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sujet; Drink, drank, punk [Hecate] |
| _ Game on.
Un large sourire, semblable à ceux qui avait fait sa notoriété auprès des lectrices de Sorcière Hebdo, illumina le visage de Keziah. Il n'avait toujours pas oublié ce que représentait Hecate Shacklebolt, il ne l'oublierai jamais, mais il ne pouvait pas s'empêcher de ressentir une pointe de fierté et de contentement en voyant la lueur pétillante de son regard chasser les nuages qui obscurcissaient ses yeux encore un moment auparavant. Il avait beau se complaire dans l'image du beau parleur je-m'en-foutiste qu'il avait créé pour les autres, Keziah n'en demeurait pas moins quelqu'un de profondément bienveillant, capable de voir au-delà des individus ce qu'ils avaient de meilleur, de donner sans rien attendre en retour. Quelqu'un de bien aurait soufflé Cesare, avec un sourire carnassier reflétant bien tout ce qu'il en pensait. C'était cette même indulgence qui avait fini par le faire considérer Augustus Rookwood quasiment comme un ami ou lui avait permit de s’asseoir en face de Bellatrix Lestrange des heures durant pour disputer une partie d'échec. La même empathie qui l'avait poussé à emmener Hecate Shacklebolt ici, au London's Antique Penny Arcade.
Peut-être aussi que Keziah était tout simplement joueur et qu'il avait du mal à tourner le dos à un défi quand l'un d'eux se présentait devant lui... Toujours est-il qu'il remonta ses manches de bon cœur avant d'empoigner à son tour les manettes du baby-foot. Et le moins qu'on puisse dire, c'est que son adversaire ne se débrouillait pas mal du tout ! Le blondin rejeta la tête en arrière et laissa échapper un grognement de dépit quand la balle perça ses défenses pour aller se loger tout droit au fond de son but. Il avait perdu la main depuis le temps. L'alcool n'aidait probablement pas non plus mais, ça, l'héritière des Bayous aurait pu en dire autant. L'agressivité de son jeu perdit pourtant de son panache peu après qu'elle ait remit la balle en jeu. Avec deux verres de moins dans le nez, Keziah l'aurait sûrement remarqué. Il aurait vu son front se plisser un peu plus chaque seconde, à mesure que le fil de ses pensées la menait sur une pente dangereuse. Pour elle comme pour lui.
_ Vous êtes au bord du gouffre, pas vrai ? Keziah releva un regard interrogateur vers la jeune femme. Quoi qu'ils vous aient demandé de faire, vous pouvez l'empêcher. On peut. _ Je vais très bien, merci.
Il avait fini par comprendre où elle voulait en venir. Son expression s'était alors assombrie d'une seconde à l'autre, son regard s'était durci et sa voix trancha l'air avec froideur. Il ne s'attendait pas à ce qu'elle le croit. Après ce qu'elle avait vu ce soir, sa détresse était trop évidente, mais il n'avait aucune envie de la partager avec qui que ce soit. Certainement pas avec elle. Hecate n'avait aucune idée de la fange dans laquelle elle souhaitait mettre les pieds. Aucune idée non plus de ce qu'elle disait. Il était trop tard. Comme sorti d'un cauchemar, le visage blême d'un petit garçon terrorisé par la fièvre s'empara de l'esprit de Keziah, qui secoua brusquement la tête pour chasser cette vision de devant ses yeux. Ce souvenir, se corrigea-t-il avec un goût acide dans la bouche.
_ Sortons. Faut qu'on parle, tous les deux. De vous... Keziah... à moi.
Il la fusilla du regard. Elle ne voulait pas comprendre, ne voulait rien entendre. Encore une fois, Hecate Shacklebolt jouait l'enfant gâtée ne se préoccupant que d'elle-même. Il aurait pu saisir son invitation à sortir d'ici pour s'en aller sans se retourner mais, têtue comme elle était, la sorcière l'aurait sûrement suivi jusque dans la chambre d'hôtel dans laquelle il comptait s'effondrer pour finir la nuit. Keziah jeta un œil à la ronde. Personne ne leur prêtait la moindre attention. Il y avait trop de monde, trop de témoins ici, pour qu'elle prenne le risque de lui faire une scène.
