T’avais pas pu continuer. Il y avait eu un moment où il avait juste fallu que tu t’en ailles. T’en pouvais plus. Ça avait été pire qu’une trahison, puisqu’inconsciente. Ta mè-… elle te plantait un couteau dans le dos à chaque fois que tu croisais son regard perdu et pourtant mille fois chéri. Alors y’avait un moment où t’en avais eu marre de jouer les grands garçons, et avais prétexté quelques rendez-vous secrets et courses officieuses pour lui fausser compagnie. Presque sans scrupule. Parce que depuis que tu avais croisé sa route, tu t’étais pas permis de craquer une seule fois, quand ça avait soudainement craqué dans tout ton toi, quand tu t’étais rendu compte qu’elle ne se souvenait plus de rien.
Te voilà donc de retour au cœur d’une ville plus tendue que jamais. L’air est électrique, l’atmosphère pesante, comme un lourd manteau, comme si t’avais besoin de ça. Tu sais même plus si t’as envie de chialer ou d’éclater des têtes, toi qui n’en avais jamais éclaté. Eclater des têtes comme Sasha avait éclaté ton cœur en marchant dessus, sans le voir, quand auparavant, elle ne voyait que toi et papa. Papa. Tu peux pas la lui ramener comme ça. Ça le briserait. Il supporterait pas, il est fragile comme toi. Et cette histoire de Morrigan ; ce serait comme tout reprendre depuis le début, depuis le quand tu n’étais pas encore là. « Tu vas faire quoi mainten- » « J’peux pas lui faire ça » Parce que tu te l’étais fait à toi-même et que pour rien au monde tu le ferais à ton père, même si tu lui en voulais à mort pour plein d’autres choses. Ça fait tellement mal que tu ne souhaitais ça à personne ; pas même à Tu-Sais-Qui.
Ça fait longtemps que tu marches, ça fait longtemps que tu comptes plus le temps qui passe. A chaque voyage, c’est comme si tu t’engouffrais dans un tunnel, sans repère, avec pour seule lumière, celle à l’autre bout. Tu cours si vite maintenant, t’es presque invisible. De fait, malgré ta singulière tenue –cet ensemble de survêtement de contrefaçon moldu-, tu parviens à pénétrer dans la cité côté sorcier. Tu sors du tunnel dans ta tête, mais il fait toujours aussi noir – c’est la nuit, t’as le cœur et le ventre vides. Ton cœur ne fait plus un bruit, tandis que ton estomac en a à redire. « Tu n’as plus de galettes de riz ? » non, tu les avais laissées à Sasha qui paraissait revenir de l’au-delà. « Il y a des restaus chicos dans le coin, tu devrais aller y faire un tour » tu n’avais jamais vraiment aimé subsister en fouillant dans les poubelles comme les chiens errants, mais cela s’était avéré salvateur plus d’une fois –c’est fou ce que la bourgeoisie peut jeter sans consommer.
Je prends un peu d’altitude pour te guider jusque dans l’arrière-cour d’un pub branché, où tu vas pouvoir faire pitance. Je te laisse manger en silence, réduisant ainsi ma présence au simple halo verdâtre qui émane de ma silhouette vide. Je te laisse batailler avec un elfe de maison qui sortait les poubelles, retenant un petit rire désolé devant l’absurdité de la situation. Et c’est en te laissant faire tout ça sans rien dire que je faillis à ma tâche, ne parvenant pas à te prévenir à temps que quelqu’un approche. A défaut de me trouver, ton regard en chien de faïence transperce le nouveau venu, alors que tu as encore les mains dans les ordures, des taches de gras sur ton blouson, et des taches de larmes sales sur tes joues, comme un gamin qu’on aurait roulé dans la boue.
