WIZARD • always the first casuality Anna Grimaldi | (NEW YORK – FEBRUARY 28TH) New-York se réveillait doucement aux premières lueurs du jour, tamisant la pièce d’un doux éclairage solaire. Assise sur le grand fauteuil du salon, les jambes repliées contre la poitrine et la tête posée sur les genoux, elle faisait défiler les pages d’informations sur son pocketowl. L’utilisation de ce nouvel appareil, merveille de technologie, l’avait d’abord laissée perplexe, mais elle y trouvait à présent un intérêt incontestable. A plus de cinq milles kilomètres de chez elle, elle pouvait garder un œil sur l’évolution politique, économique et sociale de son pays, et recevoir des messages réguliers de son frère ou son beau-frère à propos de son enfant malade. Elle s’était promis de ne pas rester loin de Londres trop longtemps. Cependant, faire en sorte que sa première fille Chiara retrouve ses marques auprès d’elle n’avait pas été une tâche facile ; et trouver les informations médicomagiques qu’elle était venue chercher pour tenter de soigner sa plus jeune fille avait été une mission encore plus difficile. Mais elle y était parvenue, et il était temps pour elle de rentrer. Elle craignait néanmoins que le climat incertain dans lequel elle ramenait sa petite Chiara ne fut pas plus sécurisant que celui duquel elle l’avait protégée en l’envoyant ici. On parlait de déficiences de la magie, de fragilité des barrières magiques … Que risquaient-elles en rentrant ? Elle lisait les articles, les uns après les autres, accumulant en elle un sentiment de plus en plus anxiogène. « Mommy ? » Ses yeux glissèrent de l’écran de son pow vers le visage ensommeillé de sa fille. « Sweetheart. Come here. » Elle posa son portable sur la table basse et tendit les bras vers sa fille. La petite se blottit contre elle et ferma les yeux. Plongeant son nez dans les petites boucles brunes de Chiara, elle s’imprégna de cette odeur qui lui avait tant manqué ces derniers mois. Le mutisme, dans lequel elles se terrèrent toutes les deux, ne fut pas lourd ou gênant ; il semblait reconstruire en elles le vide que leur séparation avait créé. Anna raffermit son étreinte autour de sa fille et posa un baiser sur sa tempe. « I missed you so much, » murmura-t-elle pour elle-même. Les paupières de Chiara se soulevèrent et son regard se planta dans ceux de sa mère. « Do ya think I could see me lil sista ? » Un sourire se dessina sur ses lèvres. Chiara ne l’avait pas encore vu, mais elle considérait déjà Charlotte comme sa petite sœur. Elle prit le visage de sa fille entre ses mains et lui caressa tendrement la joue. « You’ll meet her soon. We’ll go home today. Are you okay with that ? » La petite hocha la tête et leva à son tour sa main d’enfant vers le visage de sa mère pour lui caresser le menton. « I love you, mommy. » Anna colla son front contre celui de Chiara et lui souffla. « I love you too sweetheart. »
(ST MUNGO – MARCH 5TH) « Whyyyyy ? I want go with youuuu ! » Chiara faisait la moue et s’accrochait au poignet de sa mère dans l’espoir qu’elle l’emmène avec elle. Depuis qu’elles étaient rentrées de New York, la petite avait mené la vie dure à sa mère, peut-être pour la punir de ces longs mois passés loin d’elle. Elle refusait notamment de dormir dans son lit, d’être séparée plus d’une heure d’Anna et de manger toute seule. Elle cherchait absolument à rester le plus possible auprès de sa mère. Anna se sentait démunie face à cette quête d’affection. Comment pouvait-elle seulement allier sa vie professionnelle avec celle de mère célibataire ? Tant à faire et si peu de temps dans une journée pour le réaliser. Cela faisait que quelques jours qu’elle était rentrée mais déjà tout le poids des responsabilités était retombé sur ses épaules. Bien sûr elle était secondée, bien sûr il y avait des personnes sur qui elle pouvait compter, mais ce n’était jamais assez. Aujourd’hui, elle n’avait pas eu le choix. Ni Matteo, ni Elias, ni Neelam n’avait pu se libérer pour garder Chiara. Alors c’était la garderie. « No Chiara. You should stay at kindergarten today. At lunch, we’ll go to see Charlie, if you want to. But now, I must work and you must stay here with miss Howard. Okay ? » Une larme se mit à glisser le long de la joue de la petite fille. Anna l’essuya de son pouce et posa un baiser sur son front. « Be kind. Love you. » Et elle referma la porte derrière elle, un pincement au cœur et l’impression horrible de l’abandonner encore une fois. Elle reprit cependant rapidement ses esprits pour se concentrer sur son travail.
