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sujet; le secret de broke-your-back mountain - bagflint |
| Marcus “fais pas genre t’as une belle gueule” Flint I love my ugly boy So rough and tough Don't care about anything but me I just love him cause he's so crazy Just crazy about me Tu te débats contre tu ne sais quoi. Contre un autre, contre toi-même, contre un autre toi. C’est que Casper était fourbe, et ne s’en prenait à toi que lorsque tes défenses étaient affaiblies. Des râles sonnent en écho à ton cœur qui semble remonter dans tes oreilles. Puis, une lumière, lointaine, tremblante, éclaire ce visage cauchemardée qui ressemble trop au tien et qui essaye de t’étrangler. Terrorisé, tu cherches à happer de l’air, même si ça fait encore plus mal dans ta poitrine. Puis, juste avant que tu lâches prise, tu te rends compte que Casper n’essaye pas de te tuer, mais plutôt d’arrêter le sang qui coule, comme Astoria l’avait fait. Ils appuient sur ta gorge pour l’empêcher de se détacher. C’était pour ça, les foulards serrés ; plus que pour dissimuler cette atroce cicatrice, ils servaient inconsciemment et naïvement à maintenir ta tête sur tes épaules –avant que tu ne la perdes et deviennes complètement fou.
Tu allais donc te laisser faire et sombrer de nouveau dans le sommeil quand soudain, une autre paire de mains, immenses – celles que tu rêvais de serrer très fort, à une époque- se referment sur les tiennes –celles de Casper et d’Astoria. Elles essayent de les décrocher, pour faire tomber ta tête. Le prince est mort, vive le prince. Tout le monde te voulait du mal, voulait te couper ta sale jolie p’tite gueule –il n’y avait qu’Astoria en qui tu pouvais avoir confiance.
Les mains inconnues sont beaucoup plus fortes que toi et arrachent un à un tes doigts et ta gorge, te clouant sur le dos. Tu te retrouves prisonnier de ton propre corps. Non, tu n’es pas prisonnier, tu es juste endormi ; il te suffirait de te réveiller et… C’est ce que tu fais. Tu bondis en hurlant de ton sommeil comme on éviterait une explosion. Sous le coup de la surprise, la poigne s’est desserrée et, dans la panique, cherchant à ne pas tomber –à ce que ta tête ne tombe pas- tu balances tes bras autour du cou d’Astoria.
A ceci près que ce n’est pas Astoria. C’est des épaules infiniment plus larges qu’Astoria, un dos plus musclé et une nuque coupée courte. C’est peut-être Astoria dans une autre forme de rêve, dans une autre forme de corps –ah, ce serait parfait, en y repensant. Tu fais peser tout ton poids à ce cou, y abandonnant tes dernières forces, si bien que l’autre s’écrase à moitié sur toi. C’est pas grave, ça fait pas mal ; tu as juste besoin qu’on te recouvre, qu’on te couvre, qu’on te protège ; qu’on t’étouffe et qu’on étouffe ce trou béant dans ta gorge. Cette immense plaie à combler.
Tu restes un moment à tout prix accroché à cette gorge intacte. Ta respiration finit par se calmer et ton bon sens par revenir. Tu comprends que tu es réveillé, que tu es en vie, que ta plaie est toujours refermée et imperturbable. Tu comprends que tu n’es plus chez les insurgés, que tu es plus ou moins en sécurité, et qu’à sentir la solidité de cette emprise, tu ne risques pas de tomber. Tu te surprends même à penser que tu aimerais rester ainsi toute ta vie. Cependant, tu comprends aussi que tu n’es pas chez Astoria, que tu n’es pas lové dans ses bras à elle, comme cela s’était produit à plusieurs reprises. Tu cherches à rassembler tes derniers souvenirs qui se bousculent soudain au portillon. Dans une exclamation de stupeur rendue suraiguë par ta panique nocturne, tu lâches la nuque de Marcus Flint. « Par Merlin, je suis confus, Flint, je t’assure » t’éparpilles-tu en te reculant dans l’oreiller défoncé. Tu lèves une main tremblante que tu passes dans ta mèche, essayant vainement de la recomposer. « Ce sont des… incidents qui se produisent régulièrement… » tu t’éclaircis la voix, lisses nerveusement les couvertures fourragées « jusqu’à présent, je n’avais craqué devant personne… je suis désolé que ce soit tombé sur toi... » Quitte à te trouver une excuse, autant tout révéler, cartes sur table ; ce n’est pas comme si tu avais encore une réputation à tenir auprès de lui. « … et sur tes affaires… » constates-tu en sentant une goutte de sueur froide retracer la ligne souple de ta colonne vertébrale jusque dans le pantalon trop grand. Tu oses enfin affronter son regard que la lumière de sa baguette rend troublant. Tu constates qu’il n’a pas l’air en forme, épuisé même, sûrement parce que ton agitation l’a tiré de son sommeil. Cependant, tu sens dans son souffle rauque faisant écho au sien que, peut-être, le tirer de son sommeil avait été la chose la plus attentionnée que tu avais faite pour lui.
Imitant son geste, tu plaques une main sur son front tiède. « Je ne t’aurais quand même pas contaminé ? » Tu fronces les sourcils, soudain soucieux –c’est toujours plus confortable de se préoccuper des autres pour ne pas à panser ses propres plaies. « Les maladies transmises par les nundus ne sont pas contagieuses… » Malgré ta propre température grimpée en flèche et tes dents qui claquent, tu remues tes méninges engourdies pour te remémorer la soirée, quelques heures plus tôt. Tu avises de sa position « Ton dos… comment va-t-il ? » |
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PRISONERS • bloodstains on the carpet Marcus Flint | boris bagshot
fin août 2003 • dans la merde Enfin, Bagshot se réveille. Enfin, il fait un bond en avant, manquant de percuter Marcus qui a le réflexe de se reculer pour éviter l’impact – il peut remercier le Quidditch, pour ça. Le cri lui donne mal au crâne, il a toujours un peu cette espèce de gueule de bois, quand il s’endort après avoir pris une dose de Navitas. Sauf qu’en plus, il y a une paire de bras qui vient brusquement lui entourer le cou et il ne peut que se figer, un peu confus par cette réaction. Un coup de poing, pourquoi pas, il aurait compris. Mais que Boris se jette littéralement à son cou, ça le perturbe un peu oui. Surtout qu’il ne contente pas de l’agripper, il s’accroche complètement à lui et Marcus perd l’équilibre dans un grognement. C’est parce qu’il arrive à appuyer une main paume sur le matelas qu’il ne s’effondre pas complètement sur Bagshot. Il n’ose pas bouger. Il ne pense pas que ce soit la manière de la crevette de s’en prendre à lui pour l’avoir réveillé. Vu comme il s’accroche à lui, il a plutôt l’air de chercher du réconfort et autant dire qu’il n’a pas l’habitude d’en apporter. Une tape dans le dos et une mauvaise blague a toujours suffi à Greg. Enfin, ce n’était peut-être pas suffisant, mais il s’en contentait. Il s’en sortait un peu mieux avec Pansy quand elle était plus jeune. Il avait qu’à la serrer dans ses bras et lui assurer que ceux qui avaient osé l’emmerder se retrouveraient bien vite à l’infirmerie. Là, il ne sait pas trop ce dont Bagshot a besoin et de toute manière, il ne pense clairement pas être celui qu’il lui faut. Il y a une part de lui qui a très envie de repousser Boris et de lui lancer un regard noir, pour avoir osé s’approcher autant de lui. Et puis il y en a une autre qui sait ce que ça fait, que de se réveiller d’un cauchemar et de n’avoir plus qu’une envie, s’accrocher à quelqu’un, sentir sa chaleur et un cœur qui bat pour se rappeler que c’est ça la réalité, maintenant. Il n’en a pas tellement, Marcus, des gens à qui se raccrocher pour ne pas se laisser submerger par ses cauchemars. Alors peut-être qu’il ne bouge pas aussi parce qu’il profite un peu, au fond. Parce que le poids sur sa nuque et les tremblements de Bagshot en-dessous de lui sont un bon moyen de se souvenir où il est réellement et d’oublier les autres choses qui rôdent encore dans un coin de son esprit. Alors il reste là, le souffle court et la gorge nouée, il ne fait pas un geste, ni pour réconforter Boris, ni pour le chasser de là.
