“Flotter et s'effacer, mon garçon,ainsi que font les morts. Flotter entre les ombres. S'effacer de la conscience.” Neil Gaiman "
Elle flottait dans l’eau.
Ce n’était pas nécessairement un endroit paradisiaque mais la foret de Daeva était grande, mystérieuse, pleine d’endroits secrets, de repères à l’abri des importuns. Ron s’était montré nonchalant les premiers jours en affirmant avec emphase qu’il était méga bon en sortilèges et que de toute manière rien ne pouvait entrer sous sa tente vu ce qu’il avait collé comme magie défensive. C’était plus ou moins pour la rassurer. Plus ou moins pour s’assurer qu’elle comprenait aussi tacitement qu’il ne servait à rien d’essayer de s’enfuir. Il avait fermé le donjon à coups d’enchantements comme le prince qu’il ne serait sans doute jamais.
Son discours aurait pu avoir son effet si un mignon petit écureuil n’était pas rentré juste après, gâchant l’effet autoritaire.
Oui donc... personne ne rentre, personne ne sort… sauf les écureuils -___-.
Il n’était pas doué nécessairement. Bien sûr qu’il était vivace, drôle, il pouvait être charmant mais il avait le gout de la simplicité et cette fille n’avait rien de simple. Pas étonnant vu ce qu’elle venait de traverser, certes, mais même au-delà, il percevait une complexité diaphane qui recouvrait la méfiance du regard sombre ou les gestes empreints de dignité naturelle.
Bill avait raison évidemment. Il aurait du lui prendre sa baguette, lui jeter un sort d’oubliettes, lui faire passer un interrogatoire voir même un passage à tabac avec au bout un « tu parles t’es morte » comme il y en avait eu d’autres.
Mais Ron n’en voyait pas l’intérêt ni ne s’y résolvait réellement.
Elle avait déjà assez subit. On ne traitait pas les gens comme ça. Son père aurait honte si jamais il le faisait. Dumbledore lui avait laissé le déluminateur en héritage avec cette idée concise que même dans les ténèbres, il y avait de la lumière pour nous guider. C’était facile de lever le poing sur un gars qui avait la marque sur son avant-bras, c’était moins aisé de se montrer ouvertement agressif avec une fille qu’on avait retrouvé en morceau au pied d’un arbre. Il avait toujours sa baguette sur lui mais Ron était un homme d’espoir.
Et c’était un petit bond dans l’obscurité, un lancer de pièce en l’air qu’il faisait avec elle.
Pile ça irait.
Face il serait dans un bordel pas possible.
Fallait avoir le gout de l’aventure et des paris mais quand on avait vécu cette vie de hors-la-loi depuis plusieurs années déjà, on commençait à baigner dans le risque des épopées de fortune comme un poisson dans une usine de chez Picard. Et là, il fallait se faire le gros tableau de cette vie pleine de danger et d’aventures terrifiantes qui avait commencé de bon matin par un aimable « Tu peux cueillir les champignons et tout ? » et qui s’était prolongé par une escapade à aller chercher du bois histoire de pas mourir congelé la nuit et de pouvoir également faire cuire les dit-champignons de manière un peu plus saine que les ‘incendio’ et compagnie. Il l’avait regardé filer en cillant. Plusieurs fois, il lui avait glissé que certes elle était sa prisonnière mais qu’il avait promis de la ramener. Son frère était prêt à la réceptionner et à se mettre en contact avec les Slughorns. A aucun moment, Ron n’avait réellement tilté quand son frère lui avait dit qu’il ne connaissait pas de Susanna Slughorn. Dans son esprit, les serpentards ce n’était pas spécialement la peine de les connaitre un par un. On tombait sur un correct tous les millénaires et de toute évidence, lui, avec sa bonne étoile, il avait réussi à tomber sur une fille normale, qui crachait pas des serpents et n’avait pas ses dents aiguisés de manière pointus (il a beaucoup d’imagination dirions-nous).
Ça n’aurait peut-être pas été un mal cela dit. En tout cas c’est ce que Ron allait penser très très fortement dans peu de temps.
Il n’avait pas cherché à la regarder mais le moyen de faire autrement. Ron savait qu’elle venait chaque jour se rafraichir ici. Il l’avait emmené la première fois dès le lendemain de leurs rencontres, lorsqu'elle s'était réveillée sur lui. On avait peu de luxe en étant fugitif mais se laver quotidiennement en était un. A chaque fois, elle en revenait le pas plus sur, le regard plus vaillant. Bonne chose. Ou pas.
La pièce que Ron avait lancée était toujours en l’air pour l’instant.
Il n’avait pas cherché à la regarder mais contrairement à ce qu’il tenait, lui n’était pas fait de bois.
Les genoux de Sue étaient nus sous la lumière dorée. Il y avait une forme d’abandon qu’il ne lui avait jamais vu encore. D'ordinaire, et pour ce que lui en avait vu, elle avait le corps nerveux, les tremblements secs de ceux qui ne savent plus quoi faire de leur enveloppe charnelle, qui veulent s’effacer. Mais pas là. Pas dans l'eau. Sue glissa sa main sur son ventre et Ron en suivit le cheminement malgré lui. L’annonce d’une langueur diffuse, une sorte de conscience tiède, un désir de relâchement, d’ouverture, de plénitude, sans rêverie particulière encore, ni émotion identifiable. Rien qui ne soit très différent quelque part de la satisfaction physique qu’il aurait éprouvé à s’étirer au soleil sur une plage de sable chaud.
C'était joli à regarder.
Voilà qu'il allait se montrer lyrique maintenant... où allait le monde... (le monde il ne savait pas mais lui commençait franchement à prendre le chemin de Sainte Mangouste avec ses conneries).
Il déglutit.
La décence aurait voulu qu’il s’annonce, qu’il tousse, qu’il lui rappelle gentiment qu’avoir les seins gonflant à la surface aussi charmant que ce soit ça ne s’appelait pas spécialement cueillir des champignons comestibles.
Mais il s’en empêcha. Il y avait quelque chose de foncièrement criminel à interrompre ça. Sans défaillance, il la regarda flotter dans l’eau, hors du temps et d’elle-même, cherchant une fréquence harmonieuse dans le rythme des clapotis. La main sur le ventre blanc encore éclaboussé d’hématomes montait, comme tourné vers la même fréquence, en onde le long de ses longues jambes de rouquin insurgé.
Il recula.
