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sujet; BASTUS • 887 • Let me be the lesser of a beautiful man.

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BASTUS • 887 • Let me be the lesser of a beautiful man.  Empty
Alfketill & BalderConfine me let me be the lesser of a beautiful man, without the blood on his hands, come and make me a martyr come and break my feeling, with your violence.

AOUT 886 • DANEMARK • Tel Odin au milieu de la mer déchaînée, Alfketill Ingermarsson se tenait, fier et droit, devant le Thing. L'ensemble des membres libres du clan se tenaient là. Enfin, ceux qui restaient, après que la majorité du clan soit retournée chez les Francs pour réclamer leur argent à Paris. Il y avait donc principalement des femmes, des vieux, ceux qui avaient une ferme qui avaient besoin de leur présence, les jeunes mariés, les jeunes pères et, bien sûr, Alfketill. Il était seidr, pas guerrier. Il était le magicien, le devin, celui qui établissait la communication avec les yeux et on le respectait autour qu'on l'évitait pour cela. Un seidr mâle n'était pas courant, rarement normal, et d'atroces rumeurs courraient depuis longtemps sur lui et le fait qu'il ne soit pas vraiment un homme. Pas quelles soient infondées. Le fait qu'il ne prenne pas de femme, et qu'il ne s'abaisse pas à draguer grassement les jeunes filles du clan n'arrangeait pas les choses. Balder lui avait bien dit, la veille. Mais Alfketill refusait de penser à Balder ce jour-là, ou en tout cas pas comme ça. C'était de sa faute s'il était devant le Thing. Il n'allait donc pas penser à lui.

« Alfketill Ingermarsson, tu es ici convoqué devant le Thing pour répondre à la faute suivante : mise à mort de Skorri, esclave appartenant au foyer de Balder Magnusson sans son autorisation. Il était venu te payer pour la prédiction que tu as effectué pour son maître la veille, et tu l'as exécuté. Tu as été trouvé, armé d'une hache, à côté du corps charcuté de l'esclave, par un client arrivé par hasard, Sigeric Balkisson. Es-tu d'accord avec cette version des faits ?
-Oui. »

Un murmure se répandit dans la foule derrière lui. Alfketill se tenait cependant toujours aussi droit, toujours aussi fier, devant le Thing. Il était au plus bas de son honneur, et il savait déjà qu'il allait tout perdre, pourtant il refusait de le faire les yeux baissés. Il se tiendrait fier, comme un guerrier, bien qu'il n'ai jamais tué qui que ce soit en dehors des quelques raids de clans voisins. Il était cependant plus fort et plus agile que beaucoup de gens le supposaient. Tout le monde le sous-estimait, sauf Bald-. Non. Il ne penserait pas à lui.
Il n'irait pas se perdre dans des explications ou des justifications inutiles. Il ne dirait à personne ce dont Skorri l'avait insulté. Ce qu'il avait sous-entendu sur son maître et le sorcier. Alfketill n'avait pas pu supporter de voir ce moins qu'un homme lui expliquer comment il se faisait sodomiser par le chef de guerre. Déjà parce que ce n'était pas le cas, Balder était un chef de guerre puissant et respecté, avec une femme belle et terrible, il n'avait pas besoin de quelqu'un comme lui. De plus, Alfketill était un homme fier, et même s'il avait fini par s'avouer ses préférences sexuelles et, surtout, son aversion pour les femmes, il en relevait de son honneur de punir celui qui oserait l'insulter de la sorte. N'importe quel autre homme du clan aurait fait la même chose.
Par Odin, si un homme libre avait osé lui dire ce genre de chose, il aurait pu invoquer un duel et humilier, détruire, voire tuer l'impertinent ! Mais on ne demandait pas un duel avec un esclave. On le rapportait à son maître, lui expliquait le mal, et lui demandait réparation, en argent ou avec la mort de l'esclave. Il était cependant hors de question que qui que ce soit sache ce qu'un esclave avait osé lui dire. Il était hors de question que Balder sache. Alors Alfketill l'avait tué. Il n'en avait pas le droit. Ce n'était pas à lui de mettre fin à sa vie. C'était comme s'il était allé chez les Magnusson pour éventrer leurs moutons. On ne touchait pas aux animaux d'autrui.
Alfketill savait donc pertinemment ce qu'il allait se passer.