C’est Bagshot qui bouge en premier, d’abord en lui flinguant un tympan en poussant un cri. Marcus grimace et s’écarte aussitôt pour plaquer une main sur son oreille. « Par Merlin, je suis confus, Flint, je t’assure, » qu’il commence à bafouiller en ayant l’air de vouloir disparaître dans son oreiller. « Ce sont des… incidents qui se produisent régulièrement… » Des incidents ? Pourquoi faut-il qu’il enrobe toujours tout de jolis mots pour décrire des choses pourtant simples ? Il pense que ça les rend moins réelles, moins honteuses ? Il fait des cauchemars. Des cauchemars apparemment terrifiants et ça sert à rien de balayer ça en les appelant des… incidents. « Jusqu’à présent, je n’avais craqué devant personne… je suis désolé que ce soit tombé sur toi... » Marcus ouvre la bouche pour lui dire qu’il s’en fiche, lorsque Bagshot lève une main. Il a un mouvement de recul en voyant cette paume approcher son visage et se fige quand elle se pose sur son front. « Je ne t’aurais quand même pas contaminé ? » Quoi ? « Les maladies transmises par les nundus ne sont pas contagieuses… » Ah, oui, le Nundu. Marcus lui attrape le poignet, pour écarter la main de son front. Il veut répondre non, mais sa gorge nouée ne lui permet que de laisser échapper un son pas très intelligible, alors il se racle la gorge. « Non, c'est bon, » lâche-t-il enfin.
« Ton dos… comment va-t-il ? » La question le prend un peu au dépourvu. Marcus lâche le poignet de Boris et détourne le regard. Comment va son dos ? Il a une gêne permanente, à plusieurs points de la colonne. Quand il fait un mouvement trop brusque, ça tire, ça pince et il doit attendre avant que ça ne disparaisse. Il sait que s’il ne reprend rien pour neutraliser la douleur, dans quelques heures ça le prendra au niveau des épaules. Un peu comme si on lui cisaillait les trapèzes. Après, ça dépend. Il peut rester comme ça longtemps, jusqu’à finir cloué dans un lit parce qu’il ne peut plus bouger tant il a mal dans tout le corps. Ça fait un moment qu’il n’a plus attendu d’être dans cet état, il ne pense pas être en mesure de supporter de l’être à nouveau. C’est pour ça que sa prise de Navitas est de plus en plus régulière. Rien ne le terrifie plus que de se retrouver à nouveau alité à souffrir le martyr. Comparé à la douleur d’avoir le dos en miettes et de ne rien avoir pour la faire disparaître, comme c’était le cas juste après les attentats, Marcus estime qu’il va bien. Il en est à ce point. Quand la douleur est juste en sourdine, présente mais calme, supportable, il estime qu’il va bien. « Ça va, » croasse-t-il donc avant de se relever. De sa baguette, il éclaire le reste de la tente et se traîne jusqu’au coin cuisine pour se servir un verre d’eau qu’il vide d’une traite, avant d’en remplir un autre. Il retourne auprès de Bagshot et lui tend. « T’es pas le seul à avoir des… comment c’est, déjà ? Incidents ? » déclare-t-il en restant debout, planté là. Il ne sait même pas pourquoi il lui dit ça, ce n’est pas comme s’il avait terriblement envie de se confier, bien au contraire même.
Il n’a pas envie de penser à tout ça, il refuse de se laisser aller à y penser, pas maintenant, pas alors qu’il vient de se réveiller en sursaut et qu’il se sent encore vulnérable. Pas devant Bagshot. Alors oui, c’est plus simple de se concentrer sur ses maux à lui. « C’est qui, Casper ? » demande-t-il enfin, les sourcils froncés. Un type qui lui a pourri la vie du temps où il était chez les Insurgés ? Parce que c’est ce qu’il a fait, pas vrai ? Marcus a entendu les rafleurs en parler, ils ont tous été étonnés de constater qu’il ne savait rien, mais il n’est pas un grand adepte de lecture, ce n’est pas pour perdre son temps avec la Gazette et toutes ces conneries. Une part de lui est curieuse, a vraiment envie de savoir et l’autre… Il s’ébroue un peu et balaye l’air d’un geste de la main. « Laisse tomber, » ajoute-t-il précipitamment. Il n’aime pas quand on fouine dans sa vie, il ne fera pas la même chose. Et puis, Bagshot doit en avoir sa claque de répéter les mêmes conneries. Il remet du bois dans le poêle d’un coup de baguette et ravive le feu qui s’était éteint. Ils n’ont pas assez dormi, c’est évident, mais Marcus n’est pas certain d’avoir envie de se recoucher. C’est pour ça qu’il reste debout, à faire toutes ces petites choses pas très utiles, plutôt que de retourner s’allonger, même s’il se traîne plus qu’autre chose, entre la fatigue et son dos tout grippé. Il va dans la salle de bain, pour se passer de l’eau sur le visage et dans la nuque, histoire de se remettre les idées en place. Il en profite pour humidifier une autre petite serviette qu’il ramène à Bagshot et lui tend, conscient que lui aussi a probablement besoin de se rafraîchir, pour chasser sa mauvaise et trop courte nuit. « Il est trois heures du mat’, tu devrais t’rendormir. J’te réveillerai si ça r’commence, t’en fais pas, » fait-il de sa voix rauque. Il va probablement s’foutre dans le fauteuil là-bas, et résister à la tentation de reprendre une dose. Mais pas se rendormir, non. Il a peur de se rendormir. |