La branche craqua sous ces pas. Le reste des morceaux de bois coula sur le sol.
Et merde.
« Par Morgana, tu m’as fait peur ! »
Il leva le regard vers elle, chassant l’urgence des sens qui rampait sous son souffle. Un demi sourire plein d’ironie lui fit dodeliner la tête.
« Pardon ? moi j’aurais pu avoir peur. Je te signale que j’ai vraiment vu les sirènes la fois où il y a eu la coupe de feu et qu’elles m’ont emportés je sais pas trop où… ben j’aime autant te dire que je préfère celle des moldus. »
Il la regarda nager. Flotter.
Lorsqu’elle roula sur le dos, le ruissellement de l’eau fit valoir leur relief et satinait la peau. C’était bordeliquement poétique.
Un vrai cauchemar.
Le souffle se creusa dans son torse et Ron gonfla ses joues, la colère montant d’un cran dangereusement en lui. Elle ne le faisait pas exprès. Pas après ce qu’elle avait vécu. Mais elle le prenait sincèrement pour qui ? une peluche ? Une partie de lui –pas nécessairement la meilleure- eut envie de rentrer dans l’eau et de l’en sortir de force parce que oui, c’était en train de le foutre en l’air et il n’avait pas besoin de ça. Le souci quand on fréquente trop sa main droite ça. Ça fait bourdonner les oreilles.
La seule chose à faire c’était se retourner et l’enguirlander.
Le temps de voir le creux de reins -________-.
« Je sais, je devais cueillir notre repas et pas me baigner… Mais puisque j’étais seule, je me suis dit que je pourrais en profiter. »
« Alors je sais pas comment tu fonctionnes au pays de Candy Susanna mais chez moi on bouffe pas l’eau fraiche. J’tai dit de pas trop t’éloigner bon sang! »
Ron ferma les yeux, dos toujours tourné vers la forêt tandis qu’il entendit la jeune femme sortir de l’eau.
« Disons que de se baigner habillé ne nettoie pas aussi bien ? »
« Ben autant que les champignons fantômes nourrissent les gens… »
Oui, il était carrément chiant mais étant donné les circonstances on ne pouvait pas lui en vouloir de se montrer un tantinet grognon.
« C’est bon ? T’es décente ? » Il aboya légèrement, la pointe des oreilles encore un peu rouge, puis pivota ses talons en regardant le bois tout autour de lui. Parfois, il avait lui-même des réactions qui lui décollait le slip tellement c’était n’importe quoi. Avec empressement il se mit à ramasser ce qu’il avait laissé tomber et la regarda, les sourcils un peu froncés. Histoire de dire que quand même, il était un poil mécontent (si c’était d’avoir eu la pression artérielle qui avait grimpé ou si c’était de l’absence des champignons, le mystère restait entier).
« C’est pas une bonne idée mais faut que je garde un œil sur toi sinon tu vas repartir direct faire ta petite sirène. » Une moue qui s’apparentait presque à un sourire qui se niait et il se releva. « Neville est bon en botanique. C’était son truc. Franchement, j’ai arrêté de comprendre cette matière dès qu’on a fait les mandragores. J’te jure, la mandragore m’a mordu ce doigt là, j’suis certain qu'il n' a jamais correctement poussé depuis. »
Il lui fit signe comme quoi il était d’accord pour l’expédition collective et la laissa le rejoindre. Le bruissement des vêtements trop grand sur elle brouilla un très court instant le reste des sons puis elle ouvrit la bouche, avec une pointe d’espièglerie qu’il fut heureux de lui voir. Elle était vaillante. Sur le bon chemin. De quoi être fier, en effet. Il était en train d’en concevoir un respect certain pour elle. Quelque chose de diffus et de concret.
De l’admiration.
« Ce serait plus rapide pour nous deux, si je ne faisais pas tout le travail niveau nourriture. Parce qu’il est hors de question que tu touches à nouveau la casserole. »
Le visage de Ron prit une teinte outrée. Mais si ce n'était pas de la phrase estampillée 'adorable chipie', Ron savait pas ce que c’était…
« Je cuisine super bien déjà ! D’abord ! T’as pas de gouts ! T’es une serpentarde, tu bouffes probablement des rats vivants. »
“She says nothing at all, but simply stares upward into the dark sky and watches, with sad eyes, the slow dance of the infinite stars.” "
Pendant un court moment, il ne la remarqua pas. Un froncement de sourcil s’imprima un peu plus sur ses sourcils. La guerre lui avait changé la perception de certaines choses qui pouvaient sembler légère. Il l’avait trouvé joli là-bas dans l’eau et non, ce n’était pas dû aux forces démoniaques du Destin.
C’était ok Ron, pas de panique.
Il y avait la luminosité. Elle changeait la perception du monde, de la vie, elle agissait comme un antidépresseur naturel sur le cerveau. On était toujours plus beau dans la lumière nacrée du matin, plus ouvert. On était en mai et il y avait la chaleur. L’effet « Beverly Hills ». Quand il faisait bon, le paysage était transfiguré. Un lac miteux d’une forêt fouillis anglaise se transformait en ‘espace verdoyant et pur plein de charme de la campagne britannique’.
Il tourna son regard vers la jeune femme à nouveau et elle eut ce sourire amusé qu’il ne lui avait pas encore complètement vu mais qu’il devinait plus facilement maintenant qu’elle s’était calmé et qu’elle se reconstruisait avec une lenteur de petit castor devant son barrage.
« Ah oui? Alors tu veux qu’on discute de tes idées douteuses de salade? Du gazon et des fougères remués dans un bol, ça n’a rien d’une salade. D’ailleurs, tu as été malade je te rappelle! »
Il lui était impossible de ne pas rire doucement à sa réplique. Il s’était en effet plaint de douleurs à l’estomac pendant toute la soirée et bébé comme Ron pouvait parfois l’être, il s’était mis dans un coin en piaillant que c’était la dernière fois qu’il mangeait de la salade parce que de toute évidence c’était un légume qui lui en voulait personnellement!
« Ma salade était …presque parfaite. Mais madame a des goûts de luxe. Très bien. » il acquiesça doctement, les mèches rousses –trop longues maintenant, il méritait vraiment une coupe de cheveu. « J’en ferais une meilleure la prochaine fois. J’y rajouterais des limaces bien dodues! Ça te fera des protéines. »
L’insurgé se rapprocha, dents découvertes et provocation perlant sur les lèvres tandis qu’il arrivait près d’elle. Sauf qu’elle regardait déjà ailleurs. Loin vers le sol.
