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sujet; « like a wall of stars, we are meant to fall. » —— VAYK&ESHMÉ

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LIKE A WALL OF STARS, WE ARE MEANT TO FALL
my thoughts are stars i cannot fathom into constellations



Les nuits possédaient des manteaux de ténèbres épais qui la crispaient, l’effrayaient, comme une enfant terrifiée. Elle ne dormait pas, elle somnolait, du moins, elle tentait péniblement de le faire. Ses songes étaient remplis de désarroi et d’appels à l’aide ; son myocarde crevait de cette lutte incessante contre son psyché. Elle sombrait, parfois, avec l’infime espoir que quelque chose irait un jour bien, de nouveau. En attendant, elle était l’esclave d’une vie qu’elle n’avait pas réellement choisi, si cela n’était de force et contre son gré. Par amour, comme on le dit si bien. Cependant, elle n’arrivait pas à concevoir l’obligation dorénavant, elle y voyait là une soumission. Une forme infâme d’avilissement, transformant son amour en colère, se muant petit à petit en rage douloureuse et suffocante. Pourtant, elle l’appelait, parfois, dans son sommeil. Elle réclamait ses bras, ceux-là même qui savaient l’apaiser comme tout n’était que tempêtes et orages. Il lui suffisait de fermer les yeux, de respirer son odeur et de savoir que rien ne pouvait l’atteindre, parce qu’il était là. Mais désormais, c’était elle contre tous, contre lui surtout. Lui, dont elle fuyait les foudres s’il savait. Lui qu’elle avait fini par craindre comme le diable en personne. Lui qu’elle aimait pourtant si fort. Un peu trop ardemment. Mais qu’elle haïssait, avec tout autant de ferveur.

« Eshmé, il faut que tu te réveilles. C’est l’heure. » Jane se postait là, devant elle, droite comme un pic, prête à bondir de sa boîte comme un clown enragé. Elle lui ressemblait, tellement. À dire vrai, elle aurait pu passer pour sa jumelle si cela était possible, mais personne d’autre qu’elle ne pouvait la voir. Les jambes croisées, elle tapotait des doigts sur sa rotule, comme si elle était impatiente, agacée. « Fuir n’est pas la meilleure idée que tu aies pu avoir… Regarde où cela m’a mené, mh. Petite sotte. » Depuis Beltane, sa présence devenait insupportable, persistante. Une ombre implacable qui planait au-dessus de sa tête comme une épée de Damoclès prête à frapper à tout instant. Jane était son parfait contraire, une némésis pernicieuse qui ne cessait de la ronger de l’intérieur. Mais sans elle – et elle savait très bien – pour l’instant, elle ne pouvait s’en sortir vivante loin de Cillian. « Il finira par te retrouver. Ils sont plus forts que nous à ce jeu-là. Quelle douce ironie. Je me demande comment il réagira quand il saura. —— Il ne devra pas le savoir. Pas avant que je ne le décide. Pas avant que je ne sache quoi faire. » Le rire de Jane résonna dans son crâne, ses éclats se fracassant contre le bois des arbres alentours, finissant par se fendre contre les cailloux, comme le cri d’une sorcière que l’on tue, que l’on égorge. « Donc je t’interdis de seulement y songer à le faire. Mais je pense que d’ici-là, tu n’existeras déjà plus. » Les effets de Beltane finiront sans doute par se dissiper, qu’elle pensait, à raison. C’était d’une torture de vivre avec une entité à l’intérieur même de son esprit, de la voir se matérialiser par moment et de voir des bribes d’une vie qui n’est pas la nôtre. La douleur qui ne nous appartenait pas, mais qui nous déchirait quand même les entrailles. Eshmé savait que l’accouchement serait douloureux, sans doute même qu’il lui coûterait la vie, comme à Jane. Mais elle se le refusa. La louve en elle s’insurgeait. Elle ne pouvait pas, elle avait tellement de choses encore à vivre. « La douleur que tu ressens quand tu rêves de moi, de cette vie qui fut mienne – et qui est tienne quelque part, tu ne peux pas la nier. Je ne le fais pas pour te torturer, bien que l’idée soit plaisante, mais pour que tu comprennes le mal qu’il m’a fait et le mal que lui te fera. Caleb est un être rongé d’ambition, comme ton mari. Et si tu aimes cet enfant, tu te dois de lutter contre cette envie de le rejoindre. » Eshmé baissa la tête et se renfrogna. Son regard biaisé scruta la forêt noire et sombre avant qu’elle ne plante ses yeux dans ceux de sa vis-à-vis. « Je sais qu’il est différent. Je sais qu’il ne fera rien s’il sait qu’il a un enfant. On en a si souvent parlé… » Si souvent rêver. Que cela parait presque impossible à envisager désormais. « Tss. Ma pauvre enfant, que tu es naïve. Tu verras bien par toi-même. Après tout, on ne voit vraiment les choses que lorsqu’elles se présentent à nous sous la forme à laquelle on ne s’attend pas, n’est-ce pas ? » Jane disparut, dans une brise légère, pour mieux frapper de nouveau, avec ce sourire si malsain qu’elle ne connaissait que trop bien.

Eshmé réajusta sa tenue, époussetant les pans de sa robe pour paraître présentable. Vayk était en retard et cela ne lui ressemblait pas. Sans doute un coup du sort, car elle était encore la seule capable de la comprendre, capable de l’aider sans que personne ne sache. Ses nuits qu’elles avaient passé sous leurs formes lupines, disgracieuses, sous les rayons opaques de la Lune, à s’oublier ; oublier leurs propres identités, durant quelques heures. Devenir quelqu’un d’autre, quelques instants. Pour plus de faciliter. Avec une sérénité tellement pure que cela en devenait parfois abominable d’absurdité. « Vayk… je t’en prie, où es-tu. » Elle s’impatientait et au fond d’elle, elle avait surtout peur qu’elle ne l’oublie ou qu’elle l’abandonne, lâchement comme tous les autres. Comme lui. Elle ferma les yeux quelques instants, pour se concentrer, se reposer l’esprit en l’absence de Jane, pour éviter de se surcharger les méninges. Elle en crevait, tellement. Mais chacun sa croix, chacun son fardeau. Puis elle entendit un bruissement, non loin, reconnaissant l’odeur, le parfum si unique de Vayk. « Tu es en retard. Cela ne te ressemble pourtant pas. Ou peu. » Elle lui jeta un coup d’œil dédaigneux pour montrer son agacement avant de se redresser et de se rapprocher d’elle, suffisamment pour que l’odeur des deux louves n’en fassent qu’une. Ou presque. « Que s’est-il passé ? Je vois bien que quelque chose te tracasse. D’habitude, tu es moins expressive que ça et tu ne laisses rien transparaître. Je suis… étonnée. » Et effarée de voir toujours autant de condescendance dans ta gestuelle. Mais ça, elle se le gardait bien de le lui répéter.


Dernière édition par A-J. Eshmé Sternberg le Sam 31 Oct 2015 - 16:42, édité 3 fois
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❝ No one's here to sleep ❞ Octobre 2002 - Pré-mission

Jour fatidique qui s’impose sans partage,  avec ses colères et ses nuances de carmin, anticipation violente d’un massacre à venir. La Hongroise s’est préparée à endurer, endiguer les sautes d’humeur sous les faux sourires, les poings serrés jusqu’au sang. La louve est calme, pourtant, depuis le début de la crise, du moins autant qu’elle pouvait l’être, poussant la curiosité malsaine de Vayk à tenter de la provoquer. Si les cris des patients lui vrillent toujours l’esprit, si le sang attire toujours autant son œil, l’acide présence animale ne lui arrache pas les artères, nul grondement ne déchire sa gorge au moindre faux pas. Elle s’inquiète, un peu, de cette disparition aussi soudaine qu’imprévisible, pressent le calme avant la tempête au lieu d’espérer la disparition du monstre. L’idée ne lui effleure même pas l’esprit, tout ce qu’elle cherche n’est que la présence rassurante du fauve, paradoxe éternel. La Hongroise craint autant qu’elle révère la bête, son absence douloureuse ne fait qu’appuyer le constat dont elle se défend pourtant. La louve cherche sa moitié sauvage, elle provoque avec un intérêt redoublé pour les effets de sa Tue-Loup, pousser à l’éveil pour retrouver les limites.
Toute la journée, elle a hurlé, tambouriné aux portes de la bête sans qu’elle ne daigne se manifester. Angoisse créée par l’absence, par l’anticipation d’une nuit inversement proportionnelle à la calme journée.

Pourquoi restes-tu amorphe face aux provocations des internes ? Où est donc passée ta fureur, ta colère ? Hé, Loup y-es-tu ? M’entends-tu ?

