« J'arrive. Demandez-lui de m'attendre. » Le feu crépita de nouveau et le visage de braise disparu aussi furtivement qu'il était apparu dans l'antre quelques minutes plus tôt. Le sorcier avait peu l'habitude de communiquer de la sorte par le réseau de cheminette, se contentant le plus souvent d'un parchemin griffonné et d'un hibou. Comme à chaque fois depuis ces deux dernières années il aurait répondu quelques mots rassurants à l'attention de sa mère et serait retourné à ses occupations. Or aujourd'hui, tout était différent. Sa génitrice était mourante et si sa médicomage l'avait contacté de la sorte la situation ne pouvait en être que sérieuse. Eileen n’aurait jamais élaboré un tel stratagème pour avoir son fils à son chevet. Jamais. Elle le protégeait et trouvait toujours une excuse à son comportement froid, à ses choix malhabiles et sombres. Certain de ne pas avoir le choix, il récupéra sa cape et transplana jusqu'à la demeure familiale. La maison était incroyablement silencieuse, c'est à peine s'il perçut la présence de la médicomage Tonks dans la chambre parentale. Il la salua d'un hochement de tête et lui fit comprendre qu'il désirait être seule avec Eileen.

A présent au chevet de sa mère, il ne sut comment se comporter face au corps meurtri par une souffrance longue de plusieurs années. Son père était décédé de manière relativement accidentelle. Fortement alcoolisé - comme toujours - il avait malencontreusement trébuché sur le perron, s'explosant le crâne sur la pierre. Mort sur le coup. Il n'avait pas souffert lui et il avait permis à Severus de se libérer d'un véritable poids. Tobias n'était plus et Eileen s'était retrouvée sous l'emprise d'un chagrin destructeur. Son mari avait été tout sauf bon avec elle et son fils pourtant elle gardait toujours en mémoire les souvenirs positifs du début de leur histoire d'amour. Une détresse qui s'amplifia lorsqu'elle découvrit un beau jour la marque des ténèbres sur l'avant-bras de son fils unique. Elle n'avait rien vu, ou plutôt n'avait-elle rien voulu voir. Et devant le fait accompli elle s'accusa et se rendit responsable de tous les démons qui coulaient dans les veines de Severus.

Le mangemort n'avait donc jamais été au chevet d'un mourant. Il avait tué des hommes mais les partisans du Seigneur des Ténèbres ne s'occupaient pas des cadavres, ne prêtaient nullement attention aux supplications des uns et à la pitié des autres. Mal à l'aise il resta donc debout, figé, le dos coincé et le regard plongé dans celui de sa mère. Sans doute n'était-il pas l'enfant dont elle aurait rêvé mais en toutes considérations, s'était-elle réellement épanouie dans cette maison? Ce quartier? Entourée d'un ivrogne de mari reniant - sous l'emprise de l'alcool ou non - sa véritable nature. Il aurait aimé la remercier pour ses quelques premières années de bonheur. La remercier pour le plus beau cadeau qu'il lui ait été donné de recevoir, sa magie. Les mots se retinrent pourtant de franchir ses lèvres. « Prend soin de toi Severus. S'il-te-plaît. Ne laisse jamais le chagrin t'emporter. Ne sois pas faible comme moi sois... » Si la femme n'avait pas été dans un tel état, des larmes auraient roulées sur ses joues. Sauf qu'Eileen Snape avait déjà versé toutes les larmes de son corps ses dernières années et qu'elle se voulait à présent en paix. Prête à en finir, à ne plus avoir de regrets. Sa voix se brisa cependant et la fin de sa phrase resta en suspens. Severus ne sut jamais le mot exact que voulut lui dire sa mère car elle rendit son dernier souffle en cet instant précis. Il se rapprocha d'elle, déposa un baiser sur son front et s'engagea à ne pas se révéler faible comme elle. « Je le serai. »

