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sujet; (Janv. 04) Bagshot² • Where I used to end was where you start

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Cachots du Ministère & Jan. 2004

And in time As one reminds the other of the past A life lived much too fast to hold onto How am I losing you ? A broken house, Another dry month waiting for the rain And I had been resisting this decay. I thought you'd do the same.
Viktor sort de l’hôpital. Ses talons claquent sur le pavé de Ste-Mangouste alors qu’il réajuste son sac à main d’un air pensif, cherchant à reprendre contact avec la réalité alors que le visage de Sasha continue de l’obséder. Chaque jour, lorsqu’il sort de la chambre de sa femme, il n’a qu’une envie : y retourner. Même lorsqu’il y est en tant que Morrigan, il ne respire bien que lorsqu’elle est près de lui. Une semaine, maintenant, qu’il alterne entre Viktor et Morrigan chaque jour, et ça l’use, bien sûr, mais il reste persuadé que c’est ce qu’il faut faire. C’est ce dont Sasha a besoin.
Viktor déteste se faire draguer par les hommes. Même lorsque, en homme, un client essaye de lui faire des avances, il doit réprimer un étrange dégoût, terrible vestige de ces années à ne rien comprendre à ce qu’il ressentait en leur présente. Aujourd’hui, bien plus qu’avant, il se supporte pas que qui que ce soit veuille charmer Morrigan, elle ne mérite pas leur attention, et ne devrait même pas attirer d’affection. Ainsi, lorsqu’elle entend quelqu’un essayer de l’arrêter, il refuse d’y faire attention. « Hey madame, on peut voir vos papiers ! » Il pense à une mauvaise blague, vu le ton clairement tapageur, et continue son chemin, accélère même. « Hoy, madame, hé, on veut juste voir tes papiers ! » Sauf que ce n’est pas drôle, comme pick-up line, quand on est un homme marié et que, en toute honnêteté, on n’a pas ses papiers. Clairement, il ne se balade pas avec ceux de Viktor. Alors il accélère.
Jusqu’à ce qu’une poigne forte lui agrippe soudain le bras, une poigne masculine, qui lui fait aussitôt avoir un brusque mouvement de recul, faisant volte-face, prêt à écraser de mépris le malotru. Malheureusement, le malotru en question porte l’uniforme de la BPM.
Il a un regard sévère, les sourcils froncés, l’air mauvais. Son collègue fixe Viktor avec animosité. Ils sont vexés qu’il l’ai ignoré, ils sont vexés et…
« Madame, montrez-nous vos papiers ou nous  serons dans l’obligation de vous emmener au poste. »
Viktor aurait du suffoquer. Il aurait du mourir, là, sur place, rien qu’à l’idée de l’éventualité que l’on puisse l’enfermer et le condamner. Car il préfère vivre toute son existence derrière des barreaux plutôt que de devoir supporter l’idée de dévoiler à qui que ce soit sa réelle identité. Il protégera son secret plus qu’il ne défendra sa vie. Heureusement pour lui, aujourd’hui, Viktor n’est pas Viktor, et le personnage féminin qu’il s’est construit ne perd jamais son calme.
Alors c’est un sourire distant et froid, un air profondément las que Morrigan répond : « Je n’ai rien sur moi actuellement, je veux juste rentrer chez moi, vous permettez ? » Il cherche à déloger son bras, qui reste immobile, absolument bloqués par la main sombre, par le regard noir, par le sourire mauvais. « Vous ne les avez pas. Vous allez donc devoir me suivre au poste. »
Viktor veut mourir.




La chaise est petite, beaucoup trop petite, dans le bureau de la BPM. Viktor s’y sent à l’étroit, en serrant contre lui son sac à main, pendant que les questions commencent à fuser. « Votre nom, madame. » Il regarde ses mains manucurées qui ne tremblent pas. « Morrigan Bagshot. » Il ne s’habitue toujours pas à se faire appeler ainsi. « Bagshot… Comme le mangemort ? » Il ne s’habitue toujours pas à ça non plus, d’ailleurs. « Oui. Je suis sa sœur. » Le mec fronce les sourcils, retourne à ses parchemins, tandis que Viktor pianote sur son sac, prêt à repartir dès qu’il le laisserait. « Et pourquoi n’avez vous pas vos papiers sur vous ? Depuis quand êtes vous de retour ? J’ai cru comprendre que vous aviez disparu de la circulation il y a dix-huit ans. » Les lèvres de Viktor se pincent. « Je suis revenue dès que le gouvernement a changé, j’étais partie en… France. Et n’ai pas pris le temps de refaire mes papiers, je suis navrée. Je reste assez discrète, vu les circonstances. » On lui lance un énième regard suspicieux. Viktor ne sait pas comment il va s’en sortir, et commence déjà à voir sa vie défiler devant ses yeux. Surtout, il réalise que s’ils l’enferment, ce sera en tant que Morrigan. « Et vous avez qui que ce soit qui pourrait confirmer votre… histoire ? » Et c’est, enfin, une question à laquelle Viktor peut répondre honnêtement. «  Oui ! » Son coeur bat plus fort lorsqu’il comprend que si, si, bien sûr, il a quelque qui peut le sauver. La personne, peut-être, la plus importante de sa vie en ce moment, qui l’aidera quoi qu’il arrive, et à qui il pourrait tout confier les yeux fermés. « Amelia Cartwright ! Elle est Auror ici, elle me connaît, elle pourra tout vous dire et- -Et payer votre caution. » Argh. Oui. Cela. Viktor réprime une grimace et hoche juste la tête alors que, de l’autre côté, on soupire. Viktor déteste la BPM. Il déteste le gouvernement, la représentation de cette autorité qui peut mettre fin à sa vie puisqu’il n’est pas légal. Il n’est pas réel.
Il réalise que la situation aurait été bien pire si on l’avait attrapé en tant que Viktor Heidelberg.
En tant que Morrigan Bagshot, il a le droit d’exister.