L’expérimage impute la disparition aux expériences toujours plus poussées mais ne saurait s’en réjouir. Pour une fois, elle a un besoin vital de voir la louve, de la sentir pulser violemment pour allier sa sauvagerie à la sienne. La mission confiée par le Magister quelques jours plus tôt  ne l’a pas arrêtée dans sa lancée malsaine, peut-être aurait-elle dû cesser à la première difficulté, ployer sous le conflit d’intérêt entre le besoin d’avoir les idées claires pour contacter la meute et celui d’annihiler la malédiction. La Hongroise s’est obstinée, pourtant, amazone impétueuse, insouciante, fierté mal placée et ambition trop dévorante. Elle a jeté la dernière dose de Tue-Loup à la hâte dans son sac à la suite d’un ultime rendez-vous avec les agents du Magister, dernières recommandations pour dernières heures d’humanité, les consignes rabâchées comme si elle n’avait pas écouté les douze fois précédentes, comme si elle n’était qu’une irresponsable de dix-sept ans. Elle siffle de frustration sur le chemin de la forêt, son planning déjà retardé de plusieurs dizaines de minutes au rendez-vous habituel avec sa souveraine sélène.
Elle lève le nez vers le ciel encore vide en même temps qu’une odeur familière se percute à ses sens aiguisés. Inspiration rassurée. Au moins les instincts de la louve ont toujours bonne place malgré le calme apparent. Esterházy n’aurait su faire face à la disparition de son monstre alors même qu’on lui demandait de s’en servir, aussi répréhensible, aussi moralement inacceptable puisse être l’ordre donné. Naïvement, elle espère encore que lorsqu’il aura ce qu’il veut, le Lord lui donnera ce qu’elle demande. Juste un peu. Elle partagerait avec la dépositaire du secret si elle le pouvait, Eshmé dont les troubles se lisent jusque dans les senteurs de sa peau. La louve fend les sous-bois pour aboutir sur une clairière, spectatrice des nuits placées sous le signe de la lune. « Tu es en retard. Cela ne te ressemble pourtant pas. Ou peu. » L’accueil froid lui arrache ce sourire carnassier qu’elle ne réserve qu’à ceux qui savent, menace voilée, rappel tacite que peu de choses sont ce qu’elles semblent être. Eshmé elle-même est bien placée pour le savoir, la Hongroise reconnaît les mêmes parfums enragés qu’une louve entière alors qu’elle s’approche et mêle leurs deux essences.
«  Que s’est-il passé ? Je vois bien que quelque chose te tracasse. D’habitude, tu es moins expressive que ça et tu ne laisses rien transparaître. Je suis… étonnée.» Les questions qui tombent, faisant monter l’agacement déjà palpable. Sans répondre, la Hongroise laisse tomber son sac au pied d’un arbre et le recouvre consciencieusement de feuilles, habitude idiote prise avec les années.
« Je ne savais pas que nous avions une heure précise de rendez-vous. » Lâche la louve en se redressant, ses deux pupilles ambrées accrochant celles de la rousse. Elle agite vaguement la main pour écarter le dédain qu’elle lui réserve, tentative vaine d’endiguer le mépris qui s’échappe de ses pores. Eshmé a tout son respect pour la passion qu’elle met dans son art. Mais elle voit son éclat se ternir et avec lui l’intérêt s’envoler. Les nuits de lune qu’elles ne passent pas ensemble sont autant d’occasions manquées, autant de prétextes pour la voir s’éloigner. Elle ne l’a pas vue depuis longtemps. Peut-être est-ce pour cela qu’elle la trouve moins éclatante sous sa crinière de feu. Peut-être est-ce pour cela que le dédain la fouette plus qu’à l’accoutumée. « J’avais des affaires à régler, j’en suis la première impactée quand mon emploi du temps est perturbé, crois-moi. » Elle tait sagement les raisons de son retard, instinct de préservation, autant pour elle que pour la rousse. « Ca fait longtemps que nous n’avions pas passé de nuit ensemble. » Reproche qui sous-tend sa phrase alors qu’elle s’approche un peu plus d’Eshmé, cherchant à éveiller les deux louves, sortir la bête de sa léthargie en poussant trop loin. « Si je suis en retard de quelques minutes, tu es en retard de quelques mois. Que s’est-il passé ? » Elle lui renvoie la question, rancœur à peine voilée d’avoir été laissée seule à affronter les horreurs ces derniers mois. Les mots qu’elle hésite à prononcer tant qu’elle n’aura pas saisi le contexte. Elle lui a manqué.

Spoiler:


Dernière édition par Vayk Esterházy le Dim 1 Nov 2015 - 22:25, édité 1 fois
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Sa désinvolture la fit sourire tant elle lui avait manqué. Vayk était une de ses rares personnes qui la comprenaient sans un mot, sans dire quoi que ce soit. C’était ces silences, à la fois éloquents et tacites qu’elle appréciait le plus. Elle n’avait pas besoin de se justifier, de lui dire ce qui n’allait pas. C’était une relation simple, sans fioritures, sans condescendance, juste… une confiance aveugle, pacte étouffé par la fascination de l’autre. Mais elle était là, alors que rien ne l’y obligeait, rien ne pouvait l’y contraindre. Mais elle était là, et c’était tout ce qu’il semblait compter. « Je ne savais pas que nous avions une heure précise de rendez-vous. » Eshmé tique, elle la foudroie du regard. L’accusation à peine voilée quant à son impatience semblait mal placée. Elle estimait pourtant en avoir le droit, avoir une certaine once de regrets à ne pas être revenue plutôt, si elle avait pu. Si seulement le temps lui avait été donné. Si seulement la possibilité s’était présentée à elle. « J’avais des affaires à régler, j’en suis la première impactée quand mon emploi du temps est perturbé, crois-moi. » Son dédain aurait pu la briser, l’anéantir si elle se laissait aller un tant soit peu à l’évidence. Mais Eshmé ne pouvait se le permettre. Cependant, la louve appelait la louve, il fallait qu’elle se retrouve, qu’elles ne fassent qu’une. Pour l’instant, il fallait parler, savoir ce qui n’allait pas. « Si je suis en retard de quelques minutes, tu es en retard de quelques mois. Que s’est-il passé ? » La quiétude la touchait, en plein cœur, comme un coup de poignard qui puait la trahison. Comment le lui expliquer ? Comment le lui dire ? Elle était pourtant certaine qu’elle pourrait comprendre mais… les mots, les mots pouvaient-ils seulement être synonyme de son désarroi ?

Elle s’écartait d’elle, se mettant de dos, peinant à chercher les bribes de phrases qu’elle retournait dans son esprit. Ils s’entrechoquaient, torturant son psyché déjà en mille morceaux. « Reprends tes esprits et vite. —— La ferme Jane, ça n’est pas le moment… » La phrase à peine audible, à peine soupirer se mourrait rapidement. Les yeux fermés, elle rassemblait – elle tenter du moins de rassembler – le peu de ferveur qu’elle avait encore. Qu’il n’avait pas encore détruit. Mais rien ne voulait sortir, c’était bien trop douloureux, bien trop pernicieux. « Je… j’ai fui. » La honte dans le ton de sa phrase demeurait une preuve suffisante de sa propre bêtise. Au fond d’elle, elle savait son choix complètement stupide, mais il ne s’agissait plus d’elle, plus d’eux. Elle portait un enfant en elle, un être qui méritait un tant soit peu de vivre, même si ce monde partait à la dérive. « Après l’évènement de Beltane… tout… tout a dérapé. Je ne savais pas quoi faire… je ne savais pas où aller. —— La fuite te semblait plus censée. Idiote. » Elle secoua la tête, agacée par la voix dans son esprit, en voyant Jane en face d’elle. Elle voulait la faire disparaître, qu’elle s’en aille, mais c’était pour l’instant impossible. Elle aurait voulu admettre que sans elle pourtant, elle serait déjà morte à l’heure qu’il est, que tout se serait reproduit, une nouvelle fois. Bis repetitas. Mais sa survie, elle la devait qu’à elle-même. Jane était une chimère, rien de plus. Une âme égarée, rien d’autre. « Tu n’arriveras jamais à t’en convaincre. Tu sais très bien que je suis là. Sinon… pourquoi m’aurais-tu suivi ? —— Je t’en prie… arrête… » Les mots étaient bien plus forts, comme une supplique, un abandon de soi face à l’autre. La soumission face à la désillusion, au rêve éphémère, à ce cauchemar incessant. Une ritournelle enfantine dans un esprit déjà morcelé par un passé fracturé et un présent incertain, un avenir encore plus nébuleux. Eshmé n’y arrivait plus. Elle ne pouvait plus. « Il est allé trop loin cette fois et il fallait que je m’en aille. Que je le laisse. Que je l’abandonne. Il le fallait Vayk. » Elle se retourna vers elle, se craquant les phalanges sous l’anxiété et observant son alliance. Ils étaient si heureux pourtant. Ils étaient si beaux, si parfaits. Mais c’était cette imperfection qui les avait rongé jusqu’à la moelle ; cette impétuosité de se croire tout acquis qui les avait tant éloigné sans qu’ils ne s’y préparent. Et ça faisait mal, là, dans son myocarde. Sentiment tellement viscéral qu’était celui d’aimer sans concession. « Il n’était pas seulement question de moi… Il n’était pas seulement question de moi… » Eshmé se répétait, comme un appel à l’aide, un appel au secours. Elle espérait qu’elle sente qu’elle n’était pas une, mais deux. Que quelque chose grandissait en son sein et qu’elle en était effrayée. Que la louve pourtant semblait la tenir debout, malgré tout ce qui se dérobait sous ses pieds. « Je n’arrive plus à jouer… Je ne peux plus jouer du violon. Pourtant, les berceuses me manquent. Elles… elles me manquent Vayk. » Et elle avait besoin de jouer, de ressentir la vibration des cordes sous ses phalanges, de se remémorer qu’elle possédait un don, un véritable don inné de cet instrument. C’était la seule chose stable qu’elle avait encore, la seule chose qui la calmait quand les doutes s’emparaient d’elle sans prévenir, sans ménagement. La musique était un exutoire, une forme d’expression de son esprit tourmenté pour réduire à néant les peurs et les terreurs d’une enfant trop souvent rejeté, mal aimé. Elle avait été sa seule échappatoire pendant tout ce temps. Le perdre était comme perdre une partie de son âme. Et ce blocage la terrorisait. La dualité de la louve représentait l’autre parcelle d’âme encore raisonnable et présente là où tout n’était que ruines.

