LET'S ROB 'EM BLIND.
(OCTOBRE 1998)

sujet groupé : joseph fitch ; erin mcalister ; alastar doherty ; tempest fitch (ordre aléatoire)


« Ton ami, là, Alastar, tu le verrais bien avec Erin ? » Question anodine posée au détour d'une discussion entre époux, dans ce petit appartement de Knockturn Alley. L'innocence même. Tempest interroge, après avoir bu un verre avec Sebastian, son cousin, l'après-midi entre deux dossiers au Ministère. Joe acquiesce avec un sourire. Leurs yeux pétillent et espiègles, ils se comprennent déjà sans avoir besoin d'en dire plus. On parie qu'on les colle ensemble à la fin de la soirée ?

Invitations lancées, les époux Fitch ont joué le coup de la fourberie dissimulée. Alastar pense que ça sera simplement un repas avec Joseph, entre hommes. Erin croit à un dîner en famille : Sebastian et Loane ont été assez sympathiques pour ne pas trahir le stratagème de leur cousine qui aurait bien sa place à Serpentard avec un plan pareil. Un restaurant, sur le Chemin de Traverse, tout ce qu'il y a de plus simple. Pas particulièrement romantique, ils se sont entendus là dessus, sinon les deux vont comprendre un peu trop vite ce qui leur arriver. Autant les faire entrer dans le piège sans qu'ils ne se doutent de l'anguille sous roche. Voire dragon sous gravillon. La réservation est prise : une table pour quatre, au Faisan Doré, une institution pas trop chère et à l'ambiance plutôt agréable. C'est là que Joe & Minnie ont passé la soirée qui précédait leur mariage : une très bonne soirée qui les avait confortés dans la décision d'aller jusqu'au bout de ce pari stupide.

Tempest est la première à arriver au restaurant. Elle a eu une journée fatigante au Ministère, mais elle ne va pas se plaindre. Elle a réussi à éviter de faire des paris idiots avec Joseph, elle a tenu les délais qu'elle avait pour boucler certains dossiers, tout va donc très bien dans le meilleur des mondes. Et ce soir, ce soir elle va piéger sa cousine et un ami proche de son époux, et d'ici quelques mois, s'ils osent mettre en place le même pari qu'elle et Joe ont passé, il est possible qu'ils assistent à un nouveau mariage.
Bon, sincèrement ? Elle doute qu'Erin joue le jeu du pari. Mais on ne sait jamais, elle pourrait avoir la bonne idée de se laisser tenter. Et puis Alastar est quand même beau garçon, songe-t-elle en passant le porche du restaurant. Un coup d'œil autour d'elle, elle est bien la première. « Bonsoir, j'ai une réservation au nom de Fitch & Co. Quatre personnes. J'avais demandé un coin calme, vous avez réussi à … ? Parfait, je vous remercie. » L'autre lui indique la table et elle va y poser sa cape, puis sort de sa sacoche un paquet de cigarettes. Elle s'interrompt un instant, puis sort du restaurant pour fumer devant : certains n'aiment pas l'odeur du Blue Griffin et comme ça, elle prend l'air et voit un peu la véritable lumière du jour -qui descend peu à peu, cela dit.

Les autres ne devraient pas tarder.
Elle espère qu'Erin sera la première, histoire que la surprise puisse durer encore un peu plus.
Un rictus amusé étire ses lèvres tandis qu'elle souffle la fumée bleutée vers les cieux.
Oui, cette soirée va sans doute être formidable.

Tu aurais dû refuser.
Quand tu as reçu le message de ta cousine, tu aurais dû le retourner aussi sec avec un petit mot d’excuse. Tu as failli le faire d’ailleurs.  Ton plaid, un canapé confortable, un livre passionnant… Tu avais des tas d’excellentes raisons pour ne pas être « disponible ». Mais la petite voix moralisatrice est intervenue, t’a rappelé que tu passais déjà bien assez de temps toute seule, qu’il était important de sortir, de voir des gens… Ne serait-ce que tes proches. Et sous l’impulsion de cette petite voix – que tu imagines étrangement sous les traits d’Adele – tu as promis que tu serais présente.
Mais franchement, tu aurais dû refuser. Le temps est gris. Un temps digne de Londres au mois d’octobre. Un temps aussi maussade, triste et insipide que ta journée et ton humeur. Et tandis que tu marches d’un pas vif vers le Chaudron Baveur, tu te répètes – pour la quinze mille trois cent neuvième fois de la journée – que tu aurais définitivement dû refuser l’invitation. Tu le penses encore en tapotant les briques du fond de cour pour faire apparaître la ruelle. Mais il est trop tard, maintenant. Tempest doit t’attendre, Sebastian et Loane aussi. Tu ne vas pas leur faire faux bond.

