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sujet; How did we come to this ? (Draco) |
| « Marché conclu » Ca résonne avec un temps de retard, ça s’infiltre dans ses oreilles, assez de recul pour qu’il se demande dans quel merdier il vient de s’embourber, exactement. Trop tard, pourtant – déjà. Goyle ne revient jamais sur sa parole, c’est comme ça, principe un peu pourri qui l’emmerde bien trop souvent. L’autre n’accepterait de toute façon aucun revirement de situation, comme il le lui fait savoir quelques secondes plus tard. « Je veux tout savoir, pas que tu me serves l’un de tes résumés bâclés qui condensent le tout en deux phrases floues. Ses réactions, ses réponses, le temps qu’elle met à te céder ou à te repousser, ses hésitations ou son absence de scrupules. » Il grimace légèrement, à l’idée de devoir tenir un foutu compte-rendu. Qu’est-ce que ça peut lui foutre, exactement, le temps qu’elle mettra à céder ? S’il se base sur la soirée qu’ils ont passé au bar, ce seraient plutôt ses hésitations à lui qui pourraient mettre à mal le plan. Le plan. Voilà bien une façon ridiculement neutre de qualifier ce qu’il s’apprête à faire (est-ce qu’on peut comparer ça à de la prostitution ?). Il n’en dit cependant rien, ne tenant pas à remuer le couteau dans la plaie que Malfoy se plait à ignorer. Pourtant, elle se voit, sa jalousie. Et il est pas sûr qu’elle s’évanouisse quand il aura… Obéi aux ordres ? Appliqué les recommandations ? Réussi sa mission ? Pas trop de terme adéquat, pour le coup, le vocabulaire nécessaire lui fait défaut ; ça tombe bien, il préfère ne plus s’appesantir sur la question. Quand les mots manquent à la réflexion, celle-ci disparaît. « Mais pas de sabotage, je compte sur toi pour bien t’y prendre. » Léger grognement, p’tête que oui, p’tête que non. Il y réfléchirait plus tard. Se maudit quand même un peu d’avoir rencontré Rowle, ce soir-là. Il revient masser ses phalanges endolories, encore quelque peu renfrogné, suffisamment pour réussir à tirer la gueule encore quelques secondes, rien que pour le plaisir. Revient au sujet qui l’intéresse, heurtant en chemin et par mégarde le nom qu’ils n’ont pas encore prononcé ce soir. Draco ne saisit pas la perche tendue, sans doute par instinct de survie – il fait bien, Goyle est encore sur la corde raide, prêt à péter un plomb d’un moment à l’autre. L’ambiance s’en ressent toujours un peu, comme alourdie par les non-dits et la violence sous-jacente, une étincelle et ça explose. « Ce qui me fait penser que cette femme parfaite, elle serait à même de te remettre sur pieds toutes les fois où tu finis amoché. » Il comprend pas vraiment, Gargoyle, quel est le rapport ? D’autant plus que ça répond toujours pas à sa question. Malfoy et sa manie de faire des discours grandiloquents pour trois fois rien, quand lui va toujours droit au but sans fioritures inutiles ; différence fondamentale, peut-être même l’essence de leurs rapports : l’un disserte, l’autre applique. Légère illumination, à retardement encore une fois. Sûrement une médicomage. Pas l’impression de fréquenter qui que ce soit qui réponde à ce critère, pourtant. Pas le temps de demander confirmation, toutefois. « Bien sûr que tu la connais, c’est la raison pour laquelle elle est idéale. S'il s'agissait d'une illustre inconnue se prétendant amoureuse sans le moindre fondement, elle ne serait qu'une groupie de plus dans ta vaste collection de bécasses. » Pique dirigée à l’encontre des femmes qui semblaient s’intéresser à leur conversation, curiosité déplacée qui l’irrite. Suivant le regard acide de son comparse, il jette un coup d’œil par-dessus son épaule pour observer les réactions, rapidement désintéressé toutefois. Il se saisit de la bouteille nouvellement arrivée, tique un peu sur le fait que la serveuse n’ait plus la même tête que quelques secondes auparavant (cela fait-il si longtemps qu’ils sont là ?). En déverse une bonne partie dans son verre, sans remarquer que ce dernier n’était pas encore vide – résultat, il déborde un peu. Tant pis. « Ça dure depuis des années alors à force, j’avoue avoir du mal à t’imaginer avec une autre. » À ces mots, il éclate d’un rire bruyant. « Moi j’ai du mal m’imaginer avec quelqu’un tout court » rétorque-t-il au passage. Un peu surpris, aussi, que l’autre l’ait imaginé en couple. Se dit souvent que ça colle juste pas, cette idée-là. Mais encore une fois, Malfoy a l’air sérieux quand il poursuit. Toujours bien trop sérieux. « J’en reviens pas, que tu n’aies rien remarqué depuis le temps. Et qu’elle n’ait pas fini par tout t’avouer… quoique, il y a bien une soirée où elle a semblé vouloir tenter sa chance. » Il a plus l’air de parler pour lui-même, à ce stade, et Goyle s’impatiente légèrement. Il n’a pas besoin qu’on lui conte une foutue histoire d’amour à sens unique, juste d’un nom. Pas bien compliqué, par Merlin. « Mais si mes souvenirs sont bons, une fan t’a mis le grappin dessus, juste sous son nez. » Il fait de son mieux pour rester silencieux, espérant que l’autre finisse par cracher le morceau, un jour ou l’autre. S’empare de son verre, oubliant déjà qu’il est trop rempli – le whisky s’en échappe un peu, lui coulant sur la main. Il jure entre ses dents tandis que son ami continue à déverser sa fable, s’interrompt néanmoins en entendant le mot Poudlard. Reste confus. Si longtemps ? Il redresse la tête, cherchant le regard de son vis-à-vis. Poudlard, c’est une autre vie. Ça le prend au dépourvu, l’idée que quelqu’un ait pu s’intéresser à lui à l’époque. Toute suite après, le prénom tant attendu tombe, et il reste coi quelques secondes, mouvement suspendu, sans l’air un peu con. « Hestia ? répète-t-il bêtement, comme s'il essayait d'identifier la personne, alors qu'il sait pertinemment de qui il parle. Hestia Carrow ? Ta cousine ? » Ça prend forme, dans sa tête, la forme d’un bordel sans nom. « Depuis Poudlard ? » Il continue, assemblant péniblement les pièces du puzzle. Hestia, il lui avait jamais vraiment prêté attention, à l’époque, pour la simple et bonne raison qu’il ne prêtait attention à personne, tant qu’il ne devait pas leur péter la gueule. Récemment cependant, ils s’étaient rapprochés, fréquentant le même cercle et les mêmes soirées de l’Elite. Et jamais – jamais ! – il ne s’était douté de quoique ce soit. Voit pas trop comment il aurait pu deviner, d’ailleurs, elle n’avait jamais rien montré. Partagé entre incrédulité et colère sourde, pour une raison qui lui échappe, il avale une bonne rasade de son Pur Feu, comme pour prendre le temps de digérer l’information. « Sérieusement ? » Il digère rien du tout. Il plisse les yeux, soudain méfiant. « Tu te fous de ma gueule. » Ca tombe, brusquement, la colère prenant le dessus. « T’es en train de me dire que cette fille, cette fille – la gamine jolie et populaire, une Carrow, qui plus est – nourrit des sentiments à mon égard ? » Dit comme ça, ça en devient drôle. Il éclate à nouveau de rire, changeant encore une fois d’humeur. Montagnes russes étranges. « C’est une bonne blague, Malfoy, j’apprécie l’intention. Mais je mords pas. » Fier, un peu, d’échapper à l’humiliation d’y croire. Il songe à un coup monté, p’tête bien par Carrow elle-même (ils se taclent souvent l’un l’autre, ce ne serait qu’une expérience de plus). Bien sûr, ça paraît quand même étrange, que l’autre ait insisté dessus de cette façon-là. Son visage se durcit ; il est énervé, même s’il n’arrive pas à comprendre pourquoi. « Si c’est pas un de vos paris idiots – » Il se racle la gorge, cherchant ses mots. « ça veut dire que tu m’as caché un truc pareil pendant quoi ? Cinq ans ? Six ans ? Et ce serait ridicule. » À son tour de ressembler à une midinette effarouchée. Ça l’irrite encore plus, du coup. Saloperies de discussions, ça se succède, merdiers sur merdiers.