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| Marcus “fais pas genre t’as une belle gueule” Flint I love my ugly boy So rough and tough Don't care about anything but me I just love him cause he's so crazy Just crazy about me Jusque là, tu n’avais jamais trop tenté d’entrer en contact avec Flint. Néanmoins, tu avais observé qu’il n’était pas féru de contact physique. Oh, pas que tu faisais une fixation sur lui, loin de là, simplement que, de manière générale, tu passais pas mal de temps à observer tes petits camarades rafleurs, à défaut de te mélanger à eux. Et, comme la plupart du temps, il évoluait seul, pour sûr qu’il attirait l’attention. Murdock aussi était souvent seul ; sauf que lui, on ne se gênait pas pour le bouler, lui foutre des manchettes derrière la tête et ce, malgré son terrifiant gabarit. Flint, on ne le touchait pas. On limitait même les tapes virilement amicales dans le dos. L’endroit critique, son dos. Tu n’avais eu qu’à tendre un peu l’oreille dès ton premier jour de formation pour savoir ce qui lui était arrivé. C’était terrible. Pas tant la blessure et les symptômes restant que le rêve brisé avec sa colonne vertébrale. Néanmoins, il n’était pas du genre à s’en plaindre ; ça fait pas viril. De fait, il vous avait bien fait comprendre qu’il ne voulait pas en parler, et que les petites secrétaires qui croyaient bon de s’apitoyer sur son sort feraient mieux de se tenir à distance. Il y avait quelque chose de terrifiant dans sa haute stature ; et de savoir qu’elle était brinquebalante et pouvait s’effondrer à tout moment ajoutait à l’angoisse qu’il inspirait. Oh, tu n’avais pas non plus peur de lui. Tu ne le ménageais ni par tes petites blagues de sous la ceinture, ni par tes tournures de phrases alambiquées pour lui faire mal aux méninges. Parce qu’avoir un dos et un rêve brisés n’excusaient pas tout. Et que, pour avoir toi-même fait les frais de tous ces regards désolés pour toi quand tu entrais dans une pièce, après que tu aies dévoilé en direct pour la Gazette du Sorcier ta gorge recousue, tu avais conscience qu’il devait en avoir eu très vite ras la casquette qu’on le prenne en pitié. Alors soit, tu n’aurais pas de pitié pour lui ; c’était de bonne guerre. Et même ce soir-là, on ne pouvait pas parler de pitié. Parce que vous étiez autant abîmés l’un que l’autre. Néanmoins, cela restait à celui qui éviterait le plus longtemps sa propre merde. Tu étais doué pour ça, devant les photographes ; dans ces cas-là, tu ne te contentais pas de balayer le sujet d’un revers de main. Ça aurait été trop flagrant. A la place, tu leur pointais du doigt une autre merde, semblable en tout point à l’originale, mais qui dégageait un parfum d’héroïsme et de romantisme. Tu avais frôlé la mort en tirant la tendre Astoria des griffes insurgées. Et par amour, elle t’avait sauvé la vie. Je vous remercie, si vous avez d’autres questions, mon attaché de presse se fera une joie de vous éclairer. Pas d’attaché de presse ni de photographes cette nuit. Seulement cette grosse brute de Flint qui réduit ton poignet en miettes. Rien de bien glamour. Ce rustre ne faisait même plus la distinction entre un coup porté et une main inoffensive prenant sa température. C’est que ça te mettrait hors de toi qu’il te croit mal intentionné. Le souci, c’est qu’il n’est pas dans ta tête. Il ne peut pas savoir que, si tu te remets à parler comme un aristo, c’est simplement parce qu’à force de si bien jouer un rôle, on aurait tendance à le poursuivre même dans les coulisses. Il se dégage comme on fuirait la peste, et tu te surprends à reprendre froid. Pensivement, tu remontes les couvertures sur toi, les lissant consciencieusement, sans te décider à te rallonger. Il revient ensuite avec un verre sur la surface duquel tu fais glisser tes doigts moites et le colles contre ton front au lieu de le boire. Tu manques de le lâcher sur tes cuisses lorsqu’il mentionne Casper. Ton cœur rate un battement, il se ravise. Tu n’étais pas tant étonné que ça que la fièvre te fasse parler dans ton sommeil, mais jamais tu n’aurais pensé lâcher ce nom aussi facilement. D’un autre côté, s’il en était encore à demander de qui il s’agissait, c’est qu’il ne devait pas avoir suivi grand-chose de ton histoire. Et, dans un sens, ça te rassurait. Tu en avais assez de tous ces inconnus qui en connaissaient plus sur toi que toi-même, surinterprétant les quelques informations ambiguës que tu égrenais au fil des articles. Au contraire, Flint faisait partie de l’autre côté de la plume à papotes, lui aussi. Il devait savoir ce que ça faisait. Et c’est peut-être pour ça que tu étais prêt à lui fournir une autre explication que celle qui se trouve dans les journaux.
te ramène une serviette en te conseillant de se rendormir. Toi non plus, t’as pas envie de te rendormir. T’as autant envie que lui qu’il te voit dormir et cauchemarder. T’as la haine qu’il n’ait pas confiance en toi, mais toi non plus, tu n’as pas encore totalement confiance en lui. Parce qu’on ne fait jamais rien de désintéressé. Qui sait ce qui se passera une fois que vous quitterez cette tente.