Tout un monde qui se faufilait entre ses doigts comme du sable, si fin, si doux, pourtant si factice. Eshmé avait mal. Eshmé pleurait. Eshmé souffrait. Eshmé voulait juste oublier. Oui ce soir, elle voulait oublier qui elle était, juste quelques heures. Oublier tout ce qui semblait encore plausible mais qui finissait par la détruire. Ce soir, elle voulait que seule la Lune soit juge de sa détresse et de sa culpabilité. Ce soir, elle serait quelqu’un d’autre, au gré du vent et de son instinct. Avec sa tendre moitié.
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❝ No one's here to sleep ❞ Octobre 2002 - Pré-mission

Roule l’indécision sur la peau d’Eshmé Sternberg, d’ordinaire si composée en sa compagnie. L’éclair bref de ressentiment ne fait pas illusion, elle sait, elle sent que comme la plupart d’entre eux, les sorciers perdus, les prisonniers entre deux feux, la rousse perd ses repères. Les doigts de la louve attrapent le vide qu’elle laisse en lui tournant le dos, en s’éloignant. Elle étrangle une excuse, justification évasive de sa brutalité et du reproche amer voguant entre les mots. « Pardon. » Désolée, elle ne l’est pas vraiment, le mensonge consensuel n’est dicté que par la crainte de perdre, de la voir repartir aussi vite qu’elle était réapparue. Vayk a pensé chaque mot prononcé et n’en regrette aucun. Mais elle suppose que si elle était vaguement capable d’avoir une once de compassion, elle devrait. —— Pardon. Reste. Ne me tourne pas le dos, j’ai besoin de toi.  —— La supplique reste coincée au fond de sa gorge, elle laisse retomber son bras, jugeant la rouquine déjà trop loin pour la retenir. Sa lâcheté sans borne reprend le dessus, engloutit le besoin primaire sous la fierté terrible, l’égoïsme le plus basique. Vayk n’est pas faite pour retenir, pour aider. Elle ne se sent pas la force de lui saisir l’épaule pour la réconforter, dénouer les nuances qui lui transpercent la peau par éclats successifs. «  Je… j’ai fui. » La phrase fend l’air, lente et lancinante sous le trouble qu’elle amène. Vayk hausse une épaule indifférente, jusque-là, rien de choquant à ses yeux. La fuite connaît la louve comme la louve connaît l’opprobre. Selon la Hongroise, la fuite est une option parfaitement viable lorsqu’il s’agit de préserver sa propre personne, ses propres valeurs. Quand les armes manquent aux circonstances, que le combat est inégal, elle n’est pas faite pour incarner David. Jamais.
Le silence qu’elle conserve sagement est un encouragement tacite à ce qu’Eshmé poursuive son récit, la curiosité de Vayk s’est éveillée en même temps que les sens de la louve. « Après l’évènement de Beltane… tout… tout a dérapé. Je ne savais pas quoi faire… je ne savais pas où aller. » « Beltane ? » Elle répète, en écho. Beltane est loin, pourtant. Du moins pour Vayk. « Tu aurais pu venir me trouver » Le reproche se meurt à peine échappé, incapable d’être prononcé plus fort qu’un simple murmure lâché au vent. Mensonge trop gros, proposition trop fallacieuse qu’elle n’aurait jamais vraiment faite au préalable. Préserver sa tranquillité s’inscrit bien trop dans ses priorités pour qu’elle se laisse envahir par les démons des autres, quels qu’ils soient. Son propre monstre lui cause plus de chagrin qu’elle n’en voudrait déjà. La Hongroise tait le reproche menteur pour ne pas accabler Eshmé, ajouter une couche à son angoisse lui semble inutile.
Malgré elle, la louve se rapproche pourtant pour tenter d’apaiser la confusion qui règne. Elle ne sait ni comment ni pourquoi elle se laisse tirer par l’instinct protecteur. Il y a plus derrière les mots et les attitudes, plus derrière le désordre de l’esprit. Les odeurs claquent, se développent au gré du vent. « Je t’en prie… arrête…» Elle suspend son geste qui se voulait réconfortant, perte soudaine de repères qu’elle croyait avoir trouvé au milieu de la brume. Le chien Hongrois obéit docilement, elle cesse, recule sans comprendre pour reprendre sa place initiale, une confusion mêlée d’agacement froissant son visage fermé. Qu’elle parle, alors, qu’elle explique. « Il est allé trop loin cette fois et il fallait que je m’en aille. Que je le laisse. Que je l’abandonne. Il le fallait Vayk. » L’emploi de son prénom la frappe comme un uppercut bien placé. Ses yeux peinent à soutenir le regard anxieux d’Eshmé et suivent naturellement le mouvement vers l’alliance. La jalousie lui crève la poitrine pour cette bague qu’elle ne portera jamais, personne pour accepter la louve. La louve pour n’accepter personne. Eternel ouroboros auquel elle s’est résignée. Ils avaient tant de choses qu’elle ne comprend pas. L’illusion dure longtemps aux yeux d’Esterházy et l’emploi de « l’abandon » la laisse amère. Si elle avait eu un mari comme celui d’Eshmé, dans son état, elle aurait probablement fait preuve de plus d’acharnement. Probablement.
Elle accepte d’entendre les suppliques à défaut de les comprendre. Le placement en société vaut tous les sacrifices, non ? « Il n’était pas seulement question de moi… Il n’était pas seulement question de moi…. » Le mantra supporte un message plus fort véhiculé par les senteurs qu’elle exhale. La louve fronce le nez, fronce le museau. Elle reconnaît les mêmes odeurs que celles des louves irresponsables venues jeter presque fièrement leur malédiction transmise à leur progéniture. Une haine viscérale passe dans les prunelles de la Hongroise avant qu’elle ne se souvienne qu’Eshmé n’a de loup que l’apparence. « Je n’arrive plus à jouer… Je ne peux plus jouer du violon. Pourtant, les berceuses me manquent. Elles… elles me manquent Vayk. » La dernière phrase tombe, aveu redoutable auquel Vayk ne peut que compatir. L’amour d’Eshmé pour son art explose dans chaque mot, chaque geste effectué avec la précision rythmée d’une violoniste. C’est que que la Hongroise a toujours apprécié chez la rousse, la chaleur qu’elle mettait dans ses notes pour compenser celle qui lui faisait parfois défaut. Une dévotion à son instrument comme on pouvait l’être à sa moitié, ce que Vayk n’a jamais su faire malgré la pratique. « Eshmé, je suis désolée, je ne sais pas quoi dire, je ne sais pas quoi faire. » Souffle-t-elle d’une sincérité qui la désarme elle-même. Trouver Eshmé incapable de jouer de ses cordes revient à tourner la page sur les origines de leur relation, tournant un peu trop précoce.
La louve fait quelques pas pour s’approcher de la rousse, lui saisir le bras avec maladresse dans une vaine tentative de la réconforter.
« Je ne comprends pas. » Fil rouge de leur rencontre, le mensonge s’infiltre à nouveau. Pour la bonne cause, cette fois, elle veut l’entendre de sa voix, dans ses phrases construites délibérément. Vayk ne veut pas assembler le puzzle des illusions captées à la volée, elle veut des certitudes, des mots sur les pressentiments. D’un geste, elle écarte les perspectives médicales qui s’imposent à son esprit alors qu’elle est proche d’Eshmé, la louve infiltrée dans les failles. Fascination dans le regard qu’elle ne peut retenir, ses doigts glissent le long du bras de la rousse pour s’arrêter à effleurer son ventre. Trouver un second cœur, d’autres odeurs. « Tout va bien se passer, Eshmé. On va trouver une solution pour ton violon, on va trouver l’équilibre. » On parce qu’elle a besoin d’une louve à ses côtés, quelqu’un pour la retenir dans les nuits d’errance. Elle a si peur de se perdre qu’elle s’accroche à ce qui reste. Vayk ferait tout pour atténuer les douleurs, redonner ses capacités à la rousse. Elle ne peut supporter l’idée d’un pilier bancal. Si la louve polaire s’échappe, si elle s’efface, il ne reste plus rien à la Hongroise. Egoïste. « Qu’est-ce qu’il t’a fait ? Tu as besoin de quoi ? Tu es blessée ? » La curiosité la rattrape en même temps que s’installe l’euphorie scientifique et les question s’abattent, peut-être trop pressantes pour paraître naturelles mais Vayk perd la prise qu’elle a sur la louve, la déformation professionnelle bien trop grande pour être contenue.