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PRISONERS • bloodstains on the carpet Draco Malfoy | How did we come to this ?
We've gone too far from pride to shame, we're trying so hard, dying in vain 28 OCTOBRE 2002 & DRAGORY Le verre de Goyle a débordé durant son monologue presque ininterrompu et, s’il est parvenu à faire comme si de rien n’était sur le coup, ses nerfs finissent par exiger qu’il fasse disparaître les dégâts – il sort sa baguette avec un froncement de sourcils légèrement irrité et fait disparaitre la flaque qui souille le bois, d’un mouvement de poignet. « Moi j’ai du mal m’imaginer avec quelqu’un tout court », interrompt son vis-à-vis, et Draco hoche la tête d’un air indulgent. C’est un fait, les relations de ce genre ne sont pas son fort, le blond ne compte d’ailleurs pas le nombre de fois où il s’est fendu la poire après avoir découvert le crush désespéré de sa cousine. Parce que, seriously, c’était voué à l’échec, aucun des deux concernés n’étant à même d’effectuer le premier pas. Au départ c’était seulement un sujet de taquineries inédit, mais avec le temps il s’est fait à l’idée et mieux – il l’a acceptée comme une sorte de destinée, sans guère s’inquiéter du fait que Gregory lui-même ne soit au courant de rien. Ça, c’était un détail, non ? Face à lui, le brun s’impatiente, commence à gigoter sur son siège, se rabat sur sa chope de dépit, en verse encore partout (Draco persifle et nettoie de nouveau les dégâts avant de reprendre le fil de son discours là où il l’a laissée). Et enfin, six lettre prononcées comme un couperet inattendu, mimique satisfaite de Malfoy, air ahuri de Goyle. Merlin que c’est bon. « Hestia Carrow ? Ta cousine ? » Le jeune homme lève les yeux au ciel, moqueur. « Tu en connais d’autres ? » voix trainante familière qui confirme la déclaration. « Depuis Poudlard ? » Haussement d’épaules. « ’semblerait. » Et puis, bizarrement, Greg et son tempérament sanguin s’enflamment, la nouvelle ne passe pas, il y voit une affabulation ou un quelconque plan plutôt qu’une vérité. « T’es en train de me dire que cette fille, cette fille – » et ça fait tilt, d’un coup, juste à cause de l’insistance sur ces mots. Il comprend l’incompréhension, l’incrédulité qui provoque d’abord cet élan d’énervement, puis la déferlante de méfiance, le rire qui sonne faux. « C’est une bonne blague, Malfoy, j’apprécie l’intention. Mais je mords pas. » Et il a l’air tout fier d’avoir décelé un piège, si bien que Draco ne peut s’empêcher d’enserrer l’arête de son nez entre la pulpe de son pouce et son index, découragé, avant de se redresser pour claquer des doigts sous le nez de son vieux comparse. « Eh oh, j’ai l’air de rire ? » Son visage est sérieux, un poil blasé, et il a un sourcil arqué en signe de mécontentement. « C’est pas le moment pour les éclairs de génie, de toute façon tu devrais arrêter de penser parce que – sans vouloir t’offenser – tu t’y prends mal. » Minute de pause, le temps que ça monte au cerveau, puis : « Bien. Maintenant que c’est établi, lis sur mes lèvres – Hestia. Carrow. Visualise-la à l’époque de Poudlard. Poudlard, Greg. » Il est irrité, un peu. Il ne veut pas faire plus