_ Je suppose que c'est de ma faute. Je crois que je vous ai donné une fausse impression en vous emmenant ici. Je n'ai aucune intention de devenir votre ami et ce n'est certainement pas votre épaule que je choisirai pour épancher mes problèmes. Je suis désolé de ce qui est arrivée à votre sœur mais ça ne vous rend pas plus sympathique à mes yeux, alors faites-moi plaisir et arrêtez de vouloir mettre votre nez dans mes affaires. Continuez votre petite enquête sur ma famille s'il le faut, mais tenez-en vous à ça. Ça vaudra mieux pour vous. C'est le dernier conseil que je vous donne. |
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Elle aurait pu se sentir terriblement vexée, mais il y avait trop de mots ridicules dans cette phrase pour que cela soit possible : "ami", "épaule" pour "épancher" des "problèmes". Elle eut un rire sardonique dont elle s'excusa hypocritement.
-Excusez moi de le formuler comme ça, mais ici c'est vous qui vous faîtes une mauvaise impression de moi. Nous ne pourrions jamais être amis, quand bien même je le désirerais. Vous êtes arrogant, irritant, tête de mule, et en plus de ça un véritable pochtron. C'est un comportement que je ne tolère pas chez mes soldats et moins encore chez mes "amis" alors pas de risque : vous êtes en parfaite sécurité. Quant à vous être sympathique...si vous saviez à quel point je m'en fous.
Elle avait lâché les manettes du babyfoot et le considérait cette fois non pas avec froideur, c'était l'apanage des gens ayant un caractère autrement plus sage que le sien, mais avec une chaleur qui n'avait rien de bienveillante.
-Vous me prenez vraiment pour la dernière des idiotes. Je ne vous blâme pas, "je suppose que c'est de ma faute", le masque est en place depuis bientôt trois ans. Shacklebolt est un nom facile à porter dans notre société mais il n'est pas le mien, et je suis toute aussi experte que vous dans l'art de la dissociation de personnalité. Il y a Keziah Campbell, père célibataire et employé au ministère de la magie, certes un peu bravache mais surtout éploré par la disparition soudaine de sa femme dans la nature. Et il y a l'autre Keziah Campbell, dont le dossier a été détruit par mes soins depuis des mois déjà. Pourquoi détruire ce dossier?
Elle prit une expression surprise puis s'approcha d'un jeux d'arcade consistant à viser des cibles aliens, avant de glisser dans la fente une pièce qui traînait presque dissimulée sous la machine et qu'un joueur avait du oublier là.
-Pas pour devenir votre amie, ça c'est certain. Je préférerais de loin un autre coma. Et pas à cause de ma soeur.
Le mot avait été craché comme une insulte.
-Vous croyiez que c'est la première personne que je perds? que je débarque dans votre vieux continent avec ma gueule d'ange et mes talons hauts pour prêter main forte au régime et redorer le blason familial? bon dieu de merde et moi qui vous pensait malin.
Elle dégommait les cibles avec précision, refusant de le regarder.
-Vous commencez à me fatiguer vous les anglais. Tout ce qui se passe dans votre pré carré vous semble d'une importance capitale et vous pensez que tout s'y résume alors que j'ai fait plus de guerres que vous et plus de guerres que mon patron qui doit pourtant avoir une bonne vingtaines d'années de plus que moi. Me faire prendre...
*Pew pew*
-Pour une gamine..."sympathique" ou non...
*Pew Pew*
-Par des administratifs et des pseudos vétérans...
*Pew pew pew*
-Commence légèrement à me courir.
Elle arrêta la partie, contemplant les couleurs criardes sur l'écran.
-L'enquête sur votre famille est au point mort depuis près de cinq mois pour disparition du dossier. Je suppose que vous n'avez pas questionné l'absence de nouvelles convocations auprès du ministère dans ce délais? bien sûr que non. Vous avez le nez dans vos affaires....et peut-être est ce pour le mieux.
Elle détacha ses cheveux et passa la main dedans pour les ébouriffer, vérifia sa cheville et ajusta sa veste, la zippant jusqu'au cou.