Dernière édition par Arnold Heidelberg le Jeu 13 Oct 2016 - 8:30, édité 1 fois
Elle sait être compréhensive, elle peut. Mais s'il y a quelque chose qu'elle exècre, Callie, ce sont bien les promesses non tenues. Alors, lorsque Ambroise lui a avoué en dernière minute qu'il ne pourrait pas l'emmener au restaurant ce soir, annulant pour la énième fois un de leurs projets elle s'est vraiment énervée. Ce n'est pas son genre pourtant et elle le vit mal — ou peut-être que si, peut-être que c'est exactement son genre, peut-être que c'est la raison pour laquelle il la traite de plus en plus souvent d'enfant gâtée et lui reproche de ne pas comprendre qu'il touche son rêve du bout des doigts et a besoin de s'y consacrer. Mais elle est inquiète parce qu'il ne voit plus rien d'autre que ça, ne vit plus que pour ça, alors qu'il y a tant d'autres choses dont ils devraient parler, à commencer par la malédiction qui le ronge depuis des mois. ça lui fait peur, vraiment, mais parfois elle se demande s'il vaut vraiment la peine de craindre l'avenir car après tout, le temps qu'il crève à cause de ce foutu maléfice, peut-être qu'elle l'aura déjà perdu depuis longtemps ? Et puis- et puis. Il y a cette guerre qui n'en finit pas et qui brise tout ; Tracey a disparu il y a environ une semaine et l'angoisse lui noue les tripes, la solitude la tue, puisqu'elle la confronte à cette terrible réalité.
Ne reste pas à te morfondre, allez, on se fait une sortie entre potes et tu verras, après tout ira mieux. C'est la proposition qui l'a arrachée à la couette où elle ruminait, au désespoir ; c'est la phrase qui l'a conduite là, à minuit passé, à héler un au revoir temporaire en vacillant un peu sur ses talons vertigineux, après avoir promis de ne pas rentrer en transplanant. Transplaner ou boire, il faut choisir, et puisqu'elle a choisi la seconde option il lui faudra opter pour une calèche de nuit ou appeler le Magicobus pour retourner à Herpo Creek. C'est le plan, du moins, et elle songe s'y tenir, vraiment, mais quelque chose attire son attention — dans la ruelle qui borde un restaurant en pleine fermeture résonnent deux voix. C'est ténu, presque indistinct, et en temps normal elle aurait détalé, Callie. Les rôdeurs nocturnes peuvent être dangereux, Daddy l'a dit, et puis les temps ne sont pas sûrs, et il serait sûrement furieux d'apprendre qu'elle n'est toujours pas rentrée à cette heure indue... Mais il n'est pas obligé de savoir, puisqu'il passe la nuit au travail, et puis elle est adulte maintenant, par les caleçons de Merlin, elle a soufflé ses dix-sept ans en mai dernier.
Peu importe, elle songe en se fustigeant de s'égarer en pensées ; elle sera prudente, elle veut seulement... quoi donc ? Jeter un œil, curiosité morbide, sans doute. Savoir quel genre de personnes trainent à cette heure, non pas de façon anodine ou pour projeter quelque agression mais pour... faire les poubelles, si ses yeux ne la trahissent pas. Pincement au cœur — à travers la brume alcoolisée la situation la frappe. C'est triste d'en arriver là, de tomber si bas, et puis ce n'est pas sain de vivre comme ça, non ? Son père a en horreur les mendiants et les désargentés, affirme qu'ils devraient faire plus que s'asseoir sur leur séant et regarder mollement la vie passer ; pour une fois, Callie n'est pas d'accord. Elle n'est pas totalement aveugle, elle voit bien les injustices qui accablent la plèbe, est douloureusement consciente du fait que le système ne sourit qu'aux plus aisés. Et si elle reste passive, faute de savoir quoi faire et d'avoir le cran de défier le gouvernement, au risque de découvrir personnellement si les rumeurs de lavage de cerveau sont un mythe ou une réalité, reste qu'elle est relativement consciente de ce qui se passe autours d'elle.
