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sujet; Let me love you [Alan] |
| ❝ | « Regardez une femme enceinte : vous croyez qu’elle traverse la rue ou qu’elle travaille ou même qu’elle vous parle. C’est faux. Elle pense à son bébé. » |
RÊVEUSE, les phalanges glissant distraitement sur ventre légèrement rebondie, création d’un lien unique entre mère et son engeance. Ce n’était pas le premier geste tendre que la jeune sorcière avait instauré ces dernières semaines, s’assurant par ce simple fait, que l’enfant était toujours là, que le cauchemar n’avait été que passager, et que la créature était bel et bien en train d’établir son nid douillet dans le corps qu’elle avait tant maltraité pour cacher sa situation. La peur ne quittait cependant pas la mangemorte qui se targuait pourtant de ne rien craindre : la crainte de perdre la raison peut-être, d’annihiler malgré elle, cette vie qu’elle avait réussi à créer contre toute attente, accident de parcours dont elle tenait pourtant à voir poindre le bout du nez. Tout s’était avéré très confus ces derniers temps, changement trop radical qu’elle n’avait pas eu le temps de prendre en compte, contrainte de prendre des décisions dont elle n’imaginait pas encore les conséquences. Sa condition n’était plus un secret pour les quelques membres de sa famille vivant avec elle, Alekseï ayant tout mit en œuvre pour avoir accès au dossier médical de sa cadette lors de l’incident ayant eu lieu à Sainte-Mangouste. La conversation n’avait eu lieu qu’une fois au retour dans le manoir familial, explosant au sein de la chambre de la jeune femme, dont le silence n’avait été due qu’à la peur qu’elle venait de vivre ainsi à la douleur tiraillant ses côtes et son bras, malgré les potions analgésiques. Oui, elle était enceinte, assurément, elle était irresponsable, mariage non-prononcé. L’enfant n’était pas du fiancé ? De qui dès lors ? Baba Yaga était certainement en train de se retourner dans sa tombe. En cette longue nuit, Ladáh n’avait pas de réponses, elle n’en avait jamais eu quelque part, préservant l’inconnu dans ce monde trop réel. La conversation animée avait fini par attirer le reste de la fratrie, silencieuse, jusqu’à ce que certains prennent sa défense, ne veillent à la préserver de la colère du chef de clan. La russe n’était pas en état de se défendre, encore choquée, le bras intact entourant l’abdomen, protégeant ce qui lui semblait être la chose la plus précieuse au monde. Au petit matin, elle avait prit sa décision. Elle commencerait à chercher son indépendance, s’enfuirait de la maison familiale pour se trouver son petit bout de paradis, loin de ce monde brutal, sombre, machiavélique. Elle en avait les moyens, il lui suffisait seulement de tendre le bras pour attraper l’objet de sa convoitise. Rien de bien difficile.
Depuis lors, l’exilée prenait un malin plaisir à côtoyer les rues du Londres Moldu, à la recherche d’un appartement pour sorcier dans les quartiers les plus éloignés du Chemin-de-Traverse et du Ministère. Elle aurait aisément put prendre un appartement dans la Bran Tower, l’idée toutefois, la répugnait : elle souhaitait du calme, et des voisins inconnus. Elle souhaitait pouvoir élever son enfant sans crainte de voir les siens et ses connaissances influer sur son éducation. Elle souhaitait bien des choses, utopiques certainement. Jusqu’alors, la perle rare ne s’était pas manifestée, ne la désespérant pas pour autant, chaque chose en son temps. Délaissant finalement son petit ventre à peine visible, et il l’était seulement parce qu’elle avait accepté de laisser sa grossesse suivre un cours normal, ses doigts fouillèrent dans la petite bourse qu’elle tenait, dégageant quelques pennys pour payer le marchand lui tendant le gobelet de granité fruité. Une envie soudaine, inhabituelle, mais étrangement bienvenue. La première gorgée fut un délice inégalable, l’incitant à fermer les yeux avant de les rouvrir pour reprendre sa marche. La seconde gorgée, elle, fut simplement rafraichissante, mais toute aussi appréciée. Un rapide coup d’œil sur sa montre l’incita à avancer un peu plus rapidement si elle ne souhaitait pas arriver en retard pour la prochaine visite d’un appartement qui lui semblait bien plus intéressant. Il n’y avait qu’un seul détour qu’elle souhaitait entreprendre avant de s’y rendre, passant devant le studio de danse dans lequel elle avait l’habitude de venir, mais qu’elle ne pouvait plus côtoyer en raison de son nouvel état, mais aussi des quelques blessures qu’elle conservait encore de l’épouvantable attentat ayant eu lieu à Sainte-Mangouste. Son bras était encore sous attelle, tandis que ses côtes se reconsolidaient aussi sûrement que doucement. Respirer avait été difficile dans les premiers temps, aujourd’hui, l’inconfort ne tenait qu’à un simple étirement en quittant le lit. Sirotant une nouvelle gorgée à travers la paille, sa silhouette s’arrêta pourtant net lorsque ses prunelles croisèrent celles de son inconnu qu’elle n’avait plus vu depuis un certain temps. « мой медведь » laissa t’elle échapper dans un souffle, avant de finalement se diriger vers lui d’un pas décidé, se logeant contre son torse malgré la saleté, l’odeur et autres inconforts. Il était là, il était venu la chercher comme il le faisait avant, en ces temps compliqués, et les hormones aidant grandement, elle ne put retenir quelques larmes s’évader de ses prunelles céruléennes. Il lui avait manqué, certes, mais tenter de le retenir aurait été mission bien impossible.
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| Les pieds d'Alan connaissaient le chemin jusqu'au studio de danse pour moldu, mais ça n'était pas pour autant qu'il ne se montrait pas vigilant. Ses yeux scrutateurs balayaient les environs comme si n'importe lequel de ces moldus pouvait sortir une baguette de sa poche pour passer à l'attaque, se révélant être un dangereux mangemort, ou un rafleur.
Il était venu à Londres malgré le danger pour admirer de lui-même l’œuvre de ses semblables, la destruction de toute une partie de sainte-mangouste. Ce qu'il avait vu lui avait arraché un sourire satisfait, les dégâts étaient réels et visiblement mortels. Beaucoup avait dû rester coincés sous les ruines. Certains ne s'en étaient pas sortis, c'était une certitude. Ravi d'avoir fait lui-même l'état des lieux, il avait fait demi-tour pour rejoindre les autres insurgés qu'il coordonnait pour retrouver ceux des leurs encore en fuite en Angleterre, avant de ralentir, hésitant.