Une histoire de terminée. Soulagement. Il l'aimait mais il avait d'autres préoccupations actuellement, des terrifiantes qui lui demandaient tout son temps. Il sortit donc de la chambre et descendit dans le salon pour retrouver la médicomage. Il ne savait pas vraiment comment lui annoncer la nouvelle. Peut-être que s'il restait silencieux elle comprendrait, n'était-ce pas son métier après tout? Il aurait cependant eu l'impression d'être malhonnête à la laisser seule avec le corps inanimé de sa mère. Ce n'est pas comme si elle s'était occupée d'elle tous les jours ou presque durant ces deux dernières années. Il resta dans l’encadrement de la porte et ne sachant pas vraiment comment formuler la nouvelle tenta un, « Elle est partie. » D'habitude il employait des mots plus directs, plus crus avec ses camarades mangemorts et son Maître mais il s'agissait de sa mère et il ne pouvait se résoudre à la mettre dans le même panier que les ennemis du Lord. Severus sortit sa baguette et raviva le feu de la cheminée, alla s'asseoir dans l'un des deux fauteuils devant l'antre puis il fit léviter de la cuisine jusqu'à lui un verre et une vieille bouteille de whisky pur feu dont se délectait avec laquelle s'hydratait son père. Le sorcier ne buvait pas ou très peu cependant cela lui était venu naturellement à l'esprit. Et puis il en avait envie. Jaugeant du regard la couleur du breuvage et sa transparence via les flammes de la cheminée il demanda, « Comment doit-on procéder à présent? » Même si par le passé il avait vécu de véritables carnages il n'en restait pas moins inexpérimenté avec la mort et ses traditions. Quelle serait la prochaine étape? En espérant qu'il n'y en ait ni de trop nombreuses ni de trop longues.

Silence... Une colombe s'envole

Cette maison, il la détestait autant qu'il l'aimait. Ni son enfance passée entre ces murs de pierre, ni les rares bons souvenirs ne pourraient sauver la mise. Il devrait la fuir à présent, maintenant que ses deux parents sont décédés dans cette maudite Impasse du Tisseur. Il devrait exprimer un quelconque chagrin au simple fait de se retrouver comme étant le dernier de sa lignée. Il devrait se comporter comme un homme affaiblit par la perte de ses proches. Il devrait faire honneur et retirer ce masque d'ivoire habillant son visage. Alors pourquoi se comporte t-il comme le plus misérable des sorciers, se laissant tomber dans un fauteuil un verre faussement dosé d'alcool à la main. Et étrangement il n'est pas seul. Il aurait du pourtant, peut-être même que cela l'aurait-il aidé. Il serait resté dans l'après-midi pour s'occuper du corps de sa mère puis aurait repris son poste de professeur à Poudlard dés le lendemain. Comme si de rien n'était, n'ayant de comptes à rendre à personne.

