre, se perdre dans ce qu'ils ont perdu: il faut qu'ils voient ce qu'il y a encore à sauver... Elijah a l'impression d'être un trop grand idéaliste, en cet instant précis, et il ne savait pas qu'il était ainsi. Il s'est toujours considéré cynique, tellement détaché des choses qu'il s'en fichait, au fond. Mais disons que sa récente promotion au Conseil a tout changé. Ça l'aide à penser au futur, et non plus seulement au lendemain. Rhaenys, aussi, a tout changé. Il ne se bat pas dans cette guerre parce que c'est une guerre injuste; il se bat pour le futur de sa nièce, qui n'a plus personne si ce n'est lui et Peter, il se bat pour lui donner un monde meilleur. « C’est pas ma faute s’ils sont morts, t’acharne pas sur moi. T’as pas le droit de t’acharner sur moi. » Elijah serre les dents mais ne peut s'empêcher de répondre aussitôt, sur le vif: “ je m'acharne pas sur-- ” mais elle l'interrompt. « Je me morfonds si je veux, tu sais même pas ce que c’est que perdre quelqu’un de toute façon. T’as pas le droit de me juger là-dessus. » Et elle le regarde. Elle le regarde vraiment. En temps normal, il prendrait ça comme une victoire. Mais en cet instant, c'est une amère défaite.
Il a l'impression que son sang est en feu dans ses veines et pour la première fois depuis des années, certainement mis en rogne par l'alcool, la part de loup en lui se réveille et une colère incroyable l'étreint. Il a l'impression que son sang est en feu et paradoxalement, ses mots agressifs sont comme une douche glacée. Il la regarde en retour, lève les yeux vers elle, et il ne bouge pas; ne lui offre qu'indolence et froideur, ignorant ses poings serrés sur ses genoux et ses veines en feu. « C’est facile de donner des – des ordres aux autres. De dire que -- qu’il faut pas se morfondre. Je suis fatiguée, Elijah. Fatiguée de perdre les gens que j’aime. Je -- » Il a envie de s'énerver. De lui dire: vas-y. Abandonne, morfonds-toi, tue-toi, perds-toi. Abandonne Meda, abandonne Teddy que t'as promis de protéger. Abandonne la Meute, que tu pourrais transformer en quelque chose de vraiment bien, de lié. Abandonne-moi. Comme tu le dis si bien, à qui manquerais-tu? Parce que la colère le rend amer, et stupide, et insultant. Mais ça fait longtemps que Elijah a appris à ne pas écouter le loup, et encore plus longtemps qu'il a appris à ne pas écouter son coeur. Il est tout en nerfs, tout en cervelle, tout en froideur calculatrice. Enfin, il essaie de l'être. “ On est tous fatigués, June. ” Et en même temps qu'il dit ces mots, il sent quelque chose se briser en lui brusquement, comme un barrage s'écroulant enfin sous la pression de l'eau qu'il retient depuis trop longtemps.
Il détourne les yeux, et son corps se détend; ses mains reviennent caresser les pierres et son regard se perd sur le Lac Noir. Il ne supporte pas le fait que cette fois, c'est lui qui refuse de la regarder. “ Ma soeur jumelle était à Saint-Mangouste, elle est morte, dit-il d'une voix qu'il espère égale. Je ne sais pas comment, sur le coup ou en agonisant, je m'en fiche, elle est morte et maintenant, je dois m'occuper de Rhaenys, parce que maman ne s'est toujours pas réveillée et a sans doute été exécutée, et Peter est un peu irresponsable, et tu sais comment elle est, Rhaenys, il faut quelqu'un pour s'occuper d'elle, et plutôt crever que de la laisser à son père... ” Il se perd un peu dans ce qu'il dit, s'éclaircit la gorge pour reprendre contenance. “ Moi aussi je suis fatigué de perdre les gens que j'aime, June. Je suis fatigué tout court. On se bat depuis des années et tout ça pour quoi? Récupérer un château dans lequel on va crever, piégés comme des rats? Perdre d'autres gens, d'autres soeurs, d'autres amis? Peut-être. ” Il