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of our lost kingdoms
Le Fanal — décembre 2003


Tandis que le Tardif agrège son profil au cuir grincheux du fauteuil, et qu'à la réticence farouche de son épouse il n'oppose qu'une arrogante désinvolture pas même écornée d'un embryon de parole conciliatoire, l'Augure s'incurve davantage encore, jusqu'à ne lui dédier guère plus qu'une échine en ronde-bosse, lustrée d'indifférence, contre laquelle semble même se réfracter le peu de clarté que prodigue à l'office le halo lunaire. De concert avec tel zèle, l'arachnéenne chorégraphie de la plume écorchant la peausserie avec vélocité est comme un appendice naturel prolongeant la scribe qui la gouverne, stoïque et sereine, de sorte que ni la posture ni la gestuelle ne trahissent le brusque revers d'humeur que la cantate élégiaque d'Ignace dénonce pourtant en se désagrégeant en sonorités sépulcrales. Un pétard mouillé, à l'âcre goût d'inachevé ; c'est ce qui lui empoisse le bec, lorsqu'en un instant le courroux de la maîtresse, douché par les froides suées de l'humiliation, pâlit et se fane. Car dégradante est cette mégarde avec laquelle il dédaigne ses frayeur et fureur, suscitées pourtant par sa sienne négligente versatilité. Oh, elle connaît son homme, ses façons d'huron rêches et rudes, et elle n'escomptait pas qu'il procède à la moindre repentance — elle l'aurait méprisé pour cela —, mais tout de même. Tout de même. Ça la mortifie de l'admettre, mais elle escomptait non pas plus, mais mieux qu'un mutisme apathique. Aussi la studieuse n'atteste pas même ouïr le brocard frivole visant la goualante du piaf, et par ricochet son propre état d'âme, car c'est là un surcroît de vexation qui lui faucarde toute espèce de gouaille. Si elle ne sait que dire, c'est qu'elle ne sait déjà que penser : est-il insensé, au point de ne pas avoir conscience de ses manquements ? ou se fout-il juste royalement de sa gueule ? Entre ces deux propositions, elle opte toutefois assez tôt pour la seconde, lorsqu'il s'avise à cabrioler sur ce terrain glissant qu'est la bouffonnerie. « Je me suis égaré. », ose-t-il arguer, le fieffé maraud, après s'être rompu d'un soupir d'outre-tombe, comme si ça lui coûtait d'avoir à se fendre d'une broutille d'élucidation. Ineptie qui saborde le portrait marmoréen d'un rictus ulcéré. « Je vois, qu'elle engrène néanmoins d'une voix neutre et distante, Et donc ? » Quoi qu'elle s'enquiert en effet de la teneur de ses pérégrinations d'un ton ne déguisant qu'à peine le mépris qu'elle leur accorde, la Maudite n'en demeure pas moins animée d'une sorte de curiosité morbide : à quoi diantre Rodophus peut-il bien octroyer tant de considération, au point de se contrebalancer de la sorte des nerfs râpés jusqu'à la vacuité de son épouse ? À l'affût de telle cataclysmique révélation — la résurrection de Salazar peut-être ? —, la dextre en omet même d'exécuter sa partition, et à son extrémité, la pointe bave à son tour d'avidité, gâtant l'ouvrage d'une larme d'encre. « Ils ont eu Rabastan. », proclame-t-il alors, sentencieux, tandis qu'elle catapulte un regard épouvanté vers les nuées, dans l'attente que le ciel leur tombe sur le coin de la gueule... sauf que non. Rien ne se passe, l'univers s'en cogne, et Bellatrix tout autant. Preuve en est le distrait « Hm, hm... » dont la Maudite se crevasse, le moins du monde troublée par l'énième infortune essuyée par le dénommé. Non pas que le sort de son beau-frère la laisse foncièrement de marbre ; les chiennes ne sont pas dénuées de compassion pour leurs semblables, et qui a connu la chaîne de la captivité n'en oublie jamais la morsure. Elle est donc désolée, mais en rien surprise. Pas la peine de consulter les astres ni le fin fond d'une pissotière pour se douter des probabilités de tel déboire, précisément parce que oui, de fait, Rabastan n'a jamais été le plus verni des Lestrange. N'avait-il pas huit ans que, déjà, elle le baptisait du tendre sobriquet de Guignouf ? Près de quatre décennies plus tard, pas un aléa n'avait désavoué tel titre. « S'ils le condamnent... » La dorsale arquée, péniblement, se débobine alors, tandis qu'enfin la menotte achève sa motion pour qu'à l'encrier la rectrice d'aigle soit confiée.