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Eshmé se perd, se confond, se transcende. Pendant quelques secondes qui lui semblèrent durer une éternité, il y avait un vide, un vide accablant à ses côtés. Elle se mourrait, de rage, de chagrin, de colère. Chaque fibre de son corps refusait de lutter ; il l’accablait d’y retourner, près de lui, que tout s’efface, tout s’arrête pour redevenir comme avant. Mais sa raison, inébranlable, s’interdisait de céder. Il ne pouvait en être autrement. Elle causerait sa perte, celle de son enfant, celle des autres. Et de ce point de vue-là, elle ne pouvait y consentir. Elle savait pourtant Vayk incapable de comprendre cet attachement, cette absurdité qu’était le besoin compulsif de l’autre. Celui de la douleur, de l’obéissance, que lui imposait son rang d’épouse. Elle le savait, mais au fond d’elle, elle espérait que son amie puisse un tant soit peu les lui enlever. Il fallait qu’elle s’en défasse, à tout prix. Qu’elle lâche la prise, qu’elle se laisse aller, sans concession, qu’elle respire un bon et qu’elle se reprenne. Était-ce trop demandé ? « Tu te laisses trop aller Ginger… Tu te laisses trop avoir par tes si bons sentiments. Ceux-là même qui te bouffent les entrailles. Tu n’en voulais pas de cet enfant, à ton avis… pourquoi ton corps a nié son existence jusqu’à maintenant mh ? » Jane lui assénait un coup fatal – comme toujours – une vérité à peine volée, une vérité qu’elle fuyait pour mieux l’affronter. C’était donc ça qu’elle ne pouvait comprendre ? Ça qu’elle refusait d’admettre ? Le fait d’être maman l’effrayait, la tétanisait et… et si au fond, c’était ça qui lui avait perdre son don ? Son don pour le violon ? S’il s’agissait de cette trahison même par ce cadeau empoisonné ?

« Beltane… Beltane m’a révélé une existence différente de la mienne et pourtant si proche. —— Elle va t’interner à Ste Mangouste ma pauvre. —— J’ai découvert ma vie antérieure… j’ai découvert qu’il avait la même en commun avec la mienne. Et j’ai vu de quoi il était capable. J’ai vu Vayk qu’il nous a tué, tous les deux. » Elle n’arrivait plus à se concentrer, plus à réaliser l’impact de ses mots, de ses peurs, de ses craintes. Elle n’arrivait plus à croire ce qui était juste, ce qui ne l’était pas ou plus. Elle se perdait dans ses propres confusions, dans ses propres balbutiements à peine exprimés – ravalés même au fond de sa gorge. « Je sais que tu l’as senti. Ce cœur qui bat. Ce cœur qui grandit en moi. Je suis presque à terme. —— Elle va te dire que c’est impossible vu la taille de ton ventre, mais soit. Tu ne sais même pas expliquer. —— J’ignorais avant Beltane que j’étais enceinte… Et Beltane me l’a révélé. » Elle ancra ses yeux dans ceux de sa vis-à-vis, le regard un peu fou, un peu étrange, déstabilisant. Eshmé ressemblait à une folle tout droit sortie de l’asile. Mais Vayk était la seule à pouvoir comprendre. La seule qui l’aiderait sans rien dire, sans broncher et encore moins sans juger.