grince des dents, hausse les épaules, les yeux toujours rivés sur l'horizon sans le voir. “ On n'a pas le temps de se morfondre. Pense à Rhaenys, à Teddy, à Meda. Je te laisserai pas te morfondre et croire que le monde est fini. Jamais. Alors t'as intérêt à plus jamais boire de ce whisky de merde et à pleurnicher sur le Lac Noir devant moi sinon ça va mal finir, ” fait-il de sa voix de faux sérieux, avant de sauter sur ses pieds comme pour partir; il a les bras croisés, pourtant, se tenant devant June sans la regarder, le visage toujours tourné vers l'ouest, le point de l'horizon qu'il regardait un instant plus tôt. “ On peut pas ramener Ted à la vie, June. On peut ramener personne à la vie. Mais si on se bat, si on vit et si on gagne, on pourra raconter l'histoire de son grand-père à Teddy, encore et encore, et il ne sera pas mort en vain. ” |
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HERO • we saved the world June Winchester | Elijah est en colère. Elle le sent. Il va craquer. S’énerver. Lui hurler dessus. Parce qu’elle le mérite. Elle a dépassé les bornes. Elle l’a blessé. Elle s’est crue la seule à souffrir autant. Alors que non. Y a pire. Y a toujours pire que soi. Mais elle n’aurait pas dû. C’est pas elle tout ça. Elijah est en colère et c’est justifié. “ On est tous fatigués, June. ” Il détourne le regard. Il l’évite. C’est ça qu’il ressent quand elle fait la même chose ? Cette impression de ne pas exister pour l’autre ? Elle a envie de franchir les quelques mètres qui les séparent l’un de l’autre pour l’obliger à la regarder. “ Ma soeur jumelle était à Saint-Mangouste, elle est morte. Je ne sais pas comment, sur le coup ou en agonisant, je m'en fiche, elle est morte et maintenant, je dois m'occuper de Rhaenys, parce que maman ne s'est toujours pas réveillée et a sans doute été exécutée, et Peter est un peu irresponsable, et tu sais comment elle est, Rhaenys, il faut quelqu'un pour s'occuper d'elle, et plutôt crever que de la laisser à son père... ” June sent sa gorge se nouer encore plus. Elle a été ridicule. Elle a été tellement trop loin dans ses paroles. Elle pince ses lèvres. Je suis désolée. Désolée que tu doives vivre ça. “ Moi aussi je suis fatigué de perdre les gens que j'aime, June. Je suis fatigué tout court. On se bat depuis des années et tout ça pour quoi? Récupérer un château dans lequel on va crever, piégés comme des rats? Perdre d'autres gens, d'autres soeurs, d'autres amis? Peut-être. ” Cette fatalité soudaine n’est pas d’Elijah. Personne ne le connaît vraiment en fait. Il semble toujours détaché, froid et hautain. Pour lui, ils sont tous des soldats avant d’être des êtres humains. C’est ce que June a longtemps pensé en l’observant agir avec les autres. Alors qu’il est juste comme eux tous. Épuisé, énervé et convaincu depuis longtemps qu’ils ne vont probablement pas s’en sortir. “ On n'a pas le temps de se morfondre. Pense à Rhaenys, à Teddy, à Meda. Je te laisserai pas te morfondre et croire que le monde est fini. Jamais. Alors t'as intérêt à plus jamais boire de ce whisky de merde et à pleurnicher sur le Lac Noir devant moi sinon ça va mal finir, ” Il se dresse enfin et elle est obligée de lever la tête parce qu’Elijah est grand. Si grand. Est-ce qu’il va partir maintenant ? Est-ce qu’il va la laisser toute seule avec les paroles amères qu’elle a prononcées ? Il ne la regarde toujours pas. June serre les poings. “ On peut pas ramener Ted à la vie, June. On peut ramener personne à la vie. Mais si on se bat, si on vit et si on gagne, on pourra raconter l'histoire de son grand-père à Teddy, encore et encore, et il ne sera pas mort en vain. ” Pas mort en vain. Elle sent une fois de plus les larmes rouler sur ses joues.
