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Elle aurait voulu être forte mais elle ne l'était pas. Elle n'était qu'une gamine perdue dans une guerre qu'elle ne comprenait pas et dont elle n'avait jamais saisi ni les nuances ni les sacrifices. A l'abri dans son monde isolé, dans sa tour d'ivoire, préservée des horreurs perpétrées en bas, comment aurait-elle pu seulement concevoir ce qu'une vie de rebelle   impliquait réellement ? Son imagination fertile de femme-enfant lui avait pourtant fait envisager de nombreux scénarios mais rien n'égalait la vérité. Le monde était ravagé et elle ne s'en rendait compte que trop tard. Elle s'était leurrée, avait présumé de ses forces, sous-estimant la situation et elle s'en mordait les doigts un peu plus chaque jour. Elle n'était plus rien, plus que l'ombre d'elle-même. Une poupée brisée que l'on ballotte çà et là. Elle aurait voulu savoir l'horreur avant d'y être plongée. Elle aurait voulu comprendre que la véritable force ne se mesurait pas dans le nombre de duels remportés ; que le courage n'avait rien de comparable aux sorties nocturnes dans les couloirs de Poudlard ; que la douleur n'était pas un mauvais coup de cognar lors d'un match. Et il y avait toutes ces choses qu'elle n'avait jamais connues. La faim causée par le manque de nourriture, la fatigue due les nuits écourtées, l'inconfort des camps de fortune. Teresa n'était pas forte. Et tous ceux qui voyaient en elle une jeune femme robuste avaient tort. Oh, comme ils avaient tort. Teresa se voilait la face, incapable de tirer un trait sur sa fierté, cet héritage familiale qui l'épuisait jour après jour. Elle disait oui à tout. Oui, bien sûr qu'elle en était capable. Oui, cela ne la dérangeait pas d'ouvrir la voie dans une mission qui n'avait ni queue ni tête. Peur ? Mais quelle absurdité. Teresa n'avait pas peur. Si ses mains tremblaient trop fort, que son cœur battait trop vite ; si sa gorge se faisait sèche et que dans son ventre un monstre s'amusait à jouer, si elle paraissait si blanche...Si elle avait l'air affaiblie et bien, ce n'était là qu'une feinte de plus destinée à confondre les ennemis. Non, Teresa n'avait peur de rien. Elle disait oui alors que tout son être hurlait non. Cela ne lui posait pas de problèmes tant qu'ils y croyaient assez pour ne pas la rejeter et plus important, tant qu'elle y croyait pour ne pas s'effondrer. Que dirait Archibald Grimaldi, son grand-père, en la voyant ainsi ? Il darderait sans doute son regard méprisant sur sa silhouette menue. Il verrait à travers elle comme il savait le faire. Il avait toujours su le faire, elle ne l'aimait pas pour ça. Elle s'attendait presque à entendre sa voix railleuse alors qu'il lui cracherait l'ironie de sa situation. Elle qui avait toujours crié qu'elle n'avait pas été formatée par les normes imposés par ces gens persuadés de détenir la vérité, par la pression des attentes de ses parents, par les dictats d'une société qui s'enfonçait de plus en plus dans les désirs obscurs d'un mage noir dénué de compassion. Pourtant, elle était là. Elle se tenait droite, la tête haute et elle était incapable de dire non. Incapable de fendre la carapace, de laisser paraître la moindre faiblesse. Parce qu'au fond, comme tout le monde, elle revêtait un masque. Un masque de bonne humeur et de bons sentiments mais il n'en demeurait pas moins que la jeune femme qui se tenait fièrement devant eux n'était qu'une illusion. Elle était si fatiguée, à deux points de jeter l'éponge. Seul l'orgueil la gardait sur ses jambes...et peut-être la crainte d'un retour honteux à la civilisation.