Pourtant, la louve l’appelait à se transformer, à libérer sa rage, à se transcender, à deux. Eshmé ne voulait pas maintenant, avant, il lui fallait demander un service, connaissant la curiosité de la Hongroise à vouloir tout le temps découvrir plus sur ses congénères, et les autres. « J’ai tenté d’avorter, légalement. Mais ça n’a pas fonctionné. J’ai compris que c’était un coup du sort… Alors je te le demande Vayk. » Elle marqua un temps d’arrêt, en la fixant comme il se devait pour qu’elle comprenne où elle voulait en venir. Même si c’était douloureux à admettre. Je veux que cela soit toi qui me fasses accoucher. Jamais je ne pourrais aller dans un hôpital. Jamais je ne pourrais passer inaperçue si par accident je me transforme en louve… Il n’y a qu’en toi que j’ai totalement confiance. » Elle espérait au moins, un peu de compassion, un semblant d’intérêt pour son cas et peut-être même que Vayk prendrait cela à cœur. On n’était jamais sûrs de rien. En attendant, le problème était là, elle ne pouvait aisément se montrer dans un hôpital, encore moins chez les insurgés. Il la retrouverait et pour l’instant, elle devait encaisser le choc des révélations dû à Beltane. La blessure était bien trop fraîche encore, bien trop présente. Et même si tout le monde pensait qu’elle avait fui sur un coup de tête, il n’en était rien. « Je pense que c’est cet enfant qui m’empêche de jouer. Depuis que j’ai su, j’ai été incapable d’en rejouer. J’ai essayé pourtant… J’ai tenté de revenir aux origines, mais il me manque. Tellement. » Le blocage venait d’ailleurs ; d’une autre cicatrice qu’elle n’arrivait pas à refermer depuis bien trop de temps. C’était comme nier l’évidence, se noyer dans un verre d’eau plein et attendre la fin. Elle ne voulait pas le voir, bien trop sombre, bien trop cruel était le secret, la honte inscrite sur son visage, déformant ses traits. Un consentant improbable inscrit dans ses gènes, là, dans son code génétique. Une ignominie ignorée de tous, y compris d’elle-même. « Je ressens la douleur de quelqu’un. Je ressens les appels à l’aide d’une personne qui n’est pas moi. Et je me sens envahie constamment par un mal-être indescriptible. Suis-je entrain de devenir folle Vayk ? Crois-tu que je perds l’esprit ? Est-ce que je sombre dans la folie ? » Le regard vide, vitreux, plongé dans les reflets de la clairière, Eshmé se sentait tellement happée par les ténèbres, par des cauchemars qui n’étaient pas les siens, par des murmures inaudibles qui envahissaient son esprit. Elle était la seule once de lumière sur un chemin sinueux, dans une pente glissante qu’elle devait emprunter. Elle se refusait à y aller seule, à devoir affronter ce qui se trouvait au bout. Beltane avait tellement foutu le bordel dans son psyché, dans son corps, dans son existence pourtant si rangée. Sans doute que le karma lui enviait sa bonne étoile.
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Vayk ne sait pas vraiment ce qu’elle attendait mais d’une certaine façon elle est plutôt persuadée qu’elle ne s’était pas préparée à une telle réponse, un tel débit d’information la désarçonnant si violemment qu’elle en reste muette dès les premiers mots. Défiance comme scepticisme se peignent tour à tour sur ses traits confus. « Beltane… Beltane m’a révélé une existence différente de la mienne et pourtant si proche. » Elle lui sert un début de grimace qui se veut compréhensive mais se trouble bien trop facilement pour être pleinement sincèrement. Sa main se porte à ses lèvres en une tentative plus ou moins réussie de camoufler son embarras naissant. « J’ai découvert ma vie antérieure… j’ai découvert qu’il avait la même en commun avec la mienne. Et j’ai vu de quoi il était capable. J’ai vu Vayk qu’il nous a tué, tous les deux. » Hochement de tête rapide, presque frénétique pour signaler qu’elle suit le fil des pensées d’Eshmé, bon gré mal gré. Elle s’accroche comme elle peu et, si l’affaire n’avait pas fait la une de quelques journaux, Vayk aurait certainement prêté moins d’attention aux élucubrations de la rousse, désintérêt habituel pour les illuminés cosmiques. Mais elle lui sourit derrière la barrière de ses doigts, discrètement, doucement, avec une ouverture d’esprit qu’elle s’invente sur l’instant, qu’elle se découvre lorsqu’il s’agit des êtres auxquels elle tient. Elle entrevoit à la fois l’affection qu’elle porte à Eshmé, à Adele, à ceux qu’elle estime comme elle assimile enfin ce que l’attachement la conduit à accepter. Les folies, les excentricités. Les irruptions dans des bureaux en ruine. L’opposition à un mangemort pour le bien d’une autre. Le clan des amazones trouve une place spéciale au fond d’elle et la Hongroise met tout juste le doigt dessus. Elle trouve même la force de tendre à nouveau le bras et de presser brièvement l’épaule de la rousse dans une tentative timide de l’aider à démêler ce qui semblait si complexe à exprimer. —— Je suis , d’accord ? Alors reste avec moi, ne te perd pas dans tes propres méandres —— La louve espère que chaque mot trouve son chemin malgré le silence obstiné qu’elle conserve, incapable de prononcer la moindre formule correcte mais elle suppose qu’une tape bourrue sur l’épaule aurait le même effet. On ne sait pas réconforter chez les Esterházy. On ne sait que reporter le blâme avec une certaine virtuosité comme le veut la rigueur hongroise, la tradition séculaire d’un clan trop attaché sa noblesse, le dégoût de la faiblesse pour essence. « Je sais que tu l’as senti. Ce cœur qui bat. Ce cœur qui grandit en moi. Je suis presque à terme. J’ignorais avant Beltane que j’étais enceinte… Et Beltane me l’a révélé.» Eshmé parle de Beltane comme s’il s’agissait d’un évènement mystique, une révélation vécue par quelques rares élus. Vayk fouille brièvement sa mémoire à la recherche d’une expérience similaire qui lui permettrait d’accepter, d’intégrer l’information. Elle ne trouve que des bribes décousues, des souvenirs probablement nés de la confusion et des derniers évènements. Son tempérament rationnel exige une autre explication, une version plus terre à terre. « Presque à terme ? » Répète-t-elle, perroquet perplexe et pourtant sûre de ce qu’elle entend, de ce qu’elle perçoit. Le déni de grossesse n’est pas rare non plus chez les femmes lycanthropes pour le peu qu’elle ait pu étudier. Entre la crainte – justifiée – de transmettre la malédiction et celle de devoir affronter un enfant né pour être un monstre, Vayk trouve tout un tas d’explications relativement plausibles. « Tu es vraiment une louve. » Qu’elle souffle, d’une voix placide mâtinée d’affection. Elle a depuis longtemps trouvé que la fusion entre Eshmé et l’animal qu’elle incarnait à l’envi particulièrement poussée, satisfaisante même lorsqu’il s’agissait de retenir sa propre bête dont les velléités étaient nettement moins sous contrôle. Une louve selon ses critères, sans insulte aucune.
« J’ai tenté d’avorter, légalement. Mais ça n’a pas fonctionné. J’ai compris que c’était un coup du sort… Alors je te le demande Vayk. »
Elle comprend l’avortement, la peur viscérale d’aller dans un camp ou dans l’autre, suppose que les échecs sont dus à une grossesse trop avancée et passe sous silence son avis sur le supposé « coup du sort », destin tout écrit auquel la louve ne se plie que lorsque ça l’arrange. Elle comprend et elle ne voit aucune raison de refuser la demande qui s’apprête à tomber sur le silence installé, si ce n’est par égoïsme habituel. « Je veux que cela soit toi qui me fasses accoucher. — Vayk s’étrangle un peu. A-t-elle bien conscience de ce qu’elle demande ? — Jamais je ne pourrais aller dans un hôpital. Jamais je ne pourrais passer inaperçue si par accident je me transforme en louve… Il n’y a qu’en toi que j’ai totalement confiance. » L’intérêt purement scientifique perdu depuis quelques minutes illumine de nouveau le regard de Vayk. Dans son esprit, les questions curieuses s’entrechoquent, confuses et dansantes si bien qu’elle peine à les saisir pour pouvoir les formuler. Elle doute même qu’Eshmé puisse réellement y répondre. Chaque interrogation en fait naître une autre, appelant une nouvelle énigme, un nouvel intérêt curieux pour la médicomage qui darde un regard inquisiteur sur le bas-ventre de la rousse. « Ce n’est pas ma spécialité, Eshmé. Elle préfère prévenir avant toute chose. Mais s’il le faut, oui, je suis là pour toi. »     L’occasion est trop belle pour la laisser glisser hors de sa portée si bien qu’elle cesse d’écouter les paroles d’Eshmé, bien malgré elle. Le peu qu’elle capte concerne son violon et elle n’est pas certaine de tout comprendre, de tout saisir dans les subtilités qui n’appartiennent qu’à la rousse. C’est la honte qu’elle lit sur les traits de la violoniste qui rappelle Vayk à la brutale réalité. Elle y voit un miroir étrange de ses propres afflictions, reflet des remords et des regrets qu’elle se tue à repousser. Je ressens la douleur de quelqu’un. Je ressens les appels à l’aide d’une personne qui n’est pas moi. Et je me sens envahie constamment par un mal-être indescriptible. Suis-je entrain de devenir folle Vayk ? Crois-tu que je perds l’esprit ? Est-ce que je sombre dans la folie ? » Les yeux de la louve se plissent, cherchent une réponse viable. Les voix, les monstres dans les ténèbres, Vayk connaît, elle combat la louve avec la même ardeur qu’Eshmé semble combattre la folie. A toute autre personne, elle aurait soufflé la lycanthropie comme diagnostic mais elle doutait que cela soit le cas. Ou folie mais ça n’était certainement pas la réponse que chacun attendait à ce genre de question. —  « Suis-je en train de devenir fous ? » « oui. » — Non. Définitivement, non. « Reste avec moi, Eshmé. Je ne peux pas dire que comprends pleinement mais tu dois vraiment t'accrocher. Tu vas retrouver l'équilibre, ce n'est qu'une question de temps, de travail. Parle-moi de ces voix, parle-moi de ton mal-être, de la fureur qui te ronge les veines. » Elle parle en connaissance de cause, écho étrange du monstre encore endormi.
Vayk pose une main hésitante sur le bras d’Eshmé, contact rassurant de sa peau contre la sienne pour lui prouver que les dimensions sont toujours ce qu’elles sont, que les deux louves ont toujours du répondant. « Tu es perdue mais ça va passer, ça va aller. » Elle se répète, comme pour s’en persuader elle-même alors que le temps presse et que les ténèbres commencent à tout engloutir. La lune finira par prendre place sur son trône elle ne pourra plus rien pour elle verbalement parlant. Elle ne pourra même pas l’entraîner à sa suite toute la nuit à la recherche d’une meute. Ses doigts trouvent un chemin jusqu’à ceux de la violoniste qu’elle enlace étroitement, poussé par une louve protectrice soudainement remontée pour courir sous sa peau. « Tu pourras bientôt jouer du violon je… »te le promets. Promesse au vent qu’elle ne peut assurer, elle s’arrête avant de prononcer quelque chose qu’elle regretterait immédiatement. Vayk tire sur la chaîne de la louve qui déploie ses instincts avec férocité, envie presque maternelle de protéger une progéniture qui n’est pas sienne, alliance malsaine avec son envie de voir la louve polaire changer avec un autre être en son sein. « Je vais faire tout ce que je peux. Depuis combien de temps tu es… en fuite, exactement ? Depuis combien de temps tu sais que tu es enceinte, Beltane, c’est ça ? » Encore une fois, les questions pleuvent alors qu’elle se penche sur le ventre tout juste arrondi, ses doigts agités de spasmes curieux. « Devenir une louve est-il plus long qu’avant ? » Elle attaque le sujet, première interrogation à l’intérêt profond, première d’une longue série. Le terme de louve prend une sonorité étrange entre ses lèvres dont elle s'efforce de rester détachée. Il écorche comme une insulte, tombe avec brutalité, comme lâché trop vite de peur de s'empoisonner.