« Puisque tu refuses de justifier ton acte et qu'il a été prouvé devant le Thing, il te sera demandé en guise de réparation de rembourser la famille Magnusson de la valeur de l'esclave. Grima ?  »
La femme de Balder s'avança au milieu du cercle autour de l'accusée. Elle était terriblement belle, avec ses longs cheveux longs, ses formes maternelles et ses muscles impressionnants. Alfketill la haïssait tout en la respectant, comme un fils apprend à respecter une mère, comme un amant oublié apprend à haïr l'épouse. Il serra les dents, prêt à entendre le prix, qui signerait la fin de sa liberté. Si Grima avait été son amie, elle aurait pu baisser la valeur pour éviter qu'il ne se ruine, mais elle était une femme fière et droite, et personne n'était l'ami du Seidr. Pas qu'on le haïsse. Juste que, en dehors du fait d'être étrange, il n'était pas exactement... agréable. Elle n'allait donc pas baisser le wergeld juste pour ses beaux yeux de glace.
« Il était efficace, pas toujours rapide mais il ne se trompait pas. Et il aurait encore pu tenir trente ans. J'en demande trois cent sous. »
Alfketill se sentit déglutir. Il pouvait payer cent cinquante, avec de la chance, pas plus.
« Je ne les ai pas. J'ai une quinzaine de sous d'économies, mes deux chèvres et mon mobilier. Mon terrain appartient aux Magnusson, et je ne peux donc pas leur céder. Nous arrivons à un total de cent cinquante sous. »
Les affaires allaient mal, depuis la mort de sa mère. Il avait perdu la moitié de leur clientèle, par méfiance, et parce qu'elle avait toujours été la souriante des deux. Et il s'était toujours dit qu'il pourrait toujours se contenter de peu, plutôt que de devoir ramper devant quelqu'un ou, pire, se trouver une femme aisée. Il vit les sourcils du chef temporaire du Thing (Siegfried étant parti à Paris) se froncer, puis déclarer.
« Je vois. Alors je suis navré, Alfketill, » menteur, il pouvait le lire dans ses yeux. « mais nous n'avons pas le choix. Tu rentres dès aujourd'hui au service de la famille Magnusson, en tant que Thrall, jusqu'au remboursement de ta dette. »
Il hocha la tête en silence. Girma allait certainement transmettre au Thing combien il pourrait considérer être payé par jour. Cela allait lui prendre au moins dix ans, puisqu'elle allait très certainement lui retirer le cout de l'hébergement, de la nourriture et des soins les plus basiques. Il avait intérêt à ne pas tomber malade, même s'il était plutôt capable de se soigner lui-même. Il espérait juste ne pas être mis au service d'esclaves gaulois. Il savait que les Magnusson en avait, et il ne supporterait pas de devoir obéir à ces imbéciles tout juste bons pour se faire piller. Sales catholiques.

Plus tard, Alfketill se retrouva face à sa nouvelle maîtresse, qui fit claquer sa langue d'un air pressé et passablement énervé, comme si tout cela n'avait été qu'un malencontreux contre-temps dans sa journée. « Bon, on passe chez toi récupérer tes chèvres, on les revendra je pense, je te dirai combien on en tire. Puis tes bibelots et tes affaires. Je vais te mettre à la gestion des stocks, tu sais bien mieux compter les autres, et je ne fais pas confiance aux prêtres francs. Quand Balder sera de retour, tu t'occuperas de ses affaires. Tu seras bien plus consciencieux que lui.  » Elle remarqua la surprise sur son visage, sans qu'il sache comment. Il n'était pas exactement du genre expressif. « Crois moi, Alf, cette situation m'énerve aussi. J'aime pas avoir un membre du clan en thrall, alors on va vite se débarrasser de ça, et chacun retournera à sa place, hein ? » Il déglutit, et acquiesça. « Oui. Et merci... maîtresse. » Elle hocha la tête, claqua encore une fois de la langue, et se mit à marcher.
Il pouvait sentir les regards posés sur lui, mais les ignora fièrement. Girma pouvait dire ce qu'elle voulait, mais il avait au moins cinq ans, sinon plus, à tirer de cette misère, même si elle venait de lui offrir un bon travail en comparaison de ce à quoi il s'attendait. Et il savait bien que, d'ici quelques semaines, elle aurait parfaitement oublié qu'il avait pu être un homme libre, et le traiterait comme un vieux chien.
Il espérait juste que Balder ne revienne jamais de Paris, qu'il parte au Valhalla, rejoindre leurs pères, et qu'il ne sache jamais où « Alf » était tombé.