Elle peut juste... regarder et faire demi-tour, prétendre n'avoir rien vu. N'est-ce pas ? Et ce qu'elle voit c'est un fantôme et un peu plus loin, une silhouette bien humaine, élancée, un peu efflanquée, engoncée dans des couches et des couches de vêtements étranges (de très mauvais goût, mais ce n'est que son avis). Ce qu'elle voit, c'est un profil juvénile, difficile à distinguer dans la semi-pénombre. C'est étrangement... dérangeant. Douloureux, presque. Elle ne devrait pas, vraiment ; blame it on alcohol, Callie cède aux émotions qui la chiffonnent, approche au lieu de reculer comme elle l'aurait fait si elle avait eu les pensées claires. Hm... toi ? qu'elle interpelle maladroitement, pas trop fort, mais juste assez pour qu'il l'entende. C'est pas que je veuille interrompre ton- ahem, ton dîner, mais est-ce que tu sais que c'est... extrêmement risqué ? Elle s'arrête à deux ou trois mètres de lui, soudain hésitante : une alarme qu'est-ce que tu fous ?? vient de se déclencher dans son esprit. Mais c'est un peu tard pour y songer. Il y a des normes strictes de conservation des aliments, température, hygiène et- I mean, ce que tu récupères là est sûrement gavé de microbes, tu risques de... t'intoxiquer. Sa voix s'éteint un peu sur la fin. C'est l'apprentie guérisseuse qui parle, mais une autre part d'elle lui souffle oui, et alors ? Tu as une autre solution à lui proposer ? ça lui fait sûrement une belle jambe, à ce gars, de se taper une leçon de morale à minuit et quart alors qu'il crève peut-être de faim depuis une éternité. Elle en a vu, des patients faméliques que les plus récents décrets placent en dernier dans l'ordre des priorité. Elle en a vu, et c'est insupportable. Est-ce que t-tu accepterais que je t'offre quelque chose ? Ce serait... mieux pour ta santé, qu'elle conclue misérablement. Oui, vas-y Callie, présente-toi comme une bourse sur pattes, invite-le à te braquer, tu seras bien avancée ! Elle se sent plus sobre, adrénaline aidant, et commence à se dire qu'elle aurait vraiment dû rester à l'écart plutôt que de s'empêtrer dans cette drôle d'histoire.
Made by Neon Demon
Dernière édition par Calixe Davis le Mer 30 Nov 2016 - 9:24, édité 1 fois
Je sens ton regard de chat égyptien me chercher avec hargne, pour me demander pourquoi je n’avais pas fait plus attention aux possibles passages dans les environs. A vrai dire, mon attention avait été détournée par ta dispute avec l’elfe de maison employé dans le pub sur le dos duquel tu dînais à l’œil. Mais peut-être qu’au fond, on pouvait deviner là une sorte d’acte manqué ; comme si j’avais eu envie qu’on te trouve. Parce que ça faisait décidément trop longtemps que tu n’avais pas fait la conversation à quelqu’un d’autre qu’à moi –et encore, la plupart du temps, il fallait avouer que je soliloquais-, la petite Fawley n’avait pas pu faire grand-chose pour toi, et je ne parlais même pas de tes récentes retrouvailles –encore glacées comme le baiser d’un mangemort- avec ta mère.
Cela dit, j’étais loin d’imaginer que tu allais tomber sur l’un des quatre mousquetaires du gang de l’ABCD. Oh, j’en connais désormais un morceau sur vous, et sur toutes vos mésaventures ; à certains moments, je m’y serais presque projeté. D’un autre côté, rien ne laissait présager que vous vous connaissiez, à voir la précaution avec laquelle elle s’approche, silhouette un peu chancelante sur ses hauts talons. A voir ton corps se recroqueviller, les doigts agrippés à la poubelle, comme si t’étais prêt à la lui lancer dans les pattes. J’aime pas te voir comme ça, Arnold. Ce sont des gens, comme toi ; elle doit être à peine plus âgée que toi. Et tu la traites comme une étrangère, comme un être étranger à ta nature. T’es un humain, Arnold ; en fuite, peut-être, mort de faim, sans aucun doute. Mais il ne manquerait plus que tu oublies d’où tu viens. C’est précieux les souvenirs, Arnie ; c’est ce qui nous raccroche à la vie ; et même à la mort.
Elle ne crie pas, ne menace pas d’appeler les rafleurs, ni de partir en courant. Et ça, c’est déjà beaucoup ; comme si elle aussi, au fond, elle ne se demandait pas si vous vous connaissiez. Nous haussons un sourcil à l’unisson lorsqu’elle se met à monologuer sur l’absence d’hygiène dans laquelle tu vivais depuis des mois. A la bonne heure. Nos regards se rencontrent, discrètement dans la pénombre, parce qu’il fallait avouer qu’on avait encore jamais eu le droit à ça. Ok, pas de doute, c’est bien elle. Avant de la rencontrer, tu pensais bêtement que tous les asiats avaient la même dégaine. Seulement, très vite, t’as constaté que tu pouvais les reconnaître, elle et Damian, entre mille.