Une montée d’inquiétude et il tourna nerveusement son visage.« Quoi ? »
« Tu as vu ces merveilles ??? Ils sont magnifiques ! »
Il la zyeuta d’un air interdit, un long moment d’incompréhension floutant le regard azur. De? elle parlait des herbes? Elle l’avait confondu avec Gordon Ramsay là. Il resta un bref instant consterné avant de sourire malgré lui, bien trop surpris. S’accroupir à bonne hauteur et se retenir de rire sur le moment furent ses deux actions suivantes.
« C’est une métaphore le fait de cueillir du marasme ? » demanda t’il d’un air taquin.
« Il faut faire attention à leur queue quand tu les retires du sol, sinon ils se briseront… »
Ron éclata d’un rire profond.
« C’est définitivement une métaphore de la vie là… » Le sourire creusa des fossettes faisant danser les tâches de rousseur sur son nez et il lui jeta de brefs coups d’œil, tâchant au mieux de diriger le gros de son attention vers les explications qu’elle lui donnait.
C’était curieux de voir que oui, contrairement à ce qu’elle pouvait bien croire ou désirer, le charme agissait. Malgré la tenue débraillée, malgré les circonstances. Ron n’y porta pas plus d’attention que cela au demeurant. Elle avait cet aura qu’on les gens quand ils sont passionnés. La vie résonnait jusque dans la courbe de ses cils mouillés de timidité. Il eut le geste –idiot et involontaire- de remettre bien une mèche de cheveux sur sa nuque sans jamais la toucher pour autant. Son regard se détourna rapidement alors vers la plante que Sue tenait dans les mains.
« Tu dois être fière d’avoir ses connaissances… c’est ton oncle qui t’as appris ? Il était prof de potions après tout. Je suppose qu’il avait la main verte aussi. Verte… serpentard…tu vois le… ok elle est nulle. » Il lui tira la langue avant de faire comme elle lui disait. Il avait un très mauvais souvenir du Professeur Slughorn. Un gars qui invitait la soi-disant élite et qui, évidemment, n’avait jamais tenu compte de sa personne.
Mince quoi, il était grand, il était roux, ses copains étaient des légendes… comment il pouvait être aussi continuellement transparent aux yeux du monde?
A vrai dire, cette idée l’avait torturé depuis sa naissance. Il passait après tout le monde : ses frères, sa sœur, Harry, Hermione… mais il avait grandi. Prit ses marques. Apprit qu’avant de vivre avec les autres, il fallait vivre avec soi-même parce qu’on se transportait un peu partout. Le seul avis après tout qui comptait, le seul qui l’avait réellement affecté et freiné toute sa vie, c’était le sien. Après la destruction du médaillon puis pendant ses longues heures à regarder sa jambe paralysée et inerte, Ron s’était rendu rendu compte qu’il fallait qu’il arrête d’attendre une validation de la part de personnes qui ne le valideraient jamais parce que c’est ainsi qu’il les avait choisis. Indépendants et solides. Harry, Hermione et tous les autres.
Il avait réalisé que la seule validation qui importait, c’était la sienne. Qu’il fallait qu’il le fasse lui-même. Indépendamment de tout le reste. Il était temps de vivre.
Les pensées virevoltèrent et il lui fit un sourire amical.
« mais attention à où tu mets les pieds !! Écarte bien l’herbe !! »
Oops !
Il leva son pied en la regardant et la véritable horreur qui se peignait sur le visage de porcelaine lui fit mordre ses lèvres. C'est qu'elle le mordrait pour un peu!
« Mais! Tu t’inquiètes plus pour la plante que pour moi. Attends, c’est mon pied qu’on agresse là… Attends...attends... j'y suis pres...ah! Tiens! »
Ron, après avoir enlever aussi délicatement que possible(MOUARF) le champignon du sol, le tendit fort solennellement vers Sue.
Un jour, la cadette des Carrow pourra se souvenir qu’une fois, un garçon lui a offert un champignon dans la forêt en guise d’offrande. Trop romantique.
« T’avais le droit de prendre un bain après tout. J’veux dire… j’y gagne aussi. Après ça sent bon sous la tente donc bon. »
Pépitop niveau excuses sans rien dire. Un champignon et un constat comme quoi elle sentait pas le sanglier. 10 sur 10 ou bien?
“I'll find you. Don't worry. Just be on your own and I'll find you.” "
« Dit celui qui pèse dix fois plus que la pauvre plante qui se fait écraser sous Ronald l’éléphant. »
Ron éclata de rire en glissant ses mains dans ses poches rapiécées. Le visage ouvert et expressif, il lui fit un sourire amusé rayonnant de sincérité.
« Tu fais gaffe Sue. Je pourrais t’écraser, t’aurais l’air fine après. Littéralement. » répondit l’indésirable d’un air ravi avant de s’apercevoir qu’il avait laissé la petite pile de bois sur le sol.
Il était étonnant en soi qu’il soit si à l’aise avec Sue –c’était après tout une serpentarde- et en même temps, tout ceci était on ne peut plus logique. Ron était un garçon qui ouvrait ses mains avec aisance et il avait rencontré la jeune femme de manière totalement fortuite. Il n’en avait eu que l’image qu’elle lui renvoyait, dénuée de tout voile extérieur, de toute exigence et contrainte de la société, de la famille, du travail. C’était plus simple d’apprécier les gens quand ils se montraient tels qu’ils étaient, sans ombres ni faux-semblants. Elle s’était montré tout à tour fragile, puis, avec une lenteur qu’il n’avait pas mesuré –le temps n’ayant pas de prise lorsque l’on se cachait- s’était, semble-t-il, ouverte à lui à son tour. Ils parlaient rarement de leurs familles. A vrai dire, jamais. Il laissait parfois trainer les noms de Bill et de Charlie mais c’est tout. Le reste était trop compromettant. Il était moins sur ses gardes mais il ne pouvait pas non plus se permettre de laisser des informations –de quelque nature soient-elles- circuler ainsi. C’était pour sa sécurité à lui, celle des siens, celle de ses camarades d’infortunes et pour elle aussi. Car viendrait ce moment où il allait falloir la ramener n’est-ce pas, et lui faire comprendre que dans son propre intérêt, il allait falloir faire comme si tout ceci n’avait jamais eu lieu.