(ST MUNGO – MARCH 6TH) La tempête s’était calmée et le ciel laissait peu à peu place à quelques éclaircies. Les dégâts étaient considérables mais la plus grande difficulté à laquelle il fallait faire face, était la panique qu’avait instillée cet événement météorologique sur la population. Des personnes arrivaient en catastrophe à Ste Mangouste, plus angoissés et nerveux qu’ils n’étaient blessés … Les équipes médicales ne savaient pourtant plus où donner de la tête car les coulées d’eau avaient inondé, abîmé – et parfois pire – détruit des étages du bâtiment. Alors que quelques ingémages et leurs équipes tentaient de rafistoler au plus vite le bâtiment, les médicomages et guérisseurs étaient réquisitionnés pour seconder les équipes de garde. Après avoir laissé Luna et la petite Lesath auprès d’une équipe médicale compétente, Anna avait laissé parler son instinct maternel plutôt que sa conscience professionnelle. Ses deux filles étaient ici, l’une dans les étages de quarantaine, l’autre au rez-de-chaussée à la garderie. Elle devait absolument vérifier si elles allaient bien avant de pouvoir aider qui que ce soit. Elles étaient tout ce qui lui restait, elle ne pouvait pas continuer sans les savoir en sécurité. Etant plus proche de l’aile de la pédiatrie, elle décida de se rendre d’abord auprès de Charlotte. Traversant les couloirs à grandes enjambées, elle arriva bien vite devant la vitre transparente qui délimitait la chambre de sa fille. Aucun dégât n’était à relever dans cette petite chambre aseptisée. Elle fixa le petit lit quelques instants, juste assez pour voir Charlie tourner la tête vers elle, agiter sa salamandre en peluche et tenter de se lever aux moyens des barreaux du lit. Elle allait bien. Posant sa main contre la vitre, elle souffla. « Je reviens vite ma chérie. » Et elle s’éloigna. Elle emprunta les escaliers de service pour redescendre au rez-de-chaussée. A cet étage, les dégâts étaient plus conséquents. De l’eau s’écoulait encore par des fissures dans le mur. Aussitôt l’eau était épongée, aussitôt elle recouvrait à nouveau le sol. Tentant de ne pas glisser sur les flaques, elle marcha le plus vite possible. Sans frapper, elle poussa la porte de la garderie, complètement inondée, mais surtout vide. Son cœur manqua un battement, et ses mains se mirent à trembler. Où sont-ils tous ? Elle rebroussa chemin et interpella quelques collègues au passage : « Savez-vous où la garderie a été transférée ? Avez-vous vu ma fille ? » La plupart du temps, elle n’obtint que des réponses négatives. Et puis enfin, quelqu’un vint vers elle. « Il me semble qu’ils ont été transférés provisoirement à l’aile pédiatrique dans les étages, pour leur sécurité ! » Remerciant chaleureusement la seule personne qui avait pu l’aider, elle s’élança à nouveau dans les escaliers et remonta à l’étage qu’elle venait de quitter. Tout allait bien, elle allait retrouver sa fille. Poussant à peine la porte de la cage d’escalier, elle tomba nez à nez avec la responsable de la garderie. « Oh madame Grimaldi ! Je … vous … cherchais … » La femme était essoufflée, et l’expression sur son visage n’avait rien de rassurant. « Oui ? » dit-elle avec nervosité. « Je … Est-ce que vous avez récupéré votre fille ? » Ses poings se serrèrent et sa respiration s’accéléra. « Comment ça ? Qui ? De quoi vous parlez ? » Elle reculait aveuglément et la panique se dessina sur son visage. « Je … Je suis vraiment désolée, mais pendant le transfert, Chiara a échappé à notre vigilance … Nous ne savons pas où elle peut bien être. » Et le temps s’arrêta … Le monde autour d’elle cessa de tourner et un sifflement gênant l’enfermait dans une bulle d’angoisse et d’incompréhension. Elle ne parlait plus, ne bougeait plus et sentait la culpabilité obscurcir ses pensées. Elle n’aurait jamais dû laisser sa fille auprès de personnes aussi incompétentes. Tout ça pesait sur sa poitrine et elle avait l’impression de suffoquer. Pourtant son cerveau continuait à réfléchir à toutes les possibilités, des meilleures aux pires … Où Chiara avait-elle bien pu se rendre ?