Elle a dit ça un nombre incalculable de fois à qui voulait l’entendre. Je vais me battre pour pouvoir raconter à Teddy à quel point ses parents étaient fantastiques. Pour qu’ils ne soient pas morts en vain. Mais ça ne les ramènera pas de parler d’eux. Ça ramènera personne ça aussi. « Pardon. Pardon. » Un lourd sanglot étreint sa voix. « Je -- je savais pas pour ta sœur. Pour ta mère. J’imaginais -- j’imaginais pas que -- tout ça. » Elle croise ses bras autour d’elle et tente de calmer ce surplus d’émotion qui l’assaille. « J’avais pas le droit de te parler comme ça. » Elle essuie les larmes sur son visage, regrette cet alcool dans son sang et se maudit d’avoir réagi comme ça. « C’est juste que -- que c’était plus facile de boire que de… » d’aller dehors pour tuer des mangemorts. June n’est pas une meurtrière, mais la guerre a réveillé l’instinct sanglant de l’animal que Remus a fait taire il y a longtemps. Et c’est sa manière d’évacuer : la violence. « Je crois pas que le monde est fini. » Ted est juste la mort de trop pour qu’elle puisse arriver à tenir encore sans craquer complètement. « Je suis juste malheureuse et fatiguée. » Elle n’a pas lâché Elijah des yeux. « J’ai envie qu’ils paient tous pour ce qu’ils font depuis trop longtemps. » Elle renifle un peu. « J’arrive plus à être forte. » J’arrive pas à être comme toi. |
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HERO • we saved the world Elijah Buckley | Elle pleure, elle n'arrête pas de pleurer, et Elijah aurait presque envie de la prendre par les épaules pour la secouer dans tous les sens en lui hurlant d'arrêter. June qui pleure, c'est horrible. C'est horrible, c'est terrifiant et c'est impossible; elle a pas le droit de pleurer, pas quand elle est si jolie quand elle sourit (ne pense pas à ça Elijah), pas quand Elijah a l'impression que chaque sanglot qui l'agite lui fout un coup de poing dans les côtes, pas quand elle est toujours présente, énergique, courageuse et déterminée, elle a pas le droit de pleurer alors que lui a les yeux secs, terriblement secs, non, juste un peu humides, mais ça c'est parce qu'il a regardé le même point de l'horizon pendant trop longtemps. Promis. « Pardon. Pardon. » Un sanglot l'étrangle; Elijah se tend en se convaincant toujours de ne pas la regarder. Il a toujours envie d'hurler, de s'énerver. De lui dire qu'il ne veut pas de ses excuses, ni de ses promesses, qu'il la veut juste comme avant, prête à tout, forte et courageuse et prête à se battre. Elijah ne sait pas s'occuper d'elle autrement, quand elle est comme ça, vulnérable. Elle est pas fragile, June, ni vulnérable et Elijah, il sait pas s'occuper des gens qui le sont. Il a l'impression de la voir d'une autre manière, une manière plus humaine, moins idéalisée, et c'est autant gênant que satisfaisant de voir que tous les géants ont leurs faiblesses, tous les alphas leurs défauts. « Je -- je savais pas pour ta sœur. Pour ta mère. J’imaginais -- j’imaginais pas que -- tout ça. » T'excuses pas. J'm'en fous, est-il sur le point de dire, mais il se mord la langue à la place. Le silence et la froideur plutôt que l'amertume.
Le silence et la froideur plutôt que l'attachement. Mais qui trompe-t-il? Il a envie de secouer June dans tous les sens non pas parce qu'elle l'agace, mais parce qu'il tient à elle et veut qu'elle aille mieux. Qu'elle imagine un futur. Pas tout de suite, après la guerre. Parce qu'un soldat se bat mieux avec un idéal en tête. Qui trompe-t-il encore une fois? « J’avais pas le droit de te parler comme ça. — C'est pas grave, June, ” finit-il par lâcher du bout des lèvres, relâchant une respiration qu'il était en train de retenir sans s'en rendre compte, tournant enfin le visage vers elle, ses yeux traînant sur le sol avant de remonter lentement jusqu'à son visage, plein de doutes. Elle le regarde toujours, et il soutient son regard. « C’est juste que -- que c’était plus facile de boire que de… » Il hoche la tête. Oui, il comprend. C'est toujours plus facile de boire, de se laisser faire, porter, d'oublier aussi. L'alcool n'est qu'un pêché de gourmandise pour Elijah; mais il est vrai que plus d'une fois, lors de ces horribles dernières années, il aurait bien voulu avoir tout le whisky à disposition pour se détacher complètement de la réalité, au moins une nuit. « Je crois pas que le monde est fini. » Il pince des lèvres. Le monde finira avec eux, quand la dernière baguette sera brisée, le dernier sortilège disparu en étincelles de magie. Le monde n'est pas encore fini, June. Regarde-moi. Regarde-moi.