Paumes à plat contre bureau désormais, elle délasse un moment les muscles froids et lancinants ligotant nuque et lombes, dans un silence de plomb, méditant sur l'imminence du blasphème qu'elle s'apprête à proférer. Car s'il réside encore quelque monument indemne sur ce champ de bataille ravagé d'un bout à l'autre qu'est leur hyménée, et dont elle se prohibe d'ordinaire avec religiosité l'accès, ce même à l'acmé de leurs querelles les plus débridées, il s'agit bien de celui qu'elle se dispose pourtant à profaner là, d'un instant à l'autre : la famille, de fait, était ce sanctuaire. Ce temple presque sacré qu'elle n'osa au grand jamais trop frôler, car il est des failles que l'on ne taquine pas sans une once de culot un peu crade, un peu déloyal. Cependant, telles circonstances réclament qu'à certaines outrances l'on sache sacrifier. Comme un coup dans les burnes, c'est ainsi qu'elle lâche enfin : « N'en as-tu donc pas assez de t'user les paluches à le torcher ? » Caboche obliquant sur son essieu, et le labre vultueux simulant une moue navrée qui à petit feu se cloque d'une tumescence narquoise, elle ajoute : « Il a quarante-cinq ans, ce gamin, Rodolphus. Il serait grand temps que tu lui lâches le croupion, qu'il se sorte un peu les doigts du cul, il en est capable. » Le buste cabre tandis que la Scélérate pivote et que, sous poitrine, les bras se nouent. « Tu le dis toi-même, la Fortune l'a toujours boudé, et le talent... longtemps aussi. Force est de constater, pourtant, que malgré ses déficiences, il s'en tire toujours, plus ou moins. Quand bien même ne serait-ce cette fois-ci pas le cas ? Tu pourras peut-être le venger... mais le sauver, ça, non. Ça n'est ni ton devoir, ni même en ton pouvoir. Ça ne l'a jamais été. » Sa mercuriale achevée, elle se déporte enfin jusqu'à lui, jusqu'à le surplomber lorsque de ses serres, elle empoigne les ailerons du siège dans la peau desquels les griffes se fichent. Et ce n'est là plus un réquisitoire, qu'elle prononce, mais un verdict scandé à crocs dégagés : « Maintenant, écoute-moi bien, foutu Lestrange. Le seul cul dont tu aies à te soucier, c'est le mien. Il n'aurait jamais du en être autrement, et l'époque où cela était possible est révolue. Quant au tien, de cul, il reste là où il est. Je t'interdis de le risquer pour quiconque désormais, tu m'entends ? Je t'en empêcherai. »
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Le Fanal — décembre 2003

15 DÉCEMBRE, LE FANAL. La bravade cogne les tympans du mastodonte avachi, et déblaie sur sa gueule soûle un pli de rictus que la dextre peine à camoufler. C’est son palais à elle, qu’elle devrait torcher, pour récurer cette ravine emplie de chieries qu’elle lui défèque à longueur de temps. L’émail se coince davantage comme la colère grimpe, bien qu’à mi-chemin parcouru elle ne sclérose sa varappe et ne s’isole finalement dans les tréfonds lagunaires des impitoyables calots. Il est une chose terrible que lui retire pour un temps le Navitas, c’est sa fougue de berserk. Tout un marasme de passivité l’attend, pour cette heure et pour bien d’autres encore lui succédant –  un nonchaloir qu’il connaît, qu’il méprise. Il regrette d’ores et déjà son retour, ce retour, prématuré en pareille rémittence, hâté par il ne sait trop quel appel l’ayant rameuté auprès de cette fichue rombière. Évidemment, qu’elle lui a réservé un accueil frigorifique, évidemment, qu’entre eux rien n’a vraiment changé, évidemment, qu’il aurait dû s’en douter, et ainsi de suite, chapelet d’aigreur dont l’époux surine ses pensées sans comprendre ni même voir la vérité blottie en tapinois sous la verve de Bellatrix – il aurait fallu, pour ce faire, qu’il ait avec lui sa patience coutumière et, surtout, qu’une ère entière de marottes conjugales n’entrave pas sa jugeote. Au lieu de quoi ses maxillaires pétrissent les mots et leur rage affamée, laissant à la bouche charnue de la femme tout le loisir de valser. Ou plutôt de rouler sur une pente à la déclivité nocive, quasi fatale puisqu’il est question du frère – autour duquel un imprenable pyrée a été bâti, forteresse défendue corps et âme par son farouche et dévoué gardien. Elle s’y ose, la ménesse, elle s’y ose. Impudence qui lui aurait déjà valu quelque Crucio s'il avait été d'attaque, voire le dos d’une main triviale propulsé sans réserve – le frisson des violences archaïques étant une catharsis au grand jamais égalée par quelque baguette qui soit. La paluche s’éboule, probablement émue par l’essor brutal dont il a avorté le délit, puis surplombe le vide puisqu’au coude ancré elle doit sa survie. « (…) Ça n'est ni ton devoir, ni même en ton pouvoir. Ça ne l'a jamais été. » Qui est-elle, pour lui dire ce qui est, ou n’est pas, son devoir ; aucun Homme sur cette terre n’a jamais possédé telle prérogative, ni le plus ingénieux des oracles rencontrés, ni même leur Seigneur et Maître envers lequel dévotion et vassalité ont pourtant flué. Le sermon dérange cependant l’allocutaire, qui malgré son renâclement vigoureux prête l’oreille aux évidences stipulées. Non pas qu’il soit un abruti fini à la pisse capable de croire son puîné abonné aux miracles – pouvoir se sortir d’un tel merdier étant probablement l’un des prodiges les plus couillus à concevoir –, mais qu’il saisisse peu à peu l’impuissance avec laquelle ce sort l’accable. À moins de réunir une armée ou horde en quelques jours seulement, l’exploit d’un sauvetage reste inexécutable. Ne lui reste plus qu’à attendre, attendre que sur le puîné ne s’abatte l’irrémédiable… et cette attente le supplicie déjà.

