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sujet; (Hécate Shacklebolt / Rabastan Lestrange) Knocking on Hell's door (mi-juin 2002)

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(Hécate Shacklebolt / Rabastan Lestrange) Knocking on Hell's door   (mi-juin 2002) - Page 2 Empty
Hécate dut déployer des trésors de maîtrise interne pour ne pas laisser apparaître la moindre appréhension.

Les sorts impardonnables.
Elle n'en avait jamais subi un seul. Elle avait cependant connu la torture, mais une torture bien moins "raffinée", plus sale. Les sorciers des bayous avaient leurs propres méthodes et regardaient avec mépris les sorts venus du vieux continent, trop marqués par ce qu'ils appelaient "la culture blanche".
Non. Hécate n'avait jamais subit d'endoloris, elle n'avait pas connu les effets de l'imperium. Quant à l'Avada Kedavra...la réponse semblait assez évidente.
Elle avait en revanche goûté à leurs équivalents vaudous. On leur donnait le nom de "sorts de sang", de "rituels noirs" ou encore de "méchants tours."
Méchants tours.
Un joli terme pour un concept à faire froid dans le dos. Les souvenirs lui revinrent en mémoire.

Cette nuit là où, retenue dans une cabane au centre des marais, elle avait avait manqué de se  noyer encore et encore dans son propre sang, le vomissant à chaque fois que le sorcier en face d'elle interrompait la séance d'interrogatoire. Elle avait été libérée par son clan deux nuits plus tard, anémiée, le visage tuméfié. 21 ans.

Le jour où elle avait été prise en embuscade aux côtés de sa tante par une ensorceleuse de poupées. Elle avait subit tout ce que la figurine en face d'elle avait traversé: brûlures, coupures, empalement. Seule l'intervention de son aînée avait sauvé sa vie et il avait fallu de nombreux jours pour qu'elle accepte de nouveau de se nourrir. 19 ans.

Et ce qui restait à ce jour le pire événement de sa courte vie, la pire des souffrances: sa rencontre avec les Putréfiés. Ces sorciers là avaient des manière de vous faire perdre la raison sans espoir de retour. Elle savait ce que signifiait passer des nuits et des jours entiers enchaînée à quelques centimètres d'inferis en furie, à sentir leur chair dégoulinante souiller sa peau, à se faire arroser de sang pourri, d'intestins en décomposition, à recevoir en plein ventre un sort de déchirement à la seconde où elle fermait les yeux. Pas de sommeil, pas de nourriture, pas d'eau, pas de lumière, juste les gémissements des inferis, les moustiques et la puanteur à en vomir. Les visites des geôliers, au visage toujours dissimulé par des masques de peau d'animaux grossièrement cousues, les poudres hallucinatoires, les insectes et le scolopendres répandus sur son corps, courant dans son coup et près de sa bouche. Deux semaines de torture. Pour une simple date de concile qu'elle ignorait de toute manière. Deux semaines interminables au bout desquelles elle avait finalement failli rendre l'âme avant que, s'étant déchiré les poignets à tirer sur ses liens, elle parvienne à tirer ses mains ensanglantées hors de leurs entraves. Elle avait arraché les planches de la maison sur pilotis où elle était retenue et sauté dans l'eau noire du marais avant de nager quelques mètres et de s'écrouler sur la rive. C'était un alligator qui l'avait secourue, l'attrapant par les guenilles qu'elle portait et la traînant durant plus d'une heure avant de la déposer près des premières maisons de la ville. 15 ans.

Elle n'avait pas subi de sort impardonnable. Mais elle avait déjà souhaité mourir. Les souvenirs passaient rapidement et il lui fallut quelques secondes, quelques secondes de trop, pour se souvenir que l'homme en face d'elle était un legilimens hors pair. Elle tenta de chasser les images tant bien que mal. La jeune fille à moitié nue, couverte de pus d'inferi et de sang vicié ou seché, avachie dans la pourriture du marais était un spectacle qu'il n'avait pas besoin de voir.

-Je n'ai jamais...subi de sort impardonnable Monsieur, dit elle d'une voix légèrement rauque, croisant les mains derrière son dos. La souffrance n'était pas une compétition et plutôt mourir que de lui avouer de vive voix ce qu'elle pensait tout bas: il n'y avait pas dans le vaste monde que leur sainte trinité en mesure d'achever un homme ou une femme ou d'en faire un pantin sans âme.

-Quant à en lancer un...je ne peux pas non plus me vanter de l'avoir fait.

Elle avait tué. Toujours au milieu d'une bataille, toujours dans le feu de l'action. Mais jamais par ce moyen. Elle avait livré un homme en pature à des crocodiles, lancé un sortilège de folie sur un ennemi qui avait finit par se défenestrer lui même et avait incendié le bâtiment où s'étaient barricadés leurs ennemis du moment, recevant les compliments de ses aînés et gagnant ainsi ses gallons. Ôter la vie était une chose qu'elle savait faire. Mais pas ainsi. Pas froidement.

"Voudrais tu essayer?"

Ce n'était pas une demande, c'était un ordre. Hécate le savait. Elle le fixa dans les yeux d'un air farouche.

"C’est bien beau de connaître les sorts pour ranger un bureau, mais face à un Insurgé cela ne servirait pas à grand-chose"

Cette fois, ses yeux devinrent deux fentes derrière lesquelles brillaient une lueur inquiétante. Elle avait envie de lui cracher au visage tout le bien qu'elle pensait de ses questions et de sa condescendance. Au lieu de ça, elle redressa la tête et déglutit rapidement. Il avait raison, une fois de plus. Si elle voulait devenir ce qu'il était, tenir entre ses doigts le même pouvoir que lui et défaire ses ennemis elle se devait de parfaire son arsenal. Hécate aimait les sortilèges "colorés", comme tous les siens, mais l'efficacité et la sobriété avaient leur charme. Rabastan la dominait de toute sa hauteur. Elle lui arrivait à l'épaule et dut faire de son mieux pour ne pas reculer instinctivement.

Le sourire de Rabastan ne cessait de s'élargir.

Il la mettait au défi. La meilleure partie d'elle lui hurla de se départir de sa haine et de plier bagages tant qu'il en était encore temps , avant de commettre l'irréparable. La seconde, plus forte, lui intimait de faire ce pour quoi elle était née. Dominer. De se laisser porter par la voix et la présence de cet homme dont le sourire bien que froid, avait quelque chose de rassurant en ce qu'il indiquait une parfaite maîtrise de la situation. Blackwood n'avait pas suffit à épancher le besoin de brutalité d'Hécate. La machine était maintenant lancée et il allait falloir bien plus qu'une petite séance de torture improvisée dans le couloir pour ne serait-ce que commencer à étouffer sa rage.

Elle répondit à son sourire par un rictus presque totalement semblable. Ils s'affrontaient du regard, chacun refusant de s'abaisser à briser le contact en premier. Il était pourtant dur de teniir la comparaison face à Lestrange. Mais elle tint bon.

-Oui.
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Le contact visuel est la base primaire de la legilimancie. Les gens peu avancés dans ce domaine nécessitaient en plus d’utiliser leur baguette et un sort mais Rabastan avait dépassé ce stade il y avait déjà longtemps. Le regard et la concentration suffisait. Et en ce moment même il regardait la jeune Shaklebolt droit dans ses yeux sombres. Comme s’il l’épiait à travers ses pupilles il voyait défiler des souvenirs que ses paroles avaient fait remonter à la surface. Elle ne s’y attardait pas mais il put constater plusieurs choses : aujourd’hui n’était pas la première fois qu’elle se retrouvait dans la merde, elle avait vécu des pratiques qu’il n’aimerait pas voir utilisé contre lui et la Lousiane n’était définitivement pas l’endroit où il désirait passer ses vacances.