clair, c’est sa putain de cousine, mais ce lourdeau doit bien se souvenir qu’à l’époque, eh bien, elle était un peu awkward, duh. Pas tout à fait à son avantage, physiquement, et pas non plus superficielle comme les filles de son âge, du genre à s’éprendre du plus beau garçon de l’école (note de Draco : c’était tant mieux pour elle, puisque le plus beau garçon de l’école se trouvait être son cousin). Lourd soupire. « Ce n’est tout de même pas si improbable, non ? » Il se passe une main sous le menton, pensif. « Remarque, c’est peut-être parce que j’ai eu quelques années pour m’y faire. » Mais l’autre est déjà trop loin dans ses élucubrations méfiantes. « Si c’est pas un de vos paris idiots – » A ça, Draco éclate de rire, impénitent. « Ah ça, je te l’accorde, ça aurait pu. » Il secoue légèrement la tête cependant. « ça veut dire que tu m’as caché un truc pareil pendant quoi ? Cinq ans ? Six ans ? Et ce serait ridicule. » « Ou alors », qu’il réplique avec un rictus hautain – « Ça veut dire que je te lance des indices depuis toutes ces années et que tu t’évertues à passer à côté. » Oui bon, d’accord, ce n’est même pas crédible, il a clairement gardé l’info pour s’en délecter de son côté, mais c’est sa version et il s’y tiendra. Il lève les yeux au ciel. « Et puis qu’est-ce que tu crois, je devais m’assurer de son choix. Je n’allais pas jeter ma cousine dans tes bras sur un coup de tête, de toute façon je ne suis pas un putain de Cupidon. » Il y a du défi dans son regard. « Ce n’est pas comme ça qu’on dit merci, by the way. » Tout de même, il vient de rendre service et n’est même pas remercié pour son altruisme. Mais geez, Goyle a vraiment l’air de ne pas y croire. « Si ça peut aider, j’ai une théorie. » Il se penche en avant, pour capter l’attention du brun perdu dans il ne sait quelles réflexions (qu’y a-t-il à comprendre ?) : « Hestia est clairvoyante, tu le sais. Ce n’est pas biaisé, elle ne pouvait pas voir ton avenir. Mais elle a dû déceler – je ne sais pas, ton potentiel, probablement. » Il se réappuie contre le mur. « Et dans l'ensemble, présent-futur, ça a dû lui plaire. Tu vois, c’est crédible. » Il laisse passer quelques secondes, puis ajoute : « Qu’est-ce que tu comptes faire ? » Parce que tout de même, ça fait des années qu’il la regarde tourner autour de ce bon vieux Goyle, sa cousine, et il voudrait bien que ça bouge enfin, tout de même. |
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| Les doigts claquent devant ses yeux, et il sursauterait presque, arraché à sa réflexion. « Eh oh, j’ai l’air de rire ? » P’tête pas. Méfiant, quand même, Goyle, persuadé de sa si belle théorie qu’il énonçait tranquillement avant que l’autre vienne le couper. Il n’aime pas être interrompu quand il réfléchit, ça rend tout plus compliqué que ça l’est déjà, à la base. « C’est pas le moment pour les éclairs de génie, de toute façon tu devrais arrêter de penser parce que – sans vouloir t’offenser – tu t’y prends mal. » Il tique à peine, trop occupé à essayer de rationaliser la situation, l’esprit trop embrumé par l’alcool pour saisir l’insulte à temps. Quand il le fait, il s’étouffe à moitié dans son verre, mais l’autre