Alors elle forçait un sourire et comme chaque Grimaldi, elle avait la persuasion dans le sang. On ne se doutait de rien. Au mieux, on la voyait comme une éternelle optimiste. Au pire, on la traitait comme une gamine niaise et superficielle. Elle s'en fichait. Elle se rendait utile mais elle ne se donnerait jamais cœur et âme pour des personnes qu'elle considérait comme barbare. La guerre changeait les gens, elle ne pouvait pas l'ignorer. Mais comment pouvait-elle pardonner aux uns ce que l'on reprochait aux autres. La barrière entre Insurgés et Mangemorts n'avait jamais été si fine à ses yeux. Les deux côtés se valaient dans l'horreur et le chaos. Et dans toute cette hypocrisie ambiante, il y avait Astoria. La douce Astoria. Poupée manipulée par sa sœur, contrainte à la suivre partout. Son dernier rempart, son dernier espoir. Elle avait toujours apprécié le temps passé en compagnie de la cadette des Greengrass. Elle l'appréciait d'autant plus aujourd'hui. Astoria représentait son monde, tout ce qui lui manquait. Elle pouvait presque fermer les yeux et revenir des années en arrière alors qu'elles arpentaient toutes les deux les rues de Pré-au-Lard, dépensant leur argent pour des trésors de superficialité aux yeux des autres. Teresa n'avait pas eu l'occasion de s'entretenir longtemps avec elle. Juste assez pour comprendre qu'elles visaient toutes les deux un objectif bien différent de celui des Insurgés. Elles voulaient partir, fuir, rejoindre le monde auquel elles appartenaient, loin de ces forêts, de tout ce sang et cette colère contenue. Aussi, sautait-elle sur la moindre occasion pour se retrouver seule avec la cadette de Greengrass. Elles devaient éviter les oreilles indiscrètes. Ce qui se révélait bien difficile car aucune d'elles ne disposaient de la confiance du groupe. Pourtant, cette fois, elle était décidée à avoir une discussion plus approfondie avec la princesse de Serpentard. Armée de son armure de faux semblants, elle fouilla le camps, laissant comprendre à quiconque la questionnait qu'elle comptait ramasser du bois, avec Astoria. Drapée de sa bonne humeur, elle débarqua dans la tente qui abritait la cadette des Greengrass. Pour une fois, son visage se fendit d'un sourire sincère alors qu'elle distinguait la silhouette gracieuse de son alliée. « Motivée pour aller chercher du bois avec moi ? » Sa voix était chantante, elle avait tout d'une écervelée mais son regard en disait long sur ses véritables intentions.
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Come morning light,
 you and I’ll be safe and sound.
Teresa & Astoria



Matin du 27 octobre 2001 • Valse dérisoire des branchages de ces bois, mensonge illusoire qu'ils pouvaient être aux prunelles innocentes pensant que ces bois étaient comme tant d'autres. Tout comme les ailes caressantes des rêves étaient capables de devenir plus assassines que d'autres, plus encore lorsque nulle échappée n'était parvenue à entrevoir l'éclat de l'aube ou ne serait-ce que de ses rayons gravissant lascivement quelques millimètres de chair. Mais cela ne voulait pas pour autant dire que la princesse enlevée désespérait de pouvoir quitter un jour sa tour de terre gardée par des soldats de chairs et d'idéaux utopiques, qui à l'image de leurs croyances éclateraient en un milliers d'étoiles parsemant le ciel de leurs étincelles. Dissimulée au monde par la barrière de ces ronces épineuses faites de terre, de feuillages et de créatures ténébreuses hantant les alentours de sa prison. Elle avait pourtant bien failli parvenir à fuir, si une multitude de décisions, et non pas forcément les siennes, ne l'avaient pas conduite à revenir à son point de départ, dans ce piège qui s'était inexorablement resserré autour d'elle sous le regard appuyé de sa sœur qui n'avait rien ignoré de son acte. Mais elle se refusait à vouloir saisir, comprendre, à quel point les choses ne faisaient que la pousser à désirer sa fuite, comme si le destin, ce vieillard perfide et vicieux n'avait de cesse de lui souffler à l'oreille qu'il lui fallait rejoindre une autre rive, que sa place n'était pas ici, ou dans le cas contraire, qu'il lui déroberait jusqu'à la dernière chose comptant encore à ses yeux. Elle était là cette ombre malsaine, à rôder autour d'elle, à se lover contre son être, à lui susurrer qu'elle aurait pu laisser Ichabod mourir et qu'elle serait libre à cette heure, à cet instant... Libre, ou au moins loin d'ici. Ses gestes auraient pu sombrer sous le voile de l'égoïsme, donnant raison à cette sœur qui l'avait accusée moins d'un mois plus tôt de ne se préoccuper que d'elle. La silhouette décharnée aurait alors flirté avec elle, laissant ses lèvres décrépites longer l'angle de ses traits, mordiller sa chair et se repaître du dédain lui offrant une âme de plus à charrier jusqu'aux ténèbres. Au lieu de cela, c'était la détermination de quitter ces lieux qui ne cessait de hanter son esprit, d'écrouer cet intérêt à double tranchant qu'elle voulait darder à l'intention du meilleur ami de sa sœur pour justement le pousser à plaider sa cause. Elle s'était fourvoyée, trompée dans cette lourde décision qui la laissait fouler de ses pas le sol humide de cette forêt que tout son être répugnait du plus profond de son âme.