La situation s'était cependant voulu plus complexe car si lui, Severus Snape n'avait été qu'un fils absent, Andromeda Tonks s'était occupée d'Eileen avec un professionnalisme sans faille. « Je vous présente mes plus sincères condoléances Monsieur Snape. » Ces mots le surprirent, lui qui était si peu habitué à un quelconque respect après le départ dans l'au-delà d'une personne. C'est ce que l'on disait alors dans de telles circonstances, des condoléances. Le mangemort se serait presque sentit gêné devant tant de sensibilité et de sincérité de la part de la médicomage. Toujours avachi dans son fauteuil il ne savait décidément pas quelle serait la prochaine étape. « Je vais vous faire l’acte de décès pour que vous puissiez faire les démarches pour l’enterrement de votre mère. Avez-vous une entreprise pour prendre en charge ses funérailles ou désirez- vous que je vous en conseille ? » Severus détourna le regard vers la femme, surpris par la tournure des événements. Une réaction qu'il veilla à cacher aussi vite qu'elle était apparue. Sa mère était morte. Mais ressentait-il une véritable différence par rapport à la veille? Coupable de ne plus lui rendre visite mais ayant décidé il y a bien longtemps d'avoir de plus grosses priorités, comme la protection de Lily par exemple. Jamais il n'avait crû qu'Eileen réussirait à refaire surface. Son décès s'effectuait donc dans l'ordre des choses. « Je... Non. » Le mangemort n'avait pas non plus réfléchi à l'après, trop concentré sur le présent, sur les vivants. Obsédé par une unique chose, il avait trahi le Lord pour essayer de protéger Lily. Pire il était responsable du danger que courait actuellement la jeune femme. « Si vous avez besoin je peux vous aider dans cette démarche comme vous semblez très pris. » Snape voulut lui demander de rentrer chez elle et de le laisser seul. Simplement pour ne plus avoir cette âme plus touchée que lui même par la mort de sa propre mère. Il respecterait sa génitrice mais il ne se sentait pas capable d'être jugé sur ses usages concernant les funérailles. Lors de l'accident de son père, c'est Eileen qui s'était occupée de tout, courageuse malgré la douleur car elle s'était retrouvée seule ce jour-là. Le jour de l'enterrement de Tobias dans un cimetière moldu. Severus n'avait jamais vu le résultat et il n'irait sûrement jamais se recueillir sur la tombe du père qu'il détestait tant.

Et c'est sur ces pensées que le sorcier jugea que sa mère méritait mieux. Si une personne était capable de l'aider à lui rendre correctement hommage, il s’agissait bien d'Andromeda. « Votre mère vous aimait énormément, elle n’a cessé de me le dire. Elle était très fière de vous. » Evidemment, qu'aurait-elle pu lui dire d'autre? Ne sachant que défendre son fils et non le condamner même avec le sang qu'il avait accumulé sur ses mains au fil des années. Snape bu alors cul sec le verre qu'il tenait dans sa main, s'empara de la bouteille avant de remplir de manière plus que déraisonnable le récipient. Le breuvage lui arrachait littéralement la gorge, bien trop peu habitué à boire plus fort qu'un thé épicé. Il se demanda comment son paternel avait pu s'en enfiler une bouteille par jour pendant tant d'années. Le sorcier replongea son regard dans l'antre de la cheminée avant de s'adresser maladroitement à la Tonks. « Qu'est-ce qu'elle désirait? Où voulait-elle voir son corps reposer? » Il aurait pu avoir honte de se retrouver à demander à quelqu'un d'autre les dernières volontés de sa mère mais Severus se doutait bien qu'Andromeda en connaissait bien plus sur lui, sa vie et sa mère, que lui sur elle. Il avala de nouveau la dose d'alcool fort avant de reposer le verre sur le guéridon. Il faillit presque s'étouffer mais réussit à s'adresser de nouveau à la femme à ses côtés. « Je ne vous en propose pas. » Il n'aurait voulu détruire la gorge de la seule personne prête à l'aider dans de telles démarches avec une bouteille décidément trop vieille pour être appréciée à sa juste valeur. « Mais je peux vous offrir un thé. » Il en aurait lui-même bien besoin avec ce qu'il venait d'ingurgiter. Severus invita la médicomage à s'asseoir dans le second fauteuil d'un geste de la main. « Asseyez-vous, vous serez plus à l'aise pour remplir les papiers nécessaires. »