MARS 887 • DANEMARK • L'armée était de retour. Après plus d'un an, ils étaient de retour, pile pour la tonte des moutons. Ils étaient de retour. Donc Balder était de retour. Sauf s'il était mort. Et Alfketill (il s'accrochait encore à ce prénom, bien que plus personne ne l'appelle autrement qu'Alf) espérait qu'il soit effectivement mort. Jamais plus de quelques secondes, mais de façon répétée. Il ne voulait pas le voir. Il était, de toute manière, trop occupé à faire le compte précis des moutons revenu des pâtures et à organiser la future tonte. Grima attendait pour le lendemain le bilan des mains supplémentaires qu'ils allaient devoir embaucher pour gérer le travail supplémentaire. Certainement, l'apport de Balder serait indispensable.
Par Thor, laissez-le atteindre le Valhalla avant sa maison.

Tout le monde était parti accueillir les guerriers. Pas Alfketill. Il avait tenu à rester surveiller les troupeaux, et il les fixait avec une attention toute particulière. Il comptait, et recomptait les moutons, comme si noyer son esprit dans les chiffres pourraient noyer les battements effrénés de son cœur et la panique qui commençait doucement à monter.
Il aimait Balder. Enfin non, il appréciait, il respectait, il honorait Balder. Il était franc et droit, il était honnête, et il avait toujours été proche de sa mère. Il se souvenait comment, dès son plus jeune âge, il avait pu voir arriver Balder, encore jeune homme d'à peine quatorze ans, demander sa fortune à la mère du gamin. Il était plus grand que les autres, Balder, plus fort aussi, et surtout, surtout, il avait le plus grand et le plus honnête de tous les rires. Alfketill ne savait pas rire comme cela, il n'avait pas l'impression de vraiment savoir rire, depuis que sa mère avait été tuée sous ses yeux. Et sans Balder, lui non plus, ne serait pas là ce jour-là, à compter les moutons et à essayer, sans succès, de ne pas penser à son visage lorsqu'il le verrait.
Finalement, il entendit le bruit qui annonçait le retour de la famille. Il espérait, vainement, que Balder n'irait pas voir le troupeau, qu'il resterait avec sa famille, mangerait un peu, irait se divertir entre les cuisses de sa femme et qu'ils n'auraient pas à se voir avant le lendemain matin. La ferme des Magnusson était bien assez grande pour que les esclaves aient une maison dédiée. Il avait même un petit coin juste pour lui, en tant que demi-esclave (il se le répétait chaque jour), et surtout parce que les autres thralls avaient appris à craindre ses colères fulgurantes.

Mais Loki n'était pas de bonne humeur ce jour-là, et décida de jouer un petit tour à son seidr favori. Alfketill reconnu immédiatement le rythme lourd des pas de Balder derrière lui. Il s'accrocha au rebord de  la barrière en bois sur laquelle il s'était installé. Il refusa, d'abord, de tourner le regard puis, lorsqu'il fut évident qu'il n'était plus qu'à quelques mètres de lui, il se tourna, descendit de la barrière, et se teint devant son maître.
Il n'avait pas changé. Peut-être une ou deux cicatrices en plus, mais il n'avait pas changé. Alfketill le détestait pour cela. Il aurait voulu qu'il soit moins beau, moins impressionnant, moins fascinant, surtout. Il le fixa un instant, puis réussi à détacher les yeux de son regard sombre pour observer le sol, avec humilité. Il bouillonnait de rage, de fierté perdue, d'humiliation. Il ne voulait pas être la chose de Balder. Il voulait son respect, son estime, voire, peut-être, son affection, peut-être. Pas son mépris. Mais Alf était un esclave depuis un an, et il avait fini par apprendre se comporter en présence d'un Magnusson.