Il retint une grimace dégoûtée : ces gens n’avaient donc aucune classe. Le nouveau continent… L’Amérique. Tous des putains de sauvages. Qui n’arrivaient pas à s’occuper soigneusement de quelqu’un sans en foutre partout. C’était tout simplement écoeurant. Certes quand on le voyait dans son environnement proche on pouvait être en droit de douter du degré de maniaquerie de Rabastan, mais pourtant il abritait bien certains cotés méticuleux : pas que l’hémoglobine le révulsait plus que ça, mais il partait du principe que ressortir d’un interrogatoire en étant couvert de sang relevait plutôt de la brute que du représentant d’une famille honorable. Ça pouvait lui arriver parfois de franchir la ligne rouge, mais la plupart du temps il s’en tenait à ce qui ne laissait aucune trace. C’était propre et net. Et puis pour la suite des évènements c’était toujours plus pratique de pouvoir reconnaître ses victimes les unes des autres : si elles étaient toutes défigurées le travail en aval serait beaucoup plus long et fastidieux. Ses techniques à lui laissaient ses cibles sans une égratignure, mais avec toutefois beaucoup de difficultés de type moteurs et linguistiques. Des stratégies de gentleman qui sait qu’il ne faut pas dégueulasser le tapis Axminster. Après il ne devait pas y avoir ce genre de tapis aux États-Unis, pensa-t-il en haussant un sourcil. Des béotiens sans style vraiment…

Il ne voulait pas de cette bouillabaisse américaine dans ses affaires… Alors qu’elle admettait qu’elle n’avait jamais eu affaire à la Triade, ses yeux pétillaient : c’était bien loin de ce dont elle avait l’habitude. Ces trois sorts étaient européens, aristocratiques. La sobriété de l’Avada lui collait presque des frissons : un flash et paf, l’autre est mort. C’est si rapide et pourtant, on pouvait sentir le souffle s’envoler. C’était glacial et relaxant. C’était ce qu’il appréciait. Le froid et le détachement. Pas le même style de sorts ou malédictions employés par Hécate et les siens. Il la sentait à cran, juste en face de lui, alors qu’elle acceptait son offre. Ses yeux étaient plantés dans les siens. Elle souriait également. Espérons qu’elle pourrait garder ce sourire là encore longtemps, songea-t-il en hochant la tête d’un air appréciateur. « Parfait. Attends ici un instant. » Il alla jusqu’à la porte et appela un des Rafleurs qui passaient devant : « Hé ! Vas me chercher un type capturé récemment et emmene-le ici. » Le Rafleur s’arrêta eut un moment d’hésitation : « Ahem… vous désirez que je ramène quelqu’un en particulier Monsieur le Directeur ? » Rabastan haussa les épaules : « Non, contente-toi de prendre le premier Sang-de-bourbe que tu croises. N’en prend pas un trop important tout de même : il ne passera pas la journée… » Le Rafleur disparut dans les couloirs et Rabastan revint à Hécate : « On va commencer doucement… » murmura-t-il « il faut savoir prendre son temps. Et ne te soucies pas pour ton travail, personne ne t’en voudras de prendre une petite journée de repos. » Il avait certainement une définition étrange de ce que pouvait être une journée de repos. Il se souvenait de la première fois qu’il avait usé d’impardonnables sur des humains : il avait utilisé l’Imperium pour la première fois sur un moldu qu’il avait croisé dans la rue. Sa mère lui avait tellement hurlé dessus qu’elle était parvenu à lui faire oublier ce qu’il avait fait faire à ce moldu. Mais il avait tout de même le souvenir qu’il n’y avait eu aucun mort. Son premier Doloris contre un autre Mangemort sur les ordres du Maître. Il avait étrangement pris son pied même si sa victime en question était une personne qu’il côtoyait et avec qui il s’entendait plutôt bien. Son premier Avada avec son frère, lors d’une traque fort amusante de moldus. Il avait tué la femme et Rodolphus le mari. Ce n’était pas des souvenirs qui s’oubliaient.

Le Rafleur reparut et quand il entra dans le bureau il eut un air étonné : il regardait autour de lui comme si c’était la première fois qu’il y foutait les pieds : « Un problème ? » s’enquit le Mangemort. Le Rafleur hocha très vite la tête et poussa devant lui une jeune femme qui devait avoir environ le même âge que Hécate : « Elle s’appelle Sarah Greese. C’est une née-moldue. Elle allait être envoyée à Azkaban. » Née-moldue, si même les Rafleurs se mettaient au politiquement correct… « Elle fera parfaitement l’affaire, merci. » l’employé fit un petit signe de tête et sortit à reculon du bureau en prenant bien soin de ne pas toucher à la fameuse porte pour ensuite reprendre ses occupations. Les hommes avaient tendance à être plus obéissants que les femmes, pensa-t-il en le regardant s’éloigner avant de se tourner vers la prisonnière : « Assied-toi. » La pauvre femme se posa sur la chaise auparavant occupée par Hécate en jetant des regards nerveux dans absolument tous les recoins de la pièce. « J’ai fait quelque ch- » commença-t-elle mais Rabastan l’interrompit d’un signe de la main pour regarder Hécate : « Tu connais la formule, Shaklebolt. Je t’en prie. Elle est à toi. » Il s’écarta un peu pour avoir un meilleur panorama de la scène. « Commence doucement, prend ton temps, savoure… Si tu n’arrives pas à la tuer, je pourrais le faire moi-même… » La victime commençait à gémir des paroles sans aucun sens mais elle se tut immédiatement après qu’il a pointé sa baguette vers elle : « Je te conseille de te la fermer, sinon c’est moi qui vais m’occuper de toi de bout en bout. Laisse faire la demoiselle et ne pleurniche donc pas avant même le commencement. » Il appréciait bien plus la dimension humaine en effet que les papiers. Il se demandait comme pourrait se débrouiller la jeune Shaklebolt, lui s’était entraîné sur des animaux avant de se lancer sur des humains : mais il était plus jeune aussi. Elle avait l’air d’avoir suffisamment de puissance pour réussir sans accroc du premier coup. En tout cas c’était l’impression qu’elle dégageait.
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Hécate sentit une sueur glacée lui couler dans le dos.
La jeune femme en face d'elle était frêle, trop frêle, et jeune, trop jeune. Ses yeux étaient d'un bleu limpide et ses cheveux d'un roux sali par les jours passés dans les cellules du ministère. Elle pleurait.
Hécate jeta un regard dur à Rabastan, moins pour le défier que pour l'informer qu'elle avait parfaitement compris sa manoeuvre. Il est toujours plus dur de tuer une personne qui nous ressemble et pourrait avoir été notre amie.
Hécate sortit sa baguette mais ne passa pas à l'acte. Lestrange avait ses manières, elle avait les siennes. D'une voix basse, elle demanda:
-Sarah Greese, c'est ça?
La prisonnière hocha la tête lentement, ses yeux ne quittant pas la baguette d'Hécate.
-Pourquoi es-tu ici? demanda la jeune femme en la regardant sans ciller.
Sarah ne parut pas savoir quoi répondre puis elle balbutia:
-J'ai...livré des informations...à un groupe d'insurgés...près d'Essex...
-Quelles informations?
-j'ai déjà tout dit à vos collè....
-Quelles informations? répéta Hécate d'une voix glaciale.

Sarah se recroquevilla sur elle même.

-J'ai donné...la position de certains...mangemorts...à un groupe de...combattants et et...je les aidé à les prendre au piège...
-Impressionant.

Hécate savait que pour tuer cette jeune femme, elle allait devoir la haïr. Elle n'avait ni le tempéramment ni l'envie nécéssaires à un meurtre de sang froid. Pas encore.

-Que t'avaient-ils fait?
-Par...pardon?
-Ces mangemorts. Que t'avaient-ils fait? demanda Hécate d'un ton léger.

Elle tournait autour de sa victime comme un requin et Sarah se recroquevillait au fur et à mesure qu'elle parlait. Quand elle lui répondit, cependant, sa voix vibrait des derniers restes de son courage.

-Ils m'ont chassée de chez moi! ils ont menacé mes parents et mes frères ils...ils les ont arrêté pour avoir pratiqué la magie dans un lieu public! ils n'avaient rien fait! et aujourd'hui ils sont morts! à Azkaban! pour rien!
-C'est amusant que tu dises ça! s'exclama Hécate d'un ton si faussement joyeux qu'il en devenait terrifiant, ma soeur aussi est morte! aujourd'hui! tu veux savoir pourquoi? pour rien! Il y a tout de même de ces coincidences!