Le champignon offert avait eu l’effet escompté et Ron acquiesça gravement. Cela faisait déjà des jours –des semaines ?- qu’ils vivaient ensemble. Une alliance dés plus étranges qui se ponctuaient par des gestes quotidiens emprunts de survit mais aussi d’absence parfois de la part de Ron.
Elle guérissait lentement de ses blessures physiques puis morales.
« Merci… vraiment, merci Ron. »
Il aurait pu en dire de même mais ne le fit pas sur le moment, le regard azur couvant le visage de Sue à travers ses cils roux clair. Juste avant, la situation entre le Trio avait été chaotique. Harry était Harry. Ron et lui avaient toujours eu d’énormes disputes qui se soldaient immanquablement par les deux se serrant fort dans l’un bras l’un de l’autre. C’était arrivé en 4ème année, en 6ème année, durant la dispute de Noël et quand il était revenu buter le médaillon et juste quand ils s’étaient enguirlander par rapport à Lavender et Hermione.
Le Trio s’était retrouvé sur des sables mouvants et si Ron avait été soulagé d’avoir cette fois-ci sa propre tente (comme l’était Harry malgré le fait qu’ils se voient souvent entre les missions) il n’était pas mécontent de côtoyer une autre présence. Sue avait beaucoup pleuré au début et il avait fait du mieux qu’il avait pu étant donné ses aptitudes (nulles) à ce genre de choses. D’un naturel pragmatique, il avait fait en sorte de l’occuper avant tout puis d’être présent physiquement. Tant de choses qui lui semblait somme toute naturelle pour aller bien. Miraculeusement Sue semblait froncer son nez et le regardait avec un curieux amusement à chaque fois qu’il faisait une blague. Elle ne se plaignait pas trop de ce qui lui était offert et avait une connaissance aiguë de tout ce qui était botanique et vraisemblablement potion/cuisine. Ron y voyait la marque incontestable des Slughorn et du fait qu’elle était une serpentarde « d’exception » dans le sens où elle aurait eu sa place chez les serdaigles tout autant.
Reprenant sa cueillette de champignons et d’herbes pour les repas à venir (il espérait que le piège à lapin avait fonctionné, il irait voir ensuite, plus tard), il marcha sur la mousse fraiche qui tapissait la forêt, écoutant la jeune femme à ses côtés qui nageait courtoisement dans un pantalon trop long et grand pour ses hanches étroites et qui avait du retrousser les manches d’une de ses chemises qu’il lui avait laissé revêtir ce matin.
« Est-ce que je peux te poser une question, Ronald ? »
« Mmmmm » Ron aquiesça.
« Pourquoi est-ce que tu es tout seul ici ? Pourquoi est-ce que tu n’es pas avec Hermione ? »
Ron cligna légèrement du regard mais ne sembla pas réagir particulièrement à la question si ce n’était un durcissement notoire de la mâchoire. Il avait entièrement confiance en Hermione. Le lien qu’il avait tissé avec elle était d’abord amicale avant d’avoir baigné légèrement dans des eaux amoureuses. Mais depuis quelque temps il ne la voyait plus du tout et à deux reprises particulières on lui avait dit d’étranges choses qu’il refusait patiemment d’entendre.
Complétement même.
Il avait fait en sorte qu’Hermione ait sa propre vie certes, mais Harry, lui et Hermione était liés par d’autres choses bien plus grande : une amitié indéfectible que même les défaites ne pouvaient détruire même si… elles pouvaient égratigner.
« Elle est en mission. » Il le croyait en tout cas. Il était plus prudent de garder ses missions pour soi, même si lorsque l’on était du même camp. Moins de monde était au courant, moins de danger s’éparpillait. « On est tous en mission mais elle est douée pour... Elle est douée tout court. » Ron esquissa un sourire qui n’en était pas un avant de regarder distraitement les champignons qu’il enlevait sans vraiment faire attention. Hermione était douée pour créer le polynectar qui nécessitait un mois de patience. Elle pouvait en faire des chaudrons avec une facilité et une attention qui le dépassait.
Son esprit s’était tourné vers Hermione. Il y avait mis de la mauvaise foi n’est-ce pas ? Il n’avait pas été des plus aimables avec elle et s’en rendait compte maintenant. Il aurait été plus simple de lui parler réellement, de lui dire qu’au delà de tout ça, il avait quand même grandit et que tant qu’ils seraient amis, ça irait.
Ça en tout cas c’était valable si la sorcière la plus incroyable de son temps était encore du bon côté de cette guerre, mais Ron était très loin de se douter de quoi que ce soit.
L’esprit un peu perdu, Ron eut un tressaillement en sentant la présence de Sue derrière lui. Il n’essaya ni ne tenta rien malgré le désir malicieux rampant qui lui perturba les sens pendant quelques secondes.
« Ma vie a été un peu chaotique ces derniers temps. Un peu comme celle de beaucoup d’autres sorciers je suppose. »
Il n’était pas à se plaindre. Il ferait beau voir se plaindre à Sue avec ce qu’elle avait vécu et qui la faisait encore trembler d’effroi la nuit au détour de cauchemars. Il avait réalisé brutalement qu’il y avait des sorts bien pires que le sien. Sa blessure à la jambe lui avait laissé le temps de murir un peu, au moins à ce niveau là (sur d’autres points, Ron serait toujours immature, on ne se changeait jamais complétement).
Il avait eu un nouveau travail en tant qu’Indiana Jones des Horcruxes perdus, mais il n’avait pas géré son nouveau travail. Cela avait été trop de changements. Plus d’elfes de maisons ou de maman pour s’occuper de vos désirs. Il avait bossé jours et nuits pour pouvoir être au niveau. Il n’avait pas réussi à se mettre à niveau. Harry était l’élu. Hermione était le cerveau. Lui il était défoncé. Le médaillon lui parlait. Il s’était barré tout ça pour se réveiller pour se rendre compte qu’il avait fait plein de conneries quand il était défoncé. Ça l’avait stressé, même après son retour, même avec le soutien de ses amis. Il s’était demandé pourquoi il était le seul à qui ça arrivait. Il s’était dit que c’était parce qu’il était con. Ça l’avait déprimé.