« Elle est là ! On l’a trouvée ! » Son cœur manqua un battement. Son regard se vivifia d’une lueur optimiste et elle accourut jusqu’à l’endroit d’où venait la voix. « Où est-elle ? » Un index lui désigna quelque chose derrière la vitre. Plus elle s’approchait et plus elle réalisait son impéritie. Chiara n’aurait pu être nulle-part d’autre qu’à cet endroit … La seule inconnue restait : comment avait-elle réussi à y entrer ? Anna s’arrêta devant la porte, passa son badge devant le lecteur magique et entra dans la pièce. Allongée sur le fauteuil de la chambre, les mains jointes en guise d’oreiller et les jambes repliées contre elle – lui permettant ainsi d’entrer parfaitement dans les dimensions du siège – Chiara dormait à poings fermés. A ses côtés dans le petit lit à barreaux, Charlotte tenait encore du bout des doigts sa petite salamandre magique et semblait rêver d’un univers paisible car les plumes qu’elle avait réussi à arracher de son oreiller flottaient au-dessus d’elle dans un mouvement circulaire. Cette scène semblait aussi irréelle qu’attendrissante. Incertaine quant à la façon dont elle devait réagir, elle se tourna vers le couloir pour indiquer aux personnes qui s’y trouvaient qu’ils pouvaient s’en aller. Puis elle s’assit en tailleur, par terre entre le lit et le fauteuil, et prit dans chacune de ses mains, celle de l’une de ses filles. Sa famille …
(ST MUNGO – JUNE) « Okay. Jour J … » Anna fit rouler la petite pierre taillée entre son pouce et son index, et examina les lueurs argentées qui s’animaient à l’intérieur. Les derniers tests réalisés avaient été plus que concluants ; cet objet était en effet capable d’annihiler une très grande quantité de magie et devait constituer le meilleur remède temporaire au syndrome Rosier. Ces derniers mois, Anna avait énormément étudié la maladie – son développement, ses symptômes, son évolution – et s’était aperçu que chaque poussée de magie provoquée par l’enfant ne faisait que dégrader son état physique. Ainsi, elle était arrivée à la conclusion que la meilleure façon de freiner le développement de la maladie était de freiner l’utilisation inconsciente de magie par l’enfant. Après plusieurs essais sous forme de potions, de plantes, de sortilèges, elle en était arrivée à ça : cette gemme qu’elle avait imprégnée de plusieurs substances magiques inhibant et absorbant les pouvoirs magiques. Ce bijou était capable de canaliser une très grande quantité d’énergie, mais elle espérait que cela serait suffisant pour stocker toute la magie que Charlotte était capable de générer lors de ses inconscientes réactions magiques. Anna était nerveuse, elle n’avait pas dormi de la nuit. Cet objet ne devait avoir aucun effet néfaste sur le porteur, étant donné que son utilisation n’était que superficielle. Néanmoins, elle restait anxieuse à l’idée de faire porter un objet expérimental à son enfant, sans savoir s’il aiderait ou empirerait son cas. Elle portait dans son estime toutes les personnes qui avaient travaillé avec elle sur ce projet, sur cette idée, mais aujourd’hui, elle restait la seule et unique actrice dont l’implication était aussi forte. On parlait de sa fille. On parlait de Charlotte. Du patient zéro. Si cela ne marchait pas, elle condamnerait en plus de son bébé, tous les autres enfants atteints. Si cela ne marchait pas, ils auraient perdu des mois et des mois autour de son idée pour rien. Si cela ne marchait pas, elle serait vouée à voir sa fille s’autodétruire sans rien pouvoir faire … Ce remède ne guérissait pas, il freinait seulement la maladie, mais il offrait également plus de temps à Anna pour trouver une solution définitive. « Ça doit marcher ! » dit-elle avec conviction.