Elle agita sa baguette sans lancer un seul sort, mais Sarah courba l'échine en prévision de ce qui allait suivre. Hécate la sentait. La colère, égoiste, mauvaise. Incroyable ce que deux heures pouvaient changer dans l'esprit d'un être humain. Le matin vous étiez révulsé par certains actes et l'après midi vous les pratiquiez. Il fallait au moins qu'il y ait mort d'homme pour enclencher ce genre de processus. Et il y avait eu mort d'homme. Hécate croisa ses mains derrière son dos alors que Sarah poussait un gémissement. Ah! ça y était! le geste irritant par excellence, celui qui mit le feu aux poudres.

-Laisse moi te raconter ce qui s'est passé, j'insiste! ça nous fera à tous un très bon moment de détente. Comme l'a très justement dit le directeur Lestrange il n'y a rien de mal là dedans! Aujourd'hui, une bande de vos joyeux compagnons a décidé de prendre le village de Pré-au-Lard pour cible! une attaque isolée, sans le moindre doute, un coup d'éclat à défaut de pouvoir commettre un coup d'état.

Elle sourit à sa propre plaisanterie.

-Ils transplanent, se retrouvent aux prises avec les notres, les sorts fusent et il se trouve alors que deux malheureux écoliers de première année se retrouvent dans leur champ de mire! ils auraient pu s'arrêter, tu sais ce qu'on dit: les enfants c'est hors limite. Mais non! il se trouve que la redoutable enfant de 13 ans en face d'eux panique et sort sa baguette. Ils ne connaissent pas beaucoup de sorts à cet âge elle l'aurait probablement transformé en soucoupe et encore...peu importe, je digresse. Elle dégaine donc. Le brave insurgé en face d'elle la voit comme la menace insurmontable qu'elle réprésente vraiment et l'attaque. Avant d'avoir pu dire Merlin, la petite a les cervicales en poussière et la colonne vertébrale brisée. Fin de l'histoire. C'est un peu abrupt, je le concèdes, mais parfois la sobriété a du bon.

Elle s'arrêta.

-Elle non plus n'avait rien fait à personne. Mais personne n'est visiblement trop innocent ni trop jeune pour mourir. Ni elle. Ni moi. Ni toi.

Cette fois elle leva sa baguette devant elle. Sarah leva les mains devant elle et murmura:

-Je suis tellement, tellement désolée...
-endoloris, répondit Hécate d'une voix tranchante.

Elle regarda Sarah Greese tomber de sa chaise et convulser sur le sol.Hécate avait oublié la présence de Rabastan. Elle sentait sa haine se répandre et traverser sa baguette pour heurter sa victime de plein fouet, chaque pic de colère se soldant par une montée en puissance des hurlements. Cela n'aurait pas du être aussi simple. Elle aurait du échouer à lancer ce sort, une part d'elle refusait d'admettre que le mot fatidique ait eu l'effet escompté. Mais le fait est que le sort avait marché. La sueur froide continuait de couler le long de son dos mais cette fois, elle avait terriblement chaud. Elle se savait sur la route vers le point de non retour mais elle refusait d'entendre cette femme lui présenter ses excuses. Elle avait appris sa leçon.
Les autres n'avaient jamais pitié.
Et ils n'avaient pas à en avoir.
Elle était seule "face à son destin, ses choix et les conséquences de ses actes".
Cette insurgée était tout aussi seule. Elle avait joué et perdu. Et elle en paierait les conséquences seule.

-Tu es désolée? dit elle paisiblement alors qu'elle cessait le sortilège, Il va falloir être un tout petit peu plus que désolée...parce que moi je suis un tout petit peu plus que dépitée, si tu suis ma pensée...

Elle leva sa baguette.

-endoloris.

Nouvelles convulsions, nouveaux hurlements. Hécate la regarda se tortiller sur le sol. Elle la tenait à sa merci et voyait chaque trait de son visage se contracter alors qu'elle criait à s'en briser les cordes vocales. Elle aussi aurait voulu pouvoir hurler sa peine, mais elle n'avait pas ce privilège. Elle interrompit son sortilège et fit mine de réfléchir.

-Je pourrais t'infliger un autre sort impardonnable...Avada Kedavra. Par exemple. Mais je crois que cela ne te donnerait pas un aperçu assez clair de la situation. J'aimerais d'abord employer une petite pédagogie par l'exemple...

Cette fois elle dut se concentrer beaucoup plus. Le sortilège qu'elle désirait employer demandait par dessus tout détermination et contrôle. Il lui fallut deux bonnes minutes pour respirer tranquillement et contrôler les battements de coeur. Puis, elle fut prête.

-Impero.

Sarah Greese sembla lutter, signe que la maîtrise d'Hécate sur le sort était encore loin d'être parfaite, mais elle finit par s'avachir un peu. La jeune femme regarda sa victime.

-Je disais donc. Pédagogie par l'exemple. Attrapes ton coude.

Sarah s'éxécuta.

-Bien. Maintenant, brise le. Ce n'est pas compliqué...tire le plus fort possible en arrière.

Un craquement sinistre suivit d'un cri sourd suivit alors que Sarah pliait d'un geste sec son coude dans un angle improbable. Le manque de contrôle sur ses actes n'empêchait pas la douleur. Hécate la regarda. La frénésie qui s'était emparée d'elle était comme un vieux souvenir de temps de guerre éloignés où elle avait assistée à des interrogatoires, des éxécutions, sans jamais y participer mais en baignant dans le désir de vengeance et de revanche des siens. Elle était désormais aux manettes. Et quand le coude de Sarah se fractura, elle apprécia le son.

-Maintenant, attrapes ta machoire.

Sarah pleurait. Des larmes involontaires coulaient le long de ses joues. Elle posa sa main encore valide sur le bas de son propre visage et s'empoigna fermement.

-Fais tourner ta tête...lentement.

Hécate la regarda faire jusqu'à ce que les premiers craquements commencent à se faire entendre. Sarah gémissait. Encore quelques centimètres et ses cervicales se briseraient, provoquant une mort immédiate. Le fameux coup du lapin. Cétait dans les vieux pots qu'on faisait la bonne soupe.

-Est ce que ça fait mal?

-Oui, répondit Sarah d'une voix presque impersonelle.
-A quel point?
-Au point de...vouloir...mourir...
-As-tu compris la leçon? Répètes après moi: les cervicales des enfants doivent demeurer intactes.
-Les cervicales des enfants...doivent...demeurer...intactes.
-Maintenant que nous sommes claires, je veux bien réentendre tes excuses.
-Je...suis.....désolée.

Hécate la regarda droit dans les yeux.

-Excuses refusées. Avada kedavra!!!

Il y eut un éclair vert, un souffle de vent, puis plus rien. Hécate resta à contempler le cadavre. et dans un premier temps, ressentit tellement d'émotions contradictoires qu'elle faillit en être malade: elle avait froid, chaud, envie de vomir, envie de hurler, de pleurer même peut être. Puis soudain, comme après une tempête, il y eut dans son esprit une étrange accalmie.

Un de moins.

Elle rangea sa baguette et se tourna vers Rabastan.Redressant la tête, elle afficha un air aussi digne que possible.