« Ils parlent de quoi, tes incidents à toi ? » Et, pour lui montrer que tu tiens à sa réponse, tu es prêt à lui en fournir une, sincère, en échange. Ménageant un silence, tu tripotes tes mots et les coins de la couverture. « Casper, c’est de l’histoire ancienne… » Quelques mois plus tard, discours rapporté à ta journaliste de cousine. « Il s’agissait du nom de code qu’on m’avait donné, lorsque j’ai réussi à gagner leur confiance. » « Enfin, pas si ancienne que ça, si j’en suis réduit à en parler dans mon sommeil » « Vous vous rendez compte à quel point ils déshumanisent les membres de leur confrérie ? Je n’étais pour eux que Casper le fantôme » « C’est comme un fantôme, il porte bien son nom : il me hante » Tu ris un peu, pris au dépourvu par ta propre honnêteté. Ça fait donc ça ? « Mais c’est de l’histoire ancienne : c’est le Boris de retour d’entre les morts que vous avez devant vous ! »
Continuant de vous renvoyer le souafle, tu ne comptes pas lâcher le morceau quant à son dos. Tu pouvais être pire que les journalistes, quand tu voulais - à ceci près que ton journal à toi était tenu au secret. « Il n’y a rien qu’on puisse faire ? des potions, des massages ? tu m’as soigné après tout, je te dois bien ça. Qu’est-ce que tu prends habituellement ? » Il n’avait rien à craindre avec toi ; sans pour autant être un adepte de l’orviétan, tu en avais pris comme les trois quarts de la jeunesse dorée sorcière. De plus, du temps insurgé, il n’était pas rare que les rebelles en consomment, coupés à de la camelote, souvent, pour tenir bon. Il n’y avait pas de prix pour arrêter de souffrir. « Je peux fouiller dans la pharmacie, il doit bien y avoir de quoi concocter une potion anti-douleur. » Joignant le geste à la parole, tu t’es levé, progressant d’une lenteur chancelante jusqu’à la salle de bain, comme si tu réapprenais à marcher. A vrai dire, tu en avais assez de mariner dans l’odeur fauve de tes terreurs nocturnes. Tu te défais du pull de Marcus que tu sèches d’un tergeo balbutiant. « T’en fais pas » tu crains rien avec moi « ça part au lavage. » |
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PRISONERS • bloodstains on the carpet Marcus Flint | boris bagshot
fin août 2003 • dans la merde « Ils parlent de quoi, tes incidents à toi ? » Marcus s’était détourné pour aller s’effondrer sur le fauteuil près du poêle, mais il se fige dès qu’il perçoit ces mots. Ne pas parler de ses cauchemars, c’est un moyen de faire comme s’ils n’existaient pas. Et puis, s’il devait brusquement s’y mettre, ce n’est probablement pas avec Bagshot. Il s’apprête à lui dire exactement ça, quand l’autre reprend la parole. « Casper, c’est de l’histoire ancienne… » Ah, c’est pour ça qu’il vient de se jeter dans ses bras après avoir gémi ce nom d’un air terrifié ? « Enfin, pas si ancienne que ça, si j’en suis réduit à en parler dans mon sommeil » Son amertume disparaît aussitôt, au moins la crevette est honnête. « C’est comme un fantôme, il porte bien son nom : il me hante. » Ouais, il connaît ça. Enfin, ce n’est pas tant une personne qui le hante lui, mais il sait ce que ça fait. Marcus passe une main sur son visage et se résout à se retourner, pour faire à nouveau face à Bagshot. C’est donnant-donnant, hein ? « Ste Mangouste, » lâche-t-il alors. « Ils parlent de Ste Mangouste. » Il n’a pas besoin d’en dire plus, pas vrai ? S’il n’est pas du genre à lire le journal, Boris l’est probablement, en parfait petit citoyen qu’il est. Et l’histoire a fait la une, au moins autant que les morts, le récit de ses ailes arrachées par les Insurgés a permis de renforcer la haine et la peur de tout le monde. Ce qu’il a pu les détester de faire ça. Se servir de lui, de ça, pour leur propagande infâme. Son père n’a pas hésité à en rajouter une couche, avec ses Avec ce qu’ils t’ont fait, ça devrait te motiver à faire ton travail correctement. Oh oui c’est certain, avoir été réduit à n’être plus qu’une épave lui donne très envie de rejoindre ceux qui ont poussé tous ces gens à avoir recourt à de tels extrêmes. Est-ce qu’ils sont tous devenus complètement stupides ? « Il n’y a rien qu’on puisse faire ? des potions, des massages ? tu m’as soigné après tout, je te dois bien ça. Qu’est-ce que tu prends habituellement ? » Il se met à ricaner, un rire rauque et mauvais qui prend des airs hystériques et finit par mourir sur un hoquet misérable. Il ne sait même pas pourquoi il se marre. Parce qu’il lui demande si des stupides potions et des massages à la con pourraient aider ? Parce qu’il est ridiculement sweet de penser que ça peut être soulagé comme Marcus a tenté de calmer sa fièvre avec une fiole de Pimentine ? Ou parce qu’il lui demande ce qu’il prend d’habitude et qu’il a honte, honte que la réponse soit le Navitas ?
Parce qu’il n’assume pas d’être devenu un putain de drogué, un déchet, qui ne peut plus tenir une journée sans prendre sa dose ? Parce que Bagshot a l’air sincère, quand il lui demande s’il peut faire quelque chose ? « Je peux fouiller dans la pharmacie, il doit bien y avoir de quoi concocter une potion anti-douleur. » Son rire menace de reprendre et sa main vient couvrir son visage, il n’y a plus que ses épaules qui tremblent. Pourquoi il se marre ? Pourquoi c’est si drôle que Bagshot pense que les potions lui font encore quoi que ce soit ? Ça n’a rien de drôle, c’est nul, c’est juste nul.
Pourquoi il rit ? Parce qu’il est fatigué. Merlin, parce qu’il est tellement, tellement fatigué.
Quand il enlève sa main, la crevette s’est levé sur ses jambes flageolantes pour se diriger vers la salle de bain et Marcus ne rit plus. « T’en fais pas-- »
T’en fais pas, dans deux semaines ta jambe est retapée et t’es d’retour sur le terrain.
Il a besoin de s’asseoir. Il a besoin de s’asseoir, il a besoin— il se traîne jusqu’au lit et se laisse tomber au bord, ses mains tremblantes agrippent le bas du cadre en métal et il s’y accroche, il s’y accroche à s’en faire mal. Il ne rit plus, il ne rit plus du tout parce qu’il n’en a jamais réellement eu envie, parce que ça fait des mois que plus rien ne l’amuse et qu’il ne fait que prétendre alors que plus rien ne va et que pas un jour ne passe sans qu’il se demande s’il ne ferait pas mieux d’être moins minutieux quand il prend une dose.
Il est entré dans cet hôpital avec une jambe cassée. Une toute petite fracture qu’ils ont réparée en quelques coups de baguette. Il est sorti— Parfois, il a l’impression qu’il n’en est jamais sorti.
« Si tu trouves—si tu trouves dans cette pharmacie quelque chose qui fasse disparaître la douleur sans— sans me laisser comme ça-- » Sans les redescentes monstrueuses qui le laissent dans un état misérable, sans l’envie d’en reprendre aussitôt après, sans le besoin d’augmenter toujours plus la dose. « Si tu trouves ça, Bagshot, je suis ton serviteur à vie, » lance-t-il avant de lui lancer un grand sourire. « Et tu sais pourquoi j’peux dire ça sans m’inquiéter que t’y arrive ? » demande-t-il gaiement. « Tu sais pourquoi ? » répète-t-il et il y a une lueur un peu dingue dans son regard. « Parce que y a rien, rien, ni dans cette pharmacie, ni dans tout ce putain de pays, rien, ni personne, parce que j’ai tout essayé, j’ai tout essayé et tu sais ce que ça a fait de moi ? » Il lâche le bord du matelas et tend ses mains qui tremblent devant lui. « Ça, » crache-t-il avec un rictus dégoûté. Il est malin, Bagshot, il a pas besoin qu’on lui dise que c’est pas qu’une simple potion anti-douleur qui fait ça, il sait qu’on devient pas un tel déchet aussi facilement. Alors non, il ne trouvera rien pour l’aider et en même temps, il ne souhaite rien de plus que se tromper, parce que pour être débarrassé de cette souffrance, pour ne plus avoir besoin de se droguer pour ne plus avoir mal, Marcus pourrait ramper. Il baisse les yeux sur ses mains qui tremblent toujours autant, et il a froid et chaud et il a mal à la gorge de ravaler des sanglots et des rires fous et il vient de vider son sac devant Bagshot et ça pourrait bien lui redonner envie de s’esclaffer comme un malade.