« Félicitations pour votre victoire sur les Francs. Avez-vous besoin de quelque chose, maître ? »


Dernière édition par Augustus Rookwood le Mer 28 Déc 2016 - 0:26, édité 1 fois
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Alfketill & BalderYou broke me down Mentally Gonna take you down Violently When I close my eyes I think of how you died Died in me So violently


Siegfried en tête de ligne, vous aviez laissé le siège de Paris au reste des troupes -faire le pied de grue aux portes de la ville, très peu pour lui. Il n’était pas connu pour sa patience. Ainsi, pris par la bougeotte, il était parti faire campagne dans l’ouest de la France. Il t’avait chaudement recommandé de le suivre, sans cacher que cela lui permettrait de faire gonfler le nombre de guerriers qui le suivraient. En effet, tu étais un chef de clan estimé parmi les tiens, de fait, ta décision avait fait autorité sur tes hommes.
C’est en mars 887 qu’il jugea que tu avais vaillamment combattu. Après un an à répandre la terreur sur la terre des Francs, tu as pu retourner au pays, appâtant tes hommes avec le butin que tu avais amassé.

Alors que tu surveilles le bon chargement de vos navires, tu te prends à penser qu’une fois de plus, Alfketill avait vu juste dans ses prédictions. Pas que tu doutais de tes compétences, étant l’un des soldats les plus robustes de votre communauté, mais disons qu’un petit coup de pouce des dieux étaient toujours le bienvenu, surtout avec le début de la chrétienté. Vos dieux n’étaient plus destinés à avoir le vent en poupe, cela dit, tant que vous étiez sous la protection d’un sorcier, tu ne t’essaierais pas au baptême. Jusqu’à preuve du contraire, le dieu des Francs n’avait pas daigné lever le petit doigt pour leur venir en aide, lors de vos innombrables invasions.

La traversée n’a pas été de tout repos. Cependant, l’équipage était suffisamment gonflé d’orgueil et trop impatient de dépenser sa part du butin pour se laisser chavirer par les vents houleux. A votre retour, tout le monde vous fait la fête. Ta femme, digne, ne se jette pas à ton cou et c’est plutôt à toi de te retenir de te jeter au sien. Tes enfants font moins de manières puisqu’ils s’accrochent chacun à l’une de tes robustes jambes. Tu permets à la plus petite de rester, cependant, tu secoues un peu l’épaule de ton fils Bjarki, pour le déloger. « Un peu de tenue, fils, voyons. Ce n’est pas digne du fils du chef. » Le gamin bougonne, tu le fais taire d’un regard -comme quoi, ça ne ratait jamais, que ce soit avec tes hommes ou avec les gosses.
Tu viens saluer ta femme, tandis qu’elle envoie en retour les esclaves commencer à décharger les navires. « Tu n’es pas mort de faim en territoire franc ; ou serait-ce ta barbe qui te donne l’air plus gros ? » Tu te racles la gorge, penaud, et l’éloignes des oreilles indiscrètes en passant un bras autour de sa taille. « Raconte-moi, douce Grima, ce qui s’est passé pendant mon interminable absence. »

Tu n’écoutes qu’à moitié les comptes qu’elle a scrupuleusement tenus de vos dernières ventes. Tu t’y plongerais plus tard, quand tu ne serais plus en train de loucher sur la croupe de ta dulcinée.Tu ne bites pas tout de suite au sujet d’Alfketill. D’un autre côté, tu n’es pas aidé, puisqu’elle noie l’information au milieu des autres, encore un peu et elle l’aurait oubliée, sans que ça la préoccupe plus que ça. En un an, elle avait bien fini par le considérer comme un esclave comme les autres. Tu l’interromps en lui agrippant le bras, chose rare, preuve que ça te fait plus d’effet que ce que tu escomptais. En même temps, par Odin, ça n’était pas chose commune, que le seidr d’un village ne devienne thrall !
Tu n’avais pas quitté Alfketill dans les meilleurs termes qui soient et, à réécouter les faits, il était devenu esclave peu de temps après ton départ. A savoir si les deux événements étaient liés, tu n’avais pas encore l’habitude de tenir pareil raisonnement pour établir une telle corrélation tout de suite.
Lui saurait certainement éclairer ta lanterne.
Et tant pis pour ta femme.