Il avait commencé à s’apercevoir qu’il trouvait Hermione mignonne mais pour de bon maintenant. Ils étaient sortis ensemble mais à trois c’était compliqué. Il l’avait trouvé moins mignonne à toujours lui casser la binette sur des trucs qui étaient importants mais merde on pouvait pas vivre un peu ? Il avait remarqué qu’elle commençait à ne plus trop lui adresser la parole. Ça l’a énervé. Elle ne lui adressait toujours pas la parole malgré les disputes. Il s’était demandé pourquoi. Il s’était dit que c’était parce qu’il était con. Ça l’avait déprimé
Il était celui qui avait le plus de mal avec le manque de nourriture. Harry malheureusement avait eu de l’entrainement avec les Dursley et Hermione était une warrior. Une fille parfaite. Ça l’énervait encore plus. Il a maigri. Involontairement. Pendant un court moment il a encore maigri à l’hôpital pendant qu’il contemplait sa jambe en bouilli. Volontairement. On l’entendait moins réclamer (il s’empresserait de le refaire une fois que la période sombre s’effacerait). Personne ne l’en remerciait. Il s’était demandé pourquoi. Il s’était dit que c’était parce qu’il était con. Ça l’avait déprimé
Il s’était rendu compte qu’il se regardait quand même beaucoup le nombril. Qu’il tournait en rond sur les mêmes thèmes. Qu’il ramenait tout à lui. A sa personne. A son désespoir. Il avait prit le temps de se rendre compte qu’il se complaisait dedans. Qu’il avait été chiant avec ses copains et qu’Harry avait toujours été là. Même quand on avait appris pour Arthur Weasley. Même quand on avait vu le corps de Georges durant la mise en bière.
Ron s’était enfin demandé pourquoi les gens ne fuyaient pas sa compagnie malgré tout. Surement, s’était-il dit, que c’était parce que c’était des gens biens. Ça aurait dû lui remonter le moral. Mais il s’est plutôt dit qu’il ne les méritait pas. Ça l’avait déprimé.
Il avait passé sa vie à essayer d’être moins con mais au final ça n’était objectivement pas le problème. Il y avait des gens qui le trouvaient con et il n’en avait jamais rien eu à foutre de ces gens-là. Il y avait des gens qui le trouvaient drôle, fin, sympa quoique parfois un peu maussade, un peu lunatique, un peu lourd. Il y avait même des gens, les bienheureux imbéciles, qui ne le trouvaient pas trop mal.
Il y avait même son père qui, quelques jours avant de mourir, lui avait dit qu’il était fier de lui et de tout ses enfants.
Ron releva son regard clair vers le sourire timide de Sue, quelque chose de diffus remuant doucement au creux du ventre. Il prit le temps de l’observer sans trop appuyer, notant sans en prendre pleine mesure certains gestes qu’elle avait : le mordillement de lèvres, la façon dont elle remettait sa mèche de cheveux derrière l’oreille, la souplesse avec laquelle elle cueillait les champignons.
Pourquoi demandait-elle Hermione et pas Harry?
Les mots finirent par sortir de manière mesurée. Comme si chacun d’entre eux ne savaient pas vraiment s’ils avaient raison d’exister.
« C’était différent ce de ce que j’imaginais. J’étais sur en suivant Harry…Hermione et moi on a jamais douté d’Harry ni du pourquoi on se battait. Mais j’ai pris du temps à comprendre ce que ça pouvait exiger de chacun d’entre nous. Parfois je me dis que c'était il y a une vie Poudlard, la coupe des champions, les elfes et tout ça. Quand j’y pense… » Il eut un sourire à son tour, le champignon roulant entre ses longs doigts avant d’atterrir dans le panier de Sue. « J’avais une sacrée conviction que j'allais bouffer le monde, avaler la terre entière, les doigts dans le nez. Même pas peur ! Tu sais ? quand tu te dis ‘je suis promis à de grandes choses, même si je n'ai aucune idées desquelles’ ? Harry, Hermione et moi on allait y arriver fastoche, les mains dans les poches. Un jour, bientôt, ce sera évident et je saurai et on leur montrera. Montrer quoi, à qui je n'ai jamais su. Je sais qu'aujourd'hui, quand je réussi à ne pas finir le mois avec une balafre ou une blessure, que j’ai de bonnes nouvelles de toute ma famille et que je parviens à ne décevoir personne, j'ai l'impression d'avoir escaladé l'Everest en string et que je mérite une médaille. »
Il lui fit signe que s’était assez et alla reprendre le bois qui gisait sur le sol humide avant de revenir prés d’elle pour retourner au campement.
« J’ai rien accompli, rien inventé mais je finirais cette guerre. J’espère. » Il a un froncement de sourcils. « Je sais pas ce que tu fais au Ministère ni pour qui tu travailles mais le ministère fait de la propagande Sue. Je t’assure. » Ron eut un haussement d’épaules. « Parfois c’est super drôle cela dit. On avait lu une rubrique d’un journal tout pourri qui disait que les Weasley frôlatait avec des renards et tout. » Ron ramena du menton un des rondeaux de bois qui avait voulu s’échapper. « Ma vie ne ressemble pas franchement encore à une pub Sunny Delight ou à une chanson d'Alphabeat, ou à une production originale de Quidditch magazine. Mais je n'ai plus peur des changements, et je crois qu’Hermione non plus. C’est pour ça qu’on est pas tout les trois ensemble en ce moment. Pour répondre à ta question. »
T’as eu la version longue Sue ♥.
Ron se mit à fredonner « I’m walking on sunshine, oh, oh » et, comme pour leur répondre, le soleil vint en effet les chatouiller tout deux de ses rayons chaleureux au travers des feuillages.
Think I'll sleep in my clothes on the floor Maybe this mattress will spin on its axis and find me on yours - John Mayer "
Ron avait des priorités qui s’étaient étiré avec son métier improbable d’hors-la-loi. La nourriture était définitivement l’une d’entre elles. Sue s’était proposé assez rapidement pour la confection des plats rustiques (Sue l’avait probablement fait aussi pour sa propre survie d’ailleurs). Le rouquin y avait vu une bonne chose. Quand on était dans un tel délabrement physique et moral, être occupé à survivre pouvait tirer votre esprit hors de vos soucis. Evidemment, ça n’avait pas miraculeusement guérit la jeune femme et il se réveillait parfois la nuit encore en l’entendant haleter et pleurer toute recroquevillée sur le matelas vétuste. Il y avait vu une très bonne chose dès qu’il avait compris que Sue cuisinait très bien. C’était stupide vraiment mais la connaissance des plantes et des potions s’avérait vraisemblablement fort utile ici et les champignons tout simple se voyaient fourré aux noix et grillés, ou en tourte si elle parvenait à faire une pâte avec de la farine et de l’eau, ou même en salade.