Silence... Une colombe s'envole

Au dessus de sa tête reposait le corps sans vie d'une femme. Sa mère. Et lui était là, à la recherche de la libération par les effets de l'alcool. Il n'était pas triste. Aurait-il dû? Il ne ressentait aucun regret, aucune culpabilité. Ce n'est pas pour autant qu'il en restait indifférent, même si son visage figé comme bien trop souvent ne montrait qu'une rédemption silencieuse. Voilà pourquoi il se sentait presque libre mais étrange à la fois. Le poids d'un corps lui paraissant presque plus lourd, à présent dénué de son âme. La médicomage accepta poliment le thé qu'il lui proposait, mais alors qu'il l'invitait à se mettre plus à l'aise elle lui répondit, « Je vais juste chercher le petit carnet de votre mère et je reviens. » Severus n'avait strictement aucune idée de ce dont il pouvait s'agir. Était-ce le carnet où la Tonks renseignait l'état de santé d'Eileen? Pourtant il était prêt à parier que le dossier médical se trouvait juste sous ses yeux, sur la table basse avec les autres documents qu'Andromeda avait déposé. En attendant le retour de la sorcière, il se releva pour ranger la bouteille de whisky pur feu et déposer son verre vide dans l'évier. Une fois dans la cuisine et dans un ballet millimétré il prépara deux tasses de thé. A la recherche de la boîte métallique contenant les biscuits faits maison de sa mère, il finit par mettre la main dessus mais cette dernière était vide. Imbécile. Eileen était malade et alitée, elle avait sans doute d'autres préoccupations que de faire de la pâtisserie. C'est donc un peu coupable et déçu qu'il apporta les deux tasses fumantes dans le salon. Il aurait tant aimé croquer dans les sablés au citron de son enfance.

Il ne fallut finalement pas bien longtemps à Andromeda pour faire irruption dans la pièce de vie, le précieux sésame en main. « Voici le petit carnet que votre mère avait toujours avec elle. Elle y gardait ses « bons » souvenirs comme elle disait. Elle tenait à ce que je vous le remette. » Le petit carnet en question portait bien son nom. D'une taille extrêmement réduite, l'épaisseur paraissait cependant des plus conséquentes. Recouvert d'une couverture en cuir, Severus avait l'impression de découvrir le trésor le plus intime et secret de sa mère. Il réceptionna maladroitement ce qu'il lui était dû d'après les paroles de la défunte. « Merci. » La médicomage s'installa dans le fauteuil lui faisant face et s'empara du thé encore brûlant. Au moins elle semblait apprécier. « Merci pour le thé. » Le mangemort esquissa un sourire à son attention et bu lui-même une gorgée de l'infusion. Le carnet toujours entre ses doigts, il n'osait l'ouvrir par peur d'y découvrir ce qu'il n'aurait préféré ne jamais savoir. Les bons souvenirs d'Eileen ne coïncidaient pas forcément avec les siens. Et puis il était effrayé à l'idée de se retrouver avec une grande révélation de sa mère sur la conscience. Ou peut-être que tout simplement il ne se sentait pas prêt à violer la vie privée de sa génitrice. La femme qu'il ne connaissait que trop peu. Celle à qui il devait pourtant tout. « Votre mère désirait être incinérée et que ses cendres soient dispersées dans des dunes au bord d’une plage. Elle trouvait que c’était la meilleure façon de finir sa vie. » Une bonne nouvelle. Le sorcier imaginait déjà le pire à devoir entretenir régulièrement la tombe d'Eileen. Non pas qu'il n'ait jamais eu de sentiments profonds à son égard mais seulement qu'il préférait ne plus y penser. Quand on évoquait sa mère devant lui, il revoyait la femme forte de quand il avait huit ou neuf ans. Bataillant pour que son mari se case une bonne fois pour toute dans la vie active et que son fils unique la rende fière. Une image immortelle qu'il conservait préférentiellement à celle de la femme affaiblie qu'elle était devenue depuis. Il se souviendrait d'elle mais il ne voulait pas que son décès ait un impact trop important sur sa vie actuelle. Sa vie personnelle qui ne le regardait tout compte fait que lui. « Je ferai tout pour respecter son désir. » Snape déposa le petit carnet sur le guéridon pour se concentrer sur ce qu'il devait faire et planifier, maintenant, tout de suite. Peut-être devrait-il faire incinérer sa mère avec son trésor? Ne serait-ce pas la meilleure des choses, sans oublier qu'il se retrouverait ainsi enfin sans aucune attache. Plus libre que jamais. Il ne pouvait pourtant s'y résigner tout de suite, imaginant encore la voix de sa mère demandant à Andromeda de remettre le carnet à son fils. « Elle m’avait parlé de Whitstable. » Il lui fallut quelques secondes avant de reconnaître le nom de cette ville. Il l'avait déjà entendu, de la bouche de sa mère elle-même mais cela faisait des années et à l'époque, Severus avait été plus distrait qu'autre chose lors du récit de sa génitrice. « Dans le sud? » Ce n'était pas véritablement une question, plus une demande de confirmation. Ou encore sa manière de montrer qu'il n'était pas si détaché de sa mère qu'il laissait paraître. « Il me semble que sa meilleure amie d'enfance y vivait. » En vérité il ne savait plus s'il s'agissait d'une amie ou de la famille éloignée mais il comptait sur la Tonks pour ne pas en demander plus. Ni pour effectuer une quelconque recherche à ce sujet.