Ça faisait désormais des mois qu'il n'avait pas vu une certaine personne qui prenait des cours de danse du côté des moldus. Il n'avait tout simplement pas eu le temps d'y retourner, la prise de Poudlard avait été épuisante pour les nerfs, sans parler de l'enterrement de feu la directrice des Gryffondors, puis de toute la mise en place de la logistique du château avant qu'il ne décide de le quitter pour rassembler ceux qui étaient encore dehors, pour leur donner un moyen de trouver un peu de sécurité après des années d'errance. Sans doute avait-elle été furieuse. Peut-être s'en était-elle moquée. Peut-être qu'elle l'avait oublié, ou ne gardait de lui qu'un souvenir teinté d'amertume.
Cette idée le gênait, sans savoir pourquoi. Il pourrait faire comme s'il avait péri dans l'attaque de Poudlard. Il pourrait juste rester disparu à ses yeux et ne pas avoir besoin de se justifier. Avait-il vraiment à la faire ? Alan serra les dents. Il avait une dette envers cette femme, qu'il le veuille ou non. Sans elle il ne serait pas là en ce moment. Il se serait tout simplement vidé de son sang dans une ruelle moldu jusqu'à ce que mort s'en suive. Avec un grognement il s'était alors dirigé vers le studio où elle devait sans doute toujours danser, comme tous les jeudi et les mardi.
Il ne mit pas longtemps à y arriver, sans trembler, mais se demandant quel genre d'accueil il allait recevoir de la part de la femme qui l'avait un jour tiré du caniveau où il s'était écroulé, mourant. Rien n'avait changé dans le quartier, les moldus étant en quelque sorte insensibles aux changements opérés de l'autre côté de leur monde. Peut-être ressentaient-ils un léger malaise inexpliqué. Une humeur plus sombre que d'habitude. Rien n'était sûr et Alan n'avait pas le temps de se pencher sur le sujet. Il s'installa sur le rebord d'une vitrine et attendit.
L'attente fut moins longue qu'il ne le pensait. Il n'était là que depuis quelques minutes à surveiller la rue lorsque son regard accrocha celui de celle qu'il était venu voir. Il se leva donc, fronçant les sourcils. Pourquoi n'était-elle pas à l'intérieur en train de danser ? Il n'aimait pas les choses inhabituelles, mais lorsqu'elle vint se serrer contre lui, Alan lui rendit son étreinte, surpris de sentir ses épaules trembler légèrement à cause des larmes qu'elle laissait couler le long de ses joues. Il ne s'attendait pas vraiment à ça, à vrai dire. Il posa son menton sur sa tête et inspira l'odeur de ses cheveux propre qui ne fit que lui rappeler à quel point il était sale.
-Hey, grogna-t-il, légèrement gêné. Pleure pas, ça va...
Autrefois il aurait sans doute su la réconforter, trouver les mots juste, comprendre, mais il n'était plus ce jeune Poufsouffle plein de compassion qu'il avait pu être. Il ne savait même pas comment réagir.
-Viens, on devrait pas rester là.
Ils étaient trop exposés et Alan ne se sentait pas d'affronter la crise en public. |
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| La douceur se moquait parfaitement de l’état de son amant, hirsute, l’allure revêche. Il était là, c’était, à cet instant précis, l’essentiel, le moment de répit plus que bienvenu. Ses ongles s’étaient accrochés à ses vêtements, s’enfonçant de sorte à s’y ancrer, à ne pas laisser s’éloigner l’homme que son cœur reconnaissait comme étant sien, contre toute attente logique. Elle reconnaissait sa carrure, et sans doute aurait-elle put retrouver son parfum si d’autres odeurs persévérantes le lui avaient permis. Il était là, ce n’était pas un rêve. Elle n’avait plus eu de nouvelles pendant longtemps, trop longtemps peut-être ? Et si elle en avait été chagrinée dans les prémices, elle avait heureusement bien compris que tous deux avaient des vies respectives bien compliquées. Elle n’était pas la douce jeune fille qu’il côtoyait les mardis ou les jeudis, parfois les deux, et souvent, elle s’était posée la question fatidique : faisait-il parti des victimes de ces nuits d’hécatombe ? Elle n’avait pas hésité une seconde à regarder les cadavres que son groupe et elle avaient laissé derrière eux dans la forêt de Daeva. Elle n’avait pas trouvé son visage, un soulagement parmi la prise de conscience des actes ignobles. Ce même soulagement caressant ses épaules dès lors que l’étreinte lui fut rendue, l’incitant à se serrer plus encore contre l’homme bourru, l’obligeant à esquisser un prélude de sourire parmi les larmes sitôt le grognement entendu, réponse habituelle face à chacune de leur rencontre. En cela aussi, l’homme au prénom inconnu lui avait manqué. Le rappel à l’ordre ne l’incita pas à se détacher, bien au contraire, incapable de faire preuve de prudence, tout du moins, autant que le sorcier en question. Peut-être parce qu’il n’y avait pas de danger, elle seule l’était réellement à cet instant, elle seule était servante d’un tyran en ce quartier, elle seule portait la marque à des kilomètres à la ronde. Un secret qu’elle avait si bien réussi à cacher jusqu’à présent. Elle savait ce qu’il était, et désobéissait pourtant au puissant. Stupide enfant. Hélas, ce n’était pas envers ce dernier qu’allait son allégeance, et n’irait jamais. Elle n’allait qu’envers sa famille, qu’envers les siens. Et désormais, envers l’étrange petite famille qu’elle avait créée malgré elle. N’est-ce pas pour cela que ses lèvres trouvèrent si facilement celles de son amant, s’y attardant avec déraison, sa main libre, néanmoins encore blessée retrouvant les traits de son visage. Elle en était certaine, il lui avait manqué. Se reculant finalement, elle essuya d’un revers de main les larmes qui s’étaient attardées, effaçant toute trace d’une quelconque faiblesse, d’un quelconque sentiment sur lequel elle ne parvenait jamais à mettre de mot. « Désolée, je ne suis pas si émotive d’ordinaire… » Il y avait beaucoup de choses qu’elle n’était pas d’ordinaire : fragile, émotive, téméraire, amoureuse, enceinte. Tout cela était nouveau, et il lui semblait qu’elle n’avait aucun guide pour l’aider à franchir ces nouveaux cap. L’un d’entre eux étant : comment annoncer à l’homme en face d’elle qu’il était responsable de tout ce qui était en train de lui arriver ? Comment lui glisser avec délicatesse que d’ici quelques mois, une part de lui rejoindrait ce monde brutal et dangereux ? Elle n’était pas prête à déballer cette vérité, mais au moins l’assumait-elle.