enchaîne déjà sur un portrait de Carrow à Poudlard, moins reluisant que ce dont il se souvenait. Raven, ça lui revient, et il hoche la tête, pour noter qu’il a saisi l’idée. N’empêche que… Et il reprend, certain qu’il s’agit d’un pari, qu’ils ont monté ça à deux contre lui, et c’est potentiellement plus probable que ce que Draco essaie de lui faire avaler, de toute façon. Il s’énerve, se perd dans les suppositions, ça le fatigue, l’empêche d’écouter pour de bon les répliques du blond. Digère mal que son ami lui ait caché quelque chose de cette ampleur, si c’était vrai, pendant si longtemps, et l’agresse pour le faire céder. Son seul moyen de communication, encore et toujours, l’agression, la franchise brutale et les mots qui sortent avant d’avoir été soupesés. « Ou alors ça veut dire que je te lance des indices depuis toutes ces années et que tu t’évertues à passer à côté. » Il hausse un sourcil, Gregory, n’ayant pas pensé à ça. Pas grand sens, même s’il essaie de leur en donner, aux paroles mensongères savamment prononcées, ça l’apaise, pas énormément, juste ce qu’il faut pour qu’il accepte de l’écouter. « Et puis qu’est-ce que tu crois, je devais m’assurer de son choix. Je n’allais pas jeter ma cousine dans tes bras sur un coup de tête, de toute façon je ne suis pas un putain de Cupidon. » Rictus qui vient fendre son visage en deux, Malfoy qui ne fait jamais rien sans raison. Pas étonnant qu’il ait gardé ça pour lui, attendant le moment propice, attendant de décider s’il en valait la peine. ‘Faut croire que c’est le cas, finalement. Pas sûr d’en être si heureux que ça. « Si ça peut aider, j’ai une théorie. (…) Tu vois, c’est crédible. » Bien sûr. Gargoyle, joueur de Quidditch professionnel, c’était plus attirant que la brute épaisse de Poudlard. Il en vient à se dire que ça fonctionne peut-être comme un investissement, et il ne comprend plus grand-chose, mais il est bien tenté de le croire. Crédible, et ça fait son chemin dans sa tête, il se détend quelque peu, les nerfs se relâchent doucement. « Qu’est-ce que tu comptes faire ? » La question le prend de court, et il fronce les sourcils, comme confronté à une énigme impossible à résoudre (non pas qu’il parvienne à résoudre quoique ce soit, de manière générale). Il n’a même pas fini de digérer l’information qu’on lui demande de faire quelque chose. Pas on, d’ailleurs, lui. Toujours lui. Le blondinet à la tête de fouine qu’il a longtemps pris pour son leader, qu’il considère toujours comme étant supérieur, relents dégueulasses de servitude dont il n’arrivera jamais à se défaire. Il se permet de retenir des informations, quelles qu’elles soient, un peu comme celle-là, lui balance à la gueule avec son putain d’air narquois, et ose lui demander ce qu’il compte faire. Réfléchir, c’est pas pour toi, Goyle, et il entend presque son comparse lui murmurer à l’oreille, comme à l’époque, après avoir lancé des ordres de l’air désinvolte de celui qui se savait obéi, quoiqu’il arrive. Et il suivait. Toujours. Inlassablement. « Rien. » Il crache presque, la voix se faisant tonnante, l’alcool ayant fini de s’insinuer dans ses veines et de le rendre mauvais. Comme un interrupteur