La vénusté flanche et vient jusqu’à son abord, débitant autant de syllabes qu’elle ne vomit de conneries. « Tu m’interdis ? » Le labre se brise, sorte de risette tailladée à la serpe, offrant à la voix d’homme un sépulcre dans lequel condamner les relents d’inimitié qu’elle lui inspire. « Ne me confonds pas avec ces enfants de putain qui ont servi dans ton petit régiment. Perche-toi aussi haut qu’il te plaira, tu n’obtiendras jamais de moi la moindre sujétion. » Réclamant aux rotules l’élan suffisant pour que la charpente assommée ne quitte siège, il oblige la concubine à se redresser pareillement, jouxtant l’étoffe noire comme il a pu le faire avant son départ – toutefois désintéressé par les voluptés qu’il avait cru bon lui réserver, car plus rien vraiment ne vibre maintenant que l’Orviétan et la Vipère ont œuvré de concert pour crever sa libido. « T’en donné-je, des ordres ? Vingt ans à se dédaigner et elle croit subitement pouvoir m’émasculer ! » Un glaviot n’aurait pas moins bien été craché contre le profil dépassé, et en quelques pas il rallie le colimaçon. « Tu ne m’empêcheras ni de vivre, ni de calancher comme je l’entends. Quant à tes estimées miches, qu’elles se rassurent, elles seront sauves de toute forfaiture. » N’est pas encore arrivée l’heure où on l’accusera de trahison, quand bien même soit-elle inconsciente ; ses précautions, il les prenait déjà à onze piges. À des lieues de concevoir l’inquiétude qui, en fait et sûrement, transpire dans le blâme – un malaise qu’il ne pourrait à dire vrai pas même imaginer chez la Maudite –, Rodolphus attaque la descente, manque une marche, se rattrape de justesse et maugrée. Oh par les pustules de tous les diables, il n’aurait jamais dû revenir ce soir, jamais ! N’importe quel galetas douteux lui aurait convenu, il aurait noyé les heures dans du whisky pur feu sans avoir à plaidoyer comme le premier des blancs-becs. Empoignant davantage toute surface stable, et maudissant une ultime fois la substance barbifiant ses sens, il poursuit son incursion non sans maronner. « Kreuvar ! Prépare un autre plat. Et qu’elle le mange, cette fois-ci. J’ai vu des cadavres moins blêmes. » L’elfe semble rétorquer quelque chose dans la langue des signes que son maître lui a professée, car sitôt le phonème reprend. « Sois inventif. » Puis de finir, selon toute vraisemblance, dans la chambre, où sans se déchausser ni se dévêtir l’épave s’échoue râble contre matelas.