Le rendez-vous était pris. Jusqu'à ce que le mangemort réalise qu'il lui faudrait tout de même, à défaut d'organiser un enterrement, organiser la crémation. « Quels sont les délais? » Même avec des efforts surhumains de sa part, il ne pourrait s'absenter trop longtemps de son travail à Poudlard et encore moins du Cercle du Seigneur des Ténèbres. Le choix de sa mère se retrouverait qui sait, peut-être être la meilleure des solutions. Le meilleur des cadeaux qu'elle aurait pu lui offrir au moment de fermer les yeux à jamais. Il ne sut pas vraiment comment formuler sa requête alors il tenta de rester simple et respectueux en la mémoire d'Eileen. « Accepteriez-vous de m'y accompagner le moment venu? Elle vous appréciait et je ne voudrai pas qu'elle... disparaisse seule. » Il était certain de ne jamais réussir à surmonter le fait de se retrouver seul sur cette plage, dans le vent, ses narines agressées par l'air iodé, ses cheveux balayés par les volutes de sable.

Seul, devant une mer déchaînée, à devoir disperser les cendres de sa propre mère. De libérer pour l'éternité Eileen Snape. De se libérer lui-même de son passé sans une once de culpabilité.

Silence... Une colombe s'envole

Un égoïste de première à penser en premier lieu à son bien-être. En même temps sa mère ne pouvait réclamer rien de plus que de la dignité à présent. Il s'efforcerait de faire au mieux, pour s'éviter de finir ses jours hanté, pour Eileen la première femme de sa jeunesse, malgré lui. « Nous sommes mercredi donc il faudrait que son corps soit pris en charge aujourd’hui mais il suffit que j’envoie un message et ce sera fait rapidement. Ensuite ils peuvent garder un peu le corps mais il serait bien que ce soit fait ce weekend. » Severus n'écoutait la médicomage que d'une oreille, ressassant sans cesse des souvenirs passés. A la recherche d'un réponse, d'une explication. Pourquoi? Comment en était-il arrivé là? D'avoir perdu ses parents à vingt-et-un ans, l'un d'un accident futile et l'autre de chagrin. Peut-être que son désir de meilleur vient de là? Ne pas mourir inutilement, trouver une raison à son existence, à ses actions et ses choix. Protéger et défendre ce qu'il considère être le bien, disparaître de ce monde en ayant laissé sa trace. « Vous êtes professeur de potion à Poudlard c’est bien ça ? » Distrait et le regard plongé dans la flammes il entendit malgré tout la question de la sorcière. « C'est exact. » Il aurait pu remettre sa nomination en question, comme toujours... Si seulement Andromeda avait connaissance des dessous de ce poste. Servir son maître tout en étant auprès de son meilleur allié. Tant d'ironie, Snape avait bien du mal à réaliser qu'il était à présent un agent double. Espion et liaison ultime entre les deux camps, se battant pour le Seigneur des Ténèbres mais trop faible pour faire un quelconque sacrifice dans son combat. Il n'imaginait pas une seule seconde voir Lily perdre la vie. Il ne se le pardonnerait jamais. « Est-ce que samedi vous conviendrait ? » Le mangemort bu une nouvelle gorgée de son thé et se réchauffant les mains approuva la proposition de la Tonks.« Le plus tôt sera le mieux. » Plus vite cette histoire prendrait fin et plus vite il pourrait endosser son rôle comme si rien ne s'était produit.