dans son crâne, de off à on, ça bascule, et son front se plisse alors que sa bouche se fait hargneuse. « J’suis pas juste là pour disposer, Malfoy. » Le reproche tombe comme un cheveu sur la soupe, le nom d’Hestia à présent repoussé tout au fond de sa conscience. Ce n’est plus le sujet. Peut-être que ça ne l’a jamais été, il sait pas, il y réfléchit pas vraiment ; il n’est pas fait pour ça, n’est-ce pas ? « J’en ai plein l’cul. » Il grogne, et ça monte petit à petit, ses doigts se resserrent sur le verre qu’il tient, et sans doute qu’il ne tiendrait plus vraiment sur ses jambes, maintenant, mais ses gestes sont vifs alors qu’il engloutit une nouvelle fois tout le breuvage, reposant l’objet avec violence. « Si t’attends quelqu’chose d’moi, autant l’dire là. C’comme ça qu’ça fonctionne, right ? » Il se penche légèrement vers l’avant, se faisant plus imposant qu’il ne l’est déjà, gorille qui a perdu ses chaînes, prêt à attaquer pour de bon, plus d’histoires de filles, de minauderies, rien que la rancune qui le transperce violemment, de part en part. « Moi, j’fais rien sans qu’tu m’le dises. » Il n’a de nouveau plus rien à boire, et ça l’énerve plus que ça ne devrait le faire. Crépite, la colère, dans les doigts qui picotent, dans son corps qui est déjà bien trop proche de l’autre. « Crabbe non plus f’sait jamais rien sans qu’tu l’demandes. » Mensonge. Feudeymon qui surgit violemment, souvenirs cuisants, l’une des seules décisions éclairées de l’ami disparu, sans la menace de leur bourreau à tous les deux. P’tête qu’il aurait dû l’écouter, cette fois-là. Mais il était là pour lui, de toute façon. Comme à chaque fois. Rien que pour ce connard arrogant qu’ils avaient fait la bêtise de suivre ; et il en oublie que ça lui plaisait, soudainement, les détails s’effacent pour laisser place au sentiment de revanche qui le saisit par les tripes. « C’est à ça qu’je sers, non ? c’est à ça qu’il servait. » Il se fait bavard, le Pur Feu lui déliant la langue, bavard et agressif, incohérent et certain d’être dans le bon, utilisé, il est utilisé, ils ont toujours été utilisé. « Quoiqu’il s’passe dans ma foutue vie, ça dépend juste d’toi. » Et c’est faux, toujours faux, il le sait probablement, une part de lui, quelque part, enfouie sous la colère qui l’étreint et le berce. Toutes ses erreurs, tous ses échecs, tous les coups-fourrés, comme l’impression de les lui devoir à lui, ne lui a-t-il pas demandé de le remercier ? Il ne dira pas merci, plutôt crever. « Alors vas-y, ordonne, et j’ferai. » Il s’approche encore un peu, mauvais et le poing serré, prêt à frapper. Rien qu’une petite étincelle. « T’veux p’tête que j’chope ta cousine comme j’suis censé choper la Rowle ? » Un sourire, vicieux, grossier, l’éclat sadique au fond de la pupille sombre. « J’te dis c’qu’elle vaut, après ? » Et il est si proche de lui, à présent, attendant presque que ça explose, l’anticipation au creux du ventre. Certain d’être capable de le dominer sur au moins un domaine, l’arrogance provocante venant illuminer ses traits. |
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PRISONERS • bloodstains on the carpet Draco Malfoy | How did we come to this ?