Dernière édition par Rodolphus Lestrange le Mer 1 Fév 2017 - 5:27, édité 2 fois
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Le Fanal — décembre 2003


Livide, la matrone s'esquinte d'une fronce sourcilière effarée lorsque clappe la mandibule hispide, juchée sur le Massif qui se révolte et l'évince, dans un séisme d'insanités chaotiques. Il est un mont de haine qui s'éboule en une faconde lithique, égrugée en paroles taillées pour lapider ; une avalanche d'exécrations sous laquelle, un temps, elle suffoque, conséquemment pétrifiée. Au nom de quelle inepte exégèse se concilie-t-elle tant d'aversion ? Il cause sujétion, lorsqu'elle implore union, et l'accuse d'ourdir à sa castration, tandis qu'elle ne s'ambitionne obstacle qu'à sa seule perdition : c'est insensé ! Certes s'y est-elle prise à sa manière, donc sans délicatesse, fulminant sur la tonalité de la hargne ses latentes alarmes, et oui son ingérence se devait-elle d'être fustigée car, sans doute, le moment était-il au plus mal choisi pour s'aviser à dénigrer la fratrie idéalisée, quand bien même était-ce avant tout dans son intérêt à lui. Elle se sait en somme être digne de bien des procès, mais celui-ci lui est aberrant, un comble d'absurdité qui la sidère et qui, derechef, l'offense. Car autant conçoit-elle qu'on exagère ses invectives, autant le fait qu'on les décrypte de traviole, et qu'on en déprave ainsi l'intention, a le don de la rendre folle. Fait-il exprès de ne voir en sa main tendue que le reflet illusoire de quelque poignard ? Le questionnement lui semble d'autant plus fondé qu'à chaque foulée qu'elle oriente en sa direction, il se complaît de son côté à foutre le camp pour des durées indéterminées et de fait interminables. Ce faisant, forcément, tout croupit et rien ne varie mais le pire, c'est qu'il semble l'en tenir pour responsable parce qu'elle ose amorcer les hostilités, lors même que c'est lui qui, en premier lieu, les provoque pourtant. Il faudrait, en définitive, qu'elle se la boucle. Peut-être alors accèderaient-ils à une forme de trêve, une mascarade d'entente qui aurait tout au moins le mérite de ne pas attiser leurs feux. Peut-être n'est-ce donc en définitive que ce qu'il désire... qu'elle déclare forfait et baisse les armes ? En cela, il s'émascule donc bel et bien tout seul, au fil aiguisé de sa couardise. Aussi, cette énième et probante dérobade la débecte tant qu'elle s'ôte de son chemin sans un geste pour l'en empêcher, tandis qu'il la déborde. « C'est ça, vas-y, fuis... à ce jeu-là, au moins, n'es-tu jamais décevant. », maugrée-t-elle, molaires baignant dans le venin. Témoin alors de sa maladroite évasion, la brune ébroue caboche, désabusée, conspuant l'échine masculine jusqu'à ce qu'elle se soit tout à fait soustraite à sa vue, et même ensuite, lorsqu'elle perçoit d'en bas la teneur de l'ordre maugréé à l'elfe. À un macchabée, la compare-t-il, escroquant un rictus effroyable à la blême figure ainsi moquée, qui n'en pâlit que davantage. Vanité, songe-t-elle, déportant pourtant machinalement un regard vers le miroir riverain, une menotte fébrile enfouie dans la dense tignasse nimbant sa trogne de famélique, comme pour en dompter les obscurs caprices. Tout est vanité, qu'elle se répète, tandis que le geste capitule et que la dextre indolente défaille contre flancs hurlants. N'est-ce pas ?, brigue-t-elle enfin, auprès des radieuses nébulosités qui la surplombent, tout en se vautrant dans le fauteuil encore tiède, tête renversée vers les nuées.

Une heure, déjà, que les mires s'attèlent au canevas nocturne, mais rien n'y fait. La rage est là, qui l'aveugle de ses brumes rouges, faisant de l'empyrée constellée la toile percée de ses songeries incandescentes. Sur tel écran empourpré, l'échange avorté est sans relâche régurgité, et remâché, et ravalé. C'est qu'en travers de la gorge étroite, s'invétère une cuisante aigreur, lui étant devenue à ce point odieuse qu'elle ne sait se résoudre à la déglutir : que le monde entier s'abuse à son sujet, c'est une chose pouvant déjà s'avérer fort déplaisante, mais avec laquelle il fallait bien vivre. Mais qu'il se complaise, lui, à en faire de même... comme le plus borné des quidams... Elle en est là de ses corrosives et immuables rengaines, lorsque le plancher rouscaille à l'approche de Kreuvar, un second plateau tanguant au rythme de sa déambulation bancale. Arrachée à son vertige stellaire, la Maudite tord nuque pour lorgner la pitance, cependant plus par curiosité qu'appétit, et s'esclaffe soudain en assimilant l'étrange forme donnée à l'omelette. « C'est ingénieux, hm... Allons bon, pose ça là. », dicte-t-elle, après une seconde d'hésitation, en désignant du menton le guéridon voisin. Oui, qu'on la nourrisse, car enfin elle n'a plus la moindre raison de s'évaporer dans l'atonie. L'elfe s'exécute donc, visiblement satisfait de sa petite boutade. Alors, se penchant au-dessus de la soucoupe volante jaunâtre flottant à la surface du ragoût, le roncier de femme rehausse une prunelle embrasée vers la face cousue du supputé martien et, avant d'entamer son repas, ajoute : « Occupe-toi d'Ignace. Fais en sorte qu'il ne me suive pas, lorsque je descendrai. »

