‹ occupation : tisseur de mots, journaliste, coureur de monde. à la dérive.
‹ maison : Gryffondor
‹ scolarité : 1984 et 1991.
‹ baguette : était en bois d'érable, relativement flexible, mesurait 26,8 cm et contenait un coeur de phoenix.Désormais brisée, j'ai hérité d'une baguette récupérée sur le cadavre d'un mangemort: bois de noyer noir, 32 cm, coeur inconnu, et absolument pas faite pour moi.
‹ gallions (ʛ) : 4223
‹ réputation : j'ai l'air de regretter la fin de cette guerre, que ce qui secoue ce monde nouveau paraît me révolter bien plus que les atrocités commises par le précédent gouvernement, que je suis un piètre journaliste et écrivain qui tente de percer dans un milieu qui n'a jamais voulu de lui.
‹ particularité : en plein flou.
‹ faits : j'ai soutenu la rébellion, bien que je n'ai quitté ma vie que sur le tard pour aller les retrouver, au détour de la création de la Renaissance du Phoenix ; que beaucoup n'ont pas cru à mon implication, du fait de ma naissance surtout ; que j'ai une tendance fâcheuse à commencer des choses et à ne pas les terminer ; que ma plus grande ambition est d'enfin publier un livre ; que ma fiancée est en fuite et que je n'ai aucune idée de si je la reverrai morte ou vive, offerte aux bons soins des Détraqueurs ; que la nouvelle société me répugne presque autant que la précédente, voir plus ; que je ferai sûrement tout pour ma soeur.
‹ résidence : dans le loft de la Bran Tower ou Eirene et moi vivions avant que tout ne vole en éclat. J'ai réussi à garder l'appartement par je ne sais pas quel miracle, il sert aujourd'hui à ma soeur et à mon beau-frère, Elias, parfois. En vérité je n'y suis pas souvent, je fuis l'endroit.
‹ patronus : une méduse géante
‹ épouvantard : un grand feu, l'anéantissement total de ma famille, rester seul au milieu des cendres
‹ risèd : Eirene se tenant à mes côtés, aussi heureuse qu'elle l'était à nos débuts, lorsque nous étions encore pleins de promesses et de projets fabuleux avant que tout ne soit jeté aux flammes.
search and destroy
Found my faith, living in sin I'm no Jesus but neither are you my friend I'm a whore above the broken dreams This simple answer is never what it seems
Eirene s'appuie à l'encadrement de la porte, pose sur lui ce regard qu'il connaît bien – celui qui s'exaspère de le voir dans cet état, fermé au monde extérieur et si centré sur ses tracas. Elle n'a aucune prise sur lui, dans ces moments là, elle le sait bien. Elle pousse un soupir, le rejoint à pas mesurés et s'assoit à ses côtés, au bord du lit. « Je sais ce qui te contrarie à ce point. » Il se redresse, ferme les yeux et accroche ses doigts derrière sa nuque. « Non, tu ne sais pas. » Elle n'en a aucune idée. Comment peut-elle savoir ce qui s'agite derrière ces paupières closes ? « Alors je me doute. C'est à cause d'Anna. De ce qu'elle t'a dit hier midi. » Un long silence suit la supposition – exacte – de la jeune méramorphomage. Sa main vient dénouer ses doigts, se mêler aux siens dans une attitude protectrice. « Anna est une grande fille, elle saura se débrouiller. Elle est tout à fait prête à être mère, j'en suis certaine. » Sa sœur est déjà mère, deux fois, a-t-il envie de répliquer d'un ton âpre. Mais Chiara est un secret qu'il ne se permettra pas de dévoiler sans l'accord de l'intéressée. Eirene a été écartée volontairement de tout ça, au même titre que lui, tout ce temps. Il se tourne vers elle, le regard dur, au fond duquel luit une lueur de défi. « Ne fais pas ça. » commence-t-elle. « Je ne peux pas rester ici à me tourner les pouces. Ce... il va comprendre. » D'un bond, Matteo se relève et, après avoir attrapé sa baguette au vol, quitte les lieux sans plus de cérémonie. « Tu ne peux pas te pointer chez lui comme ça pour lui reprocher quelque chose dont il n'est pas responsable ! Les gens ont des enfants, Matteo, c'est la vie ! » l'entend-il crier à demi alors qu'il enfile de quoi ne pas mourir de froid sur le trajet. Il l'ignore, peu soucieux de sa grossièreté. Ou du fait que leurs propres enfants en sont encore au stade du vague projet.
Matteo avale la distance qui le sépare de cette pourriture à grands pas furieux. Sa contrariété ne se lit pas sur son visage, oh non, il se contrôle bien assez pour ça. Il ressemble à un homme pressé, rien de plus. Pressé d'aller refaire le portrait de l'ordure qui ose remettre en question la vie toute entière de sa sœur, simplement parce qu'il ne sait pas se servir de sa cervelle de moineau – en a-t-il seulement un, de cerveau ? Franchement, il en doute. Quel abominable petit con. Pour qui il se prend. Ses poings se serrent sporadiquement dans les poches de son long manteau à mesure que les détails du dernier repas de famille lui reviennent de nouveau en mémoire. Ils tournent en boucle depuis la veille. Il n'a pas compris, au début, l'attitude d'Anna : son sourire forcé, le ton las de ses trop rares paroles. Et ce regard lointain à l'évocation de Rosier. Il aurait du s'en douter, toutes les emmerdes qu'a du traverser Anna venaient de lui. Forcément. C'est toujours de sa faute, et c'est si bon d'avoir quelqu'un sur qui passer toute la colère et la frustration qu'il retient depuis des mois. Matteo a essayé de ne pas faire ce trajet, vraiment. De rester sagement chez lui et attendre que ça passe. Mais qu'est-ce qui le retient, dans le fond ? Son amour pour sa sœur ? C'est justement lui qui le pousse à lâcher prise, à céder à sa pulsion. Les pavés défilent à toute allure et les passants s'écartent avec un regard à peine concerné. La nuit est déjà bien installée. Il a attendu toute la journée pour aller le sortir de son antre, lui coller la correction qu'il mérite. Rosier est trop malin pour ne pas lui avoir donné son adresse, trop bête pour se douter de sa venue. A moins qu'il s'y attende, effectivement. Tant mieux. Qu'il patiente avec la certitude de le voir venir pour lui.
