« J'ai hâte... Ça me tue. Je ferais n'importe quoi pour que t'ailles mieux. C'est possible magiquement, que je te donne un peu de mon énergie, de ma magie, je sais pas, je préférerais être alité à ta place. En plus, tu dois avoir une infirmière mignonne qui s'occupe de toi, non ? » Un vrai gamin. Il s'est retrouvé veuf et sans enfants pour se coller ce vrai gamin. Il le sait depuis longtemps, mais il avait presque oublié à quel point pouvait être... un gamin.

Il rit un peu, d'un rire cassé, sans souffle, qui s'écrase contre sa langue, sort à peine quelques notes. Une jolie infirmière ? Il en rêverait, tiens, mais la réalité est toute autre. Il esquisse un sourire et secoue doucement la tête, avant de déclarer, dans un soupir déçu : « J'ai que Susan. » C'est la seule qui ait consenti à s'occuper de lui, depuis son réveil, affrontant son humeur à la fois massacrante, ses pleurs et ses pertes de conscience le tout mêlé à des hallucinations peu reluisantes. Les autres ont eu peur. Les autres n'ont pas voulu. C'est tant mieux. Il était inoffensif, pendant son coma, mais depuis qu'il est éveillé, c'est une autre chose. « C'est mieux que rien. »
Il élude volontairement la question des pouvoirs à transplanter. Samwell peut parfaitement y répondre seul et sait très bien que Davius n'accepterait jamais une telle chose. Il préfère encore se reposer et éviter de transplaner pendant tout le temps nécessaire que de voler des pouvoirs à quiconque. Même à quelqu'un qui offre les siens de bonne foi.

Ses pensées divaguent. Il doit (écrire à Elphaba, le livre est resté sans mots pendant trois semaines, parle-lui) dormir, se reposer encore. La magie s'épuise vite, actuellement, et les maux de tête reviennent en force obscurcir sa vision, le forçant à fermer les yeux quand il s'obstine à les ouvrir. Il en a déjà marre. Quelle idée, de se battre contre Lord Voldemort... quelle idée. Sa main tapote doucement l'épaule de Sam, après un long silence, un long câlin chaud qui manque déjà de le faire sombrer dans le sommeil : « J'ai besoin de dormir, gamin... tu diras à Susan que j'ai été sage. Faible sourire. Voilà qui saura surprendre la Pacifique. Peut-être la faire rire aussi. Avec les rebuts libérés, ils ont eu beaucoup de travail à faire... beaucoup d'autres à soigner. Merde. Il en est heureux. Ils ont réussi. Pas autant que prévu, mais ils ont réussi. Tu viendras dormir tantôt. Si tu veux. Si t'en as assez de parler de bombes avec le Limier. » Pas de chance qu'il le réveille en venant se coucher à côté de lui : déjà le sommeil le harponne, veut l'envahir, lourd et angoissant.
Pas le choix de dormir. Pas le choix des cauchemars. Le coma aura au moins eu l'avantage de lui faire rattraper toutes les nuits d'insomnie qu'il a cumulé depuis longtemps. Pas le choix de rêver à Jill, à Ava, à Gemma, au Lord, désormais, qui surplombe tout cela de son ombre terrifiante. Au moins il dort. C'est mieux que rien.
Une petite poussée, comme pour l'encourager. « Allez. File. » File. Laisse le vieux dormir. Le vieux qui n'est plus capable de tenir plus longtemps, l'énergie épuisée par les sentiments, par l'inattendu – le vieux qui repose à peine la tête sur l'oreiller et qui s'endort aussitôt, d'un sommeil trop lourd qui n'a rien de naturel. Un sommeil pourtant heureux.

Il a retrouvé son gamin.

Il a réussi à en sauver un.