C'est ainsi la panse dûment enflée du roboratif souper que la Maudite quitte enfin ses pénates, dévalant sans hâte le colimaçon enténébré, seulement guidée par la vacillante flammèche d'une chandelle. En bas, nulle lueur, si ce n'est la sienne, ne trahit davantage quelque activité que ce soit et c'est en silence qu'elle vogue donc en cette mer opaque ; traversée spectrale qui la conduit à la chambrée, sans plus d'ambages que d'encombres. Dans un premier temps, elle n'y devine que le souffle monotone du géant endormi, avant d'en distinguer les contours, avachis en travers de plumard. Un long moment, elle se contente alors de scruter les réguliers cahots soulevant le puissant torse, avant de reléguer le bougeoir au chevet. C'est ainsi qu'elle s'allonge alors auprès du bel inconnu, sur un flanc, sans contact aucun, si ce n'est celui, insistant, des orbes cabotant contre portrait, tout en saillies et fossés, ainsi sculpté par le clair-obscur. Tendre pourrait sembler la saynète, si un détail symptomatique ne venait guère en scinder la quiétude. Turgide veine du lion lui lézardant ainsi le front, la ménade inclinée ronronne à l'esgourde frôlée : « Lève-toi, et dégage. » Joignant geste à parole, elle empoigne soudain le col du vêtement et, tout en se redressant, s'échine à le haler à sa suite. « Sors d'ici, puisque de toute évidence, tu n'as pas la moindre envie d'y rester ! », rugit-elle alors, laissant cette fois éclater sa colère, «  Et va le retrouver ! tu as raison, tu peux bien crever comme il te sied... après tout, vous vous valez bien tous les deux. À tout comprendre de travers... » Relaxant sa prise, la tornade fuligineuse fuse vers l'armoire ravaudée la veille, et en extirpe une valise qu'elle ébrase et bourre de fripes toutes spécialement dégotées le même jour, pour lui, qui se plaignait de ses frusques misérables et trop étroites. « Sais-tu ? Sais-tu que j'essayais de le sauver, moi aussi, ce crétin, et qu'il m'a repoussée de la même manière ? Ah, c'que j'ai pu être conne... mais on ne m'y reprendra plus. » Saccadées, les gesticulations viennent finalement à bout du bagage, qui valse à travers pièce et heurte le chambranle. « Va-t'en, hors de ma vue, ou mes aïeux en soient témoins, je ne sais pas ce dont je suis capable... je ne sais déjà plus ce qui me retient encore de te massacrer moi-même, sur le champ... » À ces mots, elle lui tourne dos, poings crispés ballant le long de son étique et furieuse silhouette. « Ne reviens pas, car personne ne se morfondra plus pour toi ici ; plus jamais. »
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Le Fanal — décembre 2003