Matteo ne peut s'empêcher de penser qu'ils ont fait tout ça pour rien. Que les risques pris pour contacter Elias, obtenir les contacts nécessaires aux Etats-Unis, sortir Chiara du pays, viennent d'être réduits à néant par le manque de considération d'un malotru dans le genre de Simon. Bien sûr, lui n'en pâtira pas comme Anna. Il a déjà signé son refus d'avoir quoi que ce soit à voir avec la grossesse – la grossesse ! Le mot le blesse. Plus encore, l'idée qu'Anna accueille dans sa vie un nouvel enfant qui souffrira sûrement de cette situation impossible. Chiara tout juste partie, ils s'habituaient tous deux avec difficultés à leur existence sans elle. Voilà que Simon remet le couvert. La responsabilité de sa sœur n'entre pas en compte, elle est, pour Matteo, la seule victime dans l'histoire. Et le fautif va payer pour ça. C'est la fois de trop. Il lui a passé bien des écarts, a fermé les yeux sur l'attachement nébuleux que Anna lui porte et qui la blesse tant. Depuis trop longtemps. Si seulement Simon n'était qu'un petit con maladroit. Mais non. Cette enflure semble prendre un malin plaisir à pourrir volontairement la vie d'Anna, à lui refuser ce à quoi elle a droit : une vie paisible, de l'amour, quelque chose de simple et de vrai. Pas cet ersatz de relation corrosive qu'il lui offre avec réticence.
Le videur le toise d'un air soupçonneux, que Matteo se contente de lui renvoyer avec affront. « Je viens voir Rosier. Il m'attend. » Deux adolescentes aux jambes découvertes passent devant eux en gloussant, l'ivresse dégoulinant dans leurs rires hystériques. Après un moment d'hésitation, le videur tend la main afin de recueillir sa baguette. Matteo la lui donne sans hésiter, s'impatiente de la lenteur de l'employé à scanner sa baguette pour avoir son identité. Les subalternes sont donc tous taillés dans le même moule que le patron ? La dernière vérification passée, Matteo récupère baguette et dignité, et pénètre dans le palace de celui qu'il vient visiter. Le bruit est assourdissant et rappelle à sa mémoire des sorties adolescentes au goût âcre de Firewhisky et d'excès juvénile. Tout ça ne l'amuse plus, ni les couloirs bondés, ni l'obscurité qui ne rendra que plus difficile sa recherche. Instinctivement, il suit ce qu'il suppose être la route vers les coulisses, se frayant avec difficulté un chemin jusqu'à elles. Ici les gens sont moins nombreux, et une succession de portes fermées se présentent à lui. Matteo les dépasse toutes, avant de s'arrêter devant la dernière, entrouverte, qui laisse filtrer des éclats de rire et des bruits de conversation animées. « Staff » est-il écrit sur un petit écriteau accroché avec du Sorcier Collant à droite de la porte. Quelqu'un s'engouffre brusquement dans l'ouverture, lui passe devant sans lui accorder un regard. Par pur hasard, (ou simplement le destin qui lui donne un coup de pouce) il repère Simon dans la pièce, en pleine conversation avec une blonde aux jambes interminables, une bouteille à la main. Il n'y a pas l'ombre d'une hésitation dans le geste de l'italien lorsqu'il repousse franchement la porte et s'avance avec assurance dans la pièce – comme s'il appartenait à ce cirque. Les yeux rivés sur sa cible, il en oublie qu'il est un sorcier, armé et compétent, et serre les poings.
Rosier le repère avec une seconde de retard. Son poing s'est déjà écrasé sur sa pommette dans un bruit mat quand il réalise ce qui lui arrive. « Espèce d'enfoiré ! » rugit-il, inconscient des exclamations effarées que son entrée fracassante vient de provoquer. Matteo rattrape Simon au col, le force à le regarder. Peu lui importe de le battre comme un vulgaire moldu, ça lui fait même diablement plaisir. « Quand est-ce que tu lui foutras enfin la paix, quand est-ce que tu te décideras enfin à disparaître du paysage ! Tu fous en l'air tout ce que tu touches – le deuxième poing vient assurer le premier coup, de l'autre côté – et j'en aurais strictement rien à branler si seulement ça ne concernait pas ma sœur ! » Des deux mains il repousse violemment Rosier contre la table la plus proche, où des piles de verres crasseux tombent et s'écrasent sur le sol. Les phalanges douloureuses, Matteo n'a qu'une envie : recommencer.
‹ occupation : criminel, propriétaire déchu du Centuries.
‹ maison : Serpentard.
‹ scolarité : 1977 et 1984.
‹ baguette : brisée.
‹ gallions (ʛ) : 5314
‹ réputation : il n'est plus rien, l'héritier réprouvé d'une famille presque extincte, indigne de toute confiance et bon à moisir dans les geôles d'Azkaban.
‹ faits : toujours considéré comme une ordure remplaçable, dans le clan désuni de Voldemort, Rosier est désormais perçu comme un lâche ayant déserté avant la bataille finale. Un monstre qui a abusé de la confiance d'une sorcière honnête (Anna), et un père indigne par-dessus le marché. Nombreux sont ceux qui auraient aimé maintenir la peine de mort jusqu'à ce qu'il y passe.
‹ résidence : Azkaban.
‹ patronus : un vague filet argenté, sans forme ni consistance.
‹ épouvantard : un précipice.
‹ risèd : une plage, avec Anna et Charlotte.