« Partons avant que les pestes ne débarquent. » murmura t’elle, bien plus pour elle-même que pour son amant, ses phalanges accrochant celles de son ours, l’autre main portant le gobelet de granité à ses lèvres, avalant une gorgée, en proposant après coup à son compagnon. Ce n’était pas grand-chose, mais au moins le partage était-il là. Elle laissa quelques mètres les séparer du studio de danse avant de reprendre la parole. « J’ai craint qu’il ne te soit arrivé quelque chose… » Murmura t’elle, tout en menant la marche, refusant cette fois-ci d’emprunter le chemin habituel pour l’hôtel dans lequel ils partageaient ce moment de répit, des instants pas toujours romantiques mais nécessaires. Le temps défilait à une vitesse folle, et l’heure de son rendez-vous approchait à grand pas. « J’ai quelque chose à faire, ce ne sera pas long, mais je crains que tu ne puisses venir. » Suspension de phrase, un tour dans la rue de gauche, puis droite. « Certaines choses ont changées… Je cherche un appartement. » L’indépendance. « Je dois en visiter un dans quinze minutes… » Un silence de nouveau, et ce nouveau réflexe, qu’elle retint à grand-peine, dérivant de son ventre à sa chevelure, la repoussant en arrière.
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| Alan aurait tout aussi bien pu ne pas parler. Elle ne s'écarta de son torse que pour chercher ses lèvres qu'il lui céda trop facilement, profitant également de ces retrouvailles. Il n'y avait pas de douceur dans son monde, mais celui de Ladáh semblait en être rempli et elle acceptait d'en partager un peu avec lui lorsqu'elle le désirait. Le baiser s'arrêta trop vite, lorsque Alan se rendit compte que la main de la jeune femme était bandée. S'était-elle blessée à la danse ? Était-ce la raison pour laquelle elle n'était plus en cours ? Elle prit la parole avant qu'il n'ai pu poser la question.
-Je sais. Qu'est-ce qui est arrivé à ton bras ?
Il se laissa entraîner à l'écart et refusa de goûter à la boisson qu'elle lui tendait. Il n'était pas vraiment d'humeur à prendre quoi que ce soit, son estomac étant trop noué à l'idée qu'on puisse les apercevoir ensemble. Ladáh n'était pas exactement un secret bien gardé, mais préférait toujours qu'on ne puisse pas trouver de lien entre eux en l'interrogeant. Il partait du principe que n'importe qui pouvait les reconnaître, même chez les moldus. Si les mangemorts avaient le moindre doute, elle courrait un danger inutile par sa faute.
-Oh.
C'était donc pour ça, les pleurs. Elle avait eu peur pour lui et pleurait de soulagement à l'idée qu'il soit entier. Ou quelque chose dans ce goût-là. La situation le rendait mal à l'aise, elle ne pouvait pas se permettre de s'attacher autant à lui. Il aurait très bien y passer une centaine de fois ces trois derniers mois. Il n'avait pas exactement une vie tranquille, d'autant plus qu'il refusait pour le moment de retourner en sécurité à Poudlard tant qu'il restait des insurgés en dehors du château.
Lorsqu'elle prit un mauvais tournant, Alan se rendit compte immédiatement qu'elle ne l'emmenait pas au même endroit que d'habitude et sa méfiance redoubla. Où l'emmenait-elle ? Avait-elle été acheté par le Gouvernement ? Elle avait compris depuis un certain temps qu'il faisait parti de l'insurrection, avait-elle décidé de le vendre pour le punir du sabotage de l’hôpital ? L'opinion publique n'était pas en leur faveur depuis cet attentat, après tout et qu'elle parle d'un nouvel appartement ne le rassura pas du tout. Il la fit s'arrêter.
-Un appartement. Qu'est-ce qui c'est passé ? Tu ne m'as pas répondu, comment est-ce que tu t'es blessée ? Quelqu'un t'as fait du mal ? C'est l'autre ?
Pas qu'il puisse aller casser la gueule du responsable, mais si elle avait été torturée, il saurait à quoi s'en tenir. Les mangemorts pouvaient accéder à toutes sortes d'informations s'ils le désiraient, ce corps comprenait des éléments malades capable de briser un humain en autant de pièce qu'il était constitué juste pour le plaisir. Ladáh n'avait pas l'air d'avoir subit plus d'outrage, mais certains sortilèges ne laissaient pas forcément de traces.
Le fait est qu'il répugnait également à la laisser partir si vite alors qu'ils venaient de se retrouver. Le baiser qu'ils avaient échangé avait comme un goût de trop peu à présent et il se retenait violemment de l'étreindre à nouveau, malgré tous les doutes qu'il pouvait avoir sur sa fiabilité en ce moment. Après tout, tant qu'elle était dans ses bras, elle ne pouvait pas aller chercher les mangemorts.
-Si tu pars, je serais obligé de partir aussi. Je ne peux pas me permettre de rester seul au même endroit. |
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| Retrouver ses lèvres était toujours semblable à se retrouver au bord du précipice. Chaque baiser était un vertige manifeste, le cœur au bord de la lippe, battant à mille à l’heure. Elle ne se lassait jamais de cette sensation, de cette émotion étrange, de ce flirt manifeste, de cette thérapie dangereuse. Ce n’était pourtant jamais assez, le désir grimpant toujours en flèche, le besoin se faisant toujours plus pressant. Elle aurait put passer des heures à dévorer ses lèvres si le temps leur était donné, un long moment à retracer de nouveau les traits de son visage. L’apprendre par cœur n’était pas suffisant, le redécouvrir sans cesse était l’activité la plus intéressante qu’elle ait jamais connue. Cela lui permettait entre autre de retracer son histoire sur les dernières semaines. Il lui semblait qu’il vieillissait trop rapidement, se faisant peut-être trop soucieux. Lorsqu’elle délaissa son visage, elle préféra l’apprendre par cœur par le biais de ses prunelles humides et brillantes, s’assurant qu’il n’était pas abîmé, pas blessé, pas trop amoché par la situation dans laquelle ils vivaient tous deux. Ce fut pour cette raison qu’elle éluda la question qui lui était posée, refusant de parler du traumatisme qu’elle avait vécu, et pour lequel les compagnons de son amant étaient certainement responsables. Elle en faisait encore des cauchemars, se réveillant en sursaut, suffocant face à l’imaginaire, face à ce flashback qui la ramenait sous les décombres, respirant poussière et autres particules néfastes, incapable de s’en sortir seule, incapable de protéger la vie qui était en elle. La peur était toujours là, prête à jaillir et l’envelopper. Son frère lui avait assuré que le temps aiderait à oublier, et l’impatience était en train de la gagner. Un sortilège pourrait tout aussi bien faire l’affaire avait-il rétorqué de même, mais la confiance s’était trop ébréchée pour qu’elle l’autorise à tenter l’affaire. Elle ne pouvait demeurer plus longtemps dans la même maison que lui, il fallait quelqu’un à blâmer, et tout cela ne pouvait qu’être de sa faute. Mieux valait ne pas partager ce genre de détails, le silence valait bien mieux pour ces retrouvailles.