We've gone too far from pride to shame, we're trying so hard, dying in vain 28 OCTOBRE 2002 & DRAGORY L’alcool délie les langues et les vieux travers rejaillissent, fantôme d’un passé qui menace d’engloutir leur duo terrible. Malfoy oublie les efforts de communication qu’il s’est engagé à maintenir pour rendre vie à leur amitié effilochée. Il oublie que Poudlard est loin, que Gregory Goyle n’est plus son ombre mais un être à part entière qui, désormais, rechigne à être traité en suiveur. Il oublie que tout tend toujours à dégénérer entre eux lorsque leur naturel surgit – Greg, brut et impulsif, Draco, abusif et impatient et exigeant. Il reste sourd et muet aux alarmes que sonnent les épaules crispées de son vis-à-vis, ou peut-être les voit-il mais les ignore-t-il volontairement. Quand l’impatience résonne dans la voix grave et rancunière du quidditch player – « J’suis pas juste là pour disposer, Malfoy. J’en ai plein l’cul. » – Malfoy plisse les yeux et retrousse les lèvres avec une indignation agacée. Il a plus d’alcool dans le sang que les verres consommés au pub avec son comparse : tournée entamée avant même de rejoindre Goyle. Trop imbibé pour tenter de (ou même vouloir) calmer le jeu, rattraper le coup. Quelque part au fond de lui, il sait que le point de non-retour est à deux doigts d’être franchi. Mais quelque part plus en surface, il n’a aucune envie d’être diplomate, son égo refuse de plier, de céder la moindre parcelle de terrain sur ces sujets sensibles. « Ça vaut bien le coup de t’informer », qu’il claque sarcastiquement, « si tu comprends à peine et qu’au bout du compte tu t’avères incapable d’agir. » « Si t’attends quelqu’chose d’moi, autant l’dire là. C’comme ça qu’ça fonctionne, right ? » Son agressivité est encore passive, sa carrure est menaçante, et Draco ricane. « Tu fais de l’esprit, maintenant, Goyle ? » Faut croire que le brun l’a trop fréquenté – autrefois il s’exécutait sans s’expliquer, à coup de poings ou de sorts vicieux, et parlait sans détour ni ironie. « Moi, j’fais rien sans qu’tu m’le dises. » Et il mentionne Crabbe. Il mentionne Crabbe et ce n’est pas la première fois ce soir – il a été évoqué plus tôt, savamment évité ensuite – mais le nom était resté informulé jusque-là et retentit à présent comme une agression. Draco sert les poings, soudain conscient de la baguette dans sa manche gauche, et ce qui se déverse en lui est plein de contradiction. De la colère, pour cet acharnement à faire resurgir ses démons. Une culpabilité lancinante, que le temps n’aide pas à soigner. Le besoin de payer. Celui de faire payer. « Alors vas-y, ordonne, et j’ferai. » Le blond renifle, dédaigneux, le dévisage de ses prunelles glacées. Il a essayé, bon sang. Quand ça resurgit, qu’on le blâme de tous côtés, il est le seul à se souvenir de la sensation effarante du poids qui le tirait vers le bas, vers le gouffre enflammé, le ventre crépitant et rugissant du monstre invoqué par la Magie Noire. Il est le seul à lutter pour refermer les doigts sur l’épiderme moite d’un Vince inconscient, le seul à échouer, le seul à le sentir basculer irrémédiablement, le seul à percevoir l’odeur immonde de chair brûlée et à entendre les claquements des crocs oniriques alors que le Feudeymon les rattrape. Il est le seul à subir, vraiment, pleinement, non ? Alors qu’est-ce qu’ils ont tous à s’acharner, à s’attribuer le monopole de la souffrance, à le forcer à revivre cette scène encore et encore. Mais plus que tout, c’est la façon dont Goyle parle d’Hestia qui fait mouche. Draco sait pertinemment que le Firewhisky parle pour lui, que la plaie est béante, que le fiel qui se déverse est ni plus ni moins dû à cette blessure purulente qui refuse de guérir. Il le sait, quelque part ; mais ça n’a plus d’importance. « Ne t’accorde pas trop de crédit, tu étais bon à deux choses : obéir et cogner. Ta pire erreur a été de t’acheter un caractère, puisque même le rôle de brave larbin attardé est devenu trop complexe pour toi », qu’il persiffle. Les pattes des chaises crissent sur la surface