Tu prends congé de tes proches et pars à la recherche du jeune mage, la mine sombre. A grands pas, tu regagnes la ferme et fouilles à la volée la masure réservée aux gens de sa condition. Tu ne sais même pas ce que tu comptes faire quand tu l’auras trouvé. A vrai dire, tu n’as jamais su comment te comporter en sa présence. Il n’était pas suffisamment jeune pour que tu le prennes pour ton fils, et il était trop insaisissable pour que tu en fasses un égal.
Parce qu’au départ, c’était exclusivement entre sa mère et toi. Lui n’était qu’une silhouette fluette dans le fond de la pièce, un assistant tout au plus à qui tu ne daignais même pas adresser la parole. Et puis la mort de sa mère l’avait soudainement catapulté dans ta vie. Tu n’étais pas arrivé à temps pour la sauver elle, mais tu avais pu le sauver lui. Echange pas équivalent du tout à ton avis.
Pourtant, ça ne t’avait pas empêché de te sentir responsable de lui.
Et ça allait bien plus loin que tu ne pouvais l’imaginer parce qu’il t’avait aussitôt après sauvé la vie, et de fait, lié à lui à tout jamais. Mais ça, ça relevait de forces magiques dont tu ne soupçonnais que très peu l’existence. Pour toi, la magie servait uniquement à concocter des potions et à prédire l’avenir, entre autres remèdes de bonne femme.
Oui, voilà, la magie, c’était pour les femmes. Et Alfketill n’était pas une femme.

Tu le retrouves perché sur la barrière. Là où autrefois, il serait resté imperturbable, il descend aussitôt qu’il te voit de son perchoir, avec humilité. Tu ouvres des yeux ronds lorsqu’il t’appelle « maître ». Quelque chose ne colle pas. Et pourtant, tu ne peux rien y faire, tu ne peux pas le libérer avant qu’il ne finisse de payer ses dettes. La justice du Thing avait été rendue ; qui étais-tu pour aller à son encontre ?
Comme si l’entendre s’adresser à toi ainsi te déstabilise, tu poses une main immense sur son épaule « Je vais avoir besoin d’explication, Alfketill… » murmures-tu en reprenant ses mots. Tu te masses le front et l’arête du nez, dans un soupir las. « Je ne comprends pas ; ta place n’est pas ici. Si ta mère te voyait… » Parce qu’il était toujours question de sa mère. C’était sa mère qui vous liait. C’est fou comme il peut lui ressembler.

Tu lâches prise et prends appui sur la barrière. « Qu’est-ce qui t’a pris, Alfketill ? J’ai besoin de toi comme seidr, pas comme esclave. » Qui ferait office de messager entre les hommes et les dieux, à présent ? Si les dieux se mettaient à croire que vous leur aviez tourné le dos, tu ne donnais pas cher de votre peau lors des prochaines batailles, aussi forts sois-tu. « Tu te doutes que je ne peux faire preuve d’aucun traitement de faveur à ton égard… » Ça aurait été le condamné vis-à-vis des autres esclaves. Connaissant son caractère impertinent, tu étais déjà quasiment certain qu’il s’était attiré leurs foudres sans même avoir recours à ton aide. Tu lui en veux d’être aussi inconscient et de se ficher tant des moeurs de votre civilisation. S’il n’avait pas été aussi fier, le drame aurait pu à coup sûr être évité. Si tu n’avais pas tant tenu à aller le voir, le drame aurait pu être aussi évité. Ça lui apprendra, pas vrai ?


Dernière édition par Bacchus Murdock le Dim 1 Jan 2017 - 21:09, édité 1 fois
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Alfketill & BalderConfine me let me be the lesser of a beautiful man, without the blood on his hands, come and make me a martyr come and break my feeling, with your violence.