Autour de lui, la ruche s’anime. Son agent trie encore des papiers, se lève, va parler à d’autres, visiblement ils sont en train de prévoir où le mettre. Tout le monde le regarde avec un mélange d’intérêt et de mépris, ils doivent le prendre pour une sang pur, une Elite, ou juste une sale snob à qui ils peuvent enfin faire passer un mauvais quart d’heure. Viktor peut entendre beugler à travers la salle : « Eh, tu saurais pas où mettre la Bagshot ? » Puis quelqu’un de lui répondre, sans qu’il puisse remarquer la provenance : « Bah t’as que la mettre avec le Bagshot ! Il y a de la place chez lui ! »
Viktor se sent étouffer. Ses mains se referment sur le sac à main, tremblent enfin. Non non non, pas Boris, c’est ça hein, ils veulent le mettre avec Boris c’est ça ? Il a bien compris ? Pas lui, pas Boris, tout le monde mais pas lui. (Ni Adele, ni sa mère, ni son père, ni Rolf, non, non, il ne veut voir personne comme ça.) Il ferme les yeux. Il va devoir lui expliquer que ce ne sera pas possible. Leur proposer de l’argent, les supplier, faire tout ce qu’ils veulent pour qu’ils ne le fassent pas affronter le regard de Boris. Il étouffe, il va vraiment étouffer, et mourir, s’ils font ça.
Il n’ira pas.
Plutôt crever que d’y aller.




La porte de la cellule se referme derrière Viktor. On l’a traîné jusque là, dans ses vêtements, dans son corps, avec tout le malaise continuel qu’il ressent lorsqu’il est Morrigan. Et devant lui, il y a Boris. Un Boris bien plus faible et bien moins fer que dans le dernier souvenir qu’il a de lui : triomphant dans son uniforme de rafleur, terrible mangemort faisant éruption, sans lui porter la moindre attention. Aujourd’hui, il n’y a rien de tout cela, juste un gamin, un gosse, fragile, faible, visiblement affamé. Le regard de Viktor ricoche sur son cou et la terrible cicatrice qui la traverse, horrifié en se souvenant de ce qui a pu lui arriver. Il a suivi toute l’histoire de Boris dans les journaux. Tout ce qu’il sait de son frère, de son tout petit frère qu’il a abandonné, il l’a lu dans les journaux.
La porte de la cellule se referme derrière Viktor, il espère que l’agent de la BPM ne dise rien mais, bien sûr, il ne peut visiblement pas s’empêcher de cracher un : « Bon on va vous laisser vous retrouver en famille hein ! » Il laisse échapper un ricanement, pendant lequel Viktor peut sentir son visage se défaire et son teint pâlir jusqu’au translucide. « Vous chialez pas trop dans les bras, surtout ! » Il part, enfin, et Viktor, lui, ne sait plus où se mettre.

Il a espéré, initialement, que Boris ne le reconnaisse pas. Le gamin était bien trop jeune quand Morrigan a abandonné tout ce qu’elle avait, il y avait très peu de chances qu’il puisse savoir qui il était. Et ce malgré son abominable ressemblance avec leur mère. Il hésite, Viktor, à nier quand même. Il frôle des doigts la possibilité de ne rien dire et de juste attendre qu’Amelia vienne le chercher.