Elle ne l'a pas lâché du regard et Elijah se rend seulement compte combien elle est grande, et combien son regard est brûlant, et combien il déteste les larmes qui, toujours, sillonnent ses joues. Il se fait la réflexion qu'il devrait peut-être la réconforter, la prendre dans ses bras, faire quelque chose d'affectueux envers elle... mais Elijah n'est pas vraiment le genre affectueux. « Je suis juste malheureuse et fatiguée. J’ai envie qu’ils paient tous pour ce qu’ils font depuis trop longtemps. » Presque cinq ans de guerre. Cinq ans. Elijah lui-même peine à y croire. Ça fait quasiment autant de temps qu'il est fugitif, qu'il se bat pour sa vie et surtout, la vie des autres. C'est terrible, il s'était jamais imaginé être un battant avant maintenant, alors qu'il remet en perspective tout ce qu'il a vécu ces dernières années. « J’arrive plus à être forte. — Hey. ” Il ne réfléchit même pas. L'entendre dire des âneries pareilles l'énerve. Il s'approche en deux grandes enjambées, et pose un peu brutalement sa main sur son épaule, la serre, son pouce venant presque se loger à la base de sa gorge où son coeur bat. “ T'es forte. T'es l'une des personnes les plus fortes que je connaisse, okay? Pour ne pas dire la plus forte. ” Il la relâche, soudainement gêné de leur proximité. “ C'est pour ça qu'on va s'en sortir, grâce aux gens comme toi. T'as le droit d'être fatiguée et malheureuse, June, c'est amplement justifié. Mais dis jamais que tu manquerais à personne ou que t'aurais mérité de mourir à la place de quiconque. ” Il se recule, ses mains retournant dans les poches de son jean. Il a toujours les veines en feu, mais il a l'impression que c'est plus à cause de leur proximité qu'autre chose. Arrête. Elle pense pas à toi comme ça. “ Quand tout ça sera fini, je t'emmènerai boire du vrai whisky, et pas cette pisse acide de goblin. On pleurera autant que tu veux quand tout sera fini, mais pas avant. ” Et c'est une promesse; les yeux brûlants d'Elijah vissés sur elle parlent pour lui. |
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HERO • we saved the world June Winchester | Son regard s’est enfin posé sur June. Et ses yeux bleus ont cette particularité sur la rouquine. Ils lui donnent l’impression que tout ira bien et que tout va bien. Les rares fois où ils accrochent le regard de l’autre, c’est cette sensation qui parcourt les veines de June avant tout le reste. Il y a quelque chose de réconfortant au fond de ses yeux, une lueur rassurante, forte et protectrice. Et elle puise toujours un peu là-dedans pour avancer et pour continuer à croire qu’ils peuvent gagner.
“ Hey. ” Quand elle le sent approcher, son souffle se bloque dans sa poitrine. Quand sa main chaude et forte se pose sur son épaule, ses jambes flageolent. En dehors des entraînements au corps à corps, ils n’ont jamais eu de contact physique aussi intime. Et ça fait suffoquer June. La pression de sa main sur son épaule et son pouce si près de sa gorge la font frissonner. C’est stupide, c’est juste une main sur son épaule, mais c’est Elijah. C’est la main d’Elijah sur son épaule. Elle sait qu’en pleine possession de ses moyens, la louve se serait manifestée d’une manière ou d’une autre. L’animal a accepté ce qu’Elijah signifiait, mais pas l’humaine. Si elle venait à le perdre lui aussi… elle ne préfère pas y penser. “ T'es forte. T'es l'une des personnes les plus fortes que je connaisse, okay? Pour ne pas dire la plus forte. ” Le contact aura duré ce laps de temps. Atrocement court, mais tellement satisfaisant. June hoche la tête. Elle n’est pas d’accord, c’est pas elle la forte dans l’histoire. C’est pas elle qui se retrouve à essayer de faire aller mieux l’autre parce qu’il a trop bu. C’est Elijah qui est là, droit et égal à lui-même. “ C'est pour ça qu'on va s'en sortir, grâce aux gens comme toi. T'as le droit d'être fatiguée et malheureuse, June, c'est amplement justifié. Mais dis jamais que tu manquerais à personne ou que t'aurais mérité de mourir à la place de quiconque. ” Dis, est-ce que je te manquerais à toi ? Cette pensée la traverse encore une fois. Dis que je te manquerais, Elijah. Parce que tu me manquerais, toi. L’alcool lui a fait dire ce qu’elle rumine depuis des années. Trois gorgées ont été suffisantes pour qu’elle balance une bombe pareille à Elijah. Ç’aurait pu être n’importe qui, mais c’est tombé sur lui. Et elle ne regrette pas. Demain elle sera morte de honte, mais pas pour l’instant. Parce que cet instant les rapproche un peu.