Alfketill avait, au fond, rarement besoin d'aller explorer les yeux de Balder pour savoir ce qu'il pensait. On lisait en lui comme dans un livre ouvert, et le choc qu'il montra en l'entendant l'appeler maître était comme un coup en plein cœur pour le jeune homme. Il détestait l'idée de le sentir compatissant à son sort. Il le voulait cruel, impitoyable, inatteignable, pour pouvoir le haïr de toute son âme et ne plus ressentir ce mélange étrange de sentiments en sa présence. Il voulait arrêter d'admirer le chef de guerre, et ne plus le considérer que comme son maître, et rien d'autre. Il voulait qu'il s'en moque, de son sort, et qu'il le laisse là, dans son humiliation. C'était cependant trop demander à Balder Magnusson.
Il sentit sa main sur son épaule, et se sentit déglutir. Il n'aimait pas quand il lui mettait la main sur l'épaule. Avant, il le faisait sans y faire trop attention, comme on traite un enfant. A cet instant, pourtant, il avait l'impression d'être poussé dans le sol par cette seule poigne, comme s'il descendait encore plus pas, sous son contact, alors qu'il était déjà bien plus grand. Il se sentait, aussi, simultanément, atrocement mis en valeur par ce geste. Cela faisait un an que l'on avait plus ce genre de geste avec lui. Il se sentait effroyablement démuni, devant Balder, comme d'habitude. « Je vais avoir besoin d'explication, Alfketill... » C'était tellement à l'oreille, maintenant, Alfketill. Un prénom qui n'était plus le sien depuis un moment, malgré son obstination intérieure. Il en voulait terriblement à son maître, à cet instant, de l'utiliser de nouveau, de lui rappeler ce qu'il avait perdu. Il le gonflait bien trop d'espoir, à agir ainsi. Il lui donnait trop d'illusions, de respect, d'égalité, de- « Je ne comprends pas ; ta place n’est pas ici. Si ta mère te voyait…  » Il voudrait le tuer, là, maintenant, d'oser parler de sa mère ici. Le seidr serra les dents, la mâchoire, les poings et l'ensemble de son corps, dans une pulsion violente qu'il retint. Il avait du apprendre à se retenir de parler, de répondre, d'être impertinent devant les autres. S'il n'avait toujours pas appris à être aussi doucereux que certains, il savait maintenant au moins garder le silence. Le silence plutôt que l'insolence, lui disait souvent Grima. Qu'il la haïssait. Il la haïssait de toute la haine qu'il n'arrivait pas à diriger sur l'homme qui le surplombait actuellement.

Finalement, la pression de la main sur son épaule s'échappa, laissant Alfketill reprendre une respiration qu'il ne pensait pas avoir retenue. « Qu’est-ce qui t’a pris, Alfketill ? J’ai besoin de toi comme seidr, pas comme esclave.  » C'était une question directe. Malheureusement, si le thrall pouvait éviter la plupart des remarques de son maître, il n'avait pas le droit de garder le silence face à une telle question. Question que Grima ne lui avait jamais posé, d'ailleurs. Elle avait l'air d'en vouloir le moins possible, pour faire comme si toute cette situation ne la concernait pas. « J'ai perdu mon sang-froid. » Et c'était peu dire. « Il m'a manqué de respect et le coup est parti. Il était plus fragile que prévu. » Il se souvenait encore de la facilité avec laquelle sa tête s'était désolidarisée de son corps. « C'était un pur acte de colère. Il n'y a pas d'explication à donner. » Il n'avait jamais expliqué véritablement ce qui l'avait autant énervé. Aucun de ses maîtres ne lui avait jamais demandé, et tout autre esclave essayant de lui poser la question l'avait regretté.
« Quant à mon rôle de seidr, je peux toujours vous faire des prédictions. Si vous êtes généreux, vous pourriez déduire ce genre de service de ma dette. » Cette sale Grima faisait le compte exact de tout ce qu'il faisait en plus ou en moins, afin de pouvoir l'expulser dès sa dette payée. Elle ne lui avait jamais demandé de prédiction. Elle avait l'air de laisser ce genre de superstition à son mari, qu'elle ne respectait visiblement pas énormément. Alors qu'à sa place, Alfketill le- « [color=#996666]Et au pire, la seidr du village voisin devrait pouvoir répondre à votre demande.[color] » Tous ses clients allaient chez elle, dernièrement, à sa grande rage.