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my thoughts are stars i cannot fathom into constellations



Sous sa candeur apparente, elle demeurait une enfant. Quelque part, c’était sans doute sous cet angle-là que tous la voyait vraiment. Avec son air hautain et désinvolte. Parfois condescendant qui lui était propre. Mais c’était là une manœuvre de plus pour ruiner le peu de curiosité et d’infamie que l’on éprouvait pour elle. Elle ne l’admettrait pas, mais ce besoin compulsif qu’on l’ignore était vital à son existence. Avec Vayk, c’était différent. Il y avait un certain appel, une certaine osmose incompréhensible à devoir être avec l’autre. C’était comme suivre une odeur, un parfum, parfois dans la brume. Depuis qu’elle avait perdu son don pour jouer du violon, elle se sentait plus vide qu’à l’ordinaire, bien plus oppressée aussi. Comme si tout reposait sur ce talent plus ou moins miséricordieux. Enfant, elle n’y voyait pas d’inconvénients, pour elle, c’était naturel d’en jouer. Son mariage avec Cillian lui avait appris à calmer la Bête en lui avec une berceuse douce et agréable, comme celle d’une mère. Sa fascination lui avait ouverte les portes de la gloire, teintée d’orgueil et d’ambition qu’elle vit beaucoup trop tard. Le violon représentait une part de son âme, un pan entier de son existence. Le chant d’une sirène à l’agonie sous les traits disgracieux d’une succube déchue. Et Vayk lâche l’évidence, une vérité édulcorée qu’elle fuit depuis trop longtemps. « Tu es vraiment une louve. » Ça la brûle, la tiraille, la démange comme un poison qui roule, et qui roule dans ses veines à vive allure. Et elle n’arrive pas à l’arrêter, ni à le stopper. Elle le savait pourtant, ça expliquerait bien des choses. Elle comprenait pourquoi son psyché avait préféré choisir la louve, pourquoi il y avait cette dualité qu’elle n’arrivait parfois pas à gérer, pourquoi elle se refusait à devoir courber l’échine pour des choses d’une facilité déconcertante. Elle se donnait plus de mal que de bien pour accomplir le peu de lucidité qui lui restait. La situation. L’enfant. Son mariage qui vole en éclat. Tout partait littéralement en fumée. Et ce, par sa faute. « Tout est de ma faute de toute façon… Je n’ai rien fait pour empêcher tout ça d’arriver. —— Et c’est reparti… Non mais Ginger, il faut te prendre en mains. Ça n’est pas comme ça que tu vas sauver ton pauvre futur marmot sous les bras. » Elle perdait dorénavant pieds, dans les méandres des questions qui se bousculent, qui s’entrechoquent, qui la poussent à devenir folie. Elle s’annihilait de toutes ses certitudes – elle essayait, tant bien que mal, pour accéder le doute, une nouvelle façon de voir les choses. Il le fallait si elle voulait de nouveau avancer. Eshmé avait l’impression de stagner, de faire du surplace et de patiner depuis… Beltane. Bien malgré elle.

« Tu es perdue mais ça va passer, ça va aller. » La quiétude de Vayk aurait pu la retenir encore un peu au-dessus du gouffre dans lequel elle s’était laissée tomber. Cela aurait même dû marcher, un court instant. Mais c’était impossible pour elle de le concevoir, de l’entrevoir et encore moins de l’admettre. De l’aide, elle en avait besoin, certes. Mais pas de cette aide en question. Pas de ce genre de niaiseries dégoulinantes, alors que c’était elle qui était venue réclamer ce qui lui était dû. Tu pourras bientôt jouer du violon je… » La voix de Vayk se coupe et se tranche dans la pénombre, obligeant Eshmé à la regarder, la dévisager pour une promesse qu’elle ne pouvait tenir. Les promesses sont toujours faites pour être brisées, aucunes d’elles ne trouvent au fond un quelconque sacrement suffisamment puissant pour être gardé. C’était si désolant de se raccrocher à cette humanité si stupide, si limpide, si douloureuse.

Puis les questions fusaient. L’exigence d’une curiosité mal placée, mal ordonnée, dans un moment si peu propice. « Je vais faire tout ce que je peux. Depuis combien de temps tu es… en fuite, exactement ? Depuis combien de temps tu sais que tu es enceinte, Beltane, c’est ça ? » Eshmé la foudroie, elle tentait de dissimuler la colère, vive et tenace qu’elle lui cracherait au visage. Mais au lieu de cela, elle se tut. Tentant péniblement de se retenir, serrant ses poings et craquant ses doigts, révélant la blancheur cadavérique de ses phalanges abimées. « Devenir une louve est-il plus long qu’avant ? —— Plus long. Plus douloureux. Plus intense… Je la sens prendre de plus en plus le dessus sur moi. Je la sens enragée, disgraciée, pernicieuse, assoiffée. Je la sens mère, protectrice, aimante. Je la sens déchue, brisée, anéantie, trahie. » Elle ne comprenait pas qu’elle faisait désormais plus qu’un avec elle. Qu’elle ne formait qu’une seule et même personne, une entité à part entière pour sauver cet enfant qu’elle chérirait, à deux. Elle pensait que ce trouble dissociatif venait de la louve elle-même, mais en vérité, c’était elle qui ne voulait pas l’accepter, jusqu’à qu’il s’impose à elle, en certaines circonstances, pour la protéger, les protéger tous les deux. La louve était naturellement maternelle, c’était dans sa nature de vouloir garder sa progéniture, de devenir la reine mère de sa propre chair. Même si elle devait en mourir pour le mettre au monde, cela importait peu. Cet enfant était le cadeau des dieux, un cadeau divin, empoisonné. Il n’avait pas encore de libre arbitre pour penser de lui-même, encore moins pour choisir. Son instinct le lui dicterait surement. Seulement, elle se battrait pour ne pas qu’il succombe aux Ténèbres, pour ne pas qu’il refasse les mêmes erreurs qu’elle. Il méritait le meilleur, même à sa naissance. Elle continuerait de croire que l’influence maternelle était bien plus forte que le reste, que tout au monde. Car une mère est dieu dans les yeux de son enfant. Eshmé n’avait jamais connu la sienne, biologique, il lui manquait cette expérience, ce modèle emblématique pour la construction enfantine qu’elle aurait dû être. Au lieu de ça, elle rejetait toute relation possible avec les autres. Elle aimait démesurément, maladroitement, excessivement, jusqu’à sa propre agonie. L’ambivalence d’un cœur trop impulsif, trop capricieux ; d’une vie trop vide d’affection parentale, de lubie familiale. Et tout la menait à cet instant. Aimer cet enfant qu’elle ne voulait pas.