search and destroy
Sick as my secrets, but never gonna tell
C’est le coup de trop. Les phalanges cèdent contre le mur, et s’il peine à contenir le « fuck » qui lui brûle les lèvres, la douleur est seulement passagère, annihilée par une trop forte dose d’orviétan. Anesthésié, il peut continuer son manège, frapper jusqu’à ce que son poing disparaisse à l’intérieur du plâtre, jusqu’à ce que les os se brisent sous les assauts répétés, jusqu’à ce que les effets des psychotropes se dissipent. Des empreintes de sang salopent le papier peint. Ses doigts se déplient puis se replient sous un œil contemplatif, presque fasciné par les égratignures boursouflées. Il n’a pas dormi, et il a la gueule d’un Inferius. Pourtant, pour une fois, il s’est rasé de près. De si près que la lame a grignoté un peu de sa mandibule, la veille. Ils ont remarqué, qu’il s’agitait, qu’il tenait à peine sur ses guiboles, et maintenant ils se succédaient devant la porte, auprès de lui, afin de le garder à l’œil. Il ne dit rien. Il se contente de boire, de réclamer du Navitas. « Rosier, » l’arrivée soudaine d’un acolyte lui arrache un hoquet de surprise, il reconnaît la voix de Julian, « ça va ? Tu descends ? » Il ne veut pas descendre, croiser leurs gueules de cons avinés, et prétendre qu’il a autre chose à célébrer que sa terrible perdition. Il erre, perd pied, et personne, personne n’est en mesure de deviner que d’autres démons, plus pernicieux encore, ont élu domicile dans sa caboche détraquée. Il ne sait plus. « Aide-moi, » il ânonne alors, en tendant son bras vers le type. Anna est partie avec son bâtard dans les entrailles, et il n’a pas eu la jugeote de le lui arracher avant qu’il ne soit trop tard. Il ne lui a pas donné le choix non plus — elle a refusé de l’écouter ou de considérer sa solution. Un avortement, il en a conscience, lui coûtera leur couple, et il n’a pas à lui poser pareil dilemme, mais il est désormais trop tard pour reconsidérer leur dispute — et trop tard pour la retenir. Il ne veut pas du fruit de ce qui les empoisonne, et ce secret attisant ses angoisses n’en finit plus de l’abrutir. Il craint que la nouvelle s’ébruite, que les médisances ricochent contre eux, que bientôt il soit face à l’inéluctable. S’en débarrasser en silence, c’est tout ce qu’il demandait — ce que ce fœtus méritait. L’oubli, le trépas, plutôt qu’un père comme lui, dans une époque qui empestait le macchabée en décomposition. Un bras vient le soutenir, il clopine et la porte franchie, murmure qu’il peut tenir debout. La main harponnée au mur, il aligne ses pas avec précaution, l’estomac au bord des lèvres. Dans cet état, il est incapable de quoique ce soit, même de prendre la plus ridicule des décisions — la Marque lui cramerait l’épiderme qu’il ne s’en apercevrait pas, trop comateux pour différencier l’appel du Maître des tourments embrasant son esprit. Les corps se pressent contre lui, le brouhaha de mille et une conversations lui lacère le crâne, et parfois, quand on l’accoste, il se défile sans s’excuser. Ça danse et ça se déhanche sur des talons vertigineux, il voudrait lui aussi s’oublier un peu sur la piste. Il n’aime pas le groupe qui joue ce soir, il n’aime pas qu’on le pousse, il n’aime pas être coincé ici. « Je vais dégueuler, » il articule, le souffle court. Ils se marrent, tous. Julian l’a entraîné dans une salle à l’écart, où les employés vont et viennent, certains plus entamés que d’autres. Une main gracile lui tend une bouteille entamée, « il faut soigner le mal par le mal, » il entend. Ses billes céruléennes toisent un visage familier, souriant, encadré par des boucles blondes. Il l’a vue en couverture de Witch Weekly, ou sur un podium, il n’en sait rien, mais la fille a saisi son opportunité. Il ahane un « ouais » faiblard et ses lèvres embrassent le goulot. « Ça te réussit pas le club, ce soir, » elle lâche d’un ton moqueur. Elle prépare peut-être des avances, qu’il va devoir refuser (techniquement, Anna et lui n’ont pas rompu — il a seulement exigé qu’elle avorte, ce n’est pas un motif de rupture, non). « Mmh, » il répond, étourdi. Les lèvres charnues s’approchent de son oreille, « tu as peut-être besoin d’un endroit plus calme, Simon. » Son prénom, dans la bouche d’une autre, ne le réveille qu’à moitié de cette léthargie capiteuse — la réalité se confond avec le fantasme, il voudrait dire oui, oublier pour un soir sa compagne, leur enfant, leur amour, le manque, sauter une inconnue, renouer avec la vie qu’il a toujours menée, obscène, quoique cathartique. La commissure de ses lèvres se soulève lourdement, et un « ok » menace de s’extraire de sa gorge quand, avec une seconde de retard, il entend des exclamations de surprise — et le son de sa pommette craquer sous un poing. (Il n’a rien entendu. Comment aurait-il pu. Les salles sont insonorisées, mais la porte s’ouvre et se referme toutes les trois minutes, ils hurlent de rire, ils crient en croyant chuchoter, des inconnus entrent et sortent. Il ne l’a pas vu se ruer sur lui. Il comprend à peine qu’on vient de le frapper au visage.) La vision trouble, il lâche la bouteille et dérape, rattrapé à temps par les mains de son assaillant. « Espèce d'enfoiré ! » Quelqu’un l’a agrippé par le col, et dans son champ périphérique, ça dégaine sa baguette. Il braque alors son regard sur le visage de l’agresseur et croise les orbes de Matteo Grimaldi. « Qu’est-ce tu— » « Quand est-ce que tu lui foutras enfin la paix, quand est-ce que tu te décideras enfin à disparaître du paysage ! Tu fous en l'air tout ce que tu touches, et j'en aurais strictement rien à branler si seulement ça ne concernait pas ma sœur ! » Oh. Depuis le temps que celui-là cherchait la merde aussi. « De qui tu parles ? » Il lâche, goguenard — et glaviote un peu de sang dans la foulée. « À qui j’ai pas dévergondé la sœur ici ? » Il fait le con, il amuse la galerie, mais son adversaire le repousse en arrière, et il s’échoue misérablement par terre, du verre éclaté autour de lui. Il pense que son dos a heurté autre chose — peut-être une table, mais il n’en est pas vraiment sûr. En revanche, il est certain, positif, de ne plus être debout. Un rire aigre s’échappe de ses lèvres. « Baissez vos baguettes, c’est comme mon frangin, hein Mattie, » il a lui-même son morceau de tremble dans la manche. Il aurait pu comprendre la colère d’un frère dans d’autres circonstances, il aurait pu s’excuser. « On va parler si tu veux, on va parler, si tu te calmes. » Il ne songe pas à lui rendre les coups (l’occasion lui tend les bras), pas immédiatement. Une main se fiche sur sa mâchoire endolorie — une dent s’est déchaussée. Ils s’y mettent à deux pour le ramasser, et sous une assemblée qui hésite entre la consternation et l’amusement, il fait signe à Matteo. Il a un éclat de verre dans la main, et ça aussi, il ne l’a pas remarqué. Il n’attend pas que Grimaldi lui emboîte le pas, et se barre par l’entrée de service. La fraîcheur nocturne lui dégrise une paire de neurones, lui arrache un frisson. « Elle t’a dit, j’imagine, » il lance alors, au milieu des poubelles. La ruelle sur laquelle ils ont débouché est dégueulasse, à l’image de la rixe qui risque de suivre. Du reste — c’est ce moment privilégié que Rosier choisit pour faire volte-face et foutre un crochet dans la mâchoire de Matteo. « Ta sœur est assez grande pour prendre des décisions et je l’ai jamais forcée à faire quoique ce soit. » Il secoue son poing dans le vide, et retire, sans broncher, le morceau de verre brisé qui s’est fichu en plein milieu de sa ligne de vie. « Fais-la avorter. On sait tous les deux que personne ne veut d’un Rosier de plus dans le coin. » Il a perdu son sourire de vicelard. « J’sais pas ce que tu cherches, peut-être sauver son honneur ou une connerie comme ça, mais c’est entre elle et moi. Tu peux aller te faire foutre. Sans rancune, hein. » Sans rancune, hein.
‹ occupation : tisseur de mots, journaliste, coureur de monde. à la dérive.
‹ maison : Gryffondor
‹ scolarité : 1984 et 1991.
‹ baguette : était en bois d'érable, relativement flexible, mesurait 26,8 cm et contenait un coeur de phoenix.Désormais brisée, j'ai hérité d'une baguette récupérée sur le cadavre d'un mangemort: bois de noyer noir, 32 cm, coeur inconnu, et absolument pas faite pour moi.