-Je retrouverai le chemin, c'est pas mon premier rodéo en terre moldue.
Le considérant avec une sorte de mépris, elle marmonna pour elle même en français:
-Tous autant que vous êtes vous allez finir par me faire croire que je suis vraiment née pour tuer.
Et elle tourna les talons avant de sortir. Bon dieu, il faisait froid. Bien. Londres Moldu. Piece of cake, comme disaient les locaux. Il fallait rejoindre Picadilly circus puis...à partir de là aller au chaudron baveur, retourner sur le chemin de Traverse et filer droit chez elle. Ce n'était pas une cheville tordue qui allait l'empêcher d'y parvenir. Peut-être même y'avait-il des motos dans le coin. Des appareils possiblement détournables. Hécate ne savait pas conduire les voitures, c'était amplement trop compliqué et dans sa famille, seul Seth avait réussi à comprendre ce que c'était que cette histoire de "brayage à passer" de "vitesses à enclencher" et de "pédales", qui ne tournaient pas en plus de cela. Une moto était comme une bicyclette sauf qu'il suffisait de pousser quelque chose et elle avançait toute seule. Ca même sa cousine Quini l'avait compris alors Hécate se débrouillait. Quant à mettre la béquille pour garder l'engin debout c'était une autre histoire, elle utilisait et abandonnait généralement sur place ce qu'elle trouvait. En tout cas c'était ainsi aux USA. Ici, rien en vue. Alors elle se décida à marcher. Ville à la con. Pays à la con. Bande de cons.
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| Les mains posées sur le rebord du baby-foot, le visage de Keziah resta résolument impassible. Il ne dit pas un mot, se contentant d'écouter poliment les vindicatives qui pleuvaient sur son dos sans chercher une seule seconde à s'en défendre. À quoi bon ? Cela ne l'intéressait pas et il n'allait pas lui en vouloir d'énoncer certaines vérités, comme quand elle le traitait de tête de mule arrogante. Non. La seule chose qui lui importait était qu'elle vide son sac, et vite, qu'ils en finissent. Car s'il y avait bien une chose que le blondin avait appris sur la jeune femme, c'est qu'elle était susceptible et qu'exploiter cette facette de sa personnalité avait le don de la rendre incroyablement volubile, à tel point qu'elle n'avait alors plus besoin de rien ni de personne pour alimenter le flot de paroles qui lui montait aux lèvres. Keziah s'était vaguement demandé comment il allait parvenir à se débarrasser d'elle ; au final, c'était presque trop facile...
Et c'est sur une dernière envolée lyrique emprunte d'une belle dignité bafouée que Hecate Shacklebolt finit par lui faire l'honneur de lui tirer sa révérence. Keziah ne bougea pas d'un pouce. Il ne tourna même pas la tête pour suivre son départ quand elle passa à côté de lui dans un courant d'air. Il resta là, le regard fixe braqué sur rien. Son esprit était dénué de toutes pensées, comme bercé par les brumes de l'alcool coulant dans ses veines. C'était une sensation inhabituelle, reposante, à laquelle il s'abandonna le temps qu'il put, jusqu'à ce que les regards en coin pesant sur lui finissent par le raccrocher à la réalité présente. Il releva alors la tête et croisa le regard de deux jeunes gens qui reportèrent aussitôt leur attention devant eux. Leur pudeur le fit sourire. Ils devaient sûrement s'imaginer qu'il venait de se faire plaquer en beauté par sa jeune amante. Quelque part, il aurait préféré. La réalité était plus pathétique que ça malheureusement...
Keziah soupira bruyamment. Il tira sur son dos pour se forcer à se redresser et attrapa la veste de costume qu'il avait jeté au dossier d'une chaise en arrivant. Il était plus que temps de mettre les voiles. Hecate Shacklebolt avait au moins raison sur une chose : ce n'était pas en se comportant comme un pochtron qu'il arriverait à quoi que ce soit. Il avait fait le plus dur, non ? Il ne lui restait plus qu'à claquer la porte maintenant.
Il était prêt. |
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