❝ Battle Scars ❞Dante A. Ehrensvärd & Alan R. Ancrath[Soundtrack] — Ouais on a tous un surnom pourri. Si tu veux te charger d'renommer tout le monde vas-y, la place est libre ! — Le sourire malicieux ne s’effaça pas de ses lèvres alors que l’autre achevait son rire. Au moins avait-il réussi à dérider cette vieille figue. Au moins avait-il réussi à atteindre un peu la personne derrière le masque. A le dévoiler, au-delà de la potion ou de l’enchantement qui avait modifié ses traits. Un trait de sincérité dans cette mascarade affichée. Qui était-il pour le blâmer ? Lui-même prenait aisément multiples visages au gré de ses envies et de ses besoins du moment. L’autre reprit un ton plus sérieux. Après tout, ils étaient là pour ça. La rigolade avait été la bienvenue pour détendre un peu l’atmosphère, sceller ce pacte à demi-formulé qu’il n’y aurait pas de piège, pas d’attaque surprise, pas de coup fourré. Dante disait la vérité. Pas toute, évidemment, mais chacun de ses mots étaient vrais. Il savait mesurer ses paroles, contrôler ce qu’il laissait échapper. Pas d’erreurs. Il dévoilait ce qu’il avait envie d’avouer. Rien de plus rien de moins. Si l’autre n’était pas satisfait, il pouvait le cuisiner un peu plus, ou laisser couler et y revenir plus tard. La balle était dans son camp, Dante n’avait plus qu’à patienter. Le mystère était une défense. Il savait en user, car il en avait abusé, tout au long de son existence.

— Mouais. De toute façon on rattrapera ce mauvais réflexe, les insurgés s'entraînent, on est pas aussi déterminés à mourir qu'on pourrait le croire. — Le métamorphomage ne se départissait pas de son sourire, malice au bord de l’insolence. Mourir. Il ne voulait pas mourir non plus. Il ne craignait simplement pas la douleur. Mais l’autre n’insista pas plus, passant à ce qu’il désirait. A ce qu’ils pourraient lui offrir. La contrepartie inévitable. Dante cherchait peut-être la douleur, une stabilité incertaine, de la nourriture et un toit au-dessus de la tête quand le temps était mauvais… mais la première, il savait ne pouvoir la trouver qu’en présence de sa sœur. Il voulait la trouver. Il voulait la faire souffrir pour goûter cette souffrance dans sa propre chair, la sentir électriser ses sens, l’engourdir de ce mélange infâme de plaisir et de torture. Là, il n’y avait rien que le Fabuleo pouvait lui apporter. Ce n’était qu’une fable, une illusion. Alors il dévoila l’information. A demi-mot, comme le reste. S’il voulait plus de renseignements, qu’il demande. — Ta sœur hein... T'as pas son âge ? Son nom ? On le retrouvera plus facilement son patronyme. Si c'est ta seule condition, tu peux toper là directement. On va t'aider à la retrouver ta frangine. — Il se fit attendre dans un silence mesuré. C’était cet homme qui désirait quelque chose de lui. Lui qui l’avait abordé avec sa proposition. Dante n’avait rien demandé à personne. C’était lui qui décidait. Lui qui rythmait le dialogue. — Elle a le même âge que moi, à peine quelques instants de plus. Quant à son nom… — pouvait-il se permettre de le dévoiler à cet inconnu ? Que lui devait-il ? Rien du tout. Il ne lui devait rien. Bien au contraire. Lancer toute une bande d’insurgés à ses trousses n’était qu’un retour des choses. L’éjecter encore un peu plus de cette prison dorée qui l’avait vue grandir.

