WIZARD • always the first casuality Anthea Moriarty | shin + and suddenly, we were strangers again
Les mains d’Anthea tremblent tellement qu’elle ne sait plus comment faire pour en maitriser les spasmes désordonnés. C’est son éternelle manifestation de stress, chaque fois qu’elle est à court de mots, de gestes, parfois de tout. Et aujourd’hui particulièrement, c’est typiquement une situation où elle est à cours de tout. Parce que c’est devant le battant du manoir Moriyama qu’elle se tient et par Merlin, ça fait bien une éternité qu’elle n’y a pas mis les pieds. Depuis… depuis la fin de la guerre, et encore avant, depuis son départ pour les Etats-Unis, et encore avant, depuis l’accident avec les Appleby Arrows, et même encore avant parce qu’en parallèle… en parallèle de sa vie à elle, il y a eu celle de Shin, toute aussi mouvementée, évoluant pour les détacher. Et régulièrement des souvenirs lui reviennent, de Poudlard, de toutes les fois où il était disponible pour l’aider, elle qui fouillait ses origines à en prendre l’âme dans le dos d’Hanae, et des discussions qu’ils avaient jusque tard, trop tard. Tout ça et ce sentiment d’être une famille, cette impression qu’elle n’était pas moitié Moriyama pour rien mais bel et bien pour faire partie d’un tout.
Aujourd’hui elle se demande où est Ambroise, et elle se demande où est Ariane, et elle se demande où est Arabella.
Elle ne saurait pas mettre un nom sur ce qui l’a poussée à renouer avec les Moriyama avant de tenter le coup avec les Moriarty (peut-être cette chose que l’on appelle communément peur, ou alors jugement, ou plein de trucs qu’elle ne parvient pas à démêler) mais elle est là, devant chez eux, et la paume de ses mains chauffe de frustration et veut laisser échapper des flammèches pour se détendre mais elle se contrôle et frappe à la porte à la place. L’attente est normale mais lui paraît interminable tandis qu’elle compte intérieurement, ichi, ni, san… et lorsque le battant s’ouvre pour laisser apparaître le visage de Shin, elle se retrouve figée et accompagnée d’un sourire coincé. L'idée que lui non plus ne veuille plus la voir la paralyse tellement qu'elle oublie toutes les phrases qu'elle avait savamment trouvées (et conservées spécialement en l'attente de ce moment) et se retrouve à broder maladroitement : « J’ai, heu, parlé à Nobuo, un peu ? » Et comme chaque fois qu’elle est malaisée, elle hache ses mots tandis que toutes ses phrases semblent se terminer en questionnement. « Et il a dit que je pouvais passer même si… même si, enfin, ça fait longtemps. » Longtemps comme pour dire six ans, mais le dire de façon assez douce, assez délicate, histoire de ne pas brusquer et que Shin ne se mette pas à compter immédiatement, même s’il l’a peut-être déjà fait par le passé, ou même s’il est peut-être bien en train de le faire à ce moment même. Six ans qu’ils ne se sont plus vus - elle n’est pas totalement certaine du chiffre mais il lui semble bien que c’est ça, en tout cas approximativement, et ça n’enlève rien au fait qu’il lui a manqué.
Mais on l’a prévenue qu’elle ne retrouverait pas le Shin qu’elle a connu, en tout cas pas entièrement, et elle n’a pu que découvrir les faits sans trop mesurer l’ampleur des dégâts. Thea sait qu’il est un autre - ou plutôt, qu’il est toujours lui-même mais qu’il est à présent double, qu’il est deux, qu’il est aussi Nazir. Le nom lui évoque ce type qu’elle a croisé à Poudlard, sans vraiment le côtoyer pour autant, et elle se rappelle l'avoir entendu dans la bouche d’Alicia lorsqu’elles étaient dans la même équipe mais… mais ça ne l’aide pas vraiment à se préparer à l’idée que son cousin est envahi. « J’espère que ça dérange pas ? En tout cas- t’as- hum, changé. Enfin j’veux dire, on change en six ans. Surtout dans ton cas- j’voulais pas dire ça. Non vraiment, mauvais plan, oublie. » Pourtant c’est bien ce qu’elle veut dire, sans méchanceté aucune mais simplement parce qu'elle a les prunelles ancrées sur les traits masculins, cherchant à les réapprendre. Ils semblent… différents, assurément, et Shin lui-même à l’air comme grandi, et elle suppose que c’est la guerre qui fait ça, c’est la guerre qui fait toujours ça.
|
|