C’est drôle, elle n’a pas l’air de te reconnaître. Tu sais pas si tu dois lui avouer tout de suite. Tu sais pas trop comment lui avouer ; parce que quand t’avais fui avec maman, t’avais pas daigné garder le contact ou même donner de simples nouvelles à tes amis. Trop risqué. Tu te disais peut-être à l’époque qu’ils comprendraient. Oui mais voilà, c’est pas aussi simple que ça, mon grand. Disparaître de la circulation, ça ne voulait pas forcément dire partir en vadrouille avec maman. Tu aurais pu avoir autant fui que péri, et ce manque de considération de ta part à cette époque ne m’étonne pas plus que ça. Parce que tu te crois héros de ton histoire ; mais tout le monde n’était pas spectateur constant de ta vie comme je l’étais.
Si je me rappelle bien ce que tu m’avais raconté, il doit s’agir là de la petite Blair… ou plutôt de « Callie » que tu chuchotes dans un nuage de buée, sans qu’elle ne t’entende. Elle est jolie, hein ? Tu serais bien tombé amoureux d’elle si elle t’en avait laissé l’occasion, si elle n’avait pas fait une si bonne amie. T’avais observé que tu étais sensible au charme asiatique –bon et aussi tout simplement aux filles, pauvre adolescent que tu es- mais t’avoues avoir été un peu pris de court par les retrouvailles. C’est pas que quand tu l’avais quitté, dame puberté n’avait pas encore frappé… et là, wouah, on aurait dit une grande dame. Ça te met alors en face de ta propre condition. C’est peut-être pas plus mal qu’elle ne t’ait pas reconnu, tu aurais eu un peu honte de te présenter dans cet état. D’un autre côté, tu trépignais à l’idée de la manière dont tu allais te présenter à elle. Soudainement, tu es redevenu le sale gamin qui ne savait plus où donner de la mauvaise blague.
Et je préfère ça, t’imaginer que tu étais comme ça, à l’époque, à Poudlard, avant la fuite, la mort et l’oubli. J’aurais pu t’empêcher de te prendre un vent, une veste, une rouste. Mais ça faisait décidément trop longtemps que j’avais pas apprécié ton air mutin, emprunté directement à ta mère. « T’étais pas aussi généreuse pendant les banquets » glisses-tu en te détachant de derrière la poubelle. Tu exécutes quelques pas dans sa direction, essuyant ton visage sans doute méconnaissable d’un revers de manche. ‘Faudrait pas que tu aies l’air trop menaçant, de fait, tu t’empresses d’ajouter « Dis-moi, ton père, c’était un détraqueur ? » tu ménages un petit silence, histoire qu’elle percute « parce qu’il a aspiré toute la beauté du monde pour la mettre dans tes yeux » T’avais la voix moins capricieuse de froid à l’époque où tu lui avais sorti cette réplique suave et douteuse pour la première fois. Si mielleuse qu’elle en devenait grotesque, surtout venant d’un gamin à peine plus haut qu’elle, et quelques minutes seulement après que leurs chemins se soient croisés pour la première fois. Tu ne sais plus réellement, mais tu aurais tendance à dire que ça avait été dans le Poudlard Express ; parce que tu ne t’imaginais pas un instant à l’école sans l’un de tes trois comparses de l’abécédaire.
Tu te ramasses une contenance à mesure que tu grignotes de ta démarche chaloupée les derniers mètres qui vous séparent, non sans l’appréhension du clochard quand il approche des sens de la belle. Tu bombes un peu le torse –et même que ça fait craquer ton dos de fugitif. « J’te prends pas dans mes bras, j’ai pas eu l’temps d’prendre un bain… ces derniers mois » et le sourire que tu lui offres, oh, je n’aurais jamais pensé le revoir un jour –quel beau masque bien lourd que tu portes, juste pour ses beaux yeux à fleur de peau.