“ Quand tout ça sera fini, je t'emmènerai boire du vrai whisky, et pas cette pisse acide de goblin. On pleurera autant que tu veux quand tout sera fini, mais pas avant. ” Il ne la quitte toujours pas du regard et June est bien incapable de détourner la tête. Il ne compte pas la laisser après la guerre ? Il va rester ? Dis que tu vas rester pour toujours avec moi. Il va rester pour la Meute. Parce que Rohan les a trouvés et les a réunis. Pas pour elle. Parce qu’il reste Elijah Buckley et qu’il est fidèle à lui-même. Parce qu’il y a Storm’s End et cette promesse d’une nouvelle famille. « Promis ? » Elle veut l’entendre le dire pour pas qu’il oublie. Pour pas qu’il l’oublie. Ça lui fait quelque chose de penser à l’après-guerre, comme un nouvel espoir insufflé par Elijah. Leur vie ne va pas s’arrêter à l’après Voldemort, ils vont pouvoir recommencer à faire des projets. Ils vont réapprendre à vivre un peu. « Et je suis pas forte. » Elle détourne le regard pour le reposer sur la surface tranquille du Lac Noir. « Toi tu l’es. Tu fais partie du Conseil, t’enseigne aux gamins et t’es d’une patience monstre pendant les entraînements. » Il est inutile qu’elle énumère encore longtemps les qualités d’Elijah. Elle ne veut pas trop lui gonfler les chevilles non plus. « Crois pas que je suis forte toute seule. » La dernière phrase est dite à voix basse. Parce qu’elle nourrit ce sentiment depuis des semaines, des mois sans que ce soit une bonne chose. Ils ne savent pas s’ils vont survivre à cette guerre. Elle ne doit pas nourrir cette naissance d’affection qu’elle a pour lui. « Je ne te savais pas grand connaisseur d’alcool. » Fait-elle au bout d’un moment. Elle ne sait pas trop pourquoi elle relance la conversation, mais elle n’a pas envie que ça s’arrête ce petit moment. Il est à eux. Rien qu’à eux. |
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HERO • we saved the world Elijah Buckley | « Promis ? » Il a toujours vu June comme quelqu'un d'infaillible. Il se souvient que quand Rohan leur a expliqué que June était une Alpha, et ce que ça signifiait pour eux, Elijah s'est dit: oui. Évidemment. Parce que quel meilleur leader que June? June qui défendrait tout le monde jusqu'à son dernier souffle? June tellement sincère, tellement solaire, tellement brûlante et tellement courageuse, tout ce qu'il n'a jamais su être? Et pourtant la voilà, avec cette question presque naïve sur les lèvres parce que, “ Je te le promets, ” bien entendu que c'est promis. Elijah a bien des défauts, il a peur de s'attacher aux autres du coup il a tendance à être cruel sans le vouloir, arrogant quand il fait étalage de ses connaissances, hautain quand il voit quelque chose qui ne lui plait pas, lâche quand il sait qu'il va perdre, maladroit quand il doit consoler. Mais il tient ses promesses. Leur futur est un tissu de promesses, après tout, et il faut bien croire en quelque chose dans ce monde de sang, de pertes et de guerre. Alors oui, il le lui promet, sincèrement et entièrement, ses yeux plantés dans les siens comme pour la défier de remettre en question sa parole. Mais elle ne le fait pas; étrangement, elle détourne le regard et lui ne se lasse pas de la regarder, un peu malgré lui. C'est un attachement de circonstance, se dit-il en observant son visage sans qu'elle ne le regarde, sans détourner les yeux. Je l'apprécie parce que j'ai passé du temps avec elle, essaie-t-il de se convaincre alors qu'elle parle. Nous sommes du même Créateur et de la même Meute, c'est à cause de ça, achève-t-il de se dire. Je n'ai pas le droit de penser à ce genre de choses, se répète-t-il.