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Les mots se perdent et s’effacent avant même que Vayk n’ait pu les prononcer du bout des lèvres. Des reproches au jugement, il vaut mieux pour elle qu’elle soit incapable de les saisir au vol. Il vaut mieux pour leur relation que les traits restent lisses et neutres comme ils l’ont toujours été. « Tout est de ma faute de toute façon… Je n’ai rien fait pour empêcher tout ça d’arriver. » La louve tend une main hésitante, flottante, qu’elle laisse finalement retomber le long de son corps, faute de sincérité, de paroles rassurantes pour accompagner son geste. Pour Vayk, tout avait une explication, une raison, une cause. Chacun avait sa part de responsabilité même dans l’engrenage le plus pervers, partage des torts pour rétablir l’équilibre des peines. Même pour son propre état elle avait trouvé une responsabilité en chacun. En elle, surtout. Alors non, elle ne peut décemment pas poser sa main sur l’épaule d’Eshmé et lui souffler que ça n’était pas sa faute, qu’elle n’y pouvait rien rien. Pour cette fois, le mensonge ne lui sied pas au teint.
Elle croise le regard d’Eshmé, la promesse non formulée suspendue dans les airs et effleure de l’esprit le paradoxe qui les unit, dans toutes ses nuances, ses différences. La Hongroise s’accroche aux questions terribles qui lui envahissent les lèvres par vagues implacables, incontrôlable besoin de tout savoir, de tout comprendre. Elle voit en l’amie un sujet d’étude plus accessible que toutes les patientes qu’elle voit défiler dans son service. Et l’espace d’un instant, elle oublie le peu de compassion qu’elle est censée montrer, peu dérangée par le regard incandescent que lui jette Eshmé. Qu’attendait-elle en ouvrant la boîte de Pandore ? Que cherchait-elle réellement en tirant à elle l’attention médicale, en éveillant chaque fibre de la louve à la curiosité malsaine ? « Plus long. Plus douloureux. Plus intense… Je la sens prendre de plus en plus le dessus sur moi. Je la sens enragée, disgraciée, pernicieuse, assoiffée. Je la sens mère, protectrice, aimante. Je la sens déchue, brisée, anéantie, trahie. » La Hongroise lève un regard troublé sur Eshmé. Plus elle avance dans son diagnostic, plus elle trouve un écho déstabilisant de sa propre affliction dans les détails relatés par la rousse. Dérangeante, la dissociation entre la louve et son propre esprit. Dérangeante, la résonance qu’elle entraine dans ses os, dans sa poitrine. Vayk déglutit lentement, difficilement et ses mains s’agrippent nerveusement au bas de sa chemise, triturant les coutures avec une frénésie effrayée. « Ne dis pas ça. Ne parle pas de la louve comme si vous étiez deux… » parce que ce n’est pas vrai. Elle siffle, elle gronde dans un souffle mauvais, outrée, presque, qu’on lui jette à la face des symptômes qui ne devraient pas exister. Défaite de ne pouvoir mettre de mots sur le mal qui ronge Eshmé autre qu’un calque douloureux de sa malédiction. A nouveau le paradoxe s’impose, explose. Tout ce qu’elle n’a jamais voulu voir en face se met en travers de son chemin, redoutable obstacle qu’elle peine à franchir et contourner. Elle voit chez la rousse les reflets qu’elle chasse chez elle avec ardeur, elle sent le trouble qui s’enfonce, la raison qui s’estompe. La Louve n’est jamais loin, ce soir plus qu’un autre, et elle accepte difficilement la contrariété, les perturbations dans son atmosphère si cloisonnée. « S’il te plaît. La supplique s’échappe du bout de ses lèvres. Elle ne veut pas accepter que l’amie qui la raccroche à l’humanité dans les nuits sanguinaires est devenue une bête traquée, un esprit déchiré entre humanité et un monstre invisible. Refus catégorique de la faiblesse, de la folie qui trouve son point culminant à la montée de la Lune. La blague qui voulait qu’Eshmé soit plus louve qu’elle ne l’était n’en est plus vraiment une. Progressivement elle s’incarne, violente, folle, dans les gestes et les instincts protecteurs.

La louve fait quelques pas autour d’Eshmé, agacée par l’animal prenant de plus en plus d’espace dans son esprit. Elle chasse la furie d’un geste de la main et tente, par une inspiration profonde, de retrouver le calme composé qu’elle a l’habitude d’arborer. Elle n’aura pas trente-six chances d’examiner la rousse et si elle se laisse submerger maintenant, elle risque de la perdre. Alors elle s’accroche, féroce, brutale. « J’ai besoin que tu te transformes. » Ca n’est plus une requête ni une question. Un ordre à peine enrobé de douceur et d’affection, exigence qui trouve toutes ses raisons dans sa profession, son regard déjà sauvage qu’elle tente de garder sévère. « Je suis spécialisée dans les créatures, pas les humains. Explique-t-elle en plongeant son regard dans celui d’Eshmé, reprenant sa place initiale face à elle. Proche, si proche. Vayk lui saisit le poignet avec vitesse difficilement maitrisée, pour la retenir, l’empêcher de fuir. De l’abandonner Il me sera plus simple de savoir où tu en es pour te faire… accoucher dans les meilleures conditions. » Elle tait les idées qui lui percutent le cerveau, celles qui soufflent la curiosité de l’étude concernant l’animal et la progéniture en son sein, les pernicieuses qui la poussent à vouloir considérer les animagus déréglés comme des animaux à part entière. Elle souffle seulement l’acceptation qu’elle n’avait pas formulée pleinement plus tôt. Oui, elle l’aidera à accoucher. Elle essaiera.

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Elle se taisait, se fondant dans une léthargie silencieuse, quasi protectrice. Elle ferma les yeux pour ne plus rien entendre, ne plus rien sentir, devenir invisible, transparente. Pourtant, la douleur la transperçait, de toute part, par chaque pore de son être. Elle essayait de se concentrer pour que la louve prenne le dessus, pour qu’elle se transforme et que tout s’envole pendant quelques instants, quelques minutes volées, quelques heures ignorées. « Ne dis pas ça. Ne parle pas de la louve comme si vous étiez deux… » La phrase la percute, la bouscule, la déstabilise. La vérité l’anéantit, doucement, morcelant son esprit déjà à moitié détruit. Non, elles étaient deux, elle refusait de croire qu’elle pouvait ne faire qu’une avec elle ; elle ne pouvait pas céder à cette soif avide de la louve, à cette domination bestiale qu’elle refoulait pour y trouver un équilibre. Alors elle niait le fait que c’était possible, qu’il y avait un juste milieu, perdu entre la raison et la folie. Que bien des choses lui échappaient, y compris la façon d’accepter l’évidence. Elle ne s’était jamais réellement demandée pourquoi c’était la louve qui fut choisie comme animal, comme moitié, comme alter-ego. Elle ne s’était jamais réellement attardée sur la question. Aujourd’hui, pourtant, elle comprenait un peu mieux ce qui la reliait à elle, ce qui l’obligeait à ne faire qu’un avec cette tendre absolution. C’était difficile à assimiler, à réaliser l’enjeu de ce jeu ô combien douloureux. Était-ce un hasard ? Une subtile coïncidence du destin ?

« S’il te plait… » La supplique l’électrise, elle la repousse dans ses retranchements, lui rappelant à quel point elle est humaine, vulnérable. Eshmé ancre ses yeux dans sa vis-à-vis, neutre, vide. Pourtant, elle n’arrive pas à taire la tempête en elle, le flot de colère qui courre et courre dans ses veines. « J’ai besoin que tu te transformes. » Et le couperet tombe, tranchant, implacable, pernicieux. C’est donc là qu’elle voulait en venir. C’est donc ça qu’elle veut. Eshmé encaissait l’ordre, docile, fragile, soumise, étonnamment. Elle ne bronchera pas, elle attend. Elle attend la confirmation, que l’ordre devienne véloce, cracher avec rage. « Je suis spécialisée dans les créatures, pas les humains » Le mot créatures lui donne un haut le cœur, presque comme vomir le monstre qui est en elle, qui la tue, la torture et qui tente de la dominer. Elle réprime, tant bien que mal, la boule de bile qui se forme au fond de sa gorge, qui lui parait tellement acide, brûlante. « Il me sera plus simple de savoir où tu en es pour te faire… accoucher dans les meilleures conditions. » L’idée d’accoucher en tant que louve lui paraissait insensée, quasi impossible. Comment pourrait-il en être autrement ? Elle avait peur sans doute que la première chose qu’elle ferait, serait de s’imprégner de cet enfant tellement craint et pourtant si désiré. Qu’elle lui empêche d’éprouver un réel amour maternel pour ce fruit d’un amour infâme et qui tentait au fond d’elle de renaître de ses cendres. Eshmé éprouvait la rude épreuve de la conscience, de l’esprit, de l’envie, du désir, de la déception. Ses mains se posèrent sur son ventre et elle y songea, quelques secondes. Peut-être que la louve le protègerait mieux qu’elle. Peut-être que la louve aurait plus de hargne à ne pas succomber à Cillian si elle s’imposait. Peut-être que… que tout serait différent au fond. C’était sans doute ce dont elle avait besoin, sûrement.

« D’accord… ça sera douloureux en revanche. Depuis qu’il… ou elle est là, la transformation est bien plus atroce qu’auparavant. Comme si… il tentait de m’en empêcher, qu’il me retenait de devenir la bête. J’espère qu’il n’aura pas hérité de cette… malédiction. » Vayk ignorait que le père pouvait être un loup garou aussi, il était préférable qu’elle ne sache pas ; préférable qu’elle taise ce qui est fâcheux, tout comme Vayk refusait parfois de lui dire bien des choses. La relation était basée sur des non-dits, des silences pesants, parfois d’or, d’une patience inébranlable et d’un attachement pourtant bestial étrange. Une moitié, capable de sentir la moindre fissure de l’âme mais de ne pas en parler, jamais, pour préserver ce lien qui les unie. « Pardonne-moi… » Qu’elle chuchota, entre ses lèvres, comme pour calmer la tempête dévastatrice qui la tétanisait, la retenait sur place comme des sables mouvants. Elle se concentra, appelant à elle la louve. Et le premier craquement fut le premier d’une longue série. Elle n’avait toujours pas compris, ni assimiler le don ; elle continuait de se transformer comme une louve garou, comme au premier jour. Et tous les craquements teintèrent comme une litanie morbide, un cantique sanglant pour une nuit carmine. Elle hoquetait, plusieurs fois, les poils s’hérissant sur son épiderme sous les frissons. Ses ongles s’allongèrent, devenant des griffes acérées où elle pouvait aisément étouffer un vulgaire papillon. Elle tomba à genoux, hurlant à la Lune toute l’infamie qu’elle renfermait de devoir se montrer à elle sous cette forme. Les crocs aussi tranchants que des cisailles, étincelant sous les rayons grisâtres entre les quelques nuages éparses. Et pour finir, elle revêtait l’habit immaculé d’un blanc quasi pur de son pelage. De sa patte droite avant, elle retourna la terre humide, observant Vayk avec les babines affamées et le regard aussi foudroyant que des éclairs de feu. Elle lui en voulait ; la louve du moins ne comprenait pas tout ce que représentait l’instant. Elle était prête à bondir, prête à tuer pour sauver son petit. Ce petit qui n’était pas encore né, pour empêcher qu’on lui enlève, qu’on l’arrache à ses bras, alors qu’elle était la seule capable de le protéger. Elle était insoumise, impétueuse et déterminée. Une mère comme il en existait désormais peu, incapable d’abandonner la folie si c’était le seul moyen pour défendre les droits de sa chair et de son sang. Dans ses prunelles vaironnes se reflétaient une force et une lueur sournoise brillaient au milieu du calme apparent. La peur de perdre, la peur de l’échec, la peur d’échouer, la peur de décevoir.