« Anna c’est l’heure ! ─ Oui, j’arrive … ! » Elle rangea le précieux joyau dans sa boîte et se tourna vers son collègue. « Okay, c’est ton tour maintenant. A partir de maintenant, je suis la mère et non plus la guérisseuse. Elle a besoin de moi comme telle. J’ai confiance en toi, tu t’occuperas de lui mettre son bracelet … » Elle posa la boîte dans les mains de l’expérimage, le fixa avec un regard lourd de sens et quitta la pièce pour se rendre dans le secteur de quarantaine de l’aile pédiatrique. Sur place, seules l’équipe médicale de Charlotte, l’équipe d’expérimages du syndrome Rosier et Anna étaient autorisées à être là. Elle passa son badge devant le lecteur et entra dans la chambre. Les guérisseurs, médicomages et expérimages avaient déjà leur carnet dans les mains prêts à prendre des notes qui évidemment seraient sûrement inexistants étant donné que les résultats n’apparaîtraient qu’après plusieurs jours … Néanmoins, ils étaient là, sûrement pour avoir l’opportunité de dire qu’ils étaient présents le jour où cela avait marché … Si cela marchait. Anna tentait de paraître sereine, mais elle ne l’était pas du tout. Elle craignait beaucoup plus le rejet de sa fille que l’échec du traitement. Elle avançait prudemment vers le petit lit de Charlotte et hésita un instant à tendre les bras vers elle. Allait-elle pleurer ? Allait-elle montrer au monde entier qu’elle détestait sa mère ? Elle souffrait déjà tant de ce rejet, devait-elle vraiment le révéler au grand jour ? Elle se baissa à la hauteur de sa fille et posa un baiser sur son front. « Hey mon bébé. Comment tu vas ma chérie ? » Elle n’obtint en réponse que des babillements indistincts. « Tu veux que maman te prenne dans ses bras ? » La petite ne semblait pas montrer de réticence pour une fois. Peut-être l’attroupement autour d’elle la rendait tellement inquiète que les bras de sa mère étaient le seul endroit connu où elle se sentirait en sécurité. Anna appréciait peu le fait d’être un simple dépit pour sa fille, mais avait-elle seulement le choix ? Elle attrapa Charlotte qui remuait ses petits bras en l’air et s’assit sur le fauteuil à côté du lit. Elle plaça la petite sur ses genoux et attrapa son poignet pour lui enlever le bracelet de protection qu’elle lui avait mis près d’un an plus tôt. Charlotte regardait la foule autour d’elle d’un œil curieux et pas tout à fait craintif. Ses petits poings s’agitaient en l’air mais son regard ne se perdait jamais sur le visage de sa mère. Le collègue d’Anna finit par s’avancer, il s’accroupit à côté de la petite et tendit sa grande paume vers elle. Charlotte commença à taper dedans, pensant qu’il voulait jouer avec elle. Cependant, face aux lourds regards de ses spectateurs, elle comprit que ce n’était pas ce qu’il cherchait, et elle cessa de bouger. Anna attrapa délicatement le bras de sa fille et le posa dans la main de son collègue. Grâce à sa baguette, il fit voler le petit bracelet jusqu’au poignet de Charlotte et fixa de façon magique le fermoir. Le silence n’eut pas le temps de s’installer qu’il fut interrompu par les pleurs de la minuscule patiente. Ce fut comme un électrochoc pour Anna. Réagissait-elle mal au pouvoir de la pierre ? La faisait-elle souffrir ? Elle regarda les constantes de sa fille sur le moniteur magique mais tout semblait plutôt normal. Elle ne comprenait, ne savait plus quoi faire, et pendant ce temps Charlotte s’époumonait, au bord de la suffocation. Les mains d’Anna tremblaient. Qu’avait-elle fait de mal ? Elle s’était figée, incapable d’agir, incapable de prendre une décision. Elle sentit alors que quelqu’un lui enlevait Charlotte des bras, et immédiatement le silence tomba sur la pièce. Anna serra le bracelet de protection de Charlotte dans sa paume et crut sentir l’espace de quelques secondes la présence de Simon auprès d’elle. Son cœur était brisé. Une fois de plus … Mais Charlotte irait bien. Normalement …
