« Peut-être qu’elle m’a oublié ? » Six croasse de désapprobation. Le murmure inquiet de son maître et compagnon ne lui plaît pas. Il ne doit pas penser à de telles idioties. Surtout qu’il n’en a pas vraiment le temps, vu qu’il est au milieu d’un plan crucial où s’il oublie une seule étape, ça risque bien de se retourner contre lui.

Il doit retourner à Poudlard, cela fait des mois qu’il n’y a pas mis les pieds et on a besoin de lui au château et non plus dans la nature, à relayer les informations et les vivres de l’extérieur. Blair lui manque. Ils se parlent pratiquement à tous les jours, puisqu’elle a enfin son propre miroir à double-sens, mais ce n’est pas la même chose que d’être collé à elle quasi en permanence. Il s’ennuie aussi de la compagnie des autres insurgés, les vrais, pas juste quelques étrangers de passage, venus pour les aider avant de foutre le camp à nouveau. Auprès de ceux-ci, il ne se gêne d’ailleurs pas pour crâner, du haut de son statut de vrai rebelle, aussi jeune soit-il.
Donc, il doit retourner au château, mais avant cela… il doit voir quelqu’un. Quelqu’un qu’il n’a pas vu depuis longtemps, quelqu’un pour qui il s’est inquiété, mais qu’il n’a pas osé aller voir avant maintenant. Peut-être parce qu’il avait peur ? Peut-être parce qu’il ne savait pas ce qu’il allait trouver, ou comment elle allait le recevoir ? Peut-être parce que maintenant qu’elle est avec son Mangemort, Guenièvre ne voudrait plus le voir, les voir ?
Il y a quelque chose d’inquiétant, n’est-ce pas, à savoir qu’une alliée est en couple avec un Mangemort ?
Peut-être qu’ils lui ont lavé le cerveau, à elle aussi ?
Peut-être qu’elle l’a juste… oublié ?

Six semble lire dans l’esprit de Lancelot et lui pince l’oreille, pour le ramener à l’ordre, avant de s’envoler pour le laisser exécuter son plan. Il doit faire vite. C’est un des rares insurgés encore en poste à Sainte-Mangouste qui le fait entrer, sous un prétexte fallacieux, et dès qu’il est convenablement désillusionné, il file plutôt à la recherche de la Serpentard. Les journaux et magazines à potins ont fait des gorges chaudes du terrible accident survenu lors de la catastrophe de Sainte-Mangouste, à quel point la fille Lestrange a été touchée. C’est Six qui a intercepté la lettre de l’hôpital, conviant la jeune femme à un examen général pour vérifier ses progrès. À quel étage, dans quelle chambre. Service des accidents matériels (bonne façon de décrire un hôpital vous tombant sur la gueule), chambre 77 (réservée).

À la lettre qu’elle a finalement reçue était jointe une plume de corbeau.

La chambre est rapidement trouvée, dans le bordel sans nom de ce service (au moins, même si on le voyait, on ne le remarquerait pas), et il s’y glisse dès que le Médicomage en sort (John ?), « … reviens dans trente minutes, Miss Lestrange. Reposez-vous, vous avez bien travaillé. » Il l’ignore, ne le voit pas, et Lancelot se glisse dans la chambre en retenant son souffle, pour ne pas éveiller les soupçons de personne. Son cœur bat bien vite, de nervosité (uniquement de cela, vraiment ?), et dès que la porte est refermée, il chuchote, annonce sa présence à la jeune femme, seule dans sa chambre : « Guenièvre ? C’est moi. Lancelot. » Juste ça, avant d’annuler le sort de désillusion et de révéler son visage souriant. Lancelot, qui a encore grandi pendant l’été. Lancelot, plus blond que jamais. Lancelot, au visage plein de taches de rousseur et au hâle prononcé. Lancelot, qui ressemble de plus en plus à un homme, à celui qu’il deviendra.