‹ gallions (ʛ) : 4223
‹ réputation : j'ai l'air de regretter la fin de cette guerre, que ce qui secoue ce monde nouveau paraît me révolter bien plus que les atrocités commises par le précédent gouvernement, que je suis un piètre journaliste et écrivain qui tente de percer dans un milieu qui n'a jamais voulu de lui.
‹ particularité : en plein flou.
‹ faits : j'ai soutenu la rébellion, bien que je n'ai quitté ma vie que sur le tard pour aller les retrouver, au détour de la création de la Renaissance du Phoenix ; que beaucoup n'ont pas cru à mon implication, du fait de ma naissance surtout ; que j'ai une tendance fâcheuse à commencer des choses et à ne pas les terminer ; que ma plus grande ambition est d'enfin publier un livre ; que ma fiancée est en fuite et que je n'ai aucune idée de si je la reverrai morte ou vive, offerte aux bons soins des Détraqueurs ; que la nouvelle société me répugne presque autant que la précédente, voir plus ; que je ferai sûrement tout pour ma soeur.
‹ résidence : dans le loft de la Bran Tower ou Eirene et moi vivions avant que tout ne vole en éclat. J'ai réussi à garder l'appartement par je ne sais pas quel miracle, il sert aujourd'hui à ma soeur et à mon beau-frère, Elias, parfois. En vérité je n'y suis pas souvent, je fuis l'endroit.
‹ patronus : une méduse géante
‹ épouvantard : un grand feu, l'anéantissement total de ma famille, rester seul au milieu des cendres
‹ risèd : Eirene se tenant à mes côtés, aussi heureuse qu'elle l'était à nos débuts, lorsque nous étions encore pleins de promesses et de projets fabuleux avant que tout ne soit jeté aux flammes.
Found my faith, living in sin I'm no Jesus but neither are you my friend I'm a whore above the broken dreams This simple answer is never what it seems
En d'autres circonstances Matteo aurait pu faire montre, si ce n'est de compassion, d'au moins un peu de pitié pour cette loque qui se fait appeler Simon Rosier. Ça ne lui vient juste pas à l'esprit, en cet instant. Il cracherait sans remords sur sa carcasse alcoolisée s'il venait à ne pas se relever de la droite qu'il vient d'encaisser avec un rire. Le son lui arrache un rictus mauvais. Malheureusement, il parle encore : « De qui tu parles ? » Les yeux lui sortent presque de la tête. Il vient de le frapper, et il va recommencer, d'autant plus fort s'il ne se tait pas maintenant. Tout ce qu'il lui demande c'est de subir ses coups, et rien d'autre. Il n'est pas venu pour discuter, il ne veut rien entendre de ce qu'il a à dire, quant bien même ce seraient des excuses – ce dont il doute fort. Rien ne l'intéresse en ce qui le concerne : il veut juste, juste, qu'il paye pour ce qu'il fait à Anna. « À qui j’ai pas dévergondé la sœur ici ? » Les poings se serrent spasmodiquement. Enfoiré. Et il en est fier en plus. Qu'il saute toutes les femmes sur cette foutue planète, ça ne le gêne absolument pas tant qu'il a l'amabilité de se tenir loin de sa vie, de sa famille. « Ferme-la Rosier, ne passe pas pour plus con que tu ne l'es, c'est déjà bien assez. Pas besoin d'en rajouter. » il gronde. Rosier laisse échapper un rire. « Baissez vos baguettes, c’est comme mon frangin, hein Mattie. On va parler si tu veux, on va parler, si tu te calmes. » « Ta gueule ! » Il est sur le point de lui en recoller une, les ongles enfoncées dans la chair de sa paume. L'élan le pousse de nouveau vers l'avant, de manière plutôt incontrôlée – « Ferme ta gueule putain ! » – et deux paires de mains le repoussent loin du Mangemort qui se relève péniblement, du sang sur le visage, du sang sur les mains ; il en a encore bien trop à perdre. Il se débat, repousse les défenseurs et brandit sa baguette vers eux, offensif et méfiant. Qu'on ne le touche pas. Le sang bat violemment à ses tempes, il voit noir, noir noir noir. Jamais il n'a été aussi furieux, aussi désireux de détruire quelqu'un. C'est à la fois terrifiant et grisant. Il n'a pas le temps d'y réfléchir, son discernement a disparu en même temps que ses capacités de réflexion. Les visages des voyeurs sont de multiples tâches floues dans son champ de vision. Il n'y a plus que le faciès haï de Rosier qui occupe tout l'espace, qui alimente l'énergie incroyable qu'il a à décharger sur sa petite personne. « Lâchez-moi ! » – le bras se dégage de la main qui s'attarde sur lui, on craint encore un nouvel accès de violence. Pas de ça ici, comme si les lignes de poudre et les litres d'alcool qui imbibent les esprits étaient plus raisonnables, plus acceptable, qu'une bonne vieille correction à la force des poings. Leur conception de la décence et du raisonnable n'est clairement pas la sienne.