Il se souvenait de son étreinte. De ses doigts dans ses cheveux. De sa voix dans son oreille, fredonnant une vieille berceuse suédoise. Ses poings se crispèrent à cette mémoire fugace. Elle avait tenté de l’amadouer. De se transformer en victime, en ange gardien. — Tu l’as peut-être vue en haut des affiches, il y a quelques années… Elle est la magnifique Eshmé Sternberg. — Le mot à moitié craché. Son âme et son cœur étaient divisé entre deux émotions contraires : ce besoin de la voir souffrir, de la sentir subir dans sa chair ; cette envie de se laisser à cette douceur qui lui avait été refusée si longtemps. Douce douleur. Douloureuse douceur. Loin de se laisser distraire par ses propres sentiments, Dante épiait la moindre réaction de ce visage emprunté et ridé. Peut-être connaissait-il déjà sa sœur. Peut-être pas. Peut-être l’avait-il, en effet, vue sur les affiches. Peu importait au final. Si cet homme en avait en effet d’autres derrière lui, ils pourraient la retrouver. Peu importait où elle se cachait. Elle pouvait échapper à sa vigilance et à ses enquêtes… mais pas à celles de tant d’autres.

— Tes passe-temps ? C'est quoi tes passes-temps ? On a pas vraiment la liberté d'aller se faire un Quidditch quand on s'ennuie mon gars. — L’humeur avait changé. Il l’avait senti aussi bien que s’ils venaient de prendre un orage sur la tronche. L’autre ne semblait pas concevoir qu’on puisse avoir d’autres choses à faire à côté de cette mission. Avoir envie de faire autres choses. Ce fut le tour de Dante d’éclater de rire. Il remua ses doigts, les défaisant de ce début de crampe qui voulait les serrer en poing. Ses bagues accrochèrent un pâle rayon de soleil qui passait entre deux hautes bâtisses décrépites. — Tu croyais vraiment, l’ami, que je pouvais me payer ce genre de fioritures ? Comme le gamin, j’ai même pas de quoi me payer une pomme. — Il se pavana légèrement, battant le pavé de cette démarche élégante qu’il avait appris à maîtriser auprès de la fine noblesse suédoise. De nouveau, ce sourire à la limite de l’insolence sur ses lèvres. — Je ne fais pas que les poches des riches gens ou les étals des marchands, l’ami. Je m’aventure sous les draps de ces dames et sur les planches battues par les plus hauts placés dans la société. — Moins d’insolence, plus de malice dans son rictus. — L’avantage d’un don qui ne serait pas chèrement acquis à ta cause, à mon avis, si tu t’acquittes de mes demandes. —

❝ Battle Scars ❞Dante A. Ehrensvärd & Alan R. Ancrath[Soundtrack] Encore un rire qui s’échappe d’entre les lèvres de son interlocuteur. Décidément, il ne se savait pas drôle à ce point. En vérité, il lui arrivait souvent de faire le pitre pour amuser les enfants des rues ou essayer de récupérer quelques sonnantes et trébuchantes, mais là, il n’essayait pas d’être drôle. Il se contenta de hausser un sourcil pendant que l’autre se gaussait à ses dépens, attendant une potentielle explication de cette hilarité soudaine. L’homme qui n’avait du vieillard que l’apparence posa une main sur son épaule et Dante le laissa faire, réprimant l’envie de s’écarter. Il n’était pas friand du contact physique, surtout quand ce n’était pas lui qui l’amorçait, mais soit. Il laissa l’autre se retenir à son épaule et attendit patiemment que l’exclamation s’apaise. — Désolé. C'est juste que ce nom... c'est la preuve que c'était ton destin de me rencontrer. Ou le mien de te trouver. Ou les deux. — Le silence fut sa seule réponse. Il attendait des explications, mais il n’allait pas les quémender non plus. Il faisait déjà bien assez la manche comme ça. C’était l’insurgé qui l’avait abordé, s’il ne lui fournissait pas d’informations, libre à lui, Dante pouvait toujours rejoindre la rue, il n’était pas si dépendant que ça des propositions de l’homme… Sauf s’il savait où se trouvait sa sœur, bien évidemment. Et son éclat de rire semblait le diriger vers ce point. Si Dante était curieux, il n’en laissait pourtant rien paraître. — Et si je te disais que je sais exactement où elle se trouve et même que je connais très bien cette très chère Eshmée ? —