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❝ No one's here to sleep ❞ Pré-mission

Enroulés autour du poignet d’Eshmé, les doigts de Vayk captent le pouls rapide, terriblement humain. Elle relâche la pression, aucune envie d’en apprendre trop ou de sentir les mensonges couler entre les veines, le poison d’une louve qu’elle rejette elle-même. Ses yeux descendent sur le ventre d’Eshmé, suivant le mouvement des mains de la rousse. Claquement de langue désapprobateur. Jamais une progéniture ne devrait subir la faute de ses aïeux. Peste contre les géniteurs inconscients. Elle secoue la tête, la louve, pour en faire sortir le jugement implacable qui l’envahit. Elle voudrait garder le regard neutre et froid, laisser de côté les sentiments, positifs comme négatifs qui peuvent polluer son esprit. Eshmé n’est plus une amie, Eshmé est une patiente qu’elle se doit d’étudier objectivement. « D’accord…. ça sera douloureux en revanche » L’acceptation soufflée du bout lèvres, l’annonce d’éclats brut de géhenne, lui arrachent un frisson d’excitation qui ne devrait pas exister. Ses doigts s’accrochent au bas de sa chemise, tics nerveux qu’elle essaie vainement de masquer, impatience noyée sous un sourire faussement bienveillant. « Depuis qu’il… ou elle est là, la transformation est bien plus atroce qu’auparavant. Comme si… il tentait de m’en empêcher, qu’il me retenait de devenir la bête. » L’intérêt redouble et le visage impassible de la louve peine à contenir l’émoi qui la dévore. Elle n’a jamais eu pareil cas, jamais entendu pareille histoire. Elle imagine qu’il s’agit d’un blocage essentiellement psychologique mais rien n’est moins sûr. Que répondre, que dire ? Elle est incapable de lui dire que tout irait bien, de répéter la vieille rengaine. L’appel avide de la souffrance lui agite les entrailles et elle n’attend que ça. Que le chaos. Tout n’ira pas bien. Mais elle fera en sorte de rectifier le tir. Elle a promis. « J’espère qu’il n’aura pas hérité de cette… malédiction.» Soudain le terme honni qui tombe d’entre les lèvres d’Eshmé et lui explose aux tympans. La Hongroise se raidit à la mention de l’hérédité couplée à une malédiction. Héritage damné qu’elle porte elle-même en son sein, curiosité plus grande encore pour la rousse. L’intérêt sauvage s’éveille, la colère s’échoue aux portes de son esprit, mauvais reflux d’une marée trop sombre. Vayk refuse de croire ce qu’elle entend - non, impossible, Eshmé ne serait pas de ces inconscients capables de transmettre l’horreur, quelle qu’elle soit, n’est-ce pas ? N’est-ce pas ? - et pourtant la curiosité lui brûle les lèvres plus que jamais. Quelle malédiction ? Quel héritage du démon risques-tu d’offrir ? « Pardonne-moi…»« Att— » L’injonction meurt à peine prononcée, alors que son ouïe sensible capte les premiers craquements. Vayk oublie tout, soudain. Eshmé, l’enfant, la malédiction et les questions qui se pressent à ses lèvres. Devant les yeux elle voit une louve, une maudite de la lune qui subit les mêmes affres qu’elle. Son regard affolé monte même sur l’astre sélène pour s’assurer qu’il n’est pas déjà l’heure tant les similarités sont troublantes.
Le pas empressé, la louve s’approche du spectacle, lueur malsaine explosant l’ambre de ses iris. La métamorphose est un procédé qu’elle n’a jamais eu l’occasion d’observer et s’y trouver au plus près exerce sur elle autant d’attraction que la lumière à l’égard d’un papillon de nuit. Un peu plus et elle tendrait les doigts pour effleurer la peau diaphane, les membres difformes sous les muscles déchirés. La litanie dissonante des craquements et des hurlements lui traverse les tympans pour faire naître une ébauche de sourire sur ses lèvres déjà entrouvertes. De la fente qui lui barre le visage, rictus malsain déchiré par la fascination, suinte le plaisir mal placé de voir la souffrance de l’autre, d’observer enfin le tableau d’horreur qui est d’ordinaire le sien. Elle en oublie que les douleurs d’un animagus ne devraient pas être aussi forte et surtout pas aussi similaires aux siennes. Il n’a plus qu’une observation fascinée, en miroir, de sa propre malédiction. Vayk en a rêvé, de cet instant, de pouvoir observer un lycanthrope souffrir de la Lune sans avoir à en subir les affres elle-même. Preuve irréfutable que sa potion ferait effet ou que la souillure dans ses veines aurait disparu. Ce qu’elle voit là n’est pourtant que pastiche, une imitation grossière, la répétition générale avant son heure de gloire. Elle sent sa propre bête s’agiter sous les hurlements, excitée qu’elle est par les cris sans fin et les craquements morbides.

Le hurlement soudain la rappelle à l’ordre, au monstre qui s’éveille en elle et à celui qui prend forme sous ses yeux. La Hongroise sursaute, étouffe un cri d’angoisse pure et s’éloigne prestement de la louve qui émerge de la silhouette d’Eshmé. Mains en avant, elle se protège soudain de l’animal féroce comme elle le peut, sa baguette ayant été soigneusement rangée en prévision de sa propre métamorphose. Elle a peur, Vayk, peur comme rarement. Affronter la louve d’Eshmé ne lui avait jamais été donné hormis lors de leur première rencontre et elle avait été trop affaiblie pour en faire cas bien longtemps.
Mais cette fois, elle sent sa propre conscience glisser lentement derrière la brume sanglante et celle de la rousse, elle sent celle de la rousse effacée, ténue – jamais elle ne l’observerait avec cette rage immense si elle était en plein contrôle de son alter-ego –. « Eshmé ? Nous n’avons plus beaucoup de temps alors je vais m’approcher… » La voix de l’expérimage tremble malgré toute l’assurance qu’elle veut y mettre. Elle craint tant les animaux et la confusion est si aisée qu’elle en oublie qu’elle n’a pas de créature sous les yeux, que c’est encore une sorcière, ni une maudite ni un monstre. Une égarée, simplement.
Un pas. Puis deux. Puis trois. Pas plus. Elle tressaille au premier grondement. Répond férocement au deuxième. Sa propre bête n’aime pas être menacée alors que son règne est si proche.
Le premier coup d’œil, même lointain lui confirme ce que lui disait Eshmé. Les animaux ne font pas de déni de grossesse et le ventre de la louve s’enfle d’une progéniture déjà prête. Il lui reste un mois, tout au plus. Vayk donnerait tout pour ouvrir l’animagus, observer l’enfant et le lien entre lui et sa mère. Elle retient les picotements exaltés entre ses doigts, mouvements frénétiques qu’elle fait cesser en serrant brièvement les poings à s’en briser les phalanges. « Là, là… Ca va aller. » Prendre sur elle. Inspirer. Expirer. Faire de nouveaux quelques pas, épaules baissées et regard soumis malgré la haine de son abomination qui enfle, immense. Lui montrer qu’elle ne lui veut aucun mal. Qu’elle n’est pas dangereuse. « Je vais juste poser ma main et ce sera fini. Tu pourras reprendre forme humaine, hein ? » La main tendue tout comme son corps, avide de savoir, horreur qu’elle veut sentir du bout des doigts malgré la peur d’être mordue. Encore.

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