15 DÉCEMBRE, LE FANAL. Mielleuse est la félonie. À travers sommeil, elle s’éploie avec une telle douceur qu’elle s’en vient cajoler les tympans assoupis, leurrant l’inconscient qui se laisse volontiers mystifier par l’onctuosité du soupir. Une sirène n’aurait pas mieux fredonné son hymne, pas mieux non plus attiré le malheureux vers les brisants esquintés du réveil. Brimbalant une mollesse agacée que l’hystérie subie lui instille, le mâle chiffonne ses ridules et finit par planter ses mains dans la pelletée de plis que les draps forgent sous sa carcasse, trouvant là quelque piètre équilibre le gardant de toute ubuesque cabriole. « Qu’est-ce que… » De longues secondes lui sont nécessaires pour émerger du coaltar, balayant la pénombre d’yeux groggys et roulant des muscles pour trouver une position, si ce n’est alerte, au moins plus stable que cette ridicule posture de molosse crûment maté. Ses lombes viennent prendre appui contre le moelleux d’un oreiller et son échine s’accote à la boiserie de la tête du lit, mais il est une chose qui ne se meut pas d’un millimètre ; sa gueule pantoise, portraiturant un brassage de sentiments éminemment couronnés par l’exaspération. C’est un vaudeville de bien mauvais goût que lui joue cette diablesse, un spectacle qu’il aurait préféré ne jamais voir, pas même en tant que spectateur puisqu’au titre d’acteur on le convoque sur les planches. Il aperçoit une malle faite en grande hâte, fourrée à l’excès de frusques qu’il ne reconnaît même pas être siens, mais il entend surtout la bougresse lui articuler un semonce autrement plus hargneux et virulent que ne l’a été la verbosité émise quelques heures auparavant. Ne s’arrêtera-t-elle donc jamais d’éprouver ses nerfs et patience…?! Quel démon, djinn, mauvais esprit, ou maléfice a t-elle pu accueillir et héberger entre les cloisons de son crâne pour lui labourer de la sorte ses quiétudes passées et présentes ? Quelles putain de choses a t-il compris de traviole ? Et qui est ce damné de crétin dont on lui cause ? Mais par le saint foutre des Vingt-Huit, que lui ergote-t-on ?! N’en pouvant plus d’une pareille scène, il quitte son plumard au moment même où la valise part se pulvériser l’ossature contre cadre. « Ne reviens pas, car personne ne se morfondra plus pour toi ici ; plus jamais. » Les lippes se contorsionnent et vont pour rugir, mais l’apothéose du discours adverse le cloue sur place et lui fait moudre son labre sur lequel un rictus naît. Victime à son tour du fléau des sentences, feu le magistrat paraît soudain goûter au plus sauvage des procès tant est inerte son irascible carrure. Ce n’est ni le diktat promulgué, ni le vraisemblable ostracisme auquel elle le condamne séance tenante qui ont raison de son véhément élan, mais bien un mot, un seul, renseignant le ravage dont elle tient captif chaque fragment.

Et comment aurait-il pu deviner ? Et comment aurait-il pu savoir ? Que la guivre se meurt de trop ravaler son venin, que la cavalière est à terre car son cœur a par trop de fois rué, que la jeune-fille épousée il y a de ça une éternité tressaille un peu, à peine, mais suffisamment, lorsqu’elle le pense perdu. Que Bellatrix se morfond, qu’elle en est non seulement capable, mais qu’elle imbibe aussi de larmes immatérielles ses épaules à lui — lui, sombre con, aveuglé mille fois par une cascade de fiel qui s’écoule en flots incarnats, miasmatiques et mensongers depuis qu’à l’angulaire Bastille il a livré ses dernières onces d’amour. Quelque part, là-bas, dans la mer des septentrions, une cellule choie dans ses cendres la passion d’un homme qui a préféré emporter dans son sillon la froideur de l’esprit. C’était ça, ou sourire à la folie – puisque la démence aime, adore et maudit ses enfants les amants. Longuement et sans faiblir, les orbes ondoient sur le galbe factieux sans trouver en ce maintien quelque rainure en laquelle s’enfoncer, quelque faille lui divulguant le balbutiement d’une moindre reddition. Ce dos. Cet immuable dos. Sempiternel rempart à franchir… ne fuit-elle pas aussi, lorsqu’à cette mascarade elle se consacre toute entière ? Elle peut bien lui regorger tous les griefs qu’elle voudra, mais c’est un jeu qu’ils jouent à deux. Et de se renifler les séants comme des cabots, il est à bout ; si c’est ainsi qu’elle se figure les prochains mois et hivers passés ensemble, alors oui, maintenant et à tout jamais il préfère quitter ces pénates envasés par la discorde et autres foutues bisbilles.

