Pour Saevus, le rebut, pas de sol à briquer ou de cuivre à frotter ! Cette journée avait été entièrement consacrée à une seule et unique chose : l’administration du domaine des Carrow. Amycus était souvent absent, cette tâche revenait à Alecto qui n’éprouvait aucune attirance pour la paperasse.

La maîtresse de maison confia donc cette tâche à son rebut préféré. Pour cela, elle avait obligé Lancaster à revêtir l’un des costumes qu’elle lui avait fait essayer la vieille. Elle tenait à ce que son jouet soit présentable. Saevus Lancaster devait avouer que la soeur Carrow possédait un goût certain en matière d’habillement. La veste et le pantalon lui allaient parfaitement bien et la cravate, sobre sans être ennuyeuse, avait été choisie avec soin.

L’autre rebut de la demeure avait regardé Saevus avec une jalousie non dissimulée quand celui ci était sorti des cachots dans ces nouveaux vêtements. Lancaster éprouvait de plus en plus de difficultés à communiquer avec son camarade de misère. Ce dernier faisait la sourde d’oreille chaque fois que Saevus tentait d’ouvrir le dialogue. L’ancien directeur adjoint ne pouvait lui en vouloir. Le jeune rebut était traité comme un chien par ses maîtres alors que lui jouissait de certains privilèges.

Diviser pour mieux régner... Alecto connaissait bien son affaire.

Bref, Saevus passa sa journée dans les parchemins sur la surveillance et direction de la maîtresse de maison. Elle ne lui confia que des documents de piètres importances mais le simple son de la plume d’oie sur le papier fut pour le rebut une source d’apaisement. Il budgétisa et organisa la rénovation des toits du manoir, mit en place le planning des réparations et écrivit les demandes de devis et d’autorisation de construction. Concentré sur sa tâche, il oublia presque la présence d’Alecto qui buvait tranquillement son thé en caressant paresseusement la tête de Rosemary. Le pitbull ronflait, abandonnée aux attentions de sa maîtresse.

Un signal sonore retentit et Alecto envoya son esclave s’occupait de recevoir leur invité. Elle semblait attendre cette visite et Saevus s’imagina qu’il devait s’agir d’un mangemort. Il quitta le bureau prestement pour rejoindre le hall d’entrée. Il se forma un masque de parfaite indifférence sur le visage avant d’ouvrir la porte.

Le lourd battant pivota et dévoila le visage étonné de.... Diogène !

Saevus avait souvent pensé à son ami ces derniers temps mais jamais il n’aurait pensé le croiser sur le domaine de ses propriétaires ! Sachant qu’Alecto n’était pas très loin et peut être à l’écoute de leur conversation, le rebut conserva une expression neutre.

«Bienvenu au manoir Carrow Monsieur Rowle. Miss Carrow est dans le bureau, elle vous attend» dit poliment l’occlumens.

Pourtant une question lui brûlait alors qu’il s’effaçait pour laisser entrer le sang pur avant de refermer la porte. Profitant de leur proximité, il susurra : «Mes filles ? Elle sont avec toi ?»

Le coeur de Lancaster battit plus vite. Il frappait presque douloureuse contre les côtes du sorcier. Le père des deux fillettes attendit la réponse de Diogène avec une angoisse mêlée d’espérance. Il avait attendu presque deux ans pour ce moment. La vérité était enfin à portée et peut-être le soulagement.

« Elles vont bien. Je les garde en sécurité. Saevus... »

Jamais paroles n’avaient eu autant d’effets sur Saevus. Le Rebut prit une forte et puissante inspiration, comme si sa poitrine, maintenue des mois dans un état proche de l’apnée, venait d’être libérée d’un énorme poids. Tout allait bien. Eléandra et Ilaria étaient en sécurité chez Diogène.

Saevus aurait voulu souffler à son ami une pléiade de remerciements mais le sang pur avait déjà pris le chemin menant au bureau des Carrow. Lancaster accompagna donc l’invité de ses maîtres dans le dédales de couloirs. Le manoir, vieille bâtisse sans âge, était un véritable labyrinthe. Saevus s'y était perdu plus d'une fois les premiers temps. Alecto s'était souvent moquée du pitoyable sens de l'orientation de son esclave.