C'est par refus d'affronter cette vérité seul qu'il convia la sorcière aux différentes étapes qui allaient s'ensuivre. « Bien entendu. » Ses épaules se détendirent, soulagé de ne pas avoir à essuyer un refus. Dans le fond, Severus n'avait pas de grosses difficultés à percevoir le dévouement d'Andromeda. La passion d'une profession et sa capacité à mettre sa vie privée de côté pour venir en aide aux autres. N'était-ce pas en quelques sortes ce qu'était en train d'accomplir Snape, ne pas se laisser submerger par la mort du dernier membre de sa famille?  Non, il se faisait des idées. La Tonks était bien plus au service des autres que lui. C'était un fait indiscutable. « Veuillez excuser ma surprise, je ne pensais pas que vous accepteriez ma présence. J’appréciais aussi énormément votre mère donc je serais honorée d’être là. » Qu'était-il devenu pour ne même plus percevoir les émotions des personnes lui faisant face. Aveuglé par ses affaires il ne portait finalement que trop peu d'attention à la femme qui était en train de lui sauver la mise. Il se serait retrouver bien démuni sans son soutien pour s'occuper de la dépouille d'Eileen. Trop de bonté en une unique sorcière. Il la remercia donc du regard et entreprit de retirer sa cape. Après tout ce temps il ne s'était toujours pas mis à l'aise et étant donné qu'il commençait à avoir l'impression d'étouffer il valait mieux y remédier tout de suite. Entre le thé, le poids des événements mais aussi la cheminée chauffant bien plus que nécessaire, surtout en cette période de l'année. Le mangemort plia soigneusement le tissu tout en veillant à récupérer sa baguette avant. « Je vais envoyer le message pour qu’on vienne récupérer son corps si cela vous convient. » « Pas de problèmes. » Il ne serait définitivement pas de ceux s'accrochant à un corps sans vie, animé par une folie effrayante. Les réactions de l'être humain sont bien spectaculaires parfois. Sa manière à rentrer en transe ou s'effondrer en un dixième de seconde. Ne sachant plus vraiment où se placer - se sentant de trop - voyant la Tonks se mouvoir sans complexité - il reprit en main le petit carnet qui lui était destiné.

Ne pouvant se résoudre à aller à l'encontre des dernières volontés de sa mère, ne désirant pas pour autant découvrir des secrets enfouis depuis bien trop longtemps... L'idée d'en savoir malgré tout plus sur le contenu de ce carnet pouvait sans doute s'effectuer avec le soutien de la Tonks. La couverture de cuir en main il en décrit chacun des reliefs du regard. Était-ce le moment idéal? « Je ne sais pas tout ce qu'elle a pu vous raconter sur moi mais... » Ses yeux se voulaient fuyants, ne voulant surtout pas la prendre à partie ou lui retirer tout ce qu'elle avait pu vivre en compagnie d'Eileen. Severus voulait pourtant se montrer tel qu'il était, être honnête avec la médicomage qui avait eu tant de récits faussés à son sujet. « Ma mère n'a jamais voulu ouvrir les yeux. Je veux dire... elle cherchait des excuses constamment... alors qu'elle aurait du avancer. » L'accusait-il d'avoir été trop faible? Oui. Car finalement il était simple de la décrire comme la femme dépassée par la mort de son mari et la mauvaise direction de son fils. De dépeindre un tableau sombre où ce fils en question ne portait pas de grande attention à sa génitrice. Mais avait-elle seulement essayé de le dévier du chemin qu'il s'était tracé dés son plus jeune âge? Attaqué et influencé dans sa plus ancienne naïveté. Snape ne regrettait pas ses choix, il aurait pourtant aimé voir sa mère plus concernée par ses opinions quand il en était encore temps. « Vous devez penser que je ne suis pas un homme bien. Que je n'étais pas un fils digne de son amour. Et c'est la vérité, je ne l'ai jamais remerciée. » Il n'y avait tout simplement jamais pensé. Le mangemort ne s'en sortait pas si mal dans sa vie et il ne s'imaginait pas vivre autre part que dans le monde magique. Il lui était inconcevable de ce mouvoir dans un environnement si vide que celui des moldus. Severus savait qu'il n'y avait pas de normalité dans ce qui concernait les relations familiales. Il n'y avait qu'à voir celles de ses camarades mangemorts, vivants dans un luxe qui n'empêchait pas le mensonge, la haine et la trahison. La violence de l'homme était partout. Finissant finalement sa tasse, il la reposa sur la table basse et avant l'instant fatidique de l'ouverture du carnet il s'élança. « Suis-je devenu un monstre? » Ce n'était pas une crainte. Il était seulement désireux d'avoir la vérité. Méritait-il aux yeux d'Andromeda le présent que lui avait laissé sa mère. Pouvait-il continuer sa vie sans se soucier d'un potentiel mal qu'il semait sur son passage. Il espérait voir la vérité sortir de la bouche de la sorcière car tout compte fait, il avait fini par la prendre en considération.