Une enjambée le rapproche du chambranle, et puis une autre, et ceci sans plus discontinuer jusqu’à non pas gagner l’huis... mais le fuligineux rachis. Qu’il rudoie sans égards, qu’il retourne sans clémence, lovant ses paluches en travers du tissu, rossant la soierie par sa force partiale conjuguée au masculin. Son masque granitique ne se fend qu’au moment où, à l’orée de son flanc gauche, une douleur aiguë mais franche craquèle ses rides bâtardes. Il n’a pas à vriller la nuque pour savoir que l’Insolente vient de lui larder la carne avec sa dague de prédilection, non plus à jurer dans le roussi de ses brandons pour réfréner l’algie supportée. Concasser l’émail et grésiller des salves d’écume dans la fosse de ses commissures lui suffit pour conserver sa mainmise, bien que des secousses n’abrogent la verticalité des vertèbres de l’éclopé, produisant contorsions et inclinaisons de gueule tout à fait bestiales. La dextre s’en vient empoigner la gorge tiède, tranquillement suivie par un sourire tuméfié de blasphèmes. « Tu vas avoir besoin d'un peu plus qu’une coutille pour me massacrer, chérie. » Épigastres dument compressés, s’étend à présent l’outrecuidance d’une rotule forçant le ciment des aines assassines, imitée sitôt par l’abrupte pogne qui de l’austère col se fait une agape. L’étoffe hurle comme se déchire sa membrane, exhibant l’ove d’un sein sous lequel s’abrite une balafre guérie. Un ongle s’en vient la lécher, menaçant d’en rouvrir la lointaine cicatrisation, puis aux calots de l’avaler elle et son ogive cireuse. « Il est certains legs qu’Ils ne pourront jamais m’ôter. » Que lui importe l’or et l’argent, que lui importent les possessions, puisque dans le coffre de ces chairs demeure son testament. Il a aimé. Il a vécu. Et de tout ceci elle est son reliquaire. « Je ne m’en irai nulle part, cette nuit », proclament de conserve la rocaille amollie et les lagons orbiculaires, même s’il ne sait plus comment ; comment prendre un corps bien vif, comment saisir ce qui est chaud, ce qui pulse, ce qui se meut et se débat. Une fièvre débutante galope sur l’entretoise de ses sens, mitigés, oscillant entre le lancinement de la profonde taillade et l’appétit retrouvé pour le versatile éros. Alors le colosse s’arrache l’épine d’un revers de senestre et l’éjecte sur plancher, glapissant un grognement qui termine sa course sur les babines de la vénusté. Les canines s’y fichent, rabiotent de la couenne, violent leurs sœurs dans le temple des plaisirs cependant qu’en deçà les battoirs poignent la draperie et la soulèvent. Sous sa chemise, une ample tâche à l’écarlate bouillonnant croît et suinte jusque sous ceinture, empourprant le giron peu à peu dénudé de la familière matrice.


Dernière édition par Rodolphus Lestrange le Mer 1 Fév 2017 - 5:24, édité 2 fois
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Le Fanal — décembre 2003


Bellatrix a l'alcool mauvais ; sa griserie à elle est noirceur, et sa liqueur une quintessence enivrante que sécrètent les raisins de la colère, dont sa tripaille est la vigne et son crâne la futaille. Rançon délétère d'une accoutumance demi-séculaire aux arcanes occultes qu'il faut subir, ou satisfaire. Walburga, naguère indisposée d'un mal égal, le lui avait d'ailleurs illustré. La magie noire est un chêne, se plaisait-elle à pontifier, creusant toujours plus profond la glèbe pour rassasier ses appétits de hauteurs. Adage fort sage que la nièce tînt pour précepte, sans (vouloir) déceler la mise en garde mussée entre les lignes : ainsi croyant étancher sa soif de pouvoir, elle en devînt l'ivre pantin. Et vorace est l'Ivresse ; démone insatiable, c'est elle qui lui presse et pétrit les entrailles, pour qu'en jaillisse le lait rouge-feu, ce vin furieux qui lui monte à la tête et qui écume en jets de fiel, à l'ourlet de ses babines troussées. Tant et si bien que, les décennies sévissant, elle ne se souvient pas, la Bacchante, avoir goûté à un autre nectar que celui-ci ; si aigre soit-il, c'est là son poison de prédilection, puisque le seul dont elle connaisse encore la sapidité. Ainsi ne peut-elle aimer qu'avec véhémence, et ne désire-t-elle qu'avec violence. Du reste, qu'importe le nom qu'on donne à cette affliction — Ivresse, Furia ou Folie — : c'est au travers de celle-ci qu'elle existe et éprouve, et sans doute qu'elle crèvera. En attendant faut-il vivre avec, ou plutôt vivre contre, et c'est un calvaire qu'elle n'est guère seule à devoir endurer, mais dont elle irradie, et qu'elle inflige ce faisant tout azimut. Bellatrix en est consciente, à cet instant précis, lorsque le Goliath fait cap en sa direction, et qu'elle dégaine son poignard en glapissant un ultime : « Va-t'en ! », sur le ton de la plaintive prière désormais, et non plus de l'hostile sommation. Car comment épargner ce qu'on ne peut se résigner à ruiner plus encore, si ce n'est en le chassant tout de go ? La Maudite l'ignore, elle qui n'a jamais su préserver quoi que ce soit à son côté sans que cela ne vire au drame ou au carnage.