-Ne comptez pas sur moi pour ranger ce bazar .  
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Il avait contourné la chaise pour s’installer une nouvelle fois sur le bureau : les deux paumes plaquées sur le bois frais, les jambes légèrement croisées et la tête droite. Il était installé bien confortablement pour suivre la suite des évènements. Cette nana, Sarah, il ne savait pas d’où elle sortait. Il n’avait pas du être celui qui s’était occupé d’elle : pas assez importante ou intéressante il n’en savait rien. Bonne à servir pour des expérimentations en tout cas. Les gens comme elle étaient tous plus ou moins destinés à servir de punching ball. Il préférait simplement quand ils ne chouinaient pas. Peut-être était-ce un eu trop demander… Ces personnes n’avaient pas une grande compréhension de la dignité. Hécate commença à lui parler, à lui poser des questions. Il avait eut un petit sourire quand elle l’avait à demi fusillé du regard : pas facile ? Bien entendu que ce n’était pas facile. Sinon tout le monde le ferait et les Insurgés ne se gêneraient pas pour commettre des meurtres de fidèles en masse, ce qu’ils étaient presque sur le point de faire d’ailleurs, quand on voyait leur évolution. Il pensa vaguement à Rowle et à sa disparition avant de se concentrer de nouveau sur ce qui se passait en face de lui. Shaklebolt s’amusait à faire recracher à la prisonnière toutes les informations qu’on lui avait déjà extraites de force sans doute quelques jours plus tôt. Elle paraissait plutôt disposée à étaler ses hauts faits, une fois qu’Hécate eut réclamé avec suffisamment d’insistance. Il suivit le dialogue avec intérêt, comprenant que ce que la jeune femme désirait augmenter sa haine afin de pouvoir pratiquer le sort. Elle se concentrait sur sa sœur décédée. C’était une excellente technique pour faire son deuil selon Rabastan : rien de tel que de tuer quelqu’un quand un proche avait lui-même été assassiné. Ça permettait d’évacuer la colère. Et c’était une excellente technique également de se focaliser sur une émotion particulièrement douloureuse pour commencer avec les impardonnables. Il fallait vraiment désirer la souffranceou la mort de sa cible. Ce n’était pas si aisé quand on ne l’avait jamais fait.

C’est pourquoi il fut particulièrement impressionné quand, après qu’Hécate a prononcé l’incantation, il vit la Sang de bourbe s’effondrer sur le sol pour commencer à être prise de spasmes tout à fait distinctifs et qu’il connaissait parfaitement. Pas mal du tout…. Le premier rat sur lequel il avait lancé ce sort, quand il était encore à Poudlard, avait à peine crisser des quenottes. C’était particulièrement intéressant et impressionnant qu’elle arrive à ce niveau là de maîtrise du premier coup. Shaklebolt était visiblement alimentée à la haine et c’était certainement la raison de ce succès (c’était vrai qu’il n’avait pas ressentit de rage particulière pour le rat blanc de ses seize ans…). Entre la victime et le bourreau, Rabastan ne savait pas vers qui tourner son regard : autant la souffrance de la prisonnière qui se tordait allégrement sur le parquet était une vision qu’il pouvait apprécier, autant voir la determination dans le regard de Shaklebolt ne manquait pas non plus d’intérêt. Quand elle s’arrêta une première fois, sa voix était posée. Il appréciait aussi hautement le fait de ne pas avoir affaire à une forcenée. Même si ça arrivait à tout le monde de perdre son sang froid (et lui le premier) il trouvait que les gens qui hurlait cette incantation, comme sa belle-sœur, manquaient terriblement de classe. Comme s’ils pensaient que la puissance du sortilège résidait dans la puissance vocale et non dans la puissance de l’esprit. Elle s’acharna encore un peu plus sur leur rat de laboratoire de la journée avec un nouveau Doloris qui eut autant d’effet que le premier puis elle passa à l’Imperium. C’était comme Noël avant l’heure. On n’aurait pas pu faire mieux. La pauvre femme se prenait la brochette dans la figure. Et même s’il fallut un petit moment à Shaklebolt avant de pouvoir bien contrôler le sort, c’était tout de même pour le moins réussi. C’était certainement celui qu’elle pouvait le mieux maîtriser des trois, selon lui. Elle avait visiblement ce genre de caractère dominant qui entraînait les bons maîtres de l’Imperium. Un sortilège de domination avant tout. Enfin, après un petit numéro qui attestait de l’intérêt de ses capacités, elle finit par lancer le dernier. Rabastan retint son souffle quand le courant d’air typique vint se glisser dans la pièce et que la brève lumière jaillit de la baguette d’Hécate. Maintenant, à la place d’une petite pleurnicharde, il y avait un cadavre de pleurnicharde. Il l’observa un petit moment, histoire de vérifier qu’elle était bel et bien morte. Puis après constatation il dirigea son regard vers Shaklebolt : sa remarque le fit sourire légèrement, un petit rictus. Il tapa trois fois dans ses mains, lentement, pour signifier sa satisfaction : « C’était assez… impressionnant. » remarqua-t-il en se remettant debout « Je dois admettre que je ne m’attendais pas à une telle… maîtrise. Tu as un don pour ce genre de sort, ça se sent. » Il sortit sa baguette, l’agita pour pousser le corps encore chaud de la morte dans un coin du bureau : « Ne t’inquiète pas pour ça, on le virera rapidement. C’est assez habituel. » Il s’approcha assez près de la jeune femme : « Par contre, tu t’appuies beaucoup trop sur tes sentiments. C’est évidemment comme ça qu’il faut commencer mais tu dois savoir qu’il faudra assez vite savoir t’en séparer. C’est beaucoup plus simple de faire souffrir quelqu’un quand on transpire la haine, mais les émotions ne fonctionnent pas sur commande. Certains disent qu’il faut toujours être en colère, mais je ne pense pas. Il faut au contraire se détacher. Complètement se détacher : ne plus penser. Juste se concentrer sur ce que tu veux que la personne subisse. C’est une stratégie bien moins fluctuante que ceux qui se basent uniquement sur leur rage. Tu as du le sentir. L’irrégularité dans le sort. En ne prenant pas appui sur tes émotions, il n’y aura plus d’irrégularité. » Il pointa sa baguette sur sa poitrine : « Je te montre ? » demanda-t-il. Et avant qu’elle ait pu avoir le temps de répondre, il murmura : « Endoloris. ». Un parfait exemple : il n’était pas en colère, il ne ressentait aucune haine vraiment dirigée contre Shaklebolt et pourtant il arrivait parfaitement à utiliser ce sort. Il le leva une petite trentaine de secondes après l’avoir lancé. Le but n’était pas de lui faire cracher ses boyaux mais bien de lui montrer le bon fonctionnement de ce sort qu’il considérait comme sa spécialité. Toutes les personnes qu’il avait eu à charge en était passé par là à un moment ou à un autre. Comme elle avait admis n’avoir jamais subi d’impardonnable, c’était le moment où jamais. Il lui laissa un bref instant pour se reprendre.

« Sois froide. Sois détachée. Pas de colère, c’est bien trop instable. » continua-t-il d’une voix posée, comme un professeur qui venait d’apprendre à son élève comment on métamorphosait une chaussure en pot de chambre. « Retente le sort. Mais cette fois, essaye de passer outre tes émotions. N’utilise que la partie froide de ton cerveau. » Il rangea sa baguette à sa ceinture et écarta légèrement les bras : « Vas-y. » ordonna-t-il. « Recommence. »Il se pointa lui-même du doigt, au cas où elle n’aurait pas compris : « Sur moi. Vas-y… Je veux que tu essaies, sans haine. Comme ce que je t’ai fait. Un Doloris raisonné. Et… pas plus de quelques secondes. Ma baguette est à portée de main, tu es encore une débutante, je pourrais te faire regretter la moindre tentative de dépassage de borne. » Rabastan était, à ce qu’on disait, un bon pédagogue. Il n’avait surtout pas vraiment peur de souffrir le martyr, il savait que niveau Doloris même lui n’arrivait pas à la hanche du Magister donc bon… Une jeune fille qui commençait tout juste et pour quelques secondes… Et puis c’était excellent pour les nerfs de les mettre face à des cibles autres que des petits geignards.
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Hécate ne vit pas le coup venir. Peut-être aurait-elle du mais le fait est qu'elle ne se rendit compte qu'une demi-seconde trop tard de ce qui allait se produire lorsque la voix posée de Rabastan susurra presque:

"endoloris"

Elle tomba au sol et sa tête heurta le parquet alors que la douleur ravageait son corps tout entier. Ses ongles s'enfoncèrent dans sa paume et elle poussa un long hurlement impossible à retenir. Elle n'avait jamais rien connu de tel. C'était comme sentir chacun de vos muscles de fracturer, chaque parcelle de votre peau brûler, vos intestins se liquéfier et votre coeur exploser dans votre poitrine. Comme avoir les dents déchaussées, les ongles arrachés, les tympans crevés, des épines de métal plantées dans la colonne vertébrale et un tisonnier brûlant appliqué sur les yeux. Toutes les pires douleurs possibles et imaginables mêlées en une seule au milieu de laquelle il n'y avait plus ni temps ni espace.