La porte de service qui donne sur l'extérieur s'ouvre avec fracas quand Rosier les emmène vers un endroit plus calme. Personne pour le retenir, ici. Personne pour freiner ses coups, ni pour l'empêcher de le tuer. « Elle t’a dit, j’imagine, » « Tu imagines b- » Il ne voit rien venir, il ne se doute pas qu'il reste dans cet homme qui lui fait face assez de ressources pour faire preuve d'une telle rapidité. Le coup part à la volée ; un juste retour des choses en définitive, qui le fait reculer de quelques pas. Le sang emplit sa bouche – il s'est mordu la joue. « Fuck – ...sœur est assez grande pour prendre des décisions et je l’ai jamais forcée à faire quoique ce soit. » Un crachat sanglant accueille ces paroles, suivi d'un tintement de bris de verre ricochant sur le bitume. « Fais-la avorter. - » ???... ??? « - On sait tous les deux que personne ne veut d’un Rosier de plus dans le coin. » (Ça résonne vide sous son crâne.) « J’sais pas ce que tu cherches, peut-être sauver son honneur ou une connerie comme ça, mais c’est entre elle et moi. Tu peux aller te faire foutre. Sans rancune, hein. » Il riposte du bout de sa baguette, cette fois, sans scrupule. Ça ne lui viendrait pas à l'idée d'être loyal dans cet affrontement. Encore faudrait-il avoir face à lui quelqu'un qui l'est, et ce n'est pas le cas, à l'évidence (il le sait depuis des années). L'éclair envoie le Mangemort contre une benne à ordure nauséabonde. Plusieurs sacs s'écroulent au sol et répandent leur contenu tout autour d'eux. Avant que Simon ne se relève, les deux mains de Matteo enserrent de nouveau son encolure et frappent l'arrière de sa tête au sol lorsqu'il impose une secousse assez brusque à son corps sonné par la chute. « C'est sûr que pour l'honneur c'est pas à toi qu'on va demander quoi que ce soit, pas vrai ? Ça te passe largement au dessus de la tête ce genre de concept ! » D'une main il repousse la baguette de Rosier, qui dépasse de sa manche – piètre cachette. Le bout de bois valdingue un peu plus loin près d'un carton moisi et il évite de justesse un deuxième coup porté vers son visage. « J'en ai rien à faire que ma sœur se soit laissée abuser par tes beaux yeux, t'entends ? Comme tu dis elle est assez grande pour faire ses choix. Elle t'a choisi, c'est très bien. Je ne comprendrai jamais mais, vraiment, c'est très bien ! Tant mieux pour toi parce que, merde, tu ne mérites pas tant ! » Matteo se relève et s'écarte, non sans avoir jeté son pieds dans les côtes offertes de Rosier, encore étalé par terre. « J'aurais même été jusqu'à dire que j'aurais accepté l'idée qu'elle ait ce gosse avec toi. Tu sais quoi ? Peut-être que je serais venu te féliciter pour ta belle connerie ce soir si t'avais eu un minimum de respect pour elle. » Il crache le mot avec haine – par ailleurs, c'est faux. Il serait quand même venu lui casser la gueule et avec tout autant de plaisir. Peut-être qu'il se sent un peu plus légitime de le faire ce soir en sachant que sa sœur en souffrira un peu moins, qu'elle comprendra un peu plus son geste. Les raisons invoquées lui semblent juste plus acceptables que le simple dégoût à l'idée d'être lié d'une manière ou d'une autre à Simon. « Guess what, j'aurais même laissé ça entre elle et toi. » Il ne se serait pas privé de manifester sa désapprobation, mais alors, Anna aurait été un peu plus heureuse, et il n'aurait rien eu à redire – jusqu'à la fois suivante. « J'aurais joué le jeu, en sachant pertinemment que tu allais finir par lui faire mal d'une manière ou d'une autre, parce que c'est toujours ce que tu fais. »
Il shoote dans une canette vide qui gît à ses pieds, serre les poings dont l'un entoure encore sa baguette. Les mots dévalent sa bouche en un flot incontrôlable. Puis, malgré lui, il rit. Un rire bref, sans joie. Il rit alors qu'il a juste envie de hurler. De tous les connards sans scrupules qui peuplent cette planète, il a fallu que sa sœur jette son dévolu sur le plus stupide. Entre elle et lui. Bullshit. Simon aurait du comprendre depuis longtemps que ce qui impacte sur la vie de sa sœur le fait forcément sur la sienne. Son rire se perd ; il repense encore à l'air hagard d'Anna. L'énergie n'est plus là, elle a ressemblé si fort à leur mère pendant un instant que rien ne parvient à repousser la peur de la voir sombrer comme elle, après la mort de Teresa. Ça le terrifie de la perdre de cette manière. Il sait qu'elle est forte. Il sait qu'elle a survécu avec bien plus de hargne et de rage de vivre que ne le fera jamais Rosier, à des choses qui en auraient tué plus d'un. Mais cette fois, il a eu peur. Pour de bon. « Où as-tu vu que tu avais le droit d'exiger d'elle qu'elle avorte ? Si tu ne veux pas de ta fille, Simon, je te suggère de rester loin d'Anna. Ne viens-même pas chercher à t'excuser, tu m'entends, disparais. Je trouverai une solution pour elles deux, je réparerai tes conneries, pour elles. Son honneur sera sauf si jamais ça t'inquiète, et il n'y aura pas de Rosier en plus dans le coin. Elle sera une Grimaldi, et c'est ce qui pourra lui arriver de mieux. » Du bout des doigts, il masse sa mâchoire endolorie et se tient prêt à repartir, légèrement calmé après avoir vidé son sac. Mais parce qu'il ne peut pas s'en empêcher - « Au passage, j'ai vu ton frère récemment. Il se porte très bien sans toi si tu veux savoir. Comme quoi tous les Rosier ne sont pas pourris jusqu'à la moelle. Voilà qui est plutôt rassurant pour ta descendance. » - il lance, conscient d'aller au delà des limites avec ces derniers mots.
Dernière édition par Matteo Grimaldi le Mar 15 Nov 2016 - 21:24, édité 1 fois
‹ occupation : criminel, propriétaire déchu du Centuries.
‹ maison : Serpentard.
‹ scolarité : 1977 et 1984.
‹ baguette : brisée.
‹ gallions (ʛ) : 5314
‹ réputation : il n'est plus rien, l'héritier réprouvé d'une famille presque extincte, indigne de toute confiance et bon à moisir dans les geôles d'Azkaban.
‹ faits : toujours considéré comme une ordure remplaçable, dans le clan désuni de Voldemort, Rosier est désormais perçu comme un lâche ayant déserté avant la bataille finale. Un monstre qui a abusé de la confiance d'une sorcière honnête (Anna), et un père indigne par-dessus le marché. Nombreux sont ceux qui auraient aimé maintenir la peine de mort jusqu'à ce qu'il y passe.
‹ résidence : Azkaban.
‹ patronus : un vague filet argenté, sans forme ni consistance.
‹ épouvantard : un précipice.
‹ risèd : une plage, avec Anna et Charlotte.