Une plume de corbeaux dans ma convocation à Sainte Mangouste... voilà qui aurait pu surprendre n’importe quel sorcier mais pas moi. Depuis que je sortais de nouveau de l’appartement de Caleb -certes plus souvent sous ma forme de vipère qu’avec ce foutu fauteuil mais je sortais quand même- je l’avais recherché, lui et Six. Lancelot Lovett, mon preux chevalier. Un sourire avait trouvé sa place sur mes lèvres ce jour-là et ne m’avait pas quitté malgré les exercices du médicomages malgré les bleus et les douleurs fantômes. Je l’avais recherché et en fin de compte c’est lui qui m’avait trouvé. Aucune importance, nous allions nous revoir et c’était tout ce qui importait. Alors ce jour là peu m’importait les prélèvements, les tests de nouvelles médications, les essais, les examens divers et variés, je n’attendais rien d’autre que sa visite. Les visites n’avaient eu de cesse de s’enchainer, il faut dire qu’après avoir travaillé plusieurs mois entre ces murs mes collègues étaient tous heureux de me voir en meilleure santé que la dernière fois au service des Urgences - chose qui n’était pas vraiment compliqué en soi-. Ajoutez à cela mon anniversaire qui datait de la veille et je commençais réellement à n’avoir plus assez de place pour les chocolats, fleurs et divers cadeaux que l’on m’avait offert aujourd’hui. Mais chaque sourire que j’offrais au nouvel entrant était teinté de déception... ça n’était pas lui. Plus la journée avançait et plus l’angoisse montait en moi. Et s’il avait été arrêté avant même d’avoir pu franchir les portes d’entrée? La surveillance de Sainte Mangouste avait été accrue après l’attentat et Lancelot, même s’il n’était pas le sorcier le plus recherché de l’Angleterre restait un insurgé, un paria. Pas à mes yeux mais... aux yeux de tous les autres, tous ceux qui n’avaient pas pris la peine de le connaître un peu, de le découvrir.

John, le médicomage qui me suivant pour ma rééducation fit son apparition dans la chambre et une fois encore je participais à une de ses séances musclées mais que je n’échangerai contre rien au monde. J’avançais, mes progrès étaient minimes mais j’avançais et ça n’avait pas de prix. Prenez votre temps, il va me falloir plus d’une demi-heure pour me remettre de cette séance.  Lui avais-je dit alors qu’il quittait ma chambre. Je me réinstallais sur le lit, plus confortable que mon fauteuil et fut surprise d’entendre une voix bien connue. Je manquais de peu de déraper mais finissais tout de même ma route sur le lit, certes pas allongée comme initialement prévue mais assise au bord au moins je ne m’étais pas étalée entre les deux, le fauteuil et le lit... Peu m’importait cette magnifique pirouette lorsque son visage fit son apparition. Lancelot?? J’ai cru... attends. J’attrapais ma baguette sur la table de chevet et rendait notre conversation plus confidentiel.  Voilà on peut parler sans crainte. Tu en as mis du temps, j’ai cru que tu t’étais fait arrêté, je ne me le serais jamais pardonner. Après tout c’est bien pour me voir qu’il avait pénétré l’établissement.Comment vas tu?  Je lui faisais signe d’approcher, je ne pouvais moi-même pas vraiment faire le premier pas en sa direction.Par Merlin, tu as encore grandi, ou t’arrêteras tu?  Dis-je en plaisantant. Tu as fait des progrès en sortilège, ton sort de désillusion était parfaitement exécuté. Pas de bobo? Je sors peu mais je sais que les raffleurs et les mangemorts ne prennent même plus le temps de poser la moindre question avant d’arrêter quelqu’un.  Caleb m’en avait parlé et j’avais vu de mes yeux une arrestation de deux jeunes femmes pas bien plus âgées que Lancelot. Assieds toi et raconte moi tout.  Et alors qu’il s’approchait pour s’installer je profitais de sa proximité pour le serrer dans mes bras. Tu m’as manqué Lancelot. Il était un peu comme un petit frère pour lequel je m’inquiétais, même s’il grandissait, même s’il devenait un homme.