« Tu te doutes que je ne peux faire preuve d’aucun traitement de faveur à ton égard…  » Lui qui avait passé tout l'échange avec les yeux résolument baissés les releva soudain, enflammés de l'insulte, s'insurgeant de l'audace de la remarque. Il se redressa aussitôt, de nouveau l'Alfketill orgueilleux que Balder avait connu toutes ces années. « Je n'en demanderai pas ! » s'écrie-t-il, oubliant momentanément sa place. « Je me suis attiré cet ennui, et j'en payerai le prix. Je n'ai besoin de la pitié de personne. » Son regard furieux croisa celui de Balder et il sembla enfin réaliser ce qu'il venait de faire.
Un instant, il hésita à soutenir ce regard. Il voulait se dresser devant lui, comme avant, et toujours frôler l'insolence pour qu'il puisse le voir s'énerver, l'insulter, avant d'éclater de rire. Par Odin, qu'il voulait entendre de nouveau entendre ce rire, même si c'était pour vanter la chaleur des cuisses des putains francs. Il tint, un instant, avant de nouveau baisser les yeux, fermant les paupières avec rage, articulant difficilement, du fin fond d'une gorge rendue enrouée par l'humiliation : « Excusez-moi, je ne voulais pas hausser le ton. Je ne recommencerai plus. » Il allait devoir apprendre à ne pas recommencer, en tout cas.
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Tu es épuisé et frustré de ne pas pouvoir fêter ton retour sous les jupons de ta femme. Tu t’en voudrais presque d’avoir agi une fois de plus sur un coup de tête et de te priver du festin, simplement pour aller voir Alfketill, te ficher en face du fait qu’il était à présent ton esclave, sans que tu n’aies rien demandé.
C’est peut-être parce que tu te sens coupable que tu es là. C’est peut-être une punition, de louper festin et retrouvailles, une punition que tu t’infligeais à toi-même. Mais en quoi étais-tu coupable ? Tu avais sans doute été le dernier homme à le quitter comme homme libre, avant qu’il ne saute à la gorge de l’un de tes thralls.

Tu n’étais pas réputé pour être un tendre avec tes esclaves. Tu te voulais implacable et juste, autant que tu le pouvais. Bien entendu, de temps à autre, victime d’un coup de sang ou d’un banquet trop arrosé, il arrivait que tu lèves la main sur un malchanceux. Voire la botte, voire même- Mais tu n’en éprouvais guère de regrets, puisque la plupart du temps, il s’agissait de butin ramené à la suite de rafles. Jamais encore tu n’avais eu à ton service un visage familier, qui plus encore, avait été du genre à te tenir tête. On voit d’ailleurs que ça le démange lui-même de te rire au nez comme il avait pu le faire, quand il jouissait encore de son statut de seidr.

Si ça ne t’étonnait pas que tes thralls manquent de respect au jeune homme, en revanche, tu étais loin de t’imaginer qu’Alfketill aurait pu perdre ainsi son sang-froid, d’autant plus face aux provocations d’un esclave, au point de le tuer. Tu aurais été curieux de savoir jusqu’où il était allé dans la provocation, et espérais au fond de toi qu’il n’y avait pas eu d’atteinte physique. Sait-on jamais, dans son élan, Aflketill aurait pu maudire son détracteur et tout ce qui allait avec, soit toi, ta famille et ta propriété. C’est tout ce que tu redoutais ?