Elle est trop plongée dans sa panique intérieure pour s'apercevoir que c'est son prénom qu'il murmure — trop concentrée sur son monologue et sa crainte d'avoir mal fait pour s'apercevoir que ces traits à moitié masqués par l'obscurité lui sont familiers. Elle regrette déjà d'être là. Et pourtant elle ne fait pas demi-tour, elle ne peut pas. Ne s'est-elle pas vouée à mettre ses capacités et ses ressources à disposition d'autrui, après tout, lorsqu'elle a choisi la médicomagie en guise de perspective d'avenir ? Elle peut le faire, être courageuse et brave, être une grande âme — hm. Elle est surtout un peu éméchée. Et puis la silhouette se détache des déchets, approche d'un pas, d'un autre, et voilà que ses belles résolutions cèdent déjà face à une nouvelle pointe d'inquiétude qui lui fait se triturer nerveusement les doigts. T’étais pas aussi généreuse pendant les banquets. Le ton est taquin et fait résonner quelque chose de lointain qu'elle peine à discerner. Pardon ? Dis-moi, ton père, c’était un détraqueur ? Euh... non ? Est-ce qu'elle doit se vexer ? Ses sourcils s'arquent haut sur son front sur le coup de l'étonnement, puis se froncent, et elle met déjà les mains sur ses hanches, prête à lui faire entendre son mécontentement, mais — Parce qu’il a aspiré toute la beauté du monde pour la mettre dans tes yeux.
Oh.
Oh, elle commente, aussi éloquente en pensées qu'en parole, prise de cours. Et puis elle glousse. C'est cheesy, mais c'est surtout trop mignon et flatteur et Merlin sait que Calixe adore la flatterie. Tu ne m'as même pas vraiment regardée, qu'est-ce que tu en sais ? elle proteste quand même en levant les yeux au ciel, mais la vérité c'est que c'est elle qui ne regarde pas, pas vraiment, pas encore. Curieuse d'ailleurs, enhardie (Il ne peut pas être si dangereux puisqu'il a bon goût, non ?), elle ose approcher à son tour, la tête penchée de côté, cherchant à mieux distinguer son interlocuteur.
Mais le sourire s'effondre pour laisser place à l'effroi. Ce n'est pas un simple inconnu, pas un simple sorcier sans domicile fixe, c'est- Arnie, elle souffle d'une voix blanche en se retenant sur le mur de pierre pour ne pas trébucher. Merlin's beard, c'est lui. Dans son esprit, un nouveau sceau s'effondre. C'est incessant, depuis l'attentat de St Mungo's, depuis que son père est trop amoché pour maintenir les sorts qu'il a lui-même dressés : elle a pris conscience des multiples petits verrous qui barricadaient certains de ses souvenirs, sortilèges d'oubli mineurs ayant influencé ses décisions, son parcours, pour faire d'elle une gamine heureuse en plein cœur de la tempête, une enfant parfaite et dépourvue de doutes et difficilement consciente des ravages de la guerre. Et derrière l'un des cadenas, l'un de ceux qui craquent et libèrent un pan de vie jusque-là voilé, il y a ce garçon. J'ai cru- je pensais- que tu étais mort. D'où lui venait cette certitude ? Elle cligne des paupières, sous le choc. Ah oui, c'était- la Gazette, rubrique des décès. J'ai vu ta description dans le journal, elle l'informe, mais elle se remémore surtout, cherche à retrouver le fil, le pourquoi du comment, à démêler le vrai du faux, les souvenirs réels des pensées mensongères. Une inextricable toile d'araignée, voilà ce qu'est son esprit couturé d'Obliviate (mais Appa l'a fait pour son bien, alors ce n'est pas grave n'est-ce pas ? C'était pour elle, toujours pour elle) ; l'alcool n'aide pas et elle plonge son visage dans ses paumes, désorientée. Les contre-coups de l'attentat déterrent peu à peu tout ce qui a été gommé ; ça lui revient par flash. Arnie, ABCD, Poudlard, les fous rires, les taquineries, les engueulades, parce qu'ils ne pouvaient jamais vraiment se parler sans se chamailler pour un oui ou pour un non ; les tensions politiques de plus en plus pressantes, ensuite. ça la submerge et elle se rappelle. Qu'elle s'est éloignée, qu'il a disparu, que le journal l'a dit mort mais que Damian n'y a jamais cru, qu'il n'a même jamais lu cette annonce — qu'elle est peut-être la seule à l'avoir jamais vue... parce qu'il s'agissait probablement d'une des manipulations interventions de son père. Oh Merlin- elle en a la nausée, incompréhension et rancœur menaçant d'étendre leurs tentacules tout autour de son palpitant affolé (mais elle les repousse parce que Daddy n'a jamais voulu lui faire de mal, il voulait juste l'aider, il voulait seulement la soulager). Elle se presse