search and destroy
Sick as my secrets, but never gonna tell
Il est défoncé, et l’idée d’inverser les rôles, de réagir de manière civilisée, d’affronter les retombées de ses actes, d’imaginer ce qu’il aurait pu faire, lui, à la place de Matteo, ne lui traverse pas l’esprit. À aucun moment. Seul le présent importe. Les coups reçus, et le sang qui salope ses mains. Mais alors qu’il s’apprête à s’enfoncer davantage, pas peu fier d’avoir enterré sa cause, un halo lumineux l’aveugle et le propulse contre un conteneur. La seconde pendant laquelle il plane s’étire, encore et encore, jusqu’au choc inévitable entre sa colonne vertébrale et l’acier. En pantin désarticulé, il n’esquisse pas le moindre mouvement, suffoque, et Matteo se précipite de nouveau sur lui, le tire par le col déchiré de son teeshirt — quand est-ce qu’il fléchira bordel ? L’arrière de son crâne vient dire bonjour au macadam ; il est tellement sonné, et ébahi par l’audace de Grimaldi, qu’il en oublie jusqu’à son prénom. Ses mains cherchent les poignets de son adversaire, tentent de l’écarter, mais son manque flagrant de volonté le fait s’esclaffer. Il voit même des étoiles. Dans le ciel et dans sa tête. La nuit est dégagée, ça lui rappelle ses cours d'astronomie. « C'est sûr que pour l'honneur c'est pas à toi qu'on va demander quoi que ce soit, pas vrai ? Ça te passe largement au dessus de la tête ce genre de concept ! » Mais tu t’attendais à quoi ? À défaut de perdre patience, ses billes céruléennes roulent dans leur orbite, et il ose ricaner. Ses neurones n’ont pas dû encaisser le choc. « J'en ai rien à faire que ma sœur se soit laissée abuser par tes beaux yeux, t'entends ? — Tu trouves vraiment que j’ai de beaux yeux ? » qu’il raille entre deux ricanements sanguinolents. (Il l’ignore.) « Comme tu dis elle est assez grande pour faire ses choix. Elle t'a choisi, c'est très bien. Je ne comprendrai jamais mais, vraiment, c'est très bien ! Tant mieux pour toi parce que, merde, tu ne mérites pas tant ! » Il ne l’écoute pas, il refuse de l’écouter, et il se contente de parler en même temps que lui, de balancer ce qui lui passe par la tête, « j’espère que tu prends ton pied », sans chercher à être intelligent. Il se veut imbécile, car tout d’un coup, ça rend les choses plus faciles à digérer, et à oublier. Anna, le bébé, l’avenir, le bruit. Matteo a raison. Il a la tragédie dans le sang, et une attirance certaine pour la souffrance, quelle qu’elle soit, physique, morale, abstraite. Les psychomages s’arrachent son dossier, parce que Rosier, c’est un désastre qui ne s’est pas raté, et qui, même s’il a atteint le fond, continue de creuser avec un acharnement sidérant. Il aime les choses dégueulasses et souillées, il aime casser ses jouets. Anna n’était pas une exception. Il se doutait déjà que leur idylle se terminerait comme elle avait commencé, qu’il la blesserait plus encore que les autres fois. Il n’a pas le temps de se redresser que le pied de Matteo lui dévie une côte. Le souffle coupé, il se recroqueville et échappe un râle qui meurt péniblement. Il expectore le peu d’oxygène que ses poumons étaient parvenus à grappiller, roule sur le coté, les mains plaquées contre son abdomen. « J'aurais même été jusqu'à dire que j'aurais accepté l'idée qu'elle ait ce gosse avec toi. Tu sais quoi ? — Non mais dis-le-moi, il marmonne dans le vide. Peut-être que je serais venu te féliciter pour ta belle connerie ce soir si t'avais eu un minimum de respect pour elle. » Le respect. Pour qui et pour quoi ? Matteo peut se mentir autant qu’il veut, il pense, il n’aurait jamais admis qu’il puisse être le père de son neveu. Il lui aurait réglé son compte, avec des arguments différents — une mise en garde. Il s’en serait mordu les doigts. Au moins, dans cette situation, toute sa haine trouve une justification inespérée : il pouvait lui casser la gueule en toute impunité, personne ne défendrait un type qui abandonne sa femme enceinte. « Guess what, j'aurais même laissé ça entre elle et toi. J'aurais joué le jeu, — Bullshit, il crache, en sachant pertinemment que tu allais finir par lui faire mal d'une manière ou d'une autre, parce que c'est toujours ce que tu fais. » Il se cambre, se débat avec ce corps qui refuse de lui obéir et finit, après quelques efforts laborieux, à se hisser sur ses deux guiboles, non sans s’appuyer contre le rebord de la benne à ordures. Il repère sa baguette, pas très loin, près d’un carton éclaté d’où, il le jure, vient de s’échapper un rat – probablement effrayé par leur vacarme. Il souffre, et ne s’en cache pas. Sa pommette est défoncée, il mollarde un filet d’hémoglobine, palpe ses côtes endolories, grimace. Ça l’a dégrisé. Il recouvre un simulacre de lucidité, et braque sur Grimaldi un œil au beurre noir. « Ça doit vachement t’exciter d’avoir enfin une vraie raison de me rendre visite. » Son rachis s’écrase contre la benne à ordures, la tête se renverse un moment en arrière. Il fouille ses poches à la recherche de sa flasque. « Vous me cassez les couilles, tous autant que vous êtes… » il grommelle en s’abreuvant de firewhiskey. Lui et ses leçons de morale à deux mornilles, elle, qui le tourmente à chaque fois que le souvenir de son sourire s’esquisse dans un recoin de sa mémoire atrophiée, et le reste, ce club trop bruyant, ces connards bourrés, ces remugles de moisi, cette frustration grandissante lui mordant les tripes. Tous ces rôles à endosser, et pour lesquels il n’a pas l’étoffe, leader taciturne ou suiveur indolent, père indigne ou l’homme ingrat. Il voudrait lui dire, lui gueuler même, qu’il est conscient de ses conneries, qu’il n’y peut rien, que certains sont bons à rester cons, qu’il ne mérite pas Anna, ni leur fille, qu’il aimerait crever histoire de souffler, et le provoquer, encore et encore, l’inciter à se défoncer les phalanges contre sa gueule de connard. Mais il n’ose pas, Rosier, dégueuler sa vérité comme Matteo est en train de lui cracher la sienne. Il est fatigué, et quand bien même l’envie de démonter une trogne le soulagerait, les bras n’en sont pas moins ballants. « Où as-tu vu que tu avais le droit d'exiger d'elle qu'elle avorte ? (Parce que, merde.) Si tu ne veux pas de ta fille, Simon, je te suggère de rester loin d'Anna. Ne viens-même pas chercher à t'excuser, tu m'entends, disparais. (Oh, il en tremblerait presque de peur.) Je trouverai une solution pour elles deux, je réparerai tes conneries, pour elles. (Ah !) Son honneur sera sauf si jamais ça t'inquiète, et il n'y aura pas de Rosier en plus dans le coin. Elle sera une Grimaldi, et c'est ce qui pourra lui arriver de mieux. » Connard. Le voilà qui accourt sur sa putain de licorne, le grand chevalier Grimaldi, le torse bombé sous son armure scintillante. Il se gausse, narquois, et s’approche de sa baguette, qu’il ramasse péniblement, une main pressée contre ses côtes douloureuses. « Au passage, j'ai vu ton frère récemment. » Rosier se fige, mais ne se débine pas. Cet enfoiré a abattu sa dernière carte – comme sa sœur avant lui, il songe. « Il se porte très bien sans toi si tu veux savoir. Comme quoi tous les Rosier ne sont pas pourris jusqu'à la moelle. Voilà qui est plutôt rassurant pour ta descendance. » Le poing se serre, instinctivement. Ils ne se parlent plus, et pourtant — pourtant, Elias est une faiblesse que même le silence n’amoindrit pas, un vestige d’une vie qui lui manque. Un fantôme parmi tant d’autres désormais, mais dont il ne parvient pas à faire le deuil. Et ça lui crève le cœur bordel. Ça lui crève le cœur, de songer à lui. « Va te faire foutre. » L’insulte lui tombe des lèvres, inconsciemment. L’autre, il doit jubiler, d’avoir touché une corde sensible, de le déstabiliser en évoquant la chose la plus simple qui soit — une sœur pour un frère. Il n’a pas besoin de lui