Au lieu de ça, il plonge son visage dans ses mains et souhaite disparaître. |
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| Marcus “fais pas genre t’as une belle gueule” Flint I love my ugly boy So rough and tough Don't care about anything but me I just love him cause he's so crazy Just crazy about me Tu renfiles le pull dans l’odeur un peu atténuée de lui. Dommage. Tu fouilles tout de même dans les placards, ne te rendant pas bien compte de l’ampleur de son mal. Comme il avait pu le constater avant toi, vous êtes équipés pour soigner les plaies superficielles, pour refermer ce qui était ouvert, rassembler ce qui était dissocié. Mais rien pour que ce qui est recollé ne fasse pas aussi mal que quand c’était décollé. Tu passes les remèdes en revue trop de fois pour ne pas sentir la frustration gagner ta confiance en soi aussi maigre que tes poignets. L’idée de ne rien trouver te rend fébrile, c’est encore brumeux dans ton crâne, et il faut dire qu’en cours de potion, tu n’étais pas le plus assidu –pourquoi ça, déjà ? Ça te met un peu de mauvaise humeur, et ça ne s’arrange pas quand Flint se décide à craquer comme une plaie rouverte – malgré tout, pas de potion pour ça. C’était ce que tu attendais de lui, maintenant il fallait assumer et ramasser les morceaux. Cela dit, tu t’étais attendu naïvement à ce que vous en parliez entre grandes personnes civilisées. Tu avais tendance à oublier que tout le monde ne ceinturait pas ses émotions comme tu le faisais. De fait, celles de Flint bouillonnent jusqu’à déborder, trop longtemps retenues.
Tu déboules de la salle de bain, les sourcils froncés affermissant à peine ton visage tendre. Tu ne t’arrêtes que quand tu t’es planté devant lui. Tu remontes à peine ta manche que tu lui fiches une claque. « Je n’ai pas besoin que tu me promettes de devenir mon esclave pour vouloir te venir en aide, Flint. » Même si rien de ce qu’on fait n’est désintéressé ? L’offre était pourtant alléchante. Mais pour le coup, c’est surtout qu’il t’avait fait peur, avec ses yeux fous ; pendant quelques secondes, tu as bien cru qu’il allait te sauter à la gorge, t’arracher ta propre colonne vertébrale pour les échanger … bon ok, tu exagérais peut-être un peu, mais le fait est que son instabilité avait boulé dans ton sang-froid. Tu avais déjà eu à faire à des jeunes gens tournant mal à cause de l’orvietan. Toutefois, jusque là, c’était resté dérisoire. Pour ta part, c’était toujours Astoria qui allait s’en procurer pour vous deux, au final. Cependant, c’était bien pour ne pas finir comme lui que vous preniez soin à réguler votre consommation. Parce que quand on vit dans l’excès, on constituait une proie facile pour ce genre de rêve en poudre. Ce n’est pas comme ça que je veux que tu sois, Flint. Pas comme ça, avec ses yeux révulsés, à parler bizarrement comme si tu trouvais ça drôle, à trembler, à cracher sur ce que tu es. Je t’ai si souvent observé, Flint, et pourtant, j’ai rien vu de tout ça. Je t’ai si souvent observé, Flint, et pour moi, tu n’étais qu’un con ; un con certes, mais un con stable, ancré au sol et à la réalité. Un con malchanceux, sans doute, mais tu ne crois pas que c’est monnaie courante, à notre époque ? T’as mille et une raisons de pleurer sur un rêve que t’as pas vécu assez longtemps à ton goût. Soit, tu as constaté qu’il n’y avait pas de solution miracle pour ça, Flint. Et après, on fait quoi ?
Tu lui en fous une deuxième qui t’arrache une respiration rauque à trop t’agiter. Malgré les sueurs froides qui tremblent sur tes cils, ton état semble s’être stabilisé, contrairement au sien, à fleur de peau, comme si tous les efforts qu’il avait fournis pour s’occuper de toi s’envolaient avec cette douloureuse révélation. Tu lui en fous une deuxième pour lui faire mal ailleurs, même si pour le coup, c’est la paume de ta main qui est plus brûlante que sa joue. Si tu n’étais pas si peu habitué aux contacts, tu te serais sans doute déchainé de toutes tes forces de crevette contre lui que ça en aurait été un peu risible. Et à ton avis, il avait assez ri.
« Tu crois que je fais comment, moi ? » Tu te figes, droit comme un piquet, prenant sur toi pour que tes jambes ne se ramollissent pas sous ton poids. Comme une biche prise dans les phares d’une voiture, quand tu as peur, tu t’immobilises. « Tu me trouves superficiel et faux, je le vois dans tes yeux que je te répugne, et tu as sans doute raison ; seulement, je peux rien y faire, je ne sais même pas où est passé le vrai moi. » Tes poings posés contre tes cuisses se recroquevillent un peu dans tes manches, l’un pour en triturer les mailles, l’autre serrant très fort ta baguette. « De rêve, j’en ai pas, j’en ai plus, ma mère a oublié par mégarde de me le rendre quand je suis revenu à la maison. C’est pratique, n’est-ce pas ? » Ton timbre de voix est trop calme pour être vrai. « Dis-toi que tu as le luxe de te souvenir de ce qui t’est arrivé, de ce que tu as perdu et de comment ça t’a forgé. Je suis là sans savoir où j’étais avant. » Tu lui racontes ça avec une objectivité désarmante, comme si tu n’énumérais que des faits. Et c’est ce que c’était ; ça ne devait être que des faits, auquel cas tu aurais pété un câble comme lui.
« Je ne prétends pas comprendre ce que tu ressens ; néanmoins, j’estime trimballer mes propres chaudrons et par eux, je peux t’assurer que je sais ce que ça fait d’être le résultat de toute cette maudite guerre. Tu es peut-être né des attentats, Flint. Moi, je suis né d’une mémoire effacée. » Et tu veux savoir la meilleure ? C’est qu’aujourd’hui, je travaille pour les gens qui ont suffisamment retourné l’esprit étriqué de ma mère pour qu’elle me porte volontaire. J’ai rien demandé, moi. On n’a jamais demandé à ce que ça nous arrive, pas vrai ? Et pourtant, on est toujours là.
Serais-tu en train de lui raconter ta vie, là ? Toujours guidé par ce principe d’échange équivalent ; sauf que là, tu ne voulais plus le pousser à se confier, mais plutôt lui prouver que si toi tu y arrivais, il n’y avait pas de raison pour qu’il n’y parvienne pas non plus. Pas besoin de savoir lancer de sortilège pour ces choses-là, ni d’avoir eu ses ASPICs avec mention. C’était pas quelque chose de magique, c’est pour ça que c’était si difficile.