moite du sol tandis qu’ils les repoussent pour se lever d’un même mouvement menaçant, inconscients de l’attention ainsi attirée, du patron et des employés qui les mirent avec un ennui agacé. Les conflits de bars sont légions, les clients ronds comme des pots ne trouvent rien de mieux à faire que lever leurs pintes pour demander de la baston, mais Draco ne les voit pas. « Tu foutais quoi, toi, quand cet imbécile a manqué de nous condamner en utilisant un maléfice trop puissant pour lui ? » Ce n’est pas de sa faute, c’est Vince, ce n’est pas de sa faute pas de sa faute pas de sa putain de faute ! « Tu foutais quoi quand j’essayais de le rattraper au risque d’y laisser ma peau ? » Ses paumes claquent contre le bois collant de bière de leur table bancale et les pieds inégaux la font vaciller sous le choc. Le premier coup part – le poing de Goyle qui s’écrase au coin de ses lèvres pour le faire taire, rapide, puissant. Draco grogne au goût du sang qui envahit sa bouche, mais l’adrénaline qui monte monte monte lui arrache un ricanement blanc-carmin. « Hey, pas de ça chez moi ! » s’exclame le patron quelque part en arrière-plan ; mais il ne peut pas les atteindre parce que les autres se sont levés et font barrage et acclament la rixe tels les assoiffés de violence qu’ils sont. « T’es plus un larbin, mes félicitations, juste une brute épaisse privée de sa laisse. » Et Malfoy n’a jamais été fairplay, alors s’il fait mine de répliquer en précipitant le talon de sa main contre le cartilage du nez de Goyle, c’est pure diversion pour lui enfoncer dans les côtes la gauche, armée de sa baguette. Le Flipendo silencieux cogne à sa place et plie son adversaire en deux – et Goyle exhale un rugissement furieux avant de charger sans prendre le temps de se redresser. Il le bute en plein ventre, de son épaule carrée, et Draco abat un poing sur sa nuque, ses tempes, avant de heurter de plein fouet le mur de pierre, ses poumons se vidant de toutes leurs réserves d’air. Greg tangue en se relevant, lui peine à prendre à reprendre son souffle, mais ils ne s’arrêtent pas. Ce qui fait briller leurs yeux, ce sont une peine et une haine égale, et le halo hagard qui brouille leurs prunelles est celui de leurs abus de ce soir, des verres partagés, des chopes englouties comme des compères de toute une vie, frenemies. Ça frappe, ça éructe des insultes et ça crâne de façon défiante, emportant des tables et des chaises au passage. Bois qui claque contre le sol, bouteilles qui se fracassent, craquement de phalanges et mâchoires qui décrochent et peau brutalement martelées qui s’empourprent, métal des ustensiles qui roulent sur les dalles en vomissant leur fond de boisson – puis deux Petrificus Totalus hurlés d’un coin de la pièce et, aussi simple que ça, l’immobilisme forcé. Draco est raidi en pleine attaque, ses yeux lancent des éclairs furieux à ceux de Greg qui, lui aussi figé dans son mouvement, le mitraille avec pas moins d’intensité. « J’ai dit pas de ça chez moi. Foutez l’camp ! » Mais c’est une simple façon de parler – c’est lui qui les flanque à la porte, l’un après l’autre, statues de chair, de sang et de rage, allégées des gallions requis pour la consommation et les dégâts. Les secondes s’écoulent, se font minutes, et ils sont tellement grotesques, ainsi coincés, abandonnés devant la porte le temps que se calment leurs ardeurs, que la colère se résorbe d’elle-même, refluant progressivement. Pendant un instant ils sont juste murés dans leur rancœur, mais Draco finit par lever les yeux au ciel de façon auto-dérisoire et leurs joues, sur lesquelles le sort se résorbe peu à peu, se creusent de rictus délavés, désabusés. Ils se traitent encore de noms d’oiseaux dès que leurs lèvres se dégèlent, mais au moment où ils retrouvent toute leur mobilité il n’y a plus d’énergie et d’irascibilité à expier. « I'm getting too old for this shit », grince Draco en faisant craquer ses articulations avec une brave grimace. « C’mon wanker, let’s get out of here. » |
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