« Bonjour. Je ne sais pas si tu te souviens de moi. » Il ne bouge pas de sa position, le dos presque collé aux barreaux, sans s’approcher d’un pas vers son tout petit frère. C’est dans un murmure qu’il avoue : « Je suis Morrigan. » Ou presque.
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Cachots du Ministère & Jan. 2004

Can you save me, brother? I’m a man without tomorrow. She’s just a ghost But I cannot stop myself from loving her. Can you save me? I’m a man stuck here forever.
Des fois, pour arrêter de te morfondre sur ton sort, tu te surprenais à te morfondre sur celui des autres. Pour le garçon imbu de lui-même que tu étais, cela pouvait paraître assez inédit. Et pourtant, quand on craint si fort l’image que les autres ont de soi, il n’était pas rare que tu t’essayes à te projeter dans ce que tu croyais être la tête des autres.
A te demander où ils se trouvaient en ce moment, sans même savoir réellement quel jour on était, depuis que tu avais perdu le fil du temps, ne te référant plus qu’à ce début dérisoire de barbe qui bleuissait ton menton et le coin de tes lèvres. A te demander, plus terrifié encore, s’ils étaient seulement encore en vie. A te demander, jalousement, s’ils s’en sortaient mieux que toi.

Il n’y a aucune raison qu’ils s’en prennent à Tori. Oh, comme je suis heureux qu’elle n’ait pas eu le temps de prendre la marque ! Est-ce que Mulciber a pu s’échapper ? J’en doute fort, elle a dû foncer dans le tas sans l’ombre d’une hésitation. Peut-être la trouveront-ils trop tête brûlée pour risquer de la condamner à mort sans s’y brûler les doigts ? Et Lestrange alors ? Est-il encore en vie ? Il devait être si terrifié à l’idée de retourner à Azkaban ? J’ai autant envie de le revoir que je redoute de le revoir là-bas. Je veux pas y aller, je veux pas y aller, plutôt mourir, je veux pas y aller.
Et Gates ? Il a une fille, je crois ? Comment va-t-elle grandir après ça ? Et monsieur Rookwood ? Je ne l’ai pas vu passer par ici ? Et pourtant, il est de la même trempe que Lestrange ; est-ce que ça veut dire qu’il est - ? Et Flint ? Et Smith ?
Est-ce que tous ces gens-là pensent autant à moi que moi à eux ?
Et puis d’abord, ça sert à quoi ?

Il fut un temps, à Poudlard, c’était à d’autres que tu pensais, quand tu n’allais pas bien. A d’autres élèves, un peu plus à ta famille, à ceux qui ne te viendraient à présent plus à l’esprit que sous forme de fantômes. Tu avais tendance à tuer les gens un peu trop vite, simplement pour pouvoir souffrir d’être le seul survivant.
On ne pouvait compter sur personne, après tout, tout le monde finissait par s’en aller, et- « Bon on va vous laisser vous retrouver en famille hein ! » Tu ouvres un oeil, encore engourdi d’un sommeil trop léger. On pousse une femme dans ta cellule. Elle est bien habillée et elle a l’air outrée par ce qu’on lui fait subir. Elle a les cheveux longs et le port de tête altier. On dirait maman. On dirait maman comme Rabastan, on aurait dit papa.
Non, en fait, on dirait « -Morrigan. »

Non, je me souviens pas de toi. J’étais trop petit quand tu es partie.
Les morts ne sont pas censés revenir. Je suis censé être le seul survivant, à la fin.
Ébahi, tu te relèves, longeant le mur de peur que tes jambes ne puissent te porter sous le coup du choc. Tu réalises que tu es en train de devenir fou. Tu ne pensais pas que ton cerveau tout troué pouvait être en proie à de telles hallucinations. « Non » tu n’es pas Morrigan, Morrigan est plus jeune et surtout, Morrigan est partie. Morrigan ne me regardait pas comme ça ; Morrigan avait l’air de m’aimer autant que me détester. Je pense que des fois, Morrigan avait envie de me tuer. Et vous, madame, on dirait que vous voulez vous tuer, vous. Vous n’êtes pas ma Morrigan.
« Ah bon ? » d’un autre côté, il n’y a aucune raison qu’elle mente à ce sujet. Tu n’étais pas en mesure de lui tenir tête s’il s’avérait qu’elle n’était pas Morrigan. A moins qu’elle ne soit la veuve, la soeur ou la fille de quelqu’un que tu avais souffrir et qu’elle s’était faite arrêter dans le seul but de te tourmenter…
Parfois, tu réfléchissais vraiment un peu trop, Boris.
C’est ce qu’on t’avait dit quand, régulièrement, à Poudlard, tu faisais moultes hypothèses sur les véritables raisons du départ précipité de ta grande soeur. En effet, ça n’était pas la version toute pré-cuisinée et réchauffée de ta mère qui allait te satisfaire.

« Pourquoi ? » Vous restez tous les deux à chaque bout de la pièce exiguë. Il y a à peine quelques mètres qui vous séparent et pourtant, ça te fait l’impression d’un gouffre sans fond. Et tu ne serais pas le premier à faire un pas en avant. Tu es trop faible pour ça. C’était elle qui était partie, après tout. « Pourquoi t’es partie pour de vrai ? » Tu pourrais faire s’effondrer tous les murs de la prison tant tu trembles, de peur, de chagrin, de soulagement, de déni.
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