« Je te dis pas tout ça pour jouer à celui qui a le karma le plus pourri. C’est juste qu’il va falloir t’y faire, Flint : c’est pas possible de ressortir indemne de ce bourbier. » Un hoquet ; il s’agirait que tu n’ailles pas trop loin non plus. Depuis quand tu te soucies des autres, comme ça ? « Et tu es con d’avoir pensé que ça l’était. » Et je t’en veux d’avoir pensé que ça l’était. C’est si dangereux ce genre d’illusions. Ça aurait pu te tuer. Reprends-toi, tu vaux mieux que ça ; j’ai besoin que tu valles mieux que ça.
Tu lui tends ta baguette. C’est peut-être le seul contact qu’il tolèrerait. « S’il n’y a plus rien à faire, tu attends quoi ? Qu’on te dise de te flinguer ? Si tu ne l’as pas encore fait, c’est qu’il y a bien quelque chose qui te retient. » Comme quand tu avais eu mille occasions de m’abandonner, et que tu l’as pas fait. « C’est pas la drogue qui fait ça. » |
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PRISONERS • bloodstains on the carpet Marcus Flint | boris bagshot
fin août 2003 • dans la merde La gifle lui coupe le souffle, pas parce qu’elle est atrocement douloureuse – bien sûr, ça reste cuisant et il en aura probablement la joue un peu rougie, mais il a connu pire, pas vrai ? – mais parce qu’elle le prend complètement au dépourvu. Une chose est sûre, il ne s’attendait pas à ce que Bagshot lui en colle une un jour. Un sortilège pourquoi pas, mais qu’il lui en mette une directement, pas tellement. Il est tellement choqué qu’il ne bouge pas et encaisse la deuxième gifle avec un stoïcisme qui tient plus de la surprise qu’autre chose. « Tu crois que je fais comment, moi ? » Cette fois, la voix de Bagshot semble enfin l’atteindre, alors il lève un regard confus vers lui, les sourcils froncés. « Tu me trouves superficiel et faux, je le vois dans tes yeux que je te répugne, et tu as sans doute raison ; seulement, je peux rien y faire, je ne sais même pas où est passé le vrai moi. » Il ne peut pas dire qu’il le répugne, c’est faux. Marcus ne le comprend pas, mais il comprend rarement les autres de toute manière, alors il n’y a pas à percevoir le moindre jugement là-dedans. Il peut dire sans mal que Bagshot l’a agacé dès la première seconde où ils se sont rencontrés, qu’il l’a mis mal à l’aise, il peut dire aussi que les rares choses qu’il sait sur lui le perturbent parce qu’il le pensait en effet superficiel et faux, mais il y a autre chose sous tout ça, il le sait à présent. Alors non, Bagshot ne le répugne pas. A vrai dire, ce sont plus les personnes qui ont rendu Boris ainsi, qui le rendent malade. « De rêve, j’en ai pas, j’en ai plus, ma mère a oublié par mégarde de me le rendre quand je suis revenu à la maison. C’est pratique, n’est-ce pas ? » C’est pas pratique non, c’est monstrueux. C’est son père qui aurait probablement trouvé ça pratique. Il aurait adoré être capable de le dépouiller de ses rêves pour en faire une parfaite petite marionnette facile à contrôler. C’est ce qu’est Bagshot finalement, pas vrai ? « Dis-toi que tu as le luxe de te souvenir de ce qui t’est arrivé, de ce que tu as perdu et de comment ça t’a forgé. Je suis là sans savoir où j’étais avant. » Il ne sait pas trop ce qui est pire, ce que la crevette lui raconte, ou le ton sur lequel il raconte. Il semble complètement détaché, comme s’il parlait de quelqu’un d’autre et c’est peut-être un peu le cas, puisqu’il n’a même pas l’air de savoir qui il est. Est-ce seulement possible que comme Daphne, comme Greg, Bagshot n’ait jamais eu le moindre désir de devenir un Mangemort, de servir leur très estimé Magister ? Qu’on ait fait ce choix pour lui, comme il a été fait pour tant d’autres, dont on a tant retourné le cerveau qu’ils pensent avoir fait ce choix volontairement, pire, joyeusement ?
Marcus a envie de vomir et ce n’est pas à cause du Navitas, cette fois. « Je ne prétends pas comprendre ce que tu ressens ; néanmoins, j’estime trimballer mes propres chaudrons et par eux, je peux t’assurer que je sais ce que ça fait d’être le résultat de toute cette maudite guerre. Tu es peut-être né des attentats, Flint. Moi, je suis né d’une mémoire effacée. » Il n’est pas né des attentats, Marcus refuse de penser ça, il refuse de leur laisser ça. Il était quelqu’un avant et il n’a peut-être plus le Quidditch mais il est toujours quelqu’un. Ce qui s’est passé à Ste Mangouste ne le définit pas, de la même manière que Bagshot ne peut pas laisser ce qu’on a fait de lui le définir. « Je te dis pas tout ça pour jouer à celui qui a le karma le plus pourri. C’est juste qu’il va falloir t’y faire, Flint : c’est pas possible de ressortir indemne de ce bourbier. » Mais il était pas censé se retrouver mêlé à tout ça, il a tout fait pour ne pas se retrouver mêlé à ces conneries. Il est resté dans son coin, il n’a pas pris parti pour éviter toutes ces conneries, pour ne pas faire partie des victimes. « Et tu es con d’avoir pensé que ça l’était. » Ses dents se serrent, ses poings se crispent. Il veut bien être con d’avoir pensé qu’il s’en tirerait en ne prenant jamais parti, il veut bien qu’on l’accuse de n’avoir rien fait et d’avoir attendu que ça passe, il veut bien qu’on dise de lui qu’il est lâche. Mais il refuse qu’on dise qu’il est con d’avoir pensé que ceux qui prétendent lutter contre le mal absolu ne seraient jamais assez tarés pour faire péter un hôpital.