(MINISTRY OF MAGIC – DEPARTMENT OF MAGICAL LAW ENFORCEMENT – JULY) « Mamaaaan ? Pourquoi je dois porter çaaaa ? » Chiara tirait sur sa robe et agitait sans arrêt sa tête pour déplacer le ruban de ses cheveux qui lui chatouillait le cou. Anna se baissa à son niveau pour raccourcir les excédents de ruban et lui expliquer la situation. « Ça ne va pas durer longtemps ma chérie. Aujourd’hui, on va seulement essayer de récupérer ta petite sœur. On va essayer de la ramener à la maison, tu comprends ? » Chiara agita de la tête sans grande conviction. Anna, trop fébrile pour rentrer dans des explications plus complètes, posa un baiser sur la tempe de sa fille et se releva. Un peu trop brusquement car elle manqua de se cogner avec quelqu’un. « Trêve de bavardage. Je n’ai pas que ça à faire ! Allez allez ! » S’il y avait bien une chose qui ne lui manquerait pas, ce serait la voix de Cornelia, la façon qu’elle a de croire que tout le monde devait se prosterner devant elle, son air supérieur, sa suffisance, elle, tout simplement … Si elle avait pu se débrouiller sans elle, avec un simple sorcier à la défense commis d’office, elle l’aurait fait, mais Nellie était la meilleure. Anna était forcée de l’admettre, elle n’aurait eu aucune chance sans Cornelia. Mais voilà, entre temps, le gouvernement avait changé, certaines sentences avaient été adoucies, et la récupération des enfants de sang-pur avait été facilitée. La séance d’aujourd’hui n’était plus qu’une formalité, et ceci rendait Cornelia encore plus exécrable. Depuis plusieurs jours, Anna l’entendait râler sur le fait qu’elle ait travaillé des heures entières sur ce dossier, qu’elle avait construit un argumentaire en béton, que son plaidoyer était parfait, mais que son travail ne serait pas jugé à sa juste valeur. Blablabla … Tout cela la dépassait à présent et elle ne pensait plus qu’à une chose : pourrait-elle tenir sa fille dans ces bras ce soir, et la ramener à la maison ? La porte de la salle de jugement s’ouvrit et on l’invita, ainsi que Cornelia à entrer. Serrant fermement la main de Chiara, il était temps que le destin décide de son avenir.
(GRIMALDI’S FLAT – JULY) « Viens ma chérie … Voilà ! On est à la maison. » Charlotte titubait sur ses deux petites jambes, une main agrippant l’index de sa mère, et l’autre fermement accrochée à la main de sa sœur. Du haut de ses un an, elle n’était pas encore capable de marcher seule. Sa prématurité et les séquelles physiques causées par le syndrome qui portait son nom l’avaient quelque peu ralentie dans son développement. Elle était malgré tout dotée d’une force, d’une ambition et d’une détermination considérables. Se déplacer n’était pas un problème pour elle. Si ce n’était pas sur ses deux pieds, ce serait sur ses quatre membres. Ainsi, le pas de la porte à peine franchi, les petites menottes de Charlotte lâchèrent leurs accroches respectives, et elle s’élança dans la pièce principale. Malheureusement, ses petites jambes encore trop fragiles la déstabilisèrent et elle tomba au sol. Armée de ses quatre pattes, elle commença alors à se promener dans la pièce pour s’approprier les lieux. « Maman ? » Chiara tira sur la robe de sa mère, comme elle avait pris l’habitude de le faire à chaque fois qu’elle essayait de l’interpeler. « Oui ma petite étoile ? » Chiara hésita. Elle regarda d’abord Charlotte, puis Anna. « Cha’ elle est plus malade maintenant ? Je peux lui faire un câlin ? » Un sourire réjoui se déposa sur les lèvres d’Anna et elle ne put s’empêcher de ressentir une certaine satisfaction à l’idée que, malgré leurs différences biologiques, ses deux filles s’entendent bien. Anna caressa la joue de Chiara et lui répondit. « A partir de maintenant, tu peux lui faire autant de câlins que tu veux ! ─ TROP BIEN ! » Chiara enleva sa veste, la laissa tomber par terre et courut jusqu’à Charlotte qui s’était cramponnée à la table de chevet pour attraper un cadre qui se trouvait dessus. « Dadaaaa ! Dadaaaa ! » Chiara enlaça sa petite sœur et lui posa un baiser sur la joue. « Je t’aimerai toujouuurs ! » Spectatrice de ce moment de tendresse, elle sentit les larmes lui monter aux yeux. Ces retrouvailles étaient extraordinaires mais elle savait que, tant qu'il ne serait pas là avec elle, son existence ne serait pas tout à fait complète … |
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