Elle ne sut pas combien de temps cela dura. Surement pas plus d'une minute. Mais les secondes passèrent comme des heures. Des larmes de souffrance lui échappèrent alors qu'elle griffait l parquet et se recroquevillait dans l'espoir futile que cela change quoi que ce soit. Elle ne réfléchissait plus, ne pensait plus. Elle voulait que ça cesse, quitte à ce que tout cesse.

Lorsque Rabastan leva le sortilège, elle toussa, le coeur au bord des lèvres, ses cheveux défaits retombant devant ses yeux en un rideau noir d'encre. la sueur coulait sur son front et ses muscles tremblaient encore. Elle ne parvint pas à se relever immédiatement mais refusa de prendre appui sur le bureau. Hécate mobilisa les maigres ressources qui lui restaient pour se relever et son apparence désormais bien moins soignée qu'auparavant sembla plaire à Rabastan. Elle lui jeta un regard incandescent de colère mais l'écouta parler.

"Sois froide. Sois détachée. Pas de colère, c’est bien trop instable."

Bien plus facile à dire qu'à faire. Son monde, sa magie, reposaient sur la prégnance de ses sentiments. On ne pouvait ensorceler un animal dangereux sans une volonté teintée de rage animale, on ne pouvait pas pratiquer les rituels de ses ancêtres sans y mettre une part de son âme. Comment parvenait-il à accomplir une chose pareille, un sort de cette ampleur sans haine.

Elle le sonda du regard alors qu'il lui laissait un moment pour vraiment reprendre sa respiration. Et alors que ses yeux bleus et froids rencontraient les siens, qu'elle le regardait en détail, elle comprit. La colère s'émoussait si trop utilisée et Rabastan Lestrange avait du bouillir de fureur à une époque. Avant Azkaban. Avant l'enfer des détraqueurs. Elle pouvait presque le voir, jeune et impulsif, lançant des sorts impardonnables avec tout le feu des personnes de son âge. Flamboyant, débordant de passion et d'admiration pour son maître.
Aujourd'hui encore, il transpirait ce charisme naturel et cette flamme, la seule différence était que le feu qui l'animait était glacé, le genre de froid capable de cryogéniser et consumer la chair, voire l'esprit.
Il se tenait là, soigné, bien rasé, bien coiffé, beau, fier et semblait régner sur le monde sans même s'en rendre compte. Mais pendant un très bref instant Hécate l'imagina émacié, recroquevillé dans une cellule glacée, s'accrochant aux derniers filaments d'une vie qui ne valait plus la peine d'être vécue. C'est ce qui lui fit percevoir dans toute son horreur le processus qu'il avait du endurer pour en arriver là et les leçons qu'il avait du apprendre pour être aujourd'hui capable de torturer sans sentiments, d'achever un être humain sans un battement de cil.
ce n'était au fond même pas si difficile à comprendre:
Il avait dut haïr à en mourir, se consumer lui même, perdu dans les méandres de sa rancoeur et de sa rage jusqu'à ce que cette dernière en devienne un poison et plus un carburant. La colère était une drogue et il avait connu l'overdose. La glace avait finalement remplacé le feu. Moins agressive, mais plus constante. Moins dévorante mais toute aussi létale.

Quand il lui proposa de retenter le sort sur lui, elle ne toucha pas à sa baguette. Était-ce un test? s'attendait-il à ce qu'elle fasse vraiment ce qu'elle attendait d'elle. Visiblement. Elle pencha la tête sur le côté et l'air assuré, à peine inquiet qu'il afficha, confirma ce qu'elle avait pensé quelques instants plus tard.
Il n'était pas paisible.
Il n'était pas insensible à la douleur.
Il avait juste subit les affres de la colère viscérale et de la souffrance si souvent qu'il y était comme...immunisé. Il les acceptait, les embrassait presque comme de vieilles amies. Elle aurait presque eu pitié de lui. Quel genre de dédales sinistres l'esprit et le coeur devaient-ils traverser pour en arriver à ce niveau de désintérêt?
Elle ne voulait pas l'imaginer.
Alors elle sortit sa baguette et la pointa vers la poitrine de Rabastan.

Il attendait. Calme. Elle le regarda encore une fois dans les yeux. Il la mettait au défi de se rétracter. Alors elle ferma les paupières.

Un endoloris raisonné. Elle pouvait le faire. Inspirant profondément, elle poussa Léda dans un coin de son esprit et Sarah Greese dans un autre. Les morts étaient morts, elle était au contraire bien vivante et jouait son futur à cet instant précis. Sa respiration s'apaisa, mais pas assez. Elle avait toujours mal, physiquement et mentalement. S'arrêter de ressentir était à ce moment une épreuve. Elle avait envie de le blesser, par orgueil et par vengeance elle voulait le voir hurler mais il y avait quelque chose de désarmant dans la manière dont il la regardait. Une attente patiente et une invitation qui doucha sa colère. Il était assez fort pour tout supporter et cette constatation suffit à faire comprendre à Hécate qu'elle avait peut être trouvé ce qui lui avait manqué de nombreuses années: un mentor. un pédagogue froid et honnête, capable de lui donner le recul qui lui manquait et les clés pour se fondre dans cette société et ces pratiques magiques dont elle ne comprenait pas le sens.

Il la fixait comme s'il l'encourageait silencieusement, comme un professeur, un guide. Hécate inspira de nouveau.

"concentres toi. L'endoloris est une arme, pas un exutoire. Tranche la gorge de ton ennemi mais ne le mutile pas au détriment de ton temps. Maîtrise tes armes. Respires. Respires.Prends cette arme. Vise. Tire. Tranche dans le vif. Mord à la gorge. Précisément. Calmement. Regardes le. Oublies son nom. Oublies le. Ca n'a rien de personnel. Et maintenant fais le.

Elle leva sa baguette et souffla:

-Endoloris.
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Il la regardait droit dans ses yeux sombres : une flamme de colère et de rage y brûlait. Il la voyait presque dévorer ses iris noirs. Un feu bleu, chaud, ardent. La haine la plus intense. Celle qui prend aux tripes, celle qui rend malade. Celle qui peut autant détruire l’ennemi que le corps même de celui qui la ressent. Si enflammée qu’elle en paraitrait froide dans le sang. Comme la mort. Il pouvait sentir pendant de brèves secondes tout ce ressentiment à son encontre. Les êtres humains normalement constitués n’appréciaient pas vraiment de subir ce sort. En règle générale ils n’éprouvaient pas non plus une amitié profonde et indéfectible envers les personnes qui le leur avait fait le supporter. Il ne pouvait pas lui en vouloir. C’était presque le but. Elle avait toute les raisons du monde de vouloir le regarder souffrir maintenant, et vu comment elle avait pu réagir quelques heures plus tôt il avait bien conscience qu’elle était du style à se laisser emporter. À se laisser emporter à à dégueulasser les murs au passage. Il savait cela et il voulait voir. Voir si elle parviendrait à passer outre les sentiments qui devaient lui comprimer les poumons, voir si elle parviendrait à suivre ses instructions. Étrangement toutefois il ne doutait pas vraiment : il parvenait à sentir en elle ce qu’il appréciait hautement chez ceux qu’il prenait sous sa tutelle (même si tout ses disciples n’avaient hélas pas été béni de cette qualité…) une sorte de désir de bien faire. Une volonté d’essayer. D’aller au-delà. D’oublier d’éventuelle limite qu’on aurait pu s’imposer. Il savait qu’elle allait essayer. Il sentait qu’elle allait réussir.