Ladáh n’aspirait qu’à se retrouver seule avec celui dont elle ignorait toujours le nom. Ce détail-ci, par ailleurs, commençait à lui peser. Une fois encore, la situation dans laquelle elle se trouvait n’aidant pas le moins du monde. D’ici quelques mois, elle mettrait l’enfant de cet homme au monde, et si les choses ne s’arrangeaient pas, comment pourrait-elle seulement expliquer cela à son fils ou sa fille ? Qu’irait-elle dire lorsque celui-ci ou celle-ci lui poserait la question ? Le futur était encore loin, mais il se rapprochait bien trop rapidement sans que l’on ne s’en rende compte. Toutefois, quitte à vivre dans le moment présent, autant profiter de ce trajet, ses doigts serrant un peu plus ceux de son amant, comme pour s’assurer de sa présence. L’arrêt de leur marche ne fut pas brutal, mais l’obligea à tourner le faciès vers son amant, haussant un sourcil face à ses questions. S’inquiétait-il vraiment pour elle, ou pour lui ? La sorcière ne jeta qu’un rapide coup d’œil à son bras qui achèverait bientôt sa guérison complète. Secouant la tête, elle esquissa un sourire rassurant pour son compagnon, prenant quelques minutes pour réfléchir aux réponses qu’elle se devait de lui donner. « Ce n’est rien… Juste un accident. Un bête accident, vraiment. » Un attentat, un traumatisme. « Personne ne m’a fait de mal personnellement. Je vais bien. » Nous allons bien. « J’ai seulement besoin de m’éloigner des miens, d’être seule. C’est… C’est très compliqué. » Les mots refusaient de sortir, elle ignorait comment il prendrait la nouvelle. Irait-il jusqu’à la rejeter ? L’abandonnerait-il ici, sans plus jamais lui donner d’espoir de se revoir ? Repoussant ses longues mèches brunes, elle porta ses prunelles sur le côté, s’assurant peut-être que personne ne pouvait les voir, avant de finalement entrainer son amant dans un coin plus discret, faisant disparaître son gobelet par magie avant de prendre les mains rugueuses entre ses paumes et les plaquer sur son ventre légèrement rebondi, le laissant prendre en compte la nouvelle morphologie qu’elle arborait. « Je suis enceinte de toi… » Les mots auraient tout aussi bien put s’étrangler dans sa gorge, murmure presque incohérent. L’information était délivrée, il ne lui restait plus qu’à en subir les conséquences. « Ce n’est pas comme cela que je voulais que tu l’apprennes. Mais… Tout est si incertain… Je craignais de ne jamais te revoir, que tu ne saches jamais… » Tout était confus, mais elle était sure d’une chose : elle ne laisserait rien arriver à cet être qu’elle portait. Pas alors qu’ils avaient tous deux survécu à Sainte-Mangouste.
« Mon frère n’a pas très bien prit la nouvelle… Et je ne veux pas risquer… Je ne veux pas le perdre. C’est pour cette raison que je cherche un nouvel endroit où vivre. Loin de ça. Mais si tu viens avec moi, j’ai peur de te perdre toi aussi. Tu connais la situation de notre monde. Si le sorcier te reconnaît… Ce n’est pas un risque que je veux courir. Quelques minutes, le temps de voir si l’endroit fera l’affaire… » Ses phalanges remontent jusqu’à son visage, puis ses lèvres se posent de nouveau sur les siennes. Ce n’est pas tout à fait la vie qu’elle espérait, mais c’est toujours mieux que rien.
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| Maintenant c'était sûr, Ladáh lui cachait quelque chose. Quelque chose de mauvais, quelque chose d'important. Il ne pouvait ignorer son regard fuyant et ses façons d'éluder le sujet à coup de mensonges aussi vagues que louches. Il ne la croyait pas. Il ne la croyait pas non plus quand elle disait que personne ne lui avait fait de mal personnellement. Plus ça allait et plus elle s'embourbait dans des explications bancales, jusqu'à ce qu'elle ne le tire à l'écart pour prendre ses mains et les poser sur son ventre sans qu'il n'en comprenne le but.
Puis vint le moment fatidique, l'aveu impossible de la dernière chose à laquelle il s'attendait de sa part. Enceinte. Oui, c'était le genre de choses qui arrivaient lorsqu'on couchait plusieurs fois avec la même personne. De lui ? Il l'avait faite sienne, c'était une certitude, mais avait-il vraiment laissé sa marque aussi loin en elle ? Avait-il fait le pas de trop sans s'en apercevoir ? Oui, le résultat était là, plus parlant qu'une dizaine de discours, comme la preuve irrémédiable de sa faute, comme la vie de trop, celle qu'il avait donné sans le savoir, sans réfléchir, sans le vouloir, même.
-Co... quoi ?
Il ne lui fit pas l'affront de lui demander s'il était vraiment de lui, ce futur gosse. Elle lui avait dit qu'il était le seul, quelques mois auparavant. Peut-être les choses avaient-elles changé depuis, mais ce ventre était trop rebondit pour être plus récent que la dernière fois qu'ils s'étaient vus. C'était une très mauvaise nouvelle. Qu'elle veuille le garder par contre, était une véritable catastrophe.
Elle persista à vouloir l'embrasser malgré son regard soudain vitreux et ce contact le tira de ses réflexions pleines d'un futur à base de meurtre d'enfant d'insurgé pour le faire tomber. Alan ne pouvait pas forcer Ladáh à tuer la chose qui grandissait dans son ventre avant qu'il ne soit trop grand pour que s'en débarrasser soit envisageable, mais il ne pouvait pas non plus se permettre d'avoir un enfant alors qu'il était l'une des figures de proue de la résistance, une cible recherchée, un homme qui voulait tant de mal à ce Gouvernement et tout ceux qui le soutenaient, même passivement.
-Non, je ne peux pas être le père de cet enfant, assena-t-il alors, comme s'il mâchait quelque chose de particulièrement récalcitrant. Je ne peux pas assumer ce rôle, tu le sais. Pourquoi est-ce que...
La fin de sa phrase s'étrangla dans sa gorge. Il n'arrivait pas à lui demander pourquoi elle ne tuait pas l'enfant avant qu'il ne soit trop développé pour avoir des remords. Un reste de bienséance bien enfoui en lui qui se révélait soudain au grand jour. Un peu de compassion, d'humanité, tout simplement. Il ferma la bouche et s'assombrit un peu plus qu'il ne l'était déjà avant.
-Va voir cet appartement, finit-il par dire. J'ai besoin de... réfléchir.
Oui, réfléchir, voilà exactement ce dont il avait besoin. Se poser, trouver de quoi organiser ses pensées. Il manquait cruellement d'imagination, on le lui avait déjà fait remarquer, mais c'était aujourd'hui qu'il le regrettait le plus. Il avait besoin d'une solution, rapidement, avant que la situation ne dégénère. Si on apprenait qu'il avait un enfant d'une civile, il serait en danger de tous les côtés. Les belliqueux l'accuseraient de faiblesse. Les mangemorts s'en prendraient à son gosse et à Ladáh, si ça n'était pas déjà fait.