Silence... Une colombe s'envole

C'est étonnant à quel point on peut se retrouver apaisé et hors du temps. Car même si le sorcier ne se sentait ni stressé, ni en colère, ni blessé la voix d'Andromeda le calmait. Comme si depuis tout ce temps il n'avait pas compris ce qu'il recherchait. Tout s’accélérait  à présent dans la vie de Severus. Occupé il n'avait ni le besoin ni l'envie de se poser. Du moins c'est ce qu'il pensait car de retour dans la maison familiale le temps venait de s'arrêter. Assis dans le vieux fauteuil de sa mère face à l'antre de la cheminée qui le fascinait plus jeune des questions douloureuses refaisaient surfaces. Le sujet de sa légitimité en tant que fils étant donné que sa mère venait de partir de l'autre côté. Le mangemort avait ses craintes, celles qu'il n'aurait jamais pu poser sur la table avec un de ses collègues. Il était tombé presque par hasard sur la Tonks et Snape sentait que c'était le moment de s'abandonner. Une heure, deux, trois au maximum mais ces minutes lui seraient importantes pour l'avenir. La médicomage lui contait les dernières paroles d'Eileen et lui disait avec conviction des vérités pleines de sens. Il la laissa s'exprimer librement, ne voulant l'interrompre bien trop hypnotisé par ce qu'elle pouvait lui annoncer. Et lorsque Severus se sentit assez en confiance il s'abandonna à sa question fatidique. Une réflexion violente mais dont il espérait trouvé une voie de sortie. Le terme de monstre était fort mais certain d'avoir été un mauvais fils il ne voyait pas quoi dire d'autre. Andromeda franchit la barrière à son tour, le rassurant, affirmant et le conseillant tel une amie. Et c'est tout naturellement qu'elle se rapprocha de lui e entreprit d'ouvrir le carnet. Le sorcier n'avait jusqu'alors su s'il aurait le courage de l'ouvrir mais il était sûr d'un fait, ce carnet finirait incinéré avec sa mère. Il ne voulait se raccrocher à l'aspect matériel. A La femme ayant commencé les hostilités il paraissait évident à Severus qu'il lirait et décortiquerait avec attention ce qui ressemblait à un artefact. Il enregistrerait le tout via son esprit, il ne pourrait se rattacher à quelque chose d'aussi matériel. « Prenez votre temps, je vais chercher un peu de thé et envoyer le mot. » Snape acquiesça d'un signe de la tête et se concentra sur les innombrables photos mouvantes. Sa mère était magnifique, forte, peut-être était-ce cette image qu'il se devait de conserver? Son travail pouvait attendre, Severus avait tout une vie a rattraper.

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