Il ne s’inquiétait pas pour elle. Ni pour lui par ailleurs. En tout cas pas plus que ça. Pourtant, alors qu’elle levait sa baguette pour la pointer vers lui, il ne put s’empêcher de ciller. Il cessa de la regarder, instinctivement, pour venir surveiller la pointe de l’arme. Même s’il n’avait pas à se sentir agresser, même si fondamentalement il ne s’inquiétait pas, Rabastan était d’une nature légèrement paranoïaque : il ne pouvait pas détacher son regard de la baguette. Elle allait le faire, elle se préparait. Sa main vint se poser à l’endroit où il rangeait sa propre baguette. Au cas où elle déciderait de passer les bornes. Elle inspira. C’était incroyable à quel point une simple formule pouvait être ressentie différemment : c’était une incantation tellement plus douce à prononcer qu’à entendre. Peut-être le mouvement des lèvres, qui ne se touchent jamais. Peut-être le sifflement de la langue contre le palais à la fin du sort. Ou peut-être simplement le fait que quand on le prononçait on savait pertinemment qu’on ne risquait rien. Il ne nous était pas destiné ;  savoir qu’un autre redoutait la douleur et souffrait face à soi alors qu’on ne risquait rien était presque l’essence même de la puissance. Ce qui faisait pulser l’adrénaline dans ses veines quand il le lançait. Pourquoi gâcher ça avec de la colère ? … ce ne fut pas le cas ici. Il l’entendit murmurer le sort. Elle était calme. Elle était froide. Il aurait bien aimé pouvoir l’apprécier plus en détail…

Mais évidemment Shaklebolt n’avait pas visé le pot de crayon. Ce fut comme si le choc le toucha à la gorge. Puis la douleur redescendit dans ses poumons puis dans son ventre. Il se contracta. S’accrocha au bureau d’une main. Crut pendant un millième de seconde qu’il parviendrait à rester debout mais quand il eut l’impression que ses rotules se brisaient sous sa chair il tomba à genoux. La malédiction eut très vite fait de trouver son chemin jusqu’à son crâne et le mal de tête étouffa très vite tout le reste. Il eut pourtant l’agréable surprise (si on pouvait parler d’agréable dans une telle situation) de découvrir qu’il avait encore parfaitement conscience de son environnement, chose qui la plupart du temps lui échappait complètement après quelques secondes de ce traitement par le Maître. Et même si les secondes s’étalaient dans le temps de manière tout à fait insolente la souffrance restait dans des bornes qu’il pouvait à peu près tolérer. Enfin, il sentait tout de même que si cela s’éternisait il risquait de ne plus pouvoir répondre de ses réactions. Mais comme il le lui avait ordonné, elle leva bien vite le sort. Comme toujours la douleur s’évanouit brusquement. Ses bras étaient serrés contre sa poitrine, il était bel et bien tombé à genoux mais il n’eut aucun mal, après une brève expiration, à se relever. Il fut très satisfait de voir qu’il ne tremblait pas d’ailleurs. Il fit craquer ses jointures. « Bien… » murmura-t-il en époussetant machinalement son épaule gauche. « Tu as compris ce que je voulais dire. J’ai… senti la constance. La puissance est peut-être moins forte, mais elle grandira avec le temps et aah, l’habitude. Je me fais pas de soucis. Comme je disais, tu es le genre de personne a pouvoir s’épanouir dans ce genre de magie. »

Les images fugaces qu’il avait pu entr’apercevoir et la scène à laquelle il avait assisté lui prouvait bien que faute de sang-froid, il y avait de la puissance et de la détermination chez cette jeune femme. Le sang-froid ça s’apprenait. La puissance était innée. La détermination, essentielle. Lui-même n’était pas né avec le calme d’un moine bouddhiste. Il tenta d’imaginer ce que pourrait devenir Shaklebolt s’il parvenait à bien la guider. Ce qu’elle pourrait apporter. Le nom de famille en prime. Alors que le Ministère se trimballait parfois des geignards à la mode Malfoy senior, il avait là un autre specimen. On avait toujours besoin de ce genre de specimen là. Plutôt que de le laisser filer, Rabastan s’engagea : « Je te l’ai déjà dit, mais je le répète. Je peux t’aider à t’améliorer. Je peux t’entraîner. Je peux te soutenir. Le système est clair et simple à comprendre : tu m’obéis et de mon coté je m’engage à te protéger, autant que me le permet la situation et mon statut. » Autrement dit : déconne encore une fois comme ce matin et je fais mine de rien. Je te laisse crever et je ne hausserai même pas un sourcil. « Je t’emmene en mission, tu me suis. Je te couvre, tu me couvres. Tu hésites un seul instant, tu le regretteras. Je n’aime pas les hésitations. Mais je peux les pardonner. Après coup. Tourne-moi le dos par contre, tu le regretteras et je ne pardonnerais pas. En échange, moi je t’apprendrais ce que je sais. Ce que tu dois savoir. » Il marqua un temps. L’observa attentivement. Ses yeux noirs brillaient toujours. Ils étaient grands et sombre comme sa peau. Ils étaient comme une cage derrière laquelle il voyait s’agiter une foule d’émotions. Ou bien ils étaient deux larges vitraux qui permettaient d’avoir un aperçu fragmentaire et coloré de ce qui l’agitait. « C’est donnant donnant. » continua-t-il « mais je te préviens, je ne pense pas qu’on puisse dire que je suis… laxiste. Je suis exigeant. Si je ne déteste pas l’échec, je hais en revanche le manque d’investissement. Je n’attends pas juste une présence et une écoute et quelques tentatives. J’attends de la volonté. J’attends de la foi. Et je rends ce qu’on me donne. En bien, ou en mal. » Il espérait être suffisamment clair. « Que ce soit officiel ou non, je m’en fiche royalement Shaklebolt. Papiers ou non j’en userais de même avec toi qu’avec les autres gosses que j’ai entraînés. C’est à toi de voir. Acceptes-tu ce marché et toutes ses conditions ? Ou bien préfères-tu retourner là d’où tu viens sans grand espoir de pouvoir un jour venger ta soeur ? Je te laisse le choix. » Plus que de lui donner l’opportunité de venger sa Léda, c’était surtout la possibilité de laisser s’épanouir tout son potentiel que Rabastan voulait surtout lui offrir. Mais il n’allait certainement pas le dire ainsi…
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Hécate le regarde se relever. Il était tombé à genoux et ses traits s'étaient contractés sous l'effet de la douleur, quelques mèches claires retombant devant son visage. Mais il n'avait pas desseré les dents une seule seconde, se contentant de subir en silence un sort dont elle avait maintenant compris toute a dangerosité.
Qu'il parvienne à accomplir une telle chose la laissa un moment abasourdie.
Elle l'écouta énoncer les termes de ce qu'elle considéra instantanément comme un contrat, et ne détourna pas les yeux des siens.
La jeune femme comprenait avec une clarté limpide ce qu'il était en train de lui proposer: il voulait faire d'elle sa disciple. Bien qu'elle eut dépassé la limite d'âge des apprentis mangemorts d'un an et deux mois, bien qu'elle ne fut rien dans ce ministère sinon une employée consciencieuse et sans pitié envers les retardataires et les empêcheurs de tourner en rond, il avait décidé de la prendre sous son aile.
La voix de Rabastan Lestrange était froide, glaciale même, malgré son timbre grave et elle avait le pouvoir d'injecter de la peur dans l'esprit de son interlocuteur. Tout dans son être respirait la puissance et une assurance gagnée au prix du sang, de la mort. Il transpirait la dangerosité, celle que dégagent les grands prédateurs.
Elle était sensée être terrifiée. pétrifiée même.
Mais alors qu'il lui parlait et que ses mots s'imprimaient dans son esprit, que leur sens se marquait dans son âme au fer rouge et qu'elle mémorisait toutes les implications de ce contrat avec le diable, une autre scène lui revint en mémoire, un moment depuis longtemps passé mais toujours vivace au sein de sa mémoire. Un moment qui semblait appartenir à une autre vie.

Elle se tenait debout au milieu d'une salle à l'atmosphère tamisée, entourée d'hommes et de femmes aux visages acérés et aux bijoux flamboyants. Tous assis en cercle, ils tenaient des baguettes ornées de talismans, des battons et des dagues ornées de joyaux. Chacun se tenait droit et la jaugeait d'un oeil affûté. Il n'y avait là que des visages régaliens et dignes, des lèvres pleines et des tresses noires emplies de perles d'or, des sourcils arqués et des yeux marqués de khôl. Des robes chatoyantes aux couleurs pourpres et orangées. Une assemblée de dignitaires, rassemblés en cette salle de conseil autour du trône de la grande Léonora St Marc afin d'observer et de juger sa descendante, nouvelle princesse des clans du marais.
Hécate avait 15 ans. L'âge de tuer, l'âge de mourir aussi et surtout l'âge de diriger. Si cette cérémonie du serment se passait comme prévu, elle recevrait sa propre unité de sorciers et de sorcières et serait maîtresse de leurs faits et gestes.