Il s'écarta d'elle et passa ses deux mains sur son crâne presque ras, les yeux résolument fixé sur un point au dessus de Ladáh, droit devant lui, comme s'il n'arrivait même plus à la regarder. La meilleure solution ne serait-elle pas de s'enfuir, tout simplement ? Ne plus être là quand elle reviendrait ? Espérer qu'elle comprenne pourquoi il était obligé de le faire ? |
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| La peur était en train de vriller l’épiderme de la jeune sorcière, s’immisçant dans chaque pore, chaque zone accessible, distillant cette crainte du rejet, la peur de ne pas mener à terme cette vie qu’elle était en train de protéger, l’appréhension d’être plus seule que jamais. Par les gestes qu’elle osait, elle veillait d’un œil alerte les réactions de son amant, faciès qui n’était pas tout à fait celui qu’elle attendait, mais dont elle n’était pas totalement surprise d’en voir les contours. Ce n’était pas ce qu’ils avaient planifié, pas ensembles tout du moins. Elle aurait dû avoir une autre vie, au bras d’un autre homme. Ce destin semblait s’éloigner à chaque minute s’écoulant. Lui… La russe ne savait rien de lui. Il lui avait certifié ne pas avoir de femme avec la bague au doigt, mais peut-être finalement avait-il une autre vie ailleurs, en dehors de cette guerre qui semblait tout prendre sans se soucier de ses victimes, qu’elles soient impliquées ou non. Elle savait qu’elle ne pouvait l’impliquer dans la vie qu’elle était en train de se construire, loin des siens, loin de ces ténèbres dont elle faisait pourtant irrémédiablement partie, et dont elle ne pouvait se détacher plus de quelques jours, semaines. Toutefois, les paroles qu’il rétorqua, même sous le choc, eurent raison du faciès qui se voulait neutre, rassurant peut-être. Ses paumes, sèches, se débarrassèrent délicatement de celles de l’amant qui portait pour la première fois le contact sur la bulle protectrice de cet enfant qu’ils avaient conçu ensembles. Elle ne voulait plus sentir la chaleur de ses mains sur son corps, pas dans l’immédiat en tout cas, se plaquant contre le mur comme si elle pouvait s’y fondre. « Pourquoi est-ce que quoi ? » Son ton s’était fait un peu moins doux, comme s’il fallait être idiot pour ne pas comprendre le sens de la question qui n’était pas terminée. « Pourquoi je n’ai pas mit un terme plus tôt à cette folie ? » Parce qu’elle ne savait pas quoi faire, parce qu’elle y avait vu une forme de rédemption face à la mort qu’elle amenait partout avec elle. Pourtant… « Je l’ai envisagé. Aucun de nous deux ne peut se permettre d’avoir ce genre de faiblesse, et j'avaais besoin de savoir ce que toi tu voulais » Une nouvelle fois, elle repoussa sa longue chevelure ténébreuses avant de finalement pincer l’arête de son nez. Elle sentait poindre cet agacement auquel elle n’était pas accoutumée. Tout était exacerbé depuis qu’elle avait accepté l’existence de mini-ours-mal-léché. Tout lui semblait surhumain, au dessus de ses forces. Elle doutait de tout, se mettait à rire lorsque le moment n’était peut-être pas le mieux choisi, ou pleurait comme jamais pour tout et rien, mais plus encore lorsqu’elle se rendait compte qu’elle ne savait pas quoi faire de cette nouvelle existence qu’elle se devait de vivre. Maudites hormones dont elle n’avait certainement pas fini d’entendre parler ! Car déjà, en l’instant, elle voulait de nouveau pleurer, éclater en sanglot et se laisser aller dans un coin douillet, dans une bulle prête à la protéger elle et son enfant à venir. Elle détestait cette situation. Aussi reprit-elle la parole, l’accent russe tranchant les mots anglais sous la colère qu’elle était en train de ressentir. « Et puis comme une bonne partie des personnes qui étaient avec moi cette nuit-là, je me suis retrouvée ensevelie sous des décombres, pouvant à peine respirer, à peine bouger, à parler avec un mort qui ne pouvait même pas me dire ce que je voulais entendre. Et j’ai réalisé que j’avais peur. Pas pour moi, mais pour cet enfant dont je ne savais pas quoi faire. J’ai eu peur qu’il ne soit plus là, qu’il ne connaisse pas la vie que toi ou moi nous menons. Et je ne pouvais pas penser à autre chose, c’est l’unique chose que je voulais savoir lorsqu’on m’a sorti de cet enfer. Je voulais seulement savoir s’il était toujours là. » Une pause, une reprise de souffle. Une fois encore, elle prenait conscience qu’elle aimait déjà le petit ours à venir, déposant sa main sur son ventre, instinct maternel, protection contre le monde entier. Elle tuerait le premier qui oserait porter la baguette sur son enfant.
Tout était en train de dégénérer. Ce n’était pas ce qu’elle souhaitait. Elle avait senti le soulagement et le bonheur de revoir son ours inconnu devant elle. Elle n’avait désiré que ses lèvres et ses paumes sur sa peau… Pourtant, elle savait désormais que s’il devait compter dans ses ennemis, s’il tentait quoi que ce soit contre son fils ou sa fille, elle le tuerait sans éprouver le moindre remord. Elle inspira longuement, comptant mentalement jusqu’à dix, fermant les paupières pour reprendre contenance et effacer ces nouvelles perles salées qui persistaient toujours à s’inviter au pire moment qui soit. Il voulait réfléchir, elle ne changerait pas d’avis. Elle avait fait son choix, et rien ne pourrait l’en détourner, pas même son amant qui ne l’était qu’occasionnellement, et qui désormais portait le titre de géniteur, s’il ne voulait pas de celui de père. Aussi s’éloigna t’elle sans un mot, traçant le chemin jusqu’à l’appartement qu’elle comptait visiter et qui avait attiré son œil pour la particularité dont il disposait. Elle ne voulait pas dire au revoir, encore moins adieu, marquant une hésitation lorsqu’elle passa à côté de lui, secouant finalement la tête avant de s’éloigner, cherchant à garder le visage neutre qu’elle souhaitait arborer coûte que coûte.
L’appartement était en réalité une maison, baissée de prix de vente pour une raison particulière, et pas des moindres : impossible de se débarrasser du portrait de l’ancien propriétaire, mort depuis quelques siècles, et prompt à semer le chaos dès lors qu’il l’entendait. Sourde oreille à ses heures, farceur à d’autres et visiblement très sensible aux adorateurs de magie noire. Un simple bémol face à l’agencement des pièces. L’endroit lui plaisait, l’incitant à mettre une option sur l’achat, sitôt le problème du tableau réglé. Elle n’avait pas le temps de s’occuper de cela tout de suite pourtant, l’esprit vagabondant de nouveau dans les rues de Londres, qu’elle entreprit de repasser en sens inverse, ne s’arrêtant que pour acheter une pâtisserie, cédant au caprice de l’enfant à venir, du sien, et surtout pour ignorer ce nœud en train de se former à mesure qu’elle se rapprochait de l’endroit où elle avait laissé son amant. S’il n’était plus là, elle saurait à quoi s’en tenir. Elle en souffrirait, assurément, mais elle saurait quoi faire.