« Je n’en ai que faire du seidr du village voisin » ça t’a échappé d’un coup, comme quoi, Alfketill n’était pas le seul en proie à des coups de sang. Tu fais en sorte que ça ne paraisse pas déplacé en t’empressant d’ajouter « parce que c’est pour m’assurer du sort de notre village que je venais te consulter. » mais bien sûr, en vérité, tu venais principalement pour ta fortune à toi. Comme la dernière fois que tu l’avais vu, d’ailleurs.
Et, comme s’il ne voulait pas te laisser seul dans ton emportement, c’est à son tour de répliquer d’une voix trop forte pour quelqu’un de sa condition. Tu ne caches pas ta surprise et, te rappelant que tu venais juste de lui dire que tu ne lui ferais pas de cadeaux, tu fronces les sourcils. Ah oui, ainsi donc, il ne voulait pas de ta pitié ? Sage décision, au moins, de ça il en avait conscience. Une chose en moins dont tu avais à t’encombrer.

Tu te surprends à te féliciter d’en imposer suffisamment pour qu’il ne riposte pas plus que ça. Autrefois, tu te réjouissais de vos petites prises de bec car tu savais qu’il ne pouvait rien contre toi, malgré le ton qui montait. En revanche, à présent, il ne pouvait même plus hausser le ton ; de fait, l’entreprise de contrôle de soi devait être d’autant plus ardue que tu avais envie inconsciemment de prendre un malin plaisir à le provoquer, le traiter comme un moins que rien pour l’inciter à la rébellion et ainsi d’assister à son combat avec lui-même pour se contenir.
Il y avait tant de choses à contenir en lui ; tant de choses que tu mettais naïvement sur le compte de la magie. Et toutes ces choses étaient autant de raisons d’instiguer en lui ce sentiment d’injustice profonde qu’il ne pourrait désormais plus manifester à haute voix. Ce serait une doucereuse torture, mais après tout, il était bien plus fort que tous les autres hommes.
« Ce s’rait dans ton intérêt de n’plus recommencer, en effet. » que tu grondes, ton épaisse barbe rousse dissimulant avec peine un discret rictus en coin.

Tu as envie qu’il se dresse de nouveau devant toi, qu’il répondre à tes provocations, qu’il te prouve qu’il était quelqu’un de méritant, un grand mage, un grand homme. Tu veux le sermonner pour de faux, éclabousser sa rage fougueuse comme on éteindrait un feu de forêt, et finalement radoucir vos rapports, le rassurer, parce que tout ça, c’était du vent, que tu ne l’apprécies jamais autant que quand il te montre qu’il en a plus dans les braies que tous tes autres hommes réunis, lui que personne ne considérait comme un homme à part entière.
Cet homme était une énigme pour toi. Et il allait désormais être une bataille constante. Parce que si tu avais envie que tout redevienne comme avant, tu allais apprendre à apprécier de le voir batailler pour ne pas que ça redevienne comme avant. Il n’en avait plus le droit, après tout.

« QUOI ! QU’EST-CE QUE J’APPRENDS ? » Quelques jours plus tard, alors que tu avais repris en main tes terres et tes troupeaux, on vient t’avertir que, dans la nuit, des brigands ont attaqué des moutons restés dans des pâturages aux alentours du village. Encore des gueux qui n’étaient visiblement pas au courant de ton retour. En revanche, avant de pouvoir rendre justice, tu bondis de la table où tu étudiais non sans circonspection les comptes. « Qui était le thrall de garde cette nuit ? » « Alf- » Tu fronces un sourcil. « Alfketill. » que répète l’autre esclave, avec une honnêteté dérangeante. Il n’était jamais bien vu de s’adonner à de la délation, mais il fallait croire que l’ancien seidr s’était déjà mis tout le reste de la ferme à dos pour susciter autant de mépris. Tu pousses un très long soupir. Tu ne voulais pas chercher à savoir si c’était vrai ou seulement un mauvais tour qu’on lui jouait encore. Tu préférais te rendre directement à la source du problème.
N’oublie pas que tu ne devais lui faire aucune faveur-

« ALFKETILL » que tu rugis en faisant irruption dans la masure des thralls. « Qu’on m’amène Alfketill, sur-le-champ ! » et tu te forces à ignorer les sourires narquois qui fleurissent discrètement sur les visages de ses comparses, à l’idée que tu allais lui donner une bonne leçon.
Et autant dire que, dans le village, tu avais fait tes preuves comme implacable redresseur de torts.
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