S'approchant du trône de son aïeule, elle posa le genoux au sol et présenta ses mains, paumes vers le ciel, en signe de paix et de soumission. Ses bracelets tintèrent et la voix de Léonora, auguste et massive sur son siège orné de crânes retentit.

-Lèves toi, Hécate, fille d'Anne-Lise, petite fille de Léonora.

Hécate se leva et regarda sa grand mère qui a ce moment la regardait comme une parfaite inconnue. La vieille femme l'observa d'un oeil sévère et parla:

-Le conseil aujourd'hui réuni en ces lieux a observé tes premiers pas sur le champ de bataille, tes premières plaies et tes premières larmes. Tu as déjà tué pour la protection des nôtres et manie la baguette comme la magie des anciens. Tout en toi indique la puissance. Tout en toi appelle le pouvoir. Mais les prédispositions ne sont que des chimères pour qui n'a pas les trois vertus de notre clan. Quelles sont-elles, enfant-caïman?

-Loyauté, détermination, résilience, répondit Hécate sans détourner les yeux.

-Loyauté, détermination, résilience, en effet. La loyauté envers tes maîtres et mentors, envers les tiens et tes alliés. La détermination pour plonger dans les flammes quand le lâche recule et achever l'ami plutôt que de laisser la mort le prendre bassement. la résilience pour endurer la torture et subir ce qui doit être subi. Possèdes-tu ces qualités?

-Oui Grande Maîtresse.

-Par le serment que tu prononces aujourd'hui, tu pénètres dans le conseil de guerre de notre dynastie et prends les armes de notre maison. De nous tu recevras clairvoyance, soutient, protection et conseils avisés. De toi nous exigeons le meilleur et plus encore. Ton sangs, ta sueur et tes larmes, voire ta vie même.

Léonora descendit de son trône et toisa sa petite fille. Dans l'assistance, la mère d'Hécate et sa tante regardaient la scène. Les yeux de la première brillaient d'inquiétude, ceux de la seconde de fierté.

-Saignes pour nous, mille hommes saigneront pour toi car il en va ainsi selon les coutumes immémoriales de notre famille. La loyauté que tu montreras te seras rendue, la détermination que tu prouveras posséder fera de chacun ton ami. Ta résilience sera équivalente au respect que nous te porterons. Koi toudon tou otian.

"Tu obtiens ce que tu donnes".

-Relèves toi enfant et donne moi ton poignet.

Hécate se releva, légèrement tremblante et déglutit avec difficulté. Elle avait presque peur et sa grand mère ne faisait rien pour arranger l'affaire. Elle qui 24 heures plus tôt l'emmenait encore se promener avec elle s'apprêtait à lui tailler une veine pour verser le sang du serment.

-Par ce geste, dit la vieille femme, je fais de toi l'une des nôtres et te confère le titre de guerrière au sein de notre clan. Ton nom te donne prestige et gloire mais sois maudite si de déshonneur tu l'entaches.

Et sur ces mots, elle trancha la chair d'Hécate, la faisant saigner juste au dessus d'un bol posé au sol.

-Loyauté. détermination. Résilience.
-Loyauté, détermination...résilience, répéta Hécate en regardant Léonora dans les yeux.

Les traits de la vieillarde s'étirèrent soudain en un sourire et elle brandit en l'air le bras trempé de sang de sa petite fille avant de pousser un cri de triomphe. Les cris furent repris par l'assistance et Hécate sentit son coeur se gonfler de fierté. Tant d'années...tant d'heure d'entrainement, de conseils retenus, de paroles prononcées ou tues pour arriver à ce moment. Elle regarda sa mère et sourit lorsque les peinture rituelles furent appliquées sur son visage avec son sang et de la cendre, marquant la fin du rituel.

Elle état une guerrière désormais.


Hécate mis un moment à reprendre ses esprits et se rendit compte que Rabastan l'observait d'un oeil attentif pour ne pas dire impatient. Elle l'observa à son tour, comme si elle le voyait pour la première fois et cligna des yeux. Il était l'un des leurs. Il avait une couleur de peau différente, des iris claires, des cheveux presque blonds, mais elle retrouvait dans son rigorisme celui de son ancien maître d'arme, dans sa froideur celle des dignitaires du marais. Il exigeait d'elle loyauté...détermination...et résilience. Les mots sortirent avant qu'elle n'ait pu les en empêcher et elle s'étonna que sa voix ne tremble pas malgré la nervosité qui lui tordait l'estomac.

-Apprenez moi ce que vous savez, aidez moi à prendre ma revanche et je ne vous décevrai pas. je vous suivrai jusqu'à la mort. C'est un serment.

Il ne savait pas l'importance qu'avait ce mot dans sa culture. Il n'étais pas synonyme de promesse. Il était plus que celà. On ne brisait pas un serment. Jamais. D'aucuns se seraient volontairement jetés aux crocodiles plutôt que de briser la parole donnée à un supérieur ou à un dirigeant. Hécate était de ce cru là, née et élevée dans l'esprit des vieilles tribus. Elle n'avait pas eu de chef, ni de mentor, depuis des années maintenant.

Elle venait d'en trouver un.
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Elle ne répondit pas de suite.
Il apprécia.

Ce n’était pas une décision qu’on prenait à la légère, lui semblait-il. En théorie, les apprentis / disciples qu’il avait pu avoir sous sa coupe ne s’étaient pas vraiment vu octroyer un choix : ils pliaient ou ils pouvaient aller crever plus loin. Certes Hécate ne serait pas une apprentie paperassement parlant, elle n’avait plus l’âge. Mais rien ni personne n’empêchait Rabastan de prendre sous son aile une éventuelle recrue. Ils étaient même plutôt encouragés à ce type d’action. Et si ses disciples administrativement approuvés se seraient vu proposer un choix, il aurait aimé qu’ils prennent leur temps également. Ils avaient du céder et accepter de force les termes d’un contrat qu’il n’explicitait que morceau par morceau ; Shaklebolt était plus vieille, n’était pas dans la même situation, il lui avait donné les clés et maintenant attendait de voir ce qu’elle allait en faire. Sans être peut-être le choix d’une carrière et sans doute encore moins le choix d’une vie, ça n’en restait pas moins une décision importante. Elle n’allait pas simplement s’abonner à un forfait à l’année pour une salle de sport. Et Rabastan pensait avoir été clair : une fois engagé le désistement était impossible. Il ne connaissait pas la marche arrière, ou tout du moins ne l’appréciait guère. On lui avait appris à assumer le moindre de ses actes, il n’avait jamais tenté de se dérober et en attendait de même de la part de ses élèves.

Il pouvait presque sentir sa réflexion, il voyait ses yeux sombres fixer les siens mais dans une sorte de regard vague, comme si elle se laissait perdre dans les souvenirs. Il ne tenta pas de s’y introduire. Comment pouvait-il exiger foi et confiance si lui-même profitait de chaque occasion pour faire le voyeur sur ses pensées ? Alors, presque pour résister à la tentation de s’immiscer ne serait-ce que légèrement dans ce bouillon de mémoire et de sensations, il tenta la méthode traditionnelle en se contentant d’observer son interlocutrice. Ses iris noirs restaient perdus dans le flou des pensées, son visage sombre ne trahissait aucune émotions, elle était comme fermée. Comme si ses pensées étaient un coffre qu’elle pouvait fouiller sans que l’apparence extérieure n’en soit changée. Ce n’était pas facile de déchiffrer un tel visage. Encore une fois il prit conscience brusquement de sa petite taille, par rapport à la sienne. Il l’avait déjà noté, mais à chaque fois qu’elle parlait, agissait, utilisait sa magie elle ne semblait plus petite du tout. Elle se tenait droite. Et il n’y avait pas seulement son dos, sa nuque aussi. Le genre d’échine qui ne ployait pas facilement. Elle devait être plus dure que lui, pensa-t-il en souriant intérieurement. La nouvelle génération avait aussi sa dose de fierté, avait-il pu remarqué ces dernières années… Hécate en avait hérité d’une bonne pinte. Cela crevait les yeux, juste à voir son maintien.