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| Alan était toujours là quand elle revint, accroupis par terre, la tête pleine des paroles de la jeune femme. Elle avait eu besoin de savoir ce qu'il voulait. Comme si la réponse n'était pas évidente. Il refusait de lui donner ne serait-ce que son prénom et elle pensait qu'il lui donnerait sa bénédiction pour garder un enfant qui menaçait de se retourner contre lui, de son plein gré ou pas ? Ladáh pensait être en sécurité en s'exilant du côté moldu ? Elle ne savait rien, rien ! Elle n'avait jamais vu les rafleurs s'infiltrer dans les maisons des sans magie pour assassiner leurs enfants. Elle n'avait jamais entendu les cris de désespoir d'une mère devant les cadavres de ses enfants, elle se comportait comme si elle était totalement hors d'atteinte une fois de l'autre côté de la barrière.
Garder l'enfant. Voilà ce qu'on gagnait à coucher avec une femme plus jeune, encore trop naïve. Que pensait-elle en le gardant ? Qu'elle ne pourrait pas en avoir d'autres ? Que c'était sa dernière chance de donner la vie ? Il n'était même pas un bon candidat pour être père ! C'était de l'idéalisme mal placé. Comment allait-elle expliquer ça à sa famille ? À son fiancé ? Alan savait quels cercles elle devait fréquenter à cause de la fortune de sa famille. Elle ne s'en sortirait pas si facilement avec les siens.
Cependant, de son discours, la part qui le gênait le plus était la partie où elle prétendait avoir assisté à l'attentat, avoir été enterrée sous les décombres. Alors elle s'était tenue là, avec les autres, pour regarder l'inauguration d'une insulte à l'humanité, d'une régression, d'une transgression aux droits les plus basiques des êtres magiques. Alan savait ce qu'il s'était passé là-bas. On lui avait tout dit. Ils étaient tous restés assis à regarder le spectacle, jusqu'à ce que le spectacle ne s'effondre sur eux.
C'était donc ce qu'elle ne voulait pas lui avouer. Elle ne s'était pas blessée à la danse comme il le pensait au début, mais elle se trompait en disant qu'on ne lui avait pas fait de mal personnellement. Il connaissait les insurgés, plus encore les belliqueux. Ils avaient fait du mal personnellement à tout ces gens qui se croyaient encore en sécurité, qui pensaient qu'ils étaient intouchables car sous la protection du Magister. Ils avaient fait en sorte que tout le monde sente personnellement la brûlure de leur haine alors qu'ils essayaient de réduire le Magister en bouillie. Ils avaient échoué sur ce dernier point, mais avaient réussi au moins une chose. Il n'y avait pas un seul habitant du Londres magique qui ne regardait pas désormais derrière son épaule lorsqu'il se rendait dans un lieu public. Bienvenue dans la guerre les gars. Vous allez en chier.
Mais Alan était encore là, patientant où elle l'avait laissé, ne trouvant que deux solutions à leur problème de descendance, puisqu'elle ne souhaitait pas s'en débarrasser purement et simplement. Bêtise ou sentimentalisme ? À quoi bon mettre un enfant au monde si c'était pour qu'il ne meure que quelques ans après sa naissance, broyé par l'étau des mangemorts ou pire, qu'il ne rejoigne leur idéologie par faiblesse ou par conviction ?
Il se releva lorsqu'elle apparu devant lui et la toisa avec méfiance. Il n'aimait pas ce qu'il apprenait d'elle au compte goutte. Ils étaient trop différents. Ils venaient de mondes qui avaient éclaté depuis longtemps, mais ça pouvait toujours être pire si on y faisait attention.
-Je ne peux pas te forcer à renoncer à cette folie. Tu ne me... tu ne nous laisses que deux solutions. Dans aucune des deux je ne reconnaîtrais cet enfant. Pas tout de suite en tout cas. Peut-être jamais.
Peut-être un jour l'enfant apprendrait-il qui était son père, s'il survivait jusque là. Peut-être un jour sa progéniture serait-elle fière de savoir ce qu'il avait accompli. Peut-être son enfant serait-il dégoûté de tous les crimes dont il pouvait être accusé pendant cette guerre. Il n'en savait rien. Il ne voulait rien savoir avant que tout soit terminer pour de bon.
-Je pourrais partir. Ne plus jamais te revoir. Prétendre ne jamais t'avoir connu et de ton côté tu ferais la même chose. Son regard se coula vers son ventre avant de revenir sur ses yeux. Dans la mesure du possible en tout cas. Jamais vous ne serez en sécurité si je reste dans le coin. En particulier si tu décides de prendre un appartement loin du monde magique. Je suis peut-être pas un génie, mais c'est un truc louche à faire.
Alan avait de nombreux défaut, mais il pouvait se targuer d'être honnête. De ne pas être un lâche. Il aurait pu tout simplement partir loin d'ici pendant qu'elle visitait cet appartement, mais il était là à lui dire que si c'était ce qui devait être fait, il partirait et elle ne le reverrait que le jour où les journaux magiques annonceraient sa mort ou la victoire de leur cause.
-La deuxième solution... arrange toi pour lui trouver un père. Dis que le gosse est de ton fiancé, je ne sais pas. Donne lui un nom qu'il pourra porter sans avoir peur de finir à Azkaban. C'est la seule condition pour qu'on puisse continuer à se voir. Il ne faut pas qu'on soupçonne que l'enfant est celui de quelqu'un comme moi. Ça équivaut à une condamnation à mort pour toi et pour lui. Ou pire. Il faut que l'affaire soit sans tâche si tu veux éviter d'attirer l'attention et d'être surveillée pour avoir eu un gosse immaculé conception.