« Et je suis pas forte. » Il ouvre la bouche, prêt à rétorquer quelque chose d'assassin dans les lignes de tu l'es, tais-toi, mais elle reprend rapidement: « toi tu l’es. » Et il se tait, parce qu'Elijah n'a pas du tout l'impression d'être fort, bien au contraire. Il essaie, il se préserve de tout mais à force de bâtir des murs autour de lui, il a été négligent et leurs fondations sont de plus en plus fragiles... et il n'a plus l'énergie, ni le courage, de les réparer. June est en train de le dévaster à chaque mot qu'elle prononce (et aussi à chaque sourire qu'elle adresse à quelqu'un d'autre, mais c'est une autre histoire). « Tu fais partie du Conseil, t’enseigne aux gamins et t’es d’une patience monstre pendant les entraînements. » Et ça lui semble... tellement ridicule. Parce que la seule fois qu'il a été sur le terrain avant la Guerre, il s'est fait griffer par un loup-garou et il a vu tout le monde autour de lui mourir. Parce qu'il a peur, parfois, souvent, quand on lui dit qu'il vaudrait mieux qu'il parte en mission avec d'autres. Et les gamins? Il se sent tellement nul, tellement stupide quand certains pleurent, parce qu'ils ont perdu leurs parents, ou parce qu'ils ne savent pas si leurs parents vont revenir les chercher justement. Et sa patience? Sa patience... il a parfois l'impression que c'est un mythe. Il a construit un mythe autour de lui, celui de l'Elijah indolent, froid, hautain et éloigné de tout. Mais elle le pense fort et cette pensée réchauffe un peu Elijah. « Crois pas que je suis forte toute seule. » Ses yeux doivent forcément la brûler, là où il la regarde, son visage, la nervure de son cou, la base de son cou où il a posé son pouce. L'a-t-elle senti? Comment il sentait les battements de son coeur, le flux de son sang dans ses veines? A-t-elle senti la pression de son pouce contre sa peau, sans doute plus fort qu'elle aurait dû l'être?
Ses yeux doivent forcément la brûler, alors pourquoi ne le regarde-t-elle pas?
« Je ne te savais pas grand connaisseur d’alcool. » Elijah secoue la tête pour chasser ces pensées parasites, agacé. Lentement, il pivote sur ses talons pour se tourner de nouveau vers le Lac, recroisant les bras. Il ne va pas la quitter maintenant de toutes façons. Il la raccompagnera au château pour s'assurer qu'elle ne va pas s'enfoncer dans un cercle vicieux de misère et d'apathie. (Il se donne de bonnes raisons pour rester à ses côtés). “ Il y a beaucoup de choses que tu ignores à propos de moi, ” dit-il d'un ton plus dur qu'il ne devrait l'être. Il se mord aussitôt la langue, malgré lui. Il devrait s'arrêter là, la laisser se vexer et la raccompagner d'un pas pressant au château. Il devrait fermer sa gueule, étouffer l'affection dans l'oeuf, l'oublier, la mettre de côté, pas en temps de Guerre, tout mais pas en temps de Guerre, ils ne vivront pas demain, ils n'ont pas de futur et- N'est-ce pas précisément tous les points sur lesquels il l'a contredite? “ Juste du whisky. Ma mère était passionnée, un truc de famille je crois. Je n'aime pas trop l'alcool sinon, surtout depuis la griffure. ” Machinalement, une de ses mains vient caresser son flanc où l'odieuse cicatrice s'étend. “ Quand on a eu quinze ans, ma mère a pris l'habitude de nous emmener tous les ans, Cara et moi, au Salon International du Whiskey Sorcier, à Dublin. Un repère de soûlards, comme tu peux t'en douter. Mais j'aimais bien. On a jamais été proches, ma mère et moi, et on partageait quasiment rien si ce n'est ça. C'est l'une des seules choses que je garde d'elle. ” Il hausse les épaules. “ Tu n'ignores pas que boire est mauvais pour les gens comme nous... particulièrement toi. En consommer une fois peut t'amener à développer une addiction. Si c'est le cas, dis-le-moi, d'accord? On se débrouillera pour régler ça. ” Et puis, une autre promesse, parce qu'il ne veut plus qu'elle se rende seule dans des endroits glauques avec de l'alcool pour se morfondre: “ ensemble. ” |
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| | | | | (début septembre 2003) ELIJUNE + sorry never made it feel alright | |
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