Ses yeux reprirent leur éclat et il comprit qu’elle était revenu à la réalité. Elle prit encore un bref instant, un moment pendant lequel ils se jaugèrent du regard mutuellement, avant de répondre. Elle acceptait. Un serment. Jusqu’à la mort. C’était un engagement. Rabastan frayait avec la mort aussi souvent que beaucoup d’Insurgés : c’était parfois son amie et parfois elle venait souffler sur sa nuque sa respiration froide. Il lui offrait des présents mais il savait bien qu’un jour elle s’en lasserait et viendrait le prendre lui. Il avait cru ce moment arrivé déjà plusieurs fois dans sa vie et avait presque vu le visage de cette compagne de toujours. Mais à chaque fois il s’était effacé dans l’ombre et il s’était raccroché du bout des doigts à ce que la vie daignait lui lancer. La mort hante ceux qui l’aiment au point de la couvrir de victimes. Rabastan aimait cette compagnie. Jusqu’à la mort. Elle avait pesé ses mots, elle les avait choisis. Il voulait croire qu’elle savait ce qu’elle faisait.

« Parfait. » conclut-il sans montrer le moindre changement dans son comportement. Il s’approcha d’elle, se posa en face, de son coté gauche. Il posa sa main sur son épaule et serra brièvement. Il se pencha jusqu’à son oreille et lui murmura quelque chose d’une voix très basse. Sa main se ressera un peu plus sur l’épaule de Shaklebolt. Puis il s’écarta aussi rapidement qu’il s’était rapproché. Il s’assit sur son fauteuil, croisa les jambes : « Va te reposer maintenant Shaklebolt. » sa voix avait quitté le ton du murmure pour reprendre son timbre habituel. « Je ne veux pas d’apprentis épuisés dès le matin. Tu viendras directement ici en arrivant demain. Je vais m’occuper de certains détails concernant ton emploi pour que personne ne te cherche d’ennuis. À partir de maintenant, si quelqu’un au Ministère te semble passer les bornes de l’irrespect à ton égard, dis-lui mon nom. Ou bien viens me dire son nom. Dans tous les cas le problème se réglera. Bien. » Il fit un geste avec sa baguette pour lui faire signe qu’il lui accordait son congé : « À demain, Shaklebolt. Pleure ta sœur, commence ton deuil. Je ne veux pas que tu te laisses encombrer par un tel poids. Ne le laisse pas s’installer. » Puis il réorienta son fauteuil pour faire face à son bureau diablement organisé et posa sa baguette sur le bois vernis. Il prit un papier sur le haut d’une pile et le parcourut du regard. En même temps il scrutait Hécate, attendant qu’elle parte. Alors qu’elle allait quitter le bureau il fit une dernière remarque : « N’attaque plus jamais de Mangemort Shaklebolt. Plus jamais. » Cette dernière clause était extrêmement claire.

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Hécate regardait toujours Rabastan lorsqu'il lâcha le mot fatidique qui fit changer le cours de son destin.

"Parfait."

Elle se sentit expirer lentement et se rendit compte qu'elle avait retenu sa respiration un temps considérable. Puis, il se pencha vers elle et posa sa main sur son épaule. Le contact l'électrisa et lorsqu'elle entendit les quelques mots qu'il lui souffla à l'oreille, elle frémit. Elle comprenait toute les implications qu'ils contenaient, tout le sens et les responsabilités qui accompagnaient cette phrase pourtant si courte.

Durant un très bref instant, à peine un couple de secondes, ils se jaugèrent du regard et elle hocha imperceptiblement la tête, un mouvement à peine visible, pour lui signifier qu'elle avait compris. Puis, il retourna s'installer derrière son bureau et sa voix retrouva son volume habituel, sa nonchalance froide. Hécate l'écouta attentivement alors qu'il lui intimait de se trouver dans son bureau le lendemain matin. Elle prit également bonne note de la marche à suivre en cas de "désaccord" avec un collègue un tantinet trop arrogant ou spirituel et lorsque Rabastan lui conseilla de rentrer chez elle et de commencer le deuil de Léda, elle le fixa, les sourcils presque froncés, les lèvres serrées.

Elle aurait pu se sentir insultée par son ton indifférent, par sa volonté de lui faire enterrer le souvenir de Léda avant même que le corps de cette dernière ne soit mis en terre, mais elle ne ressentit qu'une immense gratitude. Il lui donnait une mission. Une direction. Une opportunité. Et contrairement à toutes les personnes qui l'inonderaient de compassion factice et de pleurs hypocrites dans les semaines à venir, à tous ces gens qui diraient partager sa peine mais ne ressentiraient tout au plus qu'un ersatz de douleur, il lui disait d'avancer, sans artifices et sans duperie. Aussi incroyable que cela puisse paraître, elle préférait à ce moment une dureté assumée à une douceur sirupeuse et complaisante. Il aurait été un bien mauvais mentor s'il l'avait laissé se traîner dans sa propre tristesse.

Hochant la tête, la jeune femme s'apprêta à quitter le bureau quand la voix de son nouveau mentor la retint.

"N’attaque plus jamais de Mangemort Shaklebolt. Plus jamais."

La main sur le battant de la porte, elle approuva de la tête et répondit:

-Bien Monsieur.

Elle allait sortir mais au dernier moment, se retourna et d'un air à la fois malicieux et sérieux, lâcha:

-...Sauf s'il vous attaque d'abord. "C'est le deal", non?

La seconde d'après, elle avait disparu dans le couloir, laissant la porte grande ouverte. Les autres membres du niveau 2 la regardaient passer avec un air effaré, sans doute celui dont on regarde un rescapé de guerre ou une personne revenue des enfers. Peut-être étaient simplement surpris de la voir sortir du bureau en un seul morceau, peut être étaient ils abasourdis par l'expression qu'elle affichait. Elle ne pleurait pas, ne s'étalait sur son visage nul trace de peine ou de peur. Elle regardait droit devant elle, droite, fière, intouchable. Il y avait dans ses yeux une flamme qu'aucun de ses collègues n'avait jamais observé et qui, alliée à ses cheveux désormais en bataille et son maquillage en désordre donnait à ceux ci l'impression de redécouvrir la jeune femme discrète et froide qu'ils fréquentaient depuis maintenant près de trois ans sans vraiment la voir.

Hécate s'était sentie mourir ce jour là. Mais à cet instant précis, alors qu'elle quittait le niveau 2 après un rapide détour par son bureau, elle se sentait revivre. Le masque était tombé au sol. La porcelaine anglaise s'était fendue de part en part et laissait apparaître le métal brillant qui se cachait en dessous de l'habile camouflage mondain qu'elle avait adopté. L'enfant-caïman revenait d'entre les oubliés et elle ne laisserait plus jamais qui que ce soit la museler.

Elle pleura effectivement Léda ce soir là. Elle la pleura seule, son père l'ayant congédiée sans un égard lors de sa visite à la Braun Tower, engoncé qu'il était dans sa douleur égoïste. Hécate versa des fleuves de larmes et souvenir après souvenir, chérit la mémoire de cette petite soeur, de ce petit rayon de soleil, qu'elle ne reverrait plus jamais.
La jeune femme sanglota jusqu'aux heures les plus sombres de la nuit, entourée de photographies mouvantes et des fleurs séchées envoyées par Léda jusqu'à la semaine précédente, elle étouffa ses cris de douleur dans des coussins et vomit par deux fois, son estomac se trouvant incapable de supporter la douleur qui le tordait.

Mais comme la neige fond au soleil, comme la pluie cesse après la tempête, les larmes s'épuisèrent et les joues d'Hécate s'asséchèrent. Elle s'endormit au milieu de son salon, enveloppée d'une couverture, une photo à la main.

Sur cette dernière, une jeune fille portait dans ses bras un bébé au nez rond et aux grands yeux noisette, la berçant et riant aux éclats en regardant le photographe. Au verso de l'image, une main adolescente avait jadis marqué:

"Bonjour Léda! - 1989"

Quand Hécate tomba dans les bras de Morphée, épuisée, une nouvelle mention, à l'encre encore fraîche, s'y était ajoutée.

"Au revoir, ma chérie...- 2002"
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