Elle comprenait, il en était sûr. Ils pouvaient continuer à se voir, pas autant qu'avant, mais continuer quand même. Il ne lui proposait pas de l'emmener à Poudlard pour la garder saine et sauve. Il n'y avait sans doute pas d'endroit au monde où elle le serait moins pour le moment. La haine des belliqueux était décuplée à cause de la perte de leurs quartiers généraux et la méfiance des autres était renforcée. Elle serait enfermée dans les cachots plus vite qu'il n'aurait le temps de le dire, son influence était grande, mais il n'était pas le seul à en avoir. Seul contre tous il ne gagnerait pas le débat. |
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| Malgré le soulagement de le voir toujours présent, la jeune femme ne sut exactement comment elle devait réagir. Elle n’était pas naïve, bien au contraire, encore moins utopique. Peut-être avait-elle pensé à tort sur le moment, peut-être effectivement, s’était-elle laissée à vouloir vivre un rêve malgré elle… Des années de soumission à obéir à des ordres en étaient certainement responsables. Elle aspirait depuis longtemps à faire ses propres choix, à vivre sa vie comme elle le souhaitait, et pas seulement par l’intermédiaire des ordres de son paternel ou de son frère aîné, ce chef de clan un peu trop… trop. Son père n’avait pas estimé utile de la laisser poursuivre ses rêves, la jugeant bien plus utile à servir d’autres ambitions. Elle n’avait jamais voulu d’un mariage imposé. Par deux fois, on l’avait fiancée de force à quelqu’un dont elle ne souhaitait pas même nouer ne serait-ce qu’un contact, par deux fois elle avait fait échouer l’affaire. Elle était sur la corde raide, prête à être expédiée vers le bas. Pour sûr, elle mourrait littéralement de peur à l’idée que son géniteur, lassé de ses rébellions, ne décide à venir rendre visite à sa progéniture. Elle n’avait pas eu besoin de songer aux conséquences, elle ne les connaissait que trop bien, et avait décidé d’en faire fi, pour une fois. Si les siens n’étaient d’accord, alors qu’ils la bannissent, elle ne pourrait que leur en être reconnaissant de lui laisser la possibilité de vivre enfin sa propre vie. Ils n’iraient pas la tuer, cette solution n’étant pas dans leurs coutumes, et le sang bien trop précieux pour être aussi facilement perdu. Ce n’était jamais tout à fait pour elle qu’elle s’inquiétait, mais pour l’enfant qu’elle souhaitait garder, porter jusqu’au bout, et voir grandir dans ce monde qui n’était pas totalement le leur. Celui-là aussi pouvait être préservé, tant que l’on ignorait la pureté du sang, la nature du père. Des données qu’elle ne comptait pas délivrer aussi facilement, évitant plus que jamais de consommer tout aliment qu’elle n’aurait préparé elle-même. Suspicieuse depuis presque toujours, sa paranoïa s’était exacerbée depuis les derniers évènements, remettant même en cause la loyauté de ses frères. La scissure ne faisait que s’élargir à mesure qu’elle instaurait de la distance entre les siens et elle. Ainsi iraient les choses, jusqu’à ce qu’elle obtienne la preuve qu’aucun mal ne lui serait fait, ni même à sa descendance, aussi illégitime sur tous les plans soit-elle.
Grignotant une bouchée de sa pâtisserie, elle ne se sentie pas plus réconfortée par cette dernière, pas plus que rassasiée. La situation était en train de l’effaroucher. Elle n’attendait pas de soutien de son amant, mais pas non plus qu’il envenime la situation. De lui, qu’attendait-elle vraiment finalement ? Un assentiment ? Elle ne l’obtiendrait pas. Il n’était qu’un ours mal-léché et affreusement têtu en plus d’être pessimiste. Elle l’aimait ainsi et pour bien d’autres raisons, cet homme aux convictions presque similaires aux siennes. Hélas, il ignorait tout d’elle, autant qu’elle ignorait tout de lui. Jouer à ne pas être ce que l’on est… Ce n’était pas la réalité, ça n’aidait pas à forger une relation de confiance. Il ne pouvait se targuer de savoir ce qu’elle pensait, pas plus qu’elle ne pouvait deviner ce à quoi lui songeait lorsqu’ils étaient ensembles. Le regard qu’il lui jeta… Par Baba Yaga, il lui fit mal. Elle pensait visiblement à tort qu’il avait apprit à lui faire confiance, malgré tout ce qu’ils vivaient, séparément. Elle avait tort. Tort sur toute la ligne, et elle détestait ne pas avoir raison.
Elle s’arrêta à quelques mètres de lui, pâtisserie entre les phalanges, l’air concentré sous ses paroles. Il était de toute manière, trop tard pour renoncer à cette folie. Le gonflement qu’elle arborait indiquait clairement que l’enfant était là, et qu’il y resterait. De toute évidence, il tenait déjà de son père, refusant clairement de se laisser intimider face à des gravats tombés du ciel. Un père qui ne serait jamais là, un père qu’il ne connaitrait peut-être jamais. L’information n’était pas nouvelle, à peine étonnante. Ce n’était pas ce qu’elle lui demandait, ce n’était pas ce qu’elle attendait de lui. Que désirait-elle dès lors ? Lui seulement. C’était bien égoïste comme manière de penser, mais en ce bas-monde, en ces instants incertains, il n’était que trop préférable de ne pas penser trop à demain, et bien plus à l’instant présent. Elle se tenait aussi droite que possible, et bien silencieuse, les prunelles émotives fixant l’amant avec intensité. Sa proposition était indécente, pis encore, elle n’avait de sens que l’absurdité dont elle faisait preuve. Aussi secoua t’elle négativement la tête. Elle ne put que tiquer sous le reste de ses mots : il la pensait fragile, naïve, à peine capable de se protéger. Elle n’était pas de ces frêles héritières qui ne pensent qu’à se marier en oubliant tout ce qu’elles ont apprit en étudiant la magie. Elle n’était pas une petite sorcière tout juste capable de faire léviter une chaise. Elle était Ladáh Zaïtseva par Raspoutine ! Descendance directe d’une lignée aux compétences prouvées ! Sorcière accomplie, nécromancienne en devenir, excellente praticienne de magie noire. Elle n’était PAS sans défense. Sa sécurité, elle pouvait l’assurer seule, auquel cas, jamais elle n’aurait prit la décision de s’installer ailleurs. Elle conserva pourtant le silence, gardant pour elle les mots qu’elle brûlait ardemment de lui glisser à l’oreille. Il avait sa fierté, elle possédait la sienne.