Lorsqu'ils marchaient en silence, le rebut interrogea sur les motivations de Rowle à se présenter ainsi chez les Carrow. Saevus savait que Diogène subissait de très fortes pressions par la part des serviteurs des ténèbres Son ami avait-il finalement rejoins les mangemorts ? L'ancien adjoint refusait d'y croire. Rowle n’était pas du genre à accepter de travailler pour un maître. Il aimait trop la liberté. Mais après tout, C'était également le cas de Saevus avant qu'il ne soit rabattu au rang de rebut.

Les deux sorciers arrivèrent finalement dans le vaste bureau. Ce dernier était richement ornementé et chacune des décorations semblaient prôner les mérités et exploits de la très ancienne et pure famille Carrow. Saevus connaissait bien cela. Le vieux manoir Lancaster regorgeaient également de ces vestiges pédants d’une idéologie à bout de souffle. L’ancien patriarche avait toujours venu mettre aux ordures à bons nombres de ces objets qui lui rappelait le passé funeste et honteux de leur famille. Mais la mère de Saevus, une sang pure d’origine française s’y était toujours opposée. Pour elle, c’était un crime au moins aussi grand que de cracher sur les tombes de leurs ancêtres. Priscus, qui aimait tendrement sa femme, avait fini par céder à ce caprice. Et même après la mort de la sorcière, il avait conversé jusqu'au bout la moindre babiole qu’elle eût apprécié et touché.

Voyant que Diagène et la maîtresse de maison étaient sur le point d'engager une conversation, Saevus se dit qu’il était temps pour lui de prendre congés. Jamais il n’avait été autorisé à rester pour assister aux discutions entre les Carrow et leurs invités. Alecto ordonnait à son rebut de rejoindre les cachots et s’y rester. Lancaster ne se faisait pas prié. La plupart des conviés étaient des partisans du Seigneurs des Ténèbres et beaucoup d'entre eux comptait parmi les mangemorts que Saevus avait dupé lorsqu'il travaillait au ministère. Le rebut préférait éviter de se retrouver dans une position délicate. Il lui arrivait de provoquer Alecto pour lui rappeler qu’elle n’était pas tout à fait le maître mais il n’était pas encore assez fou pour prendre le risque d'être torturé par des mages noirs de l'acabit de Rookwood ou Travers. Il avait déjà goûté à leurs sortilèges lorsqu'il était prisonnier à Azkaban et avait presque fini à l'état de légumes à l'image des Longdubat.

Alors qu’il reculait doucement pour prendre le chemin de la sortie, il pensa au magazine sur les sortilèges qui l’attendait, soigneusement caché derrière la table de chevet. Il prendrait beaucoup de plaisir à le lire maintenant qu’il savait que ses filles étaient hors de danger. Il avait presque atteint la porte qu'il entendit la voix d’Alecto s’élevait dans la pièce et lui ordonnait de rester avec eux.

Saevus se figea et resta quelques instants sans bouger, incertain de la marche à suivre. Puis finalement, il décida qu'il était préférable d'obéir et se tourna vers les deux sorciers au milieu de la pièce. Une terrible appréhension lui broya subitement l’estomac. Il regarda un instant son ami et comprit. Diogène était connu pour vendre, contre une forte somme de galions, des sortilèges originaux. Il les proposait généralement aux familles de sang pur car elles étaient les seuls en Angleterre capable de se payer pour ses services. Ce petit commerce permettait à Rowle de vivre confortablement de sa passion.

Lancaster se tourna ensuite vers sa maîtresse. Il se rappela qu’Alecto s’était promis d’améliorer le physique de son rebut dont le corps n’était pas assez meurtri pour la séduire. Saevus s’efforça de rester de marbre. Les mains dans le dos, il garda le tête haut et le corps droit, attendant les directives de la sorcière. Servir de mannequin de démonstration aux inventions de son meilleur ami, voilà quelque chose que Saevus n’aurait jamais imaginé. Il pria mentalement pour que Diagène n’ait pas prévu de vendre des incantations létales ou trop endommageantes. Mais surtout, il espérait que son ami ne refusât pas de lancer les sortilèges et attirer ainsi les soupçons. Non Diogène ne devait même pas hésiter ou s'inquiéter. Saevus saurait encaisser. Il encaisserait. Il encaisserait !