les tempes du bout des doigts, comme pour contenir l'afflux des images qui défilent derrière ses paupières, et à défaut de parvenir à tout assimiler immédiatement, elle réagit à l'instinct. Engloutit la distance qui les sépare, prend en coupe le visage à la fois familier et inconnu, en retrace les angles et les creux du bout des doigts. C'est bien toi, je croyais que tu étais mort- comment tu as pu- ne refais jamais ça ! Un léger accent d'hystérie, parce qu'elle n'a jamais été douée pour contrôler ses émotions et se confronter à des situations aussi étranges que la résurrection d'un ami d'enfance. Elle lui cogne l'épaule, d'ailleurs, en rétribution pour la peine et les larmes versées (même si ce n'est pas vraiment sa faute, à Arnie ; même si c'est Daddy qui- non, non, chut, c'était pour son bien), mais enroule aussitôt après ses bras autour du coup d'Arnie pour l'étreindre de toutes ses forces, comme s'il risquait de disparaître d'un instant à l'autre. Il est bien tangible, mais plus en os qu'en chair et- Ouh, tu sens vraiment mauvais, elle l'informe en s'écartant un peu pour prendre une bouffée d'oxygène sur le côté, et puis elle s'aperçoit que c'était pas franchement sympathique, rougit, bafouille Sorry, sorry... Comme à chaque fois qu'elle parle trop vite, inconsidérément, petite poupée privilégiée, élevée dans une cage aux barreaux en or. Elle a encore les mains sur ses épaules, gémit de détresse en avisant la tenue qu'il porte, essaye de se taire parce que ce n'est probablement pas une priorité-
Mais comment ça pourrait ne pas être une priorité, ses fringues sont vraiment immondes, c'est grave. Mais qu'est-ce qui t'est arrivé ? Elle questionne, dépitée et inquiète, ses yeux légèrement écarquillés cherchant une réponse sur ses traits émaciés de son ancien camarade. Ce qui lui est arrivé... Oh, Callie. Elle se mord la lèvre en se maudissant d'être si stupide. La guerre, voilà ce qui lui est arrivé, sûrement. Parce qu'il n'a pas fait comme elle. Il ne s'est pas conformé comme elle. Ils se dévisagent encore mais cette fois, les mains de Callie retombent le long de son corps. Imperceptiblement, rien qu'à sa question, le gouffre entre eux s'est recréé : camps différents, choix différents, vies diamétralement opposées. Les frusques d'Arnie confrontées au chic de Calixe, à son empire construit sur une rivière de sang. Elle déglutit nerveusement en attendant que viennent les reproches. Mais bizarrement, c'est de derrière elle que surgit l'impact. Miss Davis ? Calixe sursaute, se retourne d'un bloc, vivet doré pris dans le viseur d'un Attrapeur. A quelques mètres d'eux se tient Dawlish, ex-auror devenu rafleur. La main de Callie cherche celle d'Arnie derrière elle, à tâtons, par réflexe, et elle en broie les phalanges entre les siennes. C'est un des hommes de mon oncle, elle lui souffle à voix basse, ton pressant, inquiet. Employé de longue date du ministère, un très bon ami de son père, assez dépourvu de scrupules. Il est de la même trempe que sa famille et que tout ceux qu'elle côtoie et Callie n'a jamais rien eu contre lui. John ! Je suis- je m'apprête seulement à rentrer, elle force un rire faussement léger et enjoué. Elle l'aime même bien, John Dawlish ; il a toujours des Suçacides et des plumes en sucre pour elle, et quand Daddy ou Demetri ne pouvaient pas la récupérer à la gare lorsqu'elle rentrait de Poudlard (quand il y avait encore un Poudlard), c'est lui qui l'accueillait sur le quai. Elle l'aime bien, Dawlish, mais à cet instant il est dangereux et l'estomac de Callie lui chute dans les talons à l'idée de ce qu'il fera à Arnie s'il l'attrape. Pas de sucreries pour lui, de sourires rassurants, de main lui ébouriffant les cheveux d'un geste paternel. Juste un interrogatoire, un rapport, et pire encore.
Encore une fois, collision de son monde et de celui d'Arnold : tout ce qui s'associe à son confort à elle n'est que menace pour lui. Elle tente de se rappeler de la configuration de la ruelle — y avait-il une sortie...? Non, c'est une impasse. Ce n'est pas prudent d'être encore dehors à cette heure, Calixe. Et qui est ce sorcier ? L'étiquette est tombée, la voix se fait plus dure et tendue, et déjà il s'engage dans l'allée à grands pas. Callie panique. C'est un- un patient qui s'est enfui de l'aile Janus Thickey, je dois l'y ramener d'urgence, bonne soirée John ! Elle s'exclame avant de transplaner avec Arnie sans attendre son reste.