Là, le fumet de la soupe emplissait agréablement la tente. Oh évidemment, les ingrédients n’était pas digne d'un épisode avec Gordon Ramsay dans Hell's kitchen mais Ron savait que ça allait être bon, surtout avec du lapin dedans. La conversation… ou plutôt son monologue sur la situation quand à Harry et Hermione ne l’avait pas plus tourneboulé que ça et il continuait de siffloter et fredonner à travers la tente puis les alentours. A vrai dire, non seulement ça ne l’avait pas perturbé de trop mais c’était même le contraire. Cela lui avait fait du bien de mettre en mots ce qu’il ressentait jusque alors. Il aimait Harry et Hermione, de manière désintéressé et admirative. Harry était un frère, Hermione était Hermione. L’amitié n’avait pas vraiment besoin de longs discours. Et c’était bien ainsi.
« Ca sent bon. » Il déposa la viande nettoyée déjà dehors auparavant et renifla au-dessus du chaudron avant de la regarder. Les mains se tordaient, les mots butaient. Il eut un léger froncement de sourcils.
Quelque chose n’allait pas.
« Et si je te rasais hein ? Le temps que le repas soit prêt… ça te ferait un bien fou. »
La proposition le laissa au dépourvu et il leva instinctivement sa main sur sa mâchoire, frottant celle-ci. Les poils auburn raclèrent sa paume. C’est vrai qu’il en avait besoin. Il tâchait de s’en occuper aussi fréquemment que possible mais il y avait tant de choses à faire que souvent il zappait la chose, ou le faisait mal. Là, la coupe était inégale lui donnant un air de sauvageon. Il allongea une mèche de cheveux et eut une moue: un putain de beatnik voilà ce à quoi il ressemblait probablement.
« Ne me dit pas que tu as peur ? D’une fille, pas même une guerrière, avec un petit couteau dans les mains ? Vraiment ? »
Pffff.
Ron eut un hoquet de fausse indignation. Lui ? Peur d’une fille qui devait faire la moitié de son poids ? Il se moqua gentiment d’un air dogmatique en la laissant s’avancer vers lui avec cet air espiègle bien particulier qui lui arracha un demi-sourire amusé. Il aimait mieux la voir ainsi, joueuse et mutine. Le baiser sur la joue était tendre et le rouquin comprit de lui-même, une fois la surprise passée, que c’était là aussi une façon de le remercier.
Il inspira.
Ce n’était pas franchement une bonne idée de lui donner un couteau, de lui laisser sa gorge offerte mais il avait lancé une pièce en l’air en la recueillant.
Face tu perdais, pile tu gagnais.
Et le baiser sur la joue avait été bien plus doux qu’il ne l’avait escompté.
« Ton couteau, je te prie. »
Un long silence que l’insurgé s’amusa délibérément -bouh c’est mal :3- à cultiver. Il tendit la main vers Sue puis à la dernière minute la retira comme s’il jouait avec. Je te donn….he ben non!
Il le fit une fois, puis deux, et à la troisième finit par lui donner la lame. Parce que c'était bien connu, fallait toujours agacer une fille juste avant qu'elle vienne passer le tranchant d'une lame sur votre peau (ce garçon allait mourir de n'importe quoi sauf contre un mangemort si ça continuait).
« Ok » Ron eut un sourire arrogant plein de défi. « Je te parie le choix de la station radio pour les deux jours à venir tiens. Si jamais tu fais ça nickel, tu pourras mettre cette chaine qui passe la musique que t’aimes bien. »
Ça les changerait de Potterveille en plus. Il retira sa chemise, restant dans un t-shirt qu’il avait raccommodé à l’aide de magie semblait-il déjà et coiffant ses cheveux en arrière de ses mains alla chercher le bout de savon un récipient plein d’eau tiède et une serviette qui s’effilochait. « T’es sure Sue ? »
Il n’avait pas spécialement peur qu’elle ne le tue : elle aurait pu le faire des dizaines et des dizaines de fois pendant son sommeil maintenant, c’est pourquoi il s’installa sans appréhension sur l’un des rochers plats, bien au soleil (même si le temps était plutôt nuageux).
Sue, avec une grâce qui lui était propre, faite de simplicité et d’évidence, eut un timide sourire en tamponnant le visage du roux d’un linge humide.
« T’as déjà fait ça ? Non ce n’est pas que j’ai peur, attention… c’est juste que je sache si la personne est encore en vie en fait. C’est de la curiosité basique. Puis quand on aura gagné je pourrais écrire un livre. 'Moi, Ron Weasley, survivor.'» Il taquinait et elle répondit par un claquement de langue amusé, le faisant taire en passant la mousse du savon sur la bouche du rouquin.
On peut plus s'exprimer! Nanmaisoh!
Ron fit les gros yeux avant de se relaxer.
De trop se relaxer.
Car le visage levé vers elle, il prit conscience de leurs positionnements respectifs.
Ron était grand, même assis, il fallait que Sue se rapproche au mieux pour être à portée. De toute évidence, elle était concentrée à sa tâche et le regard du jeune homme resta coincé sur une mèche rebelle qu’elle écarta du revers du poignet avant de reprendre son ouvrage sur lui. Le col de la chemise qu’elle portait tomba un peu sur l’épaule découvrant à peine sa clavicule tandis qu’elle prenait soin de venir lui tartiner la mousse quasi jusqu’aux oreilles. Précise. Disciplinée. Sans aucun artifice, n’essayant même pas de l’affrioler en fait.
Un truc horrible.
Cette fille pouvait avoir le pire sex-appeal qui soit précisément parce qu’elle ne faisait rien pour en cette instant précis.
Ron leva un peu mieux son visage vers elle et il enroula ses doigts dans le tissu flottant des vêtements de Sue. La pierre était froide sous lui et il eut une lueur lascive dans le regard, suivant lentement le reflet de la lame dans celui de sa soi-disant prisonnière. Brûlant malgré lui mais tout à fait en contrôle, Ron se demanda s’il devait vraiment s’infliger ce genre de choses. C’était comme les flirts avec Lavande quelque part, non ? il n’y avait pas de mal. Cela venait surtout de le prendre entièrement au dépourvu et le torse se creusa, l’odeur d’herbes fraiches et de la rivière où elle venait de se baigner emplissant ses sens un à un.
L’écho de ce qu’il avait vu et ressentit il y a quelques heures en tombant nez à nez avec pendant son bain improvisé.
Tellement agréable.