Dante se défit de la prise sur son épaule et se décala d’un pas. Il restait calme, voire méfiant, face à cette annonce néanmoins, légèrement sur la défensive. — Je te dirais que tu as alors soudain bien plus de chances de me voir rejoindre tes rangs, l’ami. — Pourtant la réserve était toujours de mise dans le cœur et l’esprit de Dante. Il n’était pas sans se souvenir de sa première rencontre avec sa sœur. Ça ne s’était pas tout à fait passé comme il l’avait imaginé… et il ne savait, en vérité, toujours pas très bien ce qu’il ferait s’il la voyait à nouveau. Zébrer son corps de rouge pour lui-même sentir la souffrance dans sa chair était toujours une idée qui lui tirait des frissons d’excitation et de dégoût tout à la fois… Et cette tendresse à vomir dont elle avait fait preuve à son égard… Parfois, quand il était recroquevillé sur les pavés, cherchant le sommeil dans la fourrure de Nymerost, il se demandait ce qui se serait passé s’il avait accepté son invitation à rejoindre son existence… mais l’idée était vite chassée de ses pensées. — Je peux te la livrer sur un plateau d'argent, s'il le faut, mais je dois t'avertir d'un truc. J'ai eu quelques... désaccord avec elle récemment et je ne la porte pas dans mon cœur. Je considère qu'elle a une dette envers nous qu'elle se doit de payer, donc je ne la laisserais pas quitter le camp avant que ça soit fait. —

Ce fut au tour de Dante de rire. Un rire un peu jaune amer, mais un rire tout de même. — Ce n’est pas un souci, vieux. Elle a une dette à vie à me rendre, donc je peux bien vous la laisser encore un peu le temps qu’elle rembourse celle-ci. — Une fois ces choses à plat, Dante s’enquit de ses occupations habituelles. C’était certes un moyen de gagner un peu sa croute, mais il aimait aussi ce train de vie qui était le sien. Il aimait s’incruster dans les soirées, dans les lits, des plus riches pour se donner l’illusion d’y appartenir, leur voler quelques uns de leurs gallions pour leur faire payer ce que le destin lui avait refusé. La vengeance éternelle d’une existence bafouée. — Ouais, pas de problème pour tes activités, tant que tu nous oublies pas en route. Ramène nous quelques petits souvenirs de temps, on sera plus à l'aise si on a un peu plus de fric pour marchander des trucs. — — Ça marche vieux, pas de soucis. — Dante lui donna une tape sur le bras, juste avant que les effets de la potion ne s’estompent. Il regarda sa main étrangement, comme si c’était elle qui avait causé le changement alors qu’il savait pertinemment que ça ne pouvait pas être le cas. Il était peut-être métamorphomage, volait l’identité des autres, mais était bien incapable de détruire le camouflage d’un autre sorcier. Il observa alors paisiblement l’autre reprendre son apparence originelle. Il avait bien raison depuis le départ : cette allure lui convenait bien mieux que celle qu’il s’était amusée à porter.

— Comme tu le vois, j'ai besoin de ta réponse rapidement. Si c'est oui, on se sépare ici et on se retrouve côté moldu, à neuf heure du mat devant les portes du Buckingham Palace, il y aura assez de touristes pour nous couvrir. Si c'est non, alors adieu, l'ami, mais je doute que tu trouves un moyen plus direct de retrouver ta soeur... — Le côté moldu… Il s’y rendait assez peu souvent, sauf quand il devait fuir l’une de ses victimes de vol, revendre un objet qui aurait peut-être été trop visible du côté sorcier, et échapper aux griffes d’un mari peu heureux que sa chère et tendre soit tombée dans ses bras… mais il connaissait assez bien le Londres moldu malgré tout. Question de survie. On ne pouvait pas courir à une vitesse folle dans les rues sans savoir un minimum où on allait, surtout quand on fuyait quelqu’un. Il tendit la main à l’insurgé. — A demain matin alors. — lâcha-t-il avec un sourire malicieux.