CRAC. Elle arrive avec succès dans son salon, mais seule. Arnie !? Il n'est pas arrivé avec elle, est-ce qu'elle l'a perdu en chemin ? Est-ce qu'elle l'a désartibulé dans sa hâte ? Génial, bravo idiote, transplaner ou boire, il faut choisir ! Elle se blâme, regardant frénétiquement autour d'elle. Damn, il n'est vraiment pas là- OH. Calixe se précipite jusqu'à l'entrée, dévale la légère pente menant à la grille. Comme de fait, Arnie se trouve là, sonné. Sorry sorry, elle s'excuse à nouveau en abaissant de sa baguette les charmes de protection pour ouvrir les grilles. J'avais oublié la barrière anti-transplanage, elle a dû te repousser en percevant une magie inconnue- est-ce que ça va ? Agenouillée devant lui, elle lui écarte les paupières pour observer ses yeux, puis fait tourner son visage à droite, à gauche, pas de signe de heurt. Pas d'étourdissement, de nausées, de bourdonnements dans les oreilles ? Combien de doigts tu vois ? Elle en lève trois devant lui pour s'assurer qu'il ne voie pas double ; auscultation un peu précipitée et comique, mais vite écourtée : Suis-moi, la voisine est une vraie commère et il ne faut surtout pas qu'elle te voie. Elle habite assez loin mais elle passe son temps à espionner le quartier avec ses multiplettes, une vraie plaie je te jure. Mais tout à son empressement, elle n'imagine même pas qu'Arnie ne veut peut-être pas mettre les pieds chez elle.
Pas l’ombre d’un doute, il n’y avait qu’elle pour s’empourprer de pareil compliment mielleux comme les tiens. Tu t’en lassais pas à l’époque, t’en connaissais une flopée, appris sur le tas grâce aux clients de papa qui s’essayaient à faire du charme à maman -à leurs risques et périls. Et si Blair avait tôt fait de t’envoyer balader dès que tu commençais à hausser les sourcils et à te mordre la lèvre d’un air intéressé, Callie, elle au moins, avait la décence de te laisser finir, avant de glousser face à tant de cocasserie. Et puis, quand Callie était dans ses phases de pâmoison amoureuse, il restait toujours Damian à qui faire des compliments d’un mauvais goût certain.
Et il faut croire que ce n’est pas simplement quand ils venaient de toi. En effet, elle n’a pas l’air de t’avoir encore reconnu qu’elle s’ébroue de ta petite blague de dragueur. De nouveau, nos regards se croisent, perplexes ; tu aurais pu aussi bien être un dangereux fugitif qui lui aurait fait les yeux doux qu’elle aurait baissé sa garde… Décidément ; le manque de réflexes de survie de certains te surprendrait toujours. Oui, pas de doute, elle ne savait pas que c’était toi, jusque là. Parce que quand ton surnom franchit enfin la barrière de ses lèvres maquillées, c’est un tout autre masque qui s’applique sur ses traits lisses. A peu de choses près, je dirais que c’est la tête que tu as affiché quand je suis devenu un fantôme. Oui, c’est ça, on a l’impression qu’elle vient de voir un revenant. Hé, c’était un peu ce que tu étais, non ? A revenir après avoir disparu, des kilos en moins et le teint blafard de celui qui couche dehors.