Il fermerait les yeux, il pourrait entendre les tambours vomir dans ses oreilles. Rythmique et lancinant. Comme son regard à elle sur lui. Comme ses gestes autour de lui. Il s’écouterait et il glisserait sa main entre ses cuisses puis remonterait lentement. Les images en flash déboulèrent dans son esprit. Il aurait pu écarter son bras, l’attirer contre lui, presser ses lèvres contre les siennes. C’était là, à portée de doigts. Il aurait pu enfoncer ses doigts dans sa chevelure, libérer ses mèches, la coincer contre la roche, sous lui.
Son bas ventre se mit à palpiter et il déglutit.
Penser à autre chose. Tranquillement. Laisser le désir s’écouler de la même façon qu’elle faisait glisser le rebord du couteau le long de son cou. Ça arrivait, pas de panique. Et Sue était une jolie fille. Il n'avait pas encore déterminé si c'était le souffle sur le cou, le bruissement indécent contre lui, la façon dont le poignet pâle jouait du couteau sur sa mâchoire, sa concentration extrême qui lui faisait entrouvrir sa bouche et mordiller la lèvre en sortant la pointe de sa langue ou même les cheveux. Probablement le tout. Combiné. Il savait une chose, il était en passe de dégouliner positivement de l'envie de l'embrasser et d’assouvir une bonne fois pour toutes une pulsion primaire.
Parce que c’était juste ça. Une pulsion.
Hors du temps.
Pendant de longues minutes, les tambours martelèrent ses tempes. Ron réprima un frisson et arqua ses sourcils en l’entendant dire que c’était fini dans un souffle. Si elle avait perçu son trouble, si elle avait vu, ou pas, il ne le sut pas et s’enfonça le visage mouillé et propre dans la serviette profitant d’une accalmie qui se comptait en secondes.
Il manqua de lâcher prise en la regardant à nouveau, tachant de sourire sans laisser voir ce qui couvait. La proximité de la bouche était trop grande pour ne pas se laisser happer mais c'était sans compter sur l’inénarrable décence de Ron dans ce genre de moments. Tout autre aurait profité de la situation mais Ron lui avait dit qu’elle serait en sécurité avec lui et il était hors de question que ce soit autrement.
Hein.
Un instant, au moment de cette dernière impulsion qui fissurait son masque l'espace d'une seconde, il crut percevoir quelque chose chez elle également mais préféra ne pas s’appesantir dessus.
« Pas de sang, pas d’égratignures. T’as fait ça toute ta vie mazette ! Tu cuisines, tu sais raser…. Mmm. Je vais finir par te garder complétement. » Plaisanta Ron du ton le plus léger qu’il put.
L’insurgé toussa un peu pour enlever le voile rauque sur sa gorge. Il trouvait l'ouverture de sa bouche absolument irrésistible et songea qu'il serait criminel de s'y refuser ; mais c'était précisément ce qu'il était non ? En tout cas selon les centaines et milliers d’affiches placardées à travers le pays.
Mieux que les autres capable de lutter contre la tension qui plombait délicieusement son bas-ventre, Ron inspira une nouvelle fois puis tourna son regard vers la tente.
« Merci. J’ai l’air présentable maintenant. Enfin…c’est pas encore ça mais bon. On peut pas faire de miracles non plus. » Il avait encore le sang qui battait aux tempes et la sensation fantomatique qu’elle serait vraiment bien à glisser ses bras ou ses jambes autour de lui. Il n’était pas certain.
Il préféra opter pour une retraite, reculant de quelques pas avant de lui pincer gentiment le menton.
So everything is necessary. Every least thing. This is the hard lesson. Nothing can be dispensed with. Nothing despised. Because the seams are hid from us, you see. The joinery.(...) We have no way to tell what might stand and what might fall.
"
Après la guerre venait le butin.
C’est ce que l’on disait dans les livres d’Histoire, ce qu’affirmait de manière morne le professeur Binns en tout cas. Des terres. De la nourriture, une femme ou plusieurs. Les deux. Les butins ne revenaient qu’aux victors, les vainqueurs, tandis que ceux qui avaient été battus ne s’occupaient qu’à retrouver les vestiges d’un honneur souillé, enterrer leurs morts et pleurer ce qui aurait pu être.
Là était l’erreur.
La tâche qui consistait à enterrer ses morts était équitablement dévolue aux deux camps. La victoire n’était pas synonyme d’invincibilité ni promesse de bonheur. La guerre ne se gagnait qu’à un prix exorbitant, et la paix qui la suivait en demandait un sacrifice encore plus grand, faite de concessions et de rages ravalées.
Sous la tente, en plein cœur de Daeva, tandis que le pays subissait le joug de Voldemort et qu’Harry chapeautait la Résistance pas très loin de là, Ron pensait avoir un aperçu de ce qu’il aurait aimé avoir.
Après la guerre.
Mais tout ceci avait toujours un prix.
« Ça me semble être une bonne idée. »
Tous deux savaient bien que cela ne l’était pas.
Ron avait faim. Une constante qu’il avait gardée de Poudlard où les repas étaient somptueux et décadents ; de chez sa mère aussi qui parvenait à rendre délicieux le moindre ingrédient. La soupe le ravissait et la viande aussi et il était parvenu à cueillir des fraises pas loin qu’il mangeait à grandes bouchées.
Puis, il s'était dit dans un coin obscur de sa tête, qu'il valait mieux les fraises que la bouche de la jeune femme assise à côté de lui.
Elle, elle ne mangeait quasi rien.
Par un coup du sort, Ron se demanda si elle n’avait pas compris tantôt qu’il avait eu envie. Envie d’elle à son grand désarroi. Cela devait l’horrifier. A juste titre après ce qu’elle avait subi. C’était normal. Il lui esquissa un sourire en croquant un énième fruit, la pulpe glissant sur la langue et, la nuit tombant, cala de nouveau du bout des doigts la couverture autour des frêles épaules de Sue.
Sans trop la toucher.
Il le faisait rarement et de manière délibérément maladroite. La première fois qu’il l’avait laissé dormir dans ses bras c’est parce qu’elle pleurait. La seconde c’était à cause d’un cauchemar. La troisième parce qu’elle avait froid.
Ensuite il ne s’en souvenait plus. Mais il y avait toujours une raison aimait-il se dire, et le contact se limitait à ça. Il était gracile. Rien de sensuel en soi.
Sauf jusqu’à cet après-midi.
Il fallait qu’elle rentre.
