| Son père avait expliqué la vie pour la première fois quand Lazarus avait sept ans : le monde est un système. L'école est un système. Les quartiers sont des systèmes. Les villes, les gouvernements, n'importe quel grand groupe de gens. "Tu n'es pas obligé d'aimer le système, le sermonnait-il. Tu n'es pas obligée d'y croire ou d'y adhérer. mais il faut que tu le comprennes. Si tu comprends le système, tu survivras." Une famille est un système. Lazarus Carrow pensait la même chose de sa famille que du reste du monde et c'est qu'il apprenait à tous ses enfants. Il ne le faisait pas par choix, mais parce que c'était la réalité, parce que sinon, ils se feraient bouffer et que s'ils voulaient survivre, eux aussi, il fallait qu'ils comprennent, qu'ils se battent, même contre lui, parce que lui avait le talent pour faire ça. S'ils ne luttaient pas, alors il les écraserait, et si ce n'était pas lui, le monde s'en chargerait. Il ne voulait pas de ça pour eux. Pour personne.
Il y en avait pour qui s'était foutu. Pour lui, c'était terminé. Il allait de l'avant, mais vers où ? Il ne savait pas. Mais il y allait, par une route tortueuse qui lui était propre. Ce n'était pas important de savoir où on allait, mais de savoir qu'on allait quelque part, c'était déjà bien. Lazarus serait mort pour la possibilité de refaire le chemin à l'envers, tout le chemin, imaginant douloureusement ce qu'aurait été sa vie si on lui avait donné la chance d'être un jour un type bien – pas un type bien, en fait, non, un type meilleur, mais c'était trop tard, il ne pouvait plus. Au lieu de ça, il jugeait qu'on devait écraser les gens pour survivre et qu'une fois broyés alors on pouvait utiliser ces gens. Rien de plus facile que d'être gentil. Rien de plus facile que de créer des pions...Devenir une victime était un voyage sans retour. Devenir un pion, c'était autre chose. C'était la différence entre le roi et son destrier, qui tenait en l'instinct. Mais les rôles n'étaient pas fixés. A la moindre erreur, Lazarus le savait, ce serait fini...est-ce que c'était le cas avec Absynthe Dollwound ? Il ne savait pas. Il savait beaucoup de choses mais pas ça, sa connaissance se limitant bien souvent à se dire que dès que les sentiments entraient en jeu on écoutait moins son instinct...
Il fallait qu'il écoute sa tête. Et contrairement aux apparences, y compris lorsque Lazarus Carrow collait des beignes à quelqu'un, il utilisait sa tête. Il était colérique, une boule de haine à lui tout seul, mais il n'avait peur de personne et il restait toujours droit dans ses bottes. Il faisait simplement en sorte qu'on le sache et que les gens lui foutent toujours amplement la paix. Il imposait son autorité. Les gens étaient idiots, simplement ils ne savaient pas qu'ils avaient besoin de quelqu'un pour diriger à leur place...il le rapellait simplement de temps en temps.
Aujourd'hui, là, c'était autre chose. La petite Absynthe était-elle sa marionnette ? Oui, non ? Oui, sans doute. Il la manipulait. Mais il ne voulait pas qu'on la touche, il ne voulait pas qu'elle aie peur. Elle perdrait beaucoup de son utilité si elle était terrifié. Il aurait perdu beaucoup de temps si de nouveau quelqu'un la brisait. Lazarus s'était battu. Pour qu'elle cesse de trembler. Alors si Lestrange pensait pouvoir rivaliser avec lui, il se trompait. Car cette fois, il était en colère. Les reflets aigus de la lumière dansaient dangereusement dans les verres de ses lunettes fumées, comme autant d'éclairs de colère. Il posa cependant sa main sur l'épaule d'Absynthe, gentiment : « Je sais que tu as peur. Mais ce n’est pas parce que tu es perdue qu’il faut que ça se voie. Il n'a pas le droit de faire ça. »
Alors ce fut lui qui avança, frappant à la porte sans plus de cérémonie. Il voulait une explication, et il en aurait eu. « Lestrange ! Ouvre, ou je fais un scandale ! Il faut qu'on parle ! »
Un elfe vint finalement lui ouvrir. Il pénétra sans attendre dans le manoir, comme s'il était chez lui. Lazarus avait toujours été sans gêne, il se moquait des conventions, il se moquait du savoir vivre. Il y avait un problème et il allait le résoudre, peut importait ce que ça allait lui couter. Il voulait une explication : l'autre ne pouvait pas faire ce qu'il voulait, même s'il aimait bien Rabastan – moins que sa femme cela dit, il fallait bien l'admettre. « Dis à ton maitre que Lazarus Carrow est là, nous devons parler. Maintenant, je n'ai pas envie d'attendre. » |
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