« S’il n’y a plus rien à faire, tu attends quoi ? Qu’on te dise de te flinguer ? Si tu ne l’as pas encore fait, c’est qu’il y a bien quelque chose qui te retient. » Il baisse les yeux sur la baguette tendue de Boris. « C’est pas la drogue qui fait ça. » Quelque chose qui le retient. C’est pas la drogue non, clairement. C’est pas l’espoir non plus, parce que Marcus n’est pas comme ça. Il n’est pas du genre à espérer, plutôt du genre à désespérer pour savourer les bonnes surprises, plutôt que de se casser la gueule. Qu’est-ce qui l’empêche de se foutre en l’air, hein ? Trop lâche, ou pas assez, tout dépend du point de vue. Le désir de vengeance ? Il est en colère et il veut faire payer Douglas et tous les autres pour Ste Mangouste, mais ça ne le réparera pas, il est bien conscient de ça. Peut-être que ça le soulagera quelques secondes tout au plus. Sa main se referme autour de celle de Bagshot et il la repousse, pour éloigner la baguette de lui. Il s’apprête à le relâcher mais se ravise, préférant se lever et le tirer vers le lit, avant de le faire s’asseoir d’une main sur l’épaule. « R’couche toi avant d’t’effondrer, » qu’il grogne sèchement. Dire qu’il est mal à l’aise d’avoir craqué comme ça devant Bagshot est un peu faible. Il fait quelques pas, puis se fige et garde le dos tourné à Boris. « Le vrai toi, il est là quand tu fais pas c’que tout l’monde attend d’toi, » lâche-t-il finalement. « Le vrai toi, j’pense qu’il était là quand tu t’es foutu d’vant cette bestiole et j’pense qu’il était là aussi à l’instant, quand t’as prouvé qu’être un pantin te plaît pas autant qu’tu l’fais croire à tout l’monde. » Il se décide enfin à se retourner, pour lui lancer un regard en coin. « Le vrai toi est tout aussi agaçant, mais j’le préfère à celui qu’ils veulent tous que tu sois, tu devrais l’écouter plus souvent, » conclut-il avec un mince sourire. Le reste, Marcus ne préfère pas revenir dessus. Il ne sait pas pourquoi il s’accroche encore exactement et il ne veut pas y penser, peut-être parce qu’il a peur de se rendre compte qu’il n’a pas de raison de le faire. Quant à la mémoire trouée de Bagshot, il ne peut pas y faire grand-chose, tout comme la crevette ne peut rien pour son dos.
« Et c’est toi qui gagne, » fait-il distraitement. « T’as marché dans une merde géante et un Nundu à moitié crevé t’as craché à la gueule, » explique-t-il avec un sourire en coin. « C’est toi qu’a le karma le plus pourri, Bagshot. »
Dernière édition par Marcus Flint le Mer 1 Fév 2017 - 12:11, édité 1 fois |
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| Marcus “fais pas genre t’as une belle gueule” Flint I love my ugly boy So rough and tough Don't care about anything but me I just love him cause he's so crazy Just crazy about me Tu te sens tellement vulnérable de t’être confié ainsi. Tu n’as tellement pas l’habitude que tu n’arrives même pas à apprécier le fait d’avoir partagé tes maux et de t’en être un peu délesté. Ça sert à rien de se confier quand l’autre ne peut rien y faire, de toute façon, pas vrai ? Ça lui servirait juste s’il voulait t’attaquer. Parce qu’on n’est jamais à l’abri, pas vrai ? On peut pas faire confiance à qui que ce soit. A ceci près qu’on n’était pas tous comme toi, Bagshot.
Il repousse ta baguette et sa main reste sur la tienne. Sa main est si grande sur la tienne. Comme celle de « Le jour où je pourrai être moi-même, ça se saura » ripostes-tu aussitôt, encore un peu sur la défensive. Tu lisses ton pantalon trop grand du plat de ta main encore tiède, songeant à la manière de te rattraper.
« Je tâcherai de m’en souvenir » promets-tu dans un sourire fragile. Mais comme tu l’as dit, Flint, c’est pas pour tout de suite, et en attendant, on fait ce qu’il faut pour rester en course. Tu n’es jamais aussi brillant que quand tu mens. Et ça te fait de la peine de lui mentir dans un moment pareil, comme si tout ça avait servi à rien -seulement, c’était ta manière à toi de te sentir en sécurité, tu te sentais tellement vulnérable de lui avoir tout craché pour rien. Ça te rend quand même malheureux de savoir que ça ne se reproduirait certainement pas, que ça toucherait à sa fin, que tu ne pourrais plus jamais lui offrir ce toi-là, à partir du moment où vous franchirez la porte de cette tente, que vous rentrerez au Ministère. Tout recommencera comme avant. Mais toi, tu le jugeras comme avant ? « Il faut bien que je t’agace, sinon je risquerais de m’attacher. »
Parce que tu sais, Flint, si je l’écoutais, ce vrai moi, je me ferais tellement plus de mal : parce que l’écouter reviendrait à laisser exprimer mes émotions, et effectivement, ça peut faire mal, comme ça peut faire beaucoup de bien. Mais avec le temps, tu avais, semble-t-il, développé une capacité à te retenir face à ce qui t’arrivait de bien, d’humain, à ménager ton enthousiasme jusqu’à ne plus rien montrer du tout, à tout intérioriser, jusqu’à ce que ça pourrisse dans un coin. Et c’est pas sain quand ça s’évacue pas. T’auras beau tout recouvrir de jolis foulards et de laque pour cheveux, arrivera un moment où ça débordera. Et ce jour-là, tu n’auras plus qu’à espérer qu’aucun de tes petits copains ne soient là pour assister à la tombée des masques.
« Fais attention à ce que mon karma ne contamine pas le tien. » Tu lisses les draps sans même t’en rendre compte. Ça te paraît tellement rien, l’attaque du nundu et la mission qui vous avait paumés au milieu des montagnes. Tellement rien à côté de ça. Si ton karma est pourri, c’est clairement pas pour ça. En fait, t’as toujours cru que tu le dégoûtais, ou plus généralement les rafleurs, sans chercher à savoir si c’était vraiment ça. Parce qu’en fait, tu te dégoûtes toi-même, rien de nouveau à l’ouest. En même temps, tu aurais été curieux de rencontrer un seul partisan du régime qui puisse se regarder en face dans la glace. De nervosité, tu frottes la marque que vous avez en commun sur l’avant-bras.
Oh Merlin, je crois que tu es am- enfin c’est peut-être juste passager, sous le coup de l’émotion, c’est pas souvent qu’on te dit que c’est ton vrai toi qui plaît, enfin, c’est chiant, c’est lourd, c’est chaud, c’est désespéré, tu n’auras jamais un type comme ça. Tu ne voulais pas d’un type comme ça. Tu ne voulais personne, c’est chiant, les autres humains, justement parce que c’est des humains. J’ai comme une impression de déjà-vu, de déjà-enduré ; c’est la fièvre, ça te rend plus vulnérable pour te laisser aller à ce genre d’état d’âme. Quand tu serais de nouveau sur pieds, tu n’auras qu’à lutter pour ne pas que ce soit de l’amour, il n’y avait pas de raison, tu ne le connaissais pas spécialement, et tu commençais seulement à l’apprécier -à quel prix ? Mais c’est comme si tu avais su dès le début qu’il n’était pas juste con. A la bonne heure, sa plastique irréprochable avait dû aider, pas vrai ? Ça peut pas être ça, tu veux pas que ce soit ça, ça fait tellement mal à chaque fois : tu ne te souviens plus de la première fois, simplement la douleur que ça avait causée. Et désormais, tu avais d’autres trolls à fouetter. Un agent du Ministère n’était pas optimal quand il souffrait des maux du coeur. C’était ce toi-là que Flint avait apprécié ; c’était en étant ce toi-là que tu risquais de t’attacher. Alors désormais, tu ne te laisserais plus aller à être ce vrai toi.