Ça pouvait sembler cruel mais vraiment… comme disait Harry, ce n’était pas lui qui cherchait les emmerdes mais les emmerdes qui prenaient un charter direct pour Rouquin city.
« J’ai mentis. »
Ron cligna des yeux puis regarda le fond de son bol avant de la regarder.
« C’était des limaces ? C’est pas grave tu sais. C’était bon pareil… »
Non, pas les limaces.
« Enfin, pas totalement, je n’ai jamais voulu te mentir Ron. Mais je n’avais pas le choix ! Tu dois comprendre, je ne te connaissais pas quand tu m’as trouvé, quand tu m’as secourus. Je venais de traverser l’enfer, je ne savais pas ce que tu allais faire de moi et je n’avais aucune intention de terminé au fond d’une cage. Pas dans cet état ! »
Un silence flottant dans l’incompréhension la plus complète et Ron regarda sans comprendre la jeune femme paniquer et ses yeux se remplir de larmes.
De quo…
« Mon père est un Carrow. Lazarus Carrow… le bras droit du magister. »
Oh.
Oh.
Les lèvres entrouvertes et un air incrédule à travers le visage, Ron contempla l’inconnue en face de lui. Chaque muscle de son corps se resserrèrent et son ventre se liquéfia.
Ron eut un faible ricanement.
Qui mourut.
« Une Carrow ?... Par pitié dis moi que tu parles de cartes à jouer là et que ton cousin c'est Piques et que ta tante s'appelle Coeur. »
Les lèvres prirent un pli dédaigneux. La certitude de ne pas savoir qui était assise prés de lui. Il avait été stupide. Lui et sa propension à croire que tout le monde était aussi transparent que ne l’était les Weasley. « Sérieusement ?... C’est quoi la prochaine étape ? Je me farcis une Dolohov ? je partage mes cookies avec un Burke ? Oh je sais ! Je me fais une session twister entre un Lestrange et un Black. Hé on sera tous entre nous! Sang pur tout ça. » Le faux air bon-enfant et un sourire qui avait une teinte mordante flashèrent devant Sue. « Ce sera putainement merveilleux ! »
Feel the irony.
Ron se leva brutalement, les mains tremblantes. C’était une chose que de vivre avec une fille sous une tente alors qu’on l’avait secouru. S’en était une autre quand on était Indésirable n°3 que de vivre avec la fille d’un mangemort qui travaillait pour le Magister et qui avait probablement sucé des idées de merde avec le lait maternel. Il ne sut pas ce qui lui retournait les sangs le plus : qu’elle le regarde avec de si jolis yeux brillants maintenant comme s'il était censé pardonner un truc pareil ou qu’il se soit fait berné aussi sottement. Harry avait raison parfois. Un joli minois et bam!
« Tu sais qui je suis. Tu sais où je suis.» Ron secoua son visage prenant conscience de tout ce qu’il avait mis en jeu. Il leva sa main pour qu’elle ne parle plus, un voile devant les yeux. Hors de lui.
« Je veux pas entendre ce que tu as à me dire. Je sais même pas qui tu es…et je veux pas le savoir là. Susanna ou...peu importe. Tu pourrais être Nagini en jean que j'en aurais rien à foutre! »
Il secoua la tête dépité.
De l’air. Il lui fallait de l’air.
Et un truc à casser qui ne soit pas elle.
Sans lui laisser le temps de continuer son plaidoyer, Ron sortit de la tente et gronda dans la nuit, ramassant une pierre et l’envoyant à toute volée sur le tronc le plus proche.
Des bruits de pas indiquaient clairement qu’elle le suivait et il hurla un « dégage » saisissant sans se retourner complétement.
L’effort aurait presque pu le distraire de ses pensées totalement décousues. Il avait failli l’emmener au campement. Dieu merci il s’en était abstenu. Une Carrow. Ça voulait dire que sa putain de famille de déglinguos était probablement à sa recherche. Ça se trouve il y avait des photos d’elle sur les packs de lait. Et elle relax, elle restait avec lui ! Un autre caillou percuta un arbre dans un grognement blindé de colère. Ça vivait dans une bulle ce n’était pas possible autrement. Il ne fallait pas avoir de conscience. Elle le savait pourtant ! Elle avait vu qu’il était Ronald Weasley. C’est pour ça qu’elle avait demandé sur Hermione ? Peut-être qu’elle s’était dit qu’autant avoir le cerveau de l’équipe.
Un rire s’échappa des lèvres de Ron aux accents inquiétants.
« Ça aurait pu être pire Ron. » Le jeune homme glissa une main dans ses cheveux, levant les yeux vers les étoiles. « Ça aurait pu être une Parkinson. Avec ta sœur en rebut en bonus. Wohoooooooooooooo.»
L’idée plausible que Sue ait eu des rebuts chez elle termina de lui donner un hoquet nauséeux.
Dépité.
C’était mieux quand l’ennemi était net et bien découpé. Pas flou comme ça. Il n’était pas comme ses frères ni comme Harry ni même Hermione. La ligne pour lui était clair ou tout du moins l’avait été. « Idiote... » Le mot avait quelque chose de presque triste en cet instant et Ron regarda la tente. Ou plutôt Sue. « On est en guerre Sue. »
Il la revit allongée sur le sol pleurant avec des larmes froides une innocence perdue, puis sortant de l’eau timidement, le sourire espiègle en lui tendant des champignons, le regard s’illuminer quand il rentrait (c’était quelque chose qu’il n’espérait plus vraiment de qui que ce soit ce dernier point), la sensation des doigts sur sa mâchoire et le tournis à sentir son souffle près du sien…
Tout cela réduit à néant.
Pourquoi l’on se battait si ce n’était pour des noms et des convictions ?
« Rentre. Laisse-moi. Ne t’en fais pas Carrow, chez nous on n’abandonne pas les gens. C’est notre plus gros défaut.» L’éclat métallique du regard indiquait que pour une fois, il valait mieux faire ce qu’il lui demandait. Il n’avait aucune envie de l’avoir dans son secteur, encore moins en la voyant avec cet air si fragile et désolée qui pouvait presque le faire changer d’avis.
Est-ce qu’elle avait aidé son père ? Est-ce qu’elle croyait en la pureté du sang et autres conneries en n’importe quoi majeur ? Est-ce qu’elle avait été promise à un de ces gars des grandes familles prestigieuses comme c’était la coutume ? Une baraque à Herpo Creek of course.
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