Tu cherches dans tes pensées moroses un semblant d’optimisme pour ne pas arriver en tirer la gueule. Même si cette petite tradition des repas entre cousins est relativement récente, il y a eu des bons moments, quelques rires sincères, des discussions intéressantes. Si vous esquivez les sujets à risque, tout se passera très bien. Oh, et si Joseph s’est abstenu de s’inviter encore une fois pour profiter de la compagnie « des merveilleux cousins de sa merveilleuses Minnie ». Une prière discrète s’envole dans un soupir. Pourvu, pourvu, pourvu que l’abruti mal dégrossi qui sert d’époux de ta cousine n’ait pas jugé bon de vous gratifier de sa présence.
Ce n’est pas qu’il soit méchant, non…
Juste… bruyant. Expansif. Fatiguant. Mal dégrossi, quoi. Et vous n’avez définitivement rien en commun.

Répétant inlassablement ce qui ressemble à une tentative de motivation – « Tout ira bien, la soirée sera agréable, on va juste passer un moment autour d’un bon repas entre nous. Et sans Joseph. S’il vous plait, sans Joseph ! » – tu parviens à plaquer un sourire plutôt sincère sur tes lèvres en rejoignant Tempest. « Bonsoir ! Pardon, je ne suis pas en avance. Comment vas-tu ? »
Tu cherches du regard ton frère et ta sœur. C’est chaque fois Sebastian qui amène votre benjamine à vos petites réunions. Il te faut toute ta concentration pour ne pas te désartibuler quand tu transplanes, alors inutile de tenter l’opération à plusieurs ! « Sebastian et Loane nous attendent à l'intérieur ? » Et tu rajoutes, incapable de t’en empêcher : « Joseph va-t-il nous rejoindre ? » Non, ce n’est pas que tu espères une réponse négative, pas du tout… Enfin, un peu.

Depuis toujours, tu n’as qu’un seul vrai principe : arriver juste assez en retard pour se faire désirer.
Tu l’avais quand tu avais quinze ans et que tu allais rejoindre une fille, et tu l’as encore aujourd’hui, quelques millions de gallions en plus à la banque. Etonnement, c’est ton seul et unique principe qui s’est exacerbé avec ta fortune. Disons que se faire désirer, c’est quelque chose qui vient avec le territoire.
Enfin, tu penses. Tu n'es pas sûr.
Tu es nouveau à ce jeu, après tout, on ne peut vraiment pas s'attendre à ce que tu en connaisses déjà toutes les règles.
Mais ce principe, tu l’appliques toujours, peu importe la situation. C’est devenu naturel pour toi. Bien sûr, lorsque tu travailles, tu t’arranges pour être avance par rapport aux autres. Disons qu’en fait, quand tu te permets d’être au centre des conversations, tu ne t’en prives pas. Quand la star doit être ton client, tu t’obliges – il y a des gallions à la clé, après tout, alors pourquoi pas.
Mais un repas entre amis ? Y a pas vraiment de gallions en récompense. Alors tu te permets un léger retard bien étudié, d’une dizaine de minutes. Après tout, Joe t’en voudras pas, il te connait maintenant, depuis le temps. Et puis, il te faut avouer que ton ami n’a pas toute sa tête, donc il ne remarquera probablement même pas ton retard, de toute façon.
Ce qui, quand tu y réfléchi, te déçois un peu.
C’est avec une moue un peu boudeuse que tu transplanes devant le restaurant dans lequel vous avez rendez-vous. Un peu guindé pour une soirée avec Joseph, tu penses. Tu as plus l’habitude des bars peu côtés avec lui, mais tu es bien heureux de voir qu’il s’élève un peu dans la société. S’il continue sur la même route, tu pourras même l’inviter à tes soirées. Il est plutôt sociable après tout…

Tu époussettes ta chemise et ta veste d’un coup de main distrait avant de t’avancer vers la porte, et traverses rapidement un nuage de fumée bleue qui te fait hésiter un instant. « Tempest ? » Tu t’arrêtes la main en l’air, vers la porte, avant de t’avancer vers la sorcière, un sourire maintenant remplaçant ta moue boudeuse. « Joe ne m’avait pas prévenu que tu te joignais à nous ! » L'information t'étonnes un peu -pourquoi est-ce qu'il ne t'aurait pas prévenu d'abord ? Ce n'était pas comme si tu ne la connaissais pas sa femme, après tout ? Une erreur probablement, tu penses. Connaissant Joseph, ça ne t'étonne pas. C'est Joseph, après tout.

Tu la connais depuis presque aussi longtemps que son mari, tu te permets donc d’être plus familier avec elle que tu l’es avec la grande majorité de la planète. Si tu devais faire une liste de tes amis, le couple en ferait probablement partie. Tu la prends rapidement dans tes bras avant de te rendre compte de la jeune femme à ses côtés. Tiens ? Tu te figes quelques secondes, la rousse te rappelant vivement quelqu’un.
Peut-être que vous vous êtes déjà rencontrés ?
Mais tu as beau chercher, rien ne te vient. Alors tu abandonnes, pour le moment, et relaye une partie en arrière-plan de ton intellect à retrouver cette information.
Simplement, tu tends la main à la jeune femme, et lui accorde un sourire chaleureux. « Alastar Doherty, enchanté. » Peut-être que son nom t’éclairera un peu.