C'est portée par telle fureur du désespoir que la dextre s'envole et frappe le flanc du cher et tendre, espérant qu'il tourne bride et décampe avant qu'il ne soit trop tard. Il n'en fait rien, tant s'en faut, grognant alors quelques paroles des plus troublantes, en lui passant au cou le collier de sa poigne de fer. Besoin d'un peu plus ? Acculée, la chienne jusqu'ici absolument enragée est séance tenante muselée. Elle pensait pourtant avoir transgressé bien des bornes, alors telle assertion l'effare : diantre, que lui faut-il de plus, à ce Titan, pour l'honnir ? N'ayant cependant plus pour suriner l'Oppresseur que l'acier de ses prunelles, elle ne lui objecte alors que cette contenance mutique, foutrement digne en dépit de l'humiliation que constitue l'exhibition de la diaphane courbure, alors tourmentée d'une halenée furibonde. Toutefois, lorsque l'ergot masculin lui en laboure la stigmate, l'aplomb se fendille en un froncement de museau, sorte de dolente fauverie. Car si la carne s'est soumise au pansage consolant du temps, au revers de la couture la plaie persiste quant à elle à pulser, au rythme effréné du myocarde qui n'en peut plus de saigner, à l'instar de la béance dont il se fend d'ailleurs en extorquant à son versant la lame scélérate. Ah ! Si elle pouvait en faire de même et se l'arracher aussi, ce trognon de palpitantes charpies, ce cœur-tyran qui pareillement l'assassine ! Au lieu de quoi, tandis qu'au visage il la mord et que ses lippes il dévore, c'est son torse à lui que les griffes assaillent, sans au départ opter entre deux toutes aussi féroces intentions : le blesser ou l'enlacer. Cependant, s'en affranchir n'entre soudain plus guère dans le champ des considérations primaires. Car de fait, la parole tantôt donnée a produit son effet. « Je ne m'en irai nulle part, a-t-il déclaré, avant d'ajouter, cette nuit. » Derrière la promesse, se traîne l'odieuse menace qu'un jour, peut-être le suivant, il s'en aille pour de bon. Lors même que c'est ce qu'elle revendiquait un instant plus tôt, la donne change néanmoins lorsque c'est lui qui soudain laisse entendre telle effroyable prédiction. Je ne veux plus, se dédisent alors les lèvres gloutonnes, frémissant d'une insolite fébrilité, et qui donnent à leur tour de la quenotte pour retenir ce qui pourtant ne fuit pas. D'ailleurs, c'est elles qui s'esquivent les premières, tandis qu'en toute hâte, le faciès hérissé est capturé entre menottes et enjoint à un semblant d'immobilité. C'est qu'il y a quelque chose obstruant son gosier, qui voudrait franchir le pertuis, mais qui s'y endigue, gênant jusqu'au flux lascif de l'haleine. Qu'elle ne le pensait pas, est-elle impuissante à confesser. Que c'est l'Ivresse qui peste et maudit, et chevauche de sa cacophonie tout ce qui n'est que soufflé, au mieux suggéré en deçà des cris de harpies. Elle ne pépie mot de tout ceci pourtant, et se borne à lécher de son regard incendiaire le portrait encadré, ce fief qu'elle brûle ravager, non plus par les flammes de sa hargne, mais par celles de son désir ardent — car elle est ainsi faite, la flamboyante Ménade, qu'elle ne saurait faire dans la demi-mesure. Alors une guibole, hissée à hauteur d'abdomen, scelle l'étreinte en s'enroulant autour de la hanche virile, tel un ténébreux boa qui dans son étau séquestre l'objet de sa convoitise, tandis qu'est enfin prise d'assaut la trogne, alors bouffée de baisers carnassiers ; ripaille qui ne s'interrompt que lorsque le lin englué d'ichor est grappiné, mais qui aussitôt récidive, cette fois sur le derme du buste mis à nu. Contradictoire, au regard de l'animosité dont elle fait preuve, est alors cette délicate paume qui en s'accolant à la déchirure, vient la panser avec ténuité mais fermeté. Car si elle n'a guère le pouvoir de rabibocher ce qui fut lacéré, toutefois veut-elle veiller à ce que le mal d'ors et déjà affligé ne s'exacerbe pas plus ; ainsi dans le geste, c'est un serment qu'elle entérine, s'engageant désormais à sauver ce qui peut l'être, ce qui doit l'être. Et puis, qui sait. Parfois, il en est avec les hommes comme avec les landes : après le feu et la jachère, peut-être viendra la résurrection.
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Le Fanal — décembre 2003

Il croit devoir guerroyer, en découdre salement avec elle, quitte à ce que, par tous les Anciens, oui, il doive la contraindre à abdiquer. C’