Elle ne put qu’hausser un sourcil à l’entente de la seconde proposition, semi-chantage à laquelle elle ne s’attendait pas réellement de sa part, vu la possessivité dont il faisait bien souvent preuve. Elle devait trouver un père pour son enfant pour qu’ils continuent à se voir ? C’était bien la pire des solutions. Un autre homme en ferait immédiatement sa femme, possession dont elle n’acceptait en aucune façon les termes. « Tu accepterais qu’un autre homme porte la main sur moi ? Tu laisserais ce même homme élever ton fils pour lui inculquer tout ce que tu hais du plus profond de ton âme ? Quand bien même cette solution est la plus logique qui soit, et ne pense pas une seconde que je n’y ai pas songé, tu penses vraiment que j’accepterai sans broncher que notre enfant soit élevé de la même façon que je l’ai été ? Par Raspoutine мой медведь ! Je ne veux pas que mon fils connaisse ces valeurs exécrables ! Je veux qu’il tienne de son père la force dont il fait preuve pour survivre dans un monde où les miens pensent être au dessus des autres, pas qu’il devienne comme eux, à penser qu’une vélane, un géant ou un né-moldu n’est bon qu’à être utilisé comme sacrifice pour le soit disant bien de la communauté. Je veux qu’il connaisse son père en sachant que ce dernier se bat pour qu’il vive dans un monde un peu mieux que celui que votre Magister a bâti. » Un arrêt, une bouchée de pâtisserie. Merlin que cet enfant était entêté dans sa quête de nourriture ! Elle pouvait être certaine de ressembler à une baleine d’ici quelques mois. « Je ne suis pas naïve love, je ne suis pas une petite sorcière, je ne suis plus une enfant, et je te demande de changer ton point de vue. Je vois bien que tu penses que je suis une enfant gâtée et stupide, mais je n’ai jamais été plus mature qu’aujourd’hui. Le seul caprice que je me suis autorisé toute ma vie, a été toi… » Un arrêt, « Et la danse et encore un autre point. Trois caprices. Mais tu es celui qui n’est pas sans conséquences. » Sa paume se glissa sur son ventre rebondi, elle était là la conséquence du choix qu’elle avait fait. « Je ne te demande pas de porter le titre de père, mais d’agir en tant que tel. Aucun autre homme ne saura le protéger mieux que toi. Je ne pourrai jamais l’éduquer comme toi tu l’as certainement été, je ne pourrai jamais lui expliquer ce qui est bien et ce qui est mal, parce que je n’ai jamais été élevée autrement que pour l’ambition et le pouvoir. Je ne pourrai jamais lui apprendre à être quelqu’un de bien parce que je ne suis pas une personne bien. Je ne veux pas qu’il soit comme moi, je veux qu’il soit une part de nous deux, bien plus que par le sang et la chair. C’est pour cela que je quitte la demeure familiale, pour qu’aucun de mes frères n’ait d’influence sur cet enfant, mon frère aîné le premier. Je ne laisserai pas mon брат дурак faire ce qu’il entend de mon fils. » Achèvement de la pâtisserie. « Par Baba Yaga, cet enfant est trop friand de sucre. » Un soupir finalement, avant qu’elle ne se décide à amoindrir la distance les séparant. « Je ne pourrai jamais faire comme si tu n’avais pas existé. Cette condition n’est pas plus acceptable que la seconde. Mais si elle te paraît plus justifiée, alors embrasse-moi une dernière fois, et ne reviens pas. En revanche, si tu penses trouver en toi la force de me faire confiance, pleinement, je te prouverai que je suis bien plus capable qu’il n’y paraît. »
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| Le poing d'Alan se serra à mesure que Ladáh parlait. Elle ne comprenait rien, tout ça dépassait sa simple fierté personnelle, les provocations futiles, l'idée d'être plus en sécurité à deux rues de sa famille plutôt que dans leur maison. Tout ceci n'était qu'une illusion de sécurité, mais les illusions ne protégeaient pas des mangemorts, ni de qui que ce soit d'ailleurs. Ses yeux restaient durs, comme deux éclats de silex plantés dans les yeux de la jeune femme qui se tenait devant lui, pleine de prétention et de provocation.
-Parce que tu crois que j'ai été élevé comme ça ? Tu crois que j'ai été élevé pour être celui que je suis devenu aujourd'hui ? Siffla-t-il. Je crois que t'as besoin qu'on te remette les pendules à l'heure, petite. Si tu veux que cet enfant soit comme moi, donne le directement à des mangemorts. Ce sont eux qui m'ont façonnés, eux qui m'ont fait comprendre que s'il fallait faire exploser un hôpital pour en tuer ne serait-ce qu'un, alors je devais le faire. Tu veux qu'il devienne comme moi, qu'il partage mes valeurs ? Tu ne sais rien de ce que tu demandes. Je ne suis pas derrière cet attentat mais crois moi, j'étais le premier à venir serrer la main des survivants lorsqu'ils sont rentrés au bercail.
Comment décrire cette sombre fierté ? Comment décrire ce sentiment de victoire en apprenant que la moitié de ces enfoirés de snobinards avaient été enterré sous les décombres d'un bâtiment construit sous une bannière de progrès qui ne faisait que maquiller grossièrement l'horreur des méthodes employées ?
Elle le prenait pour quelqu'un de bien ? Elle avait besoin de se réveiller. Il n'y avait pas de bonnes personnes dans cette guerre. Il y avait le Gouvernement, puis il y avait les autres, ceux qui n'avaient pas le droit de se prétendre des sorciers et qui refusaient de se laisser traiter comme des marchandises. Ils étaient comme des lions en cage qui avaient réussi à déverrouiller la serrure. À présent ils se vengeaient de tout ceux qui les avait privé de leur liberté, qu'ils soient les fautifs ou simplement les témoins silencieux, immobiles, qui regardaient les autres faire sans bouger.
-Je me fiche pas mal des personnes avec qui tu couches pour les mêmes raisons que je refuse de servir de père à un enfant à naître. Je n'ai pas le temps pour les amourettes. Encore moins pour servir de modèle utopique à un gosse.
Comme si un enfant pourrait vouloir de quelqu'un comme lui en tant que père. Il était infréquentable. Il était violent. Il était désagréable. Il était absent et ne savait pas s'il serait un jour capable de s'impliquer avec autant d'ardeur en autre chose que cette guerre. Il ne voulait pas que des enfants le prennent comme modèle. Encore moins le sien. Il n'avait rien d'un exemple à suivre pour des êtres en couche-culotte. Il était un leader pour ceux qui avaient un souffle de rage que rien ne pouvait arrêter en eux, mais les coloriages, très peu pour lui.
-Trouve toi un gars qui n'utilise pas de magie dégueulasse. Quelqu'un de normal. Si tu dis que tu te maries par amour à un prolétaire ça fera moins de scandale que si on te soupçonne de coucher avec un insurgé. Ça sera bon pour le gosse aussi.
Voilà le problème des révolutionnaires, ils n'avaient pas le temps pour une vie normale. Pire que ça, on leur avait retiré le droit d'en avoir une. On ne leur avait laissé qu'un choix à faire, la mort ou le combat et Alan avait choisi le combat, peu importe s'il finissait par rencontrer la mort pendant une bataille. Il jura brusquement.
-J'aurais jamais du laisser tout ça en arriver là.
Voilà ce qu'on gagnait à jouer les sentimentaux. Une femme à peine assez âgée pour être considérée comme une adulte qui décidait de conserver un gosse sans aucune stabilité. Est-ce qu'elle ne venait pas d'avouer implicitement que sa famille viendrait réclamer des droits sur le gosse ? Elle pensait pouvoir le tenir loin des embrouilles ? Alan savait déjà comment tout ça allait finir. Il en avait eu l'exemple à l'asile et il n'avait pas arrêté de répéter à cet « exemple » que les insurgés n'étaient pas une garderie. Il ne souhaitait pas que ce gosse grandisse en fuyant constamment. |
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