Tu restes un moment les bras ballants, à hausser les épaules. « En chair et en peau sur les os, ouais » que tu articules, ne sachant comment était censé se comporter un fantôme qui ne l’était pas. Car visiblement, elle avait cru que tu étais mort. Elle se précipite sur toi à une vitesse dont tu ne l’aurais pas cru capable, perchée qu’elle était sur ses talons et ses bouteilles. Son souffle est un peu piquant d’alcool, mais rien de répugnant, au contraire, elle sent bon, elle sent si bon ; elle est si propre et si jolie que tu sais même plus ce que ça fait de prendre un bain chaud -parce que tu avais eu droit à la douche dans l’eau glacée de la rivière, tout de même, Sasha veillait au grain. Tu pensais pas qu’elle allait tant s’approcher, ça fait si longtemps, tu es puant et terrorisé, comme un second vêtement ; comme une seconde peau, qu’elle caresse, fébrile, pour vérifier que tu es bien là. Oh oui, tu étais là, désespérément là et pas autre part, en sécurité. Tu vois bien que tu la répugnes un peu, c’est normal, tu ne sens plus ta propre odeur, mais t’as les ongles aussi noirs que tes cheveux, tes cheveux mal coupés et mal lavés. « Il en faut plus que ça pour m’tuer » plaisantes-tu, sans prendre ombrage de sa réaction de dégoût. Tu ne sais même plus à quoi tu ressembles, par rapport à l’image qu’elle avait conservé de toi ; tu devais être si petit, à l’époque, ta poussée de croissance a eu lieu en France, si bien que l’affreux survêtement que tu portes sur le dos est trop court aux extrémités. Tu es grand, même si ça se dirait pas, à te tenir tout recourbé. Tu as l’air si jeune et si vieux à la fois. Et elle, elle resplendit.
Et tu lui en veux pour ça. Ça, ça datait pas d’hier. Alors tu vas te faire un plaisir de lui raconter tout ce qui t’est arrivé. Tu prends même une inspiration quand une voix dans son dos te coupe le sifflet. Une voix d’homme ; tu te crispes aussitôt, ta main se portant automatiquement à la baguette coincée dans ton jogging. Tu cherches aussitôt sur son bras la marque ou le brassard rouge des rafleurs… bingo. Tu ne te fais pas d’illusion, tu ne saurais pas capable de lui faire plus de mal qu’avec un expelliarmus. Et lui, s’il comprend que tu es un fugitif, n’hésitera pas à faire usage d’un Impardonnable. Cependant, il a appelé Callie “Miss Davis”, et même par son prénom ; de fait, il devait la connaître ; tu pourrais te servir d’elle pour détourner l’attention, voire même la prendre en otage pour t’en servir comme d’un bouclier humain -par Merlin, j’ose espérer que cette terrible pensée n’a pas traversé ton esprit comme le mien.
Heureusement pour tout le monde, la jeune fille, malgré son ébriété, est plus vive que vous, car sans chercher à réfléchir, elle te transplane ailleurs. Le lien qui nous unit par le pacte passé avec ta mère me fait suivre la marche, et c’est donc l’arrière-train sur le paillasson d’une résidence chic que je te retrouve après transplanage. « Et beh, c’était moins une avant la désartibulation. » « Ou avant l’arrestation, j’y aurais laissé une main volontiers. » que tu grommelles, alors qu’elle vient te chercher. Paniquée, elle dresse un rapide check-up, voir si tu vas bien -oh, si elle savait, tu vas tellement mal. Puis tu la suis sans broncher à l’intérieur. Le luxe de la baraque te laisse sans voix et le nez en l’air. Ça fait longtemps que tu n’es pas rentré dans une maison et tu n’aurais pas cru avoir à le faire dans le quartier chic et collabo de la société sorcière. « Et ben, au moins, y’en a qui y trouve leur compte, dans tout c’merdier. » que tu lâches en passant un doigt sur les boiseries. « Vous avez viré une famille de sang-mêlé pour l’avoir ou c’était à vos consanguins d’ancêtres ? » Parce qu’en voulant te sauver la mise, la petite Callie n’avait fait que montrer du doigt à quel point vous aviez grandi dans des mondes différents. Et malgré le fait qu’elle t’ait sauvé la mise, tu ne parvenais pas à te faire à l’idée de lui être redevable. Elle aurait pu faire bien plus, depuis bien plus longtemps. Tous ces gens auraient pu faire quelque chose plutôt que de fermer les yeux ; ou pire encore, de participer. Il faisait quoi, déjà, son richou de père ? T’es vraiment le dernier des rancuniers, hein, Arnie ? « Je crois que ce qu’il essaye de dire, c’est “merci”. » me haté-je d’intervenir en voletant entre vous deux, bien que ma transparence ne dissimule pas la rancoeur dans tes yeux. « Moi c’est Vince ; tu dois être Calixe ? Il m’a beaucoup parlé de t- » « On a combien de temps avant que ton pote rafleur ne débarque ? » Les bonnes manières, que diable ! Tu es en présence d’une dame, sale bête !
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