aboyer, c’est bon, t’es content ; Matteo a parachevé sa démonstration en beauté, et il l’applaudirait, si ses mains ne tremblotaient pas autant, s’il lui restait un tant soit peu d’humour. L’hilarité s’en est enfuie — et sa mine hargneuse vaut toutes les insultes du monde. Elias aussi aurait cherché à lui remettre les idées en place avec une mandale. Ses doigts se resserrent autour du manche de sa baguette. « J’aimerais que ça te fasse chier, que dans le fond, quelque chose te dise que j’ai raison. Qu’aucun enfant ne devrait grandir dans ce monde-là, » il glapit. « Enfin… maintenant que t’as dit ce que t’avais à dire… j’ai pas changé d’avis… on peut se serrer la main et se dire adieu, hein. » Et il a le culot de s’avancer jusqu’à son adversaire, la dextre tendue, un sourire de connard aux lèvres. (C’est une trêve que Matteo lui refusera, de toute façon.) Il suffit d’une seconde. Une seule seconde pour rassembler ses réflexes et les associer à sa déloyauté ; il oublie sa baguette, sa magie, ne pense qu’à ce poing fermé qui s’abat contre le nez de Grimaldi. Sans crier gare. (Il n’en est pas à son premier pugilat.) Il le plaque contre la porte de service et ses dernières forces se mobilisent contre ce corps un peu moins abîmé que le sien. « T’as peur de rien hein ? » Il murmure. « Anna m’a dit. Ça me fait plaisir que vous gardez contact. » Derrière mon dos. Elias et lui n’ont pas échangé le moindre mot en cinq ans, et malgré son absence, il est là, il est toujours là. « Faut vraiment être con comme pas permis pour me dire que t’as rencontré un rebelle. C’est comme ça que tu veux les protéger ? » Anna, sa fille. Pions dans son échiquier. Lui-même ignore si sa conscience a finalement repris ses droits ou si l’orviétan l’ampute de sa raison. « Je l’ai déjà trahi une fois, il écrase un peu plus son avant-bras contre la gorge de Matteo, mon frère, et il ne l’avait jamais admis, à personne. Tu le savais ? Je les ai balancés, lui et sa salope de femme. » La colère explose dans ses entrailles. La montée d’adrénaline est brutale, inattendue, tant et si bien qu’une lueur démente vient troubler son regard enfiévré. « J’hésiterai pas pour toi, » il siffle. « Frappe-moi encore si t’as envie, » c’est presque un ordre (une supplique). « Fais-le pour ta sœur. » Il le relâche. Recule de quelques pas. « J’aimerais que tu saches à quel point j’en ai absolument rien à foutre. » Il aimerait qu’il s’invite un moment dans son crâne de désaxé, qu’il contemple le vide qui lui ronge les tripes, qu’il observe son monde et devine ses idées noires. (Qu’il mette un terme à tout ça.)
‹ occupation : tisseur de mots, journaliste, coureur de monde. à la dérive.
‹ maison : Gryffondor
‹ scolarité : 1984 et 1991.
‹ baguette : était en bois d'érable, relativement flexible, mesurait 26,8 cm et contenait un coeur de phoenix.Désormais brisée, j'ai hérité d'une baguette récupérée sur le cadavre d'un mangemort: bois de noyer noir, 32 cm, coeur inconnu, et absolument pas faite pour moi.
‹ gallions (ʛ) : 4223
‹ réputation : j'ai l'air de regretter la fin de cette guerre, que ce qui secoue ce monde nouveau paraît me révolter bien plus que les atrocités commises par le précédent gouvernement, que je suis un piètre journaliste et écrivain qui tente de percer dans un milieu qui n'a jamais voulu de lui.
‹ particularité : en plein flou.
‹ faits : j'ai soutenu la rébellion, bien que je n'ai quitté ma vie que sur le tard pour aller les retrouver, au détour de la création de la Renaissance du Phoenix ; que beaucoup n'ont pas cru à mon implication, du fait de ma naissance surtout ; que j'ai une tendance fâcheuse à commencer des choses et à ne pas les terminer ; que ma plus grande ambition est d'enfin publier un livre ; que ma fiancée est en fuite et que je n'ai aucune idée de si je la reverrai morte ou vive, offerte aux bons soins des Détraqueurs ; que la nouvelle société me répugne presque autant que la précédente, voir plus ; que je ferai sûrement tout pour ma soeur.
‹ résidence : dans le loft de la Bran Tower ou Eirene et moi vivions avant que tout ne vole en éclat. J'ai réussi à garder l'appartement par je ne sais pas quel miracle, il sert aujourd'hui à ma soeur et à mon beau-frère, Elias, parfois. En vérité je n'y suis pas souvent, je fuis l'endroit.
‹ patronus : une méduse géante
‹ épouvantard : un grand feu, l'anéantissement total de ma famille, rester seul au milieu des cendres
‹ risèd : Eirene se tenant à mes côtés, aussi heureuse qu'elle l'était à nos débuts, lorsque nous étions encore pleins de promesses et de projets fabuleux avant que tout ne soit jeté aux flammes.
Found my faith, living in sin I'm no Jesus but neither are you my friend I'm a whore above the broken dreams This simple answer is never what it seems
Il sait, au moment où les mots franchissent ses lèvres, qu'il commet une erreur. La bile tapisse sa bouche d'une saveur âcre, et c'est le regret qui s'insinue déjà, sape la rage qui, l'espace d'un instant, a empiété sur la raison et guidé ses paroles. « Va te faire foutre. » Il sait aussi qu'au moment où la balle a percé la zone de compréhension malmenée de Rosier, celui-ci a pris l'impact de plein fouet, accusé le coup plus qu'il ne l'aurait voulu. Peut-être cela suffit-il à faire pencher la balance dans l'autre sens – comme si appuyer sur les points faibles de son rival avait le pouvoir de contrebalancer le risque pris en évoquant Elias. L'autre a perdu son sourire, qui s'est tordu en une expression se rapprochant plus de l'idée qu'il se faisait de ce qu'il est sensé éprouver en recevant ses coups dûment mérités. Ça le calme à moitié. « J’aimerais que ça te fasse chier, que dans le fond, quelque chose te dise que j’ai raison. Qu’aucun enfant ne devrait grandir dans ce monde-là, » Que ça le fasse chier ? À quel point serait-ce dur d'admettre que derrière l'indignation se cache la peur de voir naître une âme innocente dans un monde en cendres, qu'il se sent prêt à quitter du jour au lendemain ? Littéralement, ça lui arracherait les lèvres. Ça lui écorche déjà les pensées et le remplit de honte : il se refuse à donner raison à Simon sur ce sujet. Encore faudrait-il assumer, et dans le domaine du déni, Matteo est au moins aussi compétent que Simon, à quelques nuances près (de véritables univers à ses yeux, pour lui qui refuse toute ressemblance avec celui qu'il considère comme le pire sorcier ayant jamais été mis au monde). Il serre les dents, garde un silence plus parlant que s'il avait essayé de nier ses propos. « Enfin… maintenant que t’as dit ce que t’avais à dire… j’ai pas changé d’avis… on peut se serrer la main et se dire adieu, hein. » Et il tend la main dans sa direction, comme s'il attendait vraiment de lui une reddition, une putain de trêve. Il éructe un rire ahuri, incrédule, les mains douloureuses serrées en deux poings rageurs. L'impudent ne perd décidément rien pour attendre, s'engage plus loin dans l'opposition farouche et moqueuse qu'il a choisie d'adopter pour lui faire face. Il le répugne. Si seulement Simon essayait de faire des efforts, mais les seuls efforts fournis consistent à débiner encore et encore la maigre estime que Matteo a de lui. Pour un peu, c'en serait presque dommage mais – et il s'en fout, Merlin ce qu'il s'en fout – il est trop content de se voir donner (et sur un plateau d'argent) toujours plus de raisons de le haïr, de cette haine viscérale dont l'origine demeure trouble. S'il cherchait la source de son animosité, Matteo n'y trouverait rien d'autre qu'un simple choix de sa part de ne pas considérer Rosier autrement que comme un ennemi. Peut-être qu'après la mort de Thomas, personne n'était assez bien pour le remplacer aux côtés de sa sœur. Ou peut-être est-ce le simple fait du caprice d'un enfant jaloux, d'un frère envahissant.