« Merci, Marcus » Grâce à toi, je ne tomberai pas dans le piège. Je ne me laisserais pas faire, je ne me laisserais pas aller à ça, même si c’est doux, c’est un piège, je connais ça, c’est comme ça que je les attrape, moi aussi. « Je ne vais peut-être pas regretter tant que ça d’avoir sauvé ta peau. » C’est un peu comme si tu avais sauvé la mienne. « En plus du fait d’avoir eu l’occasion de la toucher~ » Ta plaisanterie se brise comme les derniers éclats de fièvre. Faible de la décision de ne plus jamais te laisser aller aux confidences malgré tout ça, tu te recouches. Cependant, tu te cales inconsciemment -ou pleinement consciemment peut-être - contre le mur, comme pour lui laisser une place. C’est parce que t’es encore fiévreux, ça te fait faire des trucs irréfléchis. Il y a des choses qu’on ne contrôle pas, Bagshot ; ça se réfléchit pas tout ça, c’est pas du domaine de la réflexion, ni du cérébral. C’est un peu plus bas que ça fait mal.
Vous n’aviez peut-être pas mis la main sur les rebelles ce jour-là, mais vous aviez déterré quelque chose de plus important. Que tu t’étais empressé de remettre en terre à coups de talon. Les fantômes, c’était vraiment pas ton truc. |
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PRISONERS • bloodstains on the carpet Marcus Flint | boris bagshot fin août 2003 • dans la merde « Le jour où je pourrai être moi-même, ça se saura, » réplique-t-il vivement et Marcus grimace un peu parce qu’il ne peut s’empêcher de se dire que c’est dommage. Que si tout n’était pas aussi fucked up, peut-être que Bagshot et Flint pourraient s’entendre en-dehors de cette tente, de cette seule nuit où coupés du monde, ils semblent pouvoir être plus honnêtes avec l’autre, avec eux-mêmes. « Je tâcherai de m’en souvenir. » Et c’est probablement stupide, mais il espère presque sincèrement qu’un jour, Boris retrouvera qui il est vraiment et surtout, qu’il n’aura pas à le cacher. Parce qu’il a beau sembler parfaitement entraîné, Marcus ne peut qu’imaginer les efforts que ça doit demander de jouer la comédie chaque jour. Il a dû le faire parfois avec les journalistes et il doit le faire à chaque fois que son père est dans les parages, jouer à celui qui est fier de porter la Marque. Ça suffit à lui laisser un goût amer dans la bouche à chaque fois alors il se demande comment fait Bagshot. Combien de temps tiendra-t-il encore comme ça ? Marcus l’ignore, mais il se dit alors que le jour où la crevette n’en pourra plus, ce sera moche. « Il faut bien que je t’agace, sinon je risquerais de m’attacher. » Et ça le fait rire, l’idée que quelqu’un comme Boris Bagshot puisse apprécier un type comme Marcus Flint, parce que ça paraît complètement absurde et pourtant, n’est-ce pas ce qui est en train de se passer pour cet instant fugace qui s’évaporera probablement dès qu’ils auront quitté cette maudite forêt ? Non, pas totalement. Oh il ne compte pas se comporter différemment avec la crevette une fois qu’ils seront rentrés, parce qu’il ne doute pas un seul instant que Bagshot lui donnera toutes les raisons d’être à nouveau acide avec lui. Mais peut-être que ça le dérangera un peu plus, maintenant qu’il sait qu’il n’est peut-être pas que du vide. « Fais attention à ce que mon karma ne contamine pas le tien. » Il se retient de répliquer que ça peut difficilement être pire, parce qu’il y a cette voix qui ressemble vachement à celle de Liv qui hurle que s’il ose prononcer ces mots il va forcément se passer un truc terrible et Marcus se demande avec une grimace quand est-ce que cette vieille sorcière superstitieuse d’Oliver Wood l’a contaminé avec ses conneries. De toute évidence, des années de colocation ont été nécessaires alors il se dit qu’il est probablement en sécurité concernant le karma de Bagshot. « Si une saloperie me tombe sur le coin de la gueule prochainement, je saurai à qui péter les genoux, » déclare-t-il avec un sourire carnassier.
« Merci, Marcus. » Il hausse les sourcils, un peu surpris, alors que son regard s’attarde sur la silhouette de Bagshot, assis sur le lit. Entendre son prénom sortir de la bouche de la crevette, c’est assez étrange et il n’est pas certain de vraiment s’y faire un jour. Quant au remerciement, il ne sait pas trop quoi en faire. Merci pour quoi, exactement ? « Mh, de rien ? » répond-il alors, parce qu’il n’est pas certain d’avoir fait quelque chose qui mérite qu’on le remercie, mais soit. Il ne va pas cracher dessus. « Je ne vais peut-être pas regretter tant que ça d’avoir sauvé ta peau. En plus du fait d’avoir eu l’occasion de la toucher~ » Il rit et ça revient de loin ce son, alors que Bagshot se recouche. « Ugh, fanboy, » prétend-il se plaindre avec une grimace, en plissant le nez. Il reste planté là à regarder la crevette se caler dans lit et il remarque bien la place évidente qu’il tente de lui laisser, même alors que la couche n’est pas bien grande et que dormir avec lui dans un espace aussi réduit ne doit vraiment rien avoir de confortable. Mais il sait bien Marcus que parfois, même si c’est inconfortable, la présence de quelqu’un à ses côtés est le seul moyen de se rendormir. Il n’a pas oublié les nuits où Oliver devenait dingue s’il le laissait tout seul.
Alors il soupire, mais il va quand même s’asseoir à côté de Bagshot, le dos calé par un oreiller placé contre la tête de lit. Leurs fantômes ont réussi à chasser le sommeil de Marcus et pourtant, ce n’est pas la fatigue qui manque. Il baisse la tête, avise la crevette qui n’est pas encore au top de sa forme, mais qui semble aller un peu mieux. Marcus rabat correctement la couverture sur Boris en se disant que même s’ils n’ont strictement rien accompli aujourd’hui, au moins Bagshot n’est pas mort d’une terrible maladie et il pense pouvoir compter ça comme une victoire.
Il n’ose pas imaginer la paperasse qu’il aurait dû remplir dans le cas contraire. (Bon d’accord, peut-être aussi qu’il se serait senti coupable.)
Boris ne tarde pas à se rendormir, la fièvre l’aidant probablement à sombrer même s’il est évident que lui non plus ne s’est pas totalement défait de ce qui est encore venu le hanter cette nuit. Et peut-être que le rythme régulier de son souffle qui lui chatouille le bras à chaque fois qu’il expire finit par l’hypnotiser assez pour qu’il s’endorme à son tour. Ou alors, c’est le fait d’avoir quelqu’un à côté de lui, quelqu’un qui l’a vu vulnérable et qui ne l’a pas regardé avec pitié. Difficile de trancher mais finalement, who cares ? |
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