Il aurait mieux fait de s'étourdir et de tomber au sol, il aurait mieux valu qu'il meurt pour lui offrir une chance, mais elle n'en avait pas eu la volonté, comme s'il avait pris bien trop d'importance dans son existence à force de se côtoyer, d'échanger, de savoir cette douleur similaire et pourtant différente qui dévorait la carne de leurs palpitants réciproques. Au lieu de cela, on la condamnait à nouveau à déambuler dans ces lieux, à subir la pression du regard des êtres là pour la surveiller pour éviter qu'elle fasse une nouvelle fois l'erreur de s'envoyer en l'air jusqu'à gagner d'autres ruelles où la liberté l'étreindrait. Mais à cette seconde, ses pas se contentaient de froisser le sol de cette élégance troublante pour ce lieu et ces moments d'opposition, sa silhouette gracile et élégante s'opposait à l'idée-même qu'elle vivait réellement parmi ces êtres, qu'elle les aidait dans la moindre tache ingrate que l'on pourrait décider de lui octroyer et face à laquelle elle se contenterait d'esquisser l'ombre d'un sourire ironique au coin des lèvres. Elle n'aiderait pas... personne, sans une contrepartie digne de ce nom, et il semblait d'une évidence presque narquoise que son tarif augmentait de ces effluves de trahison dans son désir de s'évader. Elle tremblait de ce désir, elle frissonnait de ce besoin, elle se languissait de richesse, de torpeur, de faux-semblants, des doigts de Draco gravissant sa peau... mais l'image fut chassée aussi vite qu'elle avait été capable d'effleurer son esprit. Il l'avait trahie, lui aussi, il... Les doutes l'étreignaient de cette fougue qui les rendait plus réels et tangibles que n'importe quoi d'autre dans cette réalité qui était sienne depuis bien trop longtemps. Trois ans... Trois putain d'années où personne n'avait semblait-il cherché à la retrouver, prouvant l'ignoble théorie de sa sœur, ce côté remplaçable qui lui donnait le vertige et la révoltait de cette rancune et de cette haine assassines. Mais il était hors de question que l'on finisse par l'oublier, qu'elle leur laisse cette chance, cette opportunité.

Le souffle du vent s'engouffra en même temps que sa silhouette dans la tente qui était la sienne, et qu'elle ne supportait guère plus que le reste du camp. La folie guettait son âme, rôdant, venimeuse illusion serpentine qui s'enroulait sournoisement autour de ses courbes, portée par le vertige saisissant de celui qui murmurait des traitrises à son oreille. Elle s'assit, extirpant de sa cachette un morceau de gazette froissée, comme si elle avait encore besoin de ressasser colère et haine, que les tourments n'étaient pas assez armés pour l'ensevelir et l'écrouer sous la douleur vengeresse qui l'avait poussée à précipiter sa tentative de fuite, à s'agripper au bras d'Ichabod en se moquant des conséquences, à conserver une fiole dérobée de polynectar sans encore savoir à quelle occasion cela pourrait s'avérer utile. Mais elle recueillait ce qu'elle parvenait à subtiliser à la manière d'une cleptomane pour une nouvelle occasion, puis une autre, et encore autant qu'il le faudrait. Tombant, trébuchant, elle affronterait le dédale du labyrinthe et ses dangers du mieux qu'elle le pourrait. Pourtant elle le savait qu'elle n'était pas une femme de terrain, que les duels n'étaient pas quelque chose qu'elle aimait pratiquer, préférant mille fois l'art des potions, les connaissances, la musique... Cette idée lui vrilla le cœur, plaquant ses doigts invisibles sur ses lèvres pour l'empêcher de souffler mot. Elle donnerait n'importe quoi... pour être loin d'ici.

Ce fut à cet instant qu'une silhouette pénétra dans sa tente, la laissant froisser le papier machinalement, avant de croiser le regard de Tessa... et ce sourire qui accompagnait des paroles à cent lieux de ce qu'elles dissimulaient. Deux princesses en mal de leur univers, elles avaient ce même but ancré en elle, ce même attrait pour cette lueur lointaine et les mots glissés aux effluves de demi-vérités. Elle ignorait tout pour Scorpius, jusqu'à son existence. Jamais elles n'avaient été assez proches pour que sa grossesse soit abordée, mais il lui semblait que ceux à qui elle l'avait révélé de son plein gré n'avaient fait que la poignarder les uns après les autres. Inutile de donner l'espoir d'allonger cette liste... car si Emrys ne la trahissait, ce n'était que l'aveu de son âme à son don qui avait révélé la vérité. "Pour te regarder ramasser du bois, toujours." lui répondit-elle d'un petit sourire mutin, comme si brusquement l'arrivée de son amie adoucissait son humeur, qu'elle la rendait plus ouverte, moins rancunière, loin des préoccupations de fuite parce que Tessa était cet éphémère souvenir de sa vie passée si superficielle, qui ne l'avait pas tant été sur la fin, ces journées délicates où elle avait grandi presque trop vite. Se relevant, elle s'approcha de Teresa pour l'accompagner... savait-elle pour sa tentative de fuite ? Comprendrait-elle sans savoir... ? Ou désirait-elle parler d'autre chose ?

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