Le coup s'abat sur lui dans un moment d'inattention. L'impact se propage dans tout son crâne, vrille l'encéphale d'épines douloureuses qui se concentrent derrières ses paupières et le font plisser les yeux. Une main se lève à la rencontre de son nez qui, il le sent sans avoir à y toucher, s'est brisé sous le coup. Il se retrouve plaqué violemment contre la porte de service, aveuglé par les lumières crues qui ornent l'encadrement dans l'espoir risible de rendre le lieu moins sordide. « T’as peur de rien hein ? – Enfo- – Anna m’a dit. Ça me fait plaisir que vous gardiez contact. » Le sang afflue à sa bouche, colmate à l'arrière de la langue et se mêle à la salive qui abonde. Il lui cracherait bien le tout dessus s'il n'avait pas à chercher son oxygène pour récupérer un poil de la lucidité que Rosier a balayé en une droite puissante. Encaisser relève sûrement de l'entraînement, car il le fait avec moins de grâce et de facilité que son adversaire. « Tant mieux. Au moins tu sais que c'est vrai - » - que ce n'est pas un simple trait d'humour noir pour essayer de faire mal. Il a l'espoir que la nouvelle est d'autant plus pénible à entendre qu'elle est vraie, en fait. « Faut vraiment être con comme pas permis pour me dire que t’as rencontré un rebelle. C’est comme ça que tu veux les protéger ? » Malgré lui, la remarque fait mouche. Oui, c'était une connerie, il l'admet volontiers et sans doute s'en mordra-t-il les doigts demain en y repensant. La prudence a cédé le pas au plaisir vicelard de balancer l'info comme une patate chaude ; ce que font les gamins dans la cour d'école, ni plus ni moins. Il grimace, crache sa bile ensanglantée sur le côté, à leurs pieds à défaut de l'envoyer droit dans les yeux de Rosier. Son regard délavé flamboie, animé par il ne sait quelle énergie insoupçonnée, alors qu'il crache l’aveu avec véhémence. « Je l’ai déjà trahi une fois, - il grimace de nouveau, tente d'échapper à la pression que Rosier impose à sa trachée, bloquant le peu d'air qu'il parvient encore à inspirer maintenant que son nez refuse de laisser passer la moindre trace d'oxygène. Des paillettes dansent devant ses yeux et altèrent l'image du visage fou de rage de Simon, presque collé au sien. « Qui t'a trahi, Simon ? Vas-y, surprends-moi encore un peu – mon frère. Tu le savais ? Je les ai balancés, lui et sa salope de femme. » Putain de malade, a-t-il envie de jurer. Un froid intense s'insinue dans ses tripes. « J’hésiterai pas pour toi, frappe-moi encore si t’as envie, fais-le pour ta sœur. » Putain de ma... « Pauvre connard, » il se frotte la gorge à l'endroit ou l'avant bras de Simon se trouvait avant qu'il ne titube en arrière, lui laissant la liberté – lui ordonnant presque – de sortir de nouveau les poings. « J’aimerais que tu saches à quel point j’en ai absolument rien à foutre. » Il crache de nouveau par terre. « Tu mérites pas que je t'achèves, » fanfaronne-t-il. En vérité l'envie de le tabasser lui est passée, comme gommée par les confessions de Simon. L'impression qu'une boule de glace s'est formée dans son estomac le maintient adossé à la porte de service, le corps douloureux et la bouche pâteuse, ferreuse. Il se sent comme vidé de toute combativité. Son dégoût pour Simon est devenu si grand qu'il déforme jusqu'à son envie de le frapper jusqu'à ce que mort s'en suive en un désir malsain de le voir périr seul, bouffé par ses remords. Une grimace méprisante lui tord les lèvres : « T'as qu'à agoniser tout seul dans ton coin, j'espère que tu succomberas à ta connerie. Ou je peux laisser à ton frère le bonheur de se venger, sûr qu'il en crève d'envie, lui aussi, hein ? »
« Et Anna ? Tu la balancerais aussi, ma salope de sœur ? Bien sûr que tu le ferais. Si t'as balancé ton propre frère... » qu'il laisse tomber platement. La phrase demeure en suspens, sous-tend qu'après un tel acte, aucune traîtrise ne saurait égaler celle-ci, ni ne serait surprenante à ses yeux. Quelque part pourtant, il sait que ce qui lie Anna et Simon est suffisamment vrai (bien qu'insaisissable) pour que ce dernier ne passe pas cette ultime limite. Sa tête bute contre la porte dans un bruit sourd, ravivant la douleur diffuse qui lui enserre le crâne alors qu'il la renverse en arrière. Son regard ne quitte pas celui de Rosier. « Balance-moi si tu veux. Balance-moi si ça t'aide à te sentir mieux. Ma conscience à moi restera sans tâche – qu'il jette, le foutu menteur. Sa conscience est au moins aussi piétinée que l'est celle de Simon. Et Eirene, si elle les voyait, si seulement elle savait. Si tous ses mensonges finissaient par lui exploser à la tronche, sa conscience ne se porterait pas aussi bien qu'il le dit. La bravade ne vaut d'ailleurs sûrement rien aux yeux de Simon. – Si ça peut t'aider à oublier que t'es une ordure, vas-y. » Il se redresse, se penche, ramasse la baguette de Rosier demeurée au sol- « J'ai dit ce que j'avais à dire, t'as raison, on peut se dire adieu. Bon courage pour détruire ce qui reste de ton existence minable, je sais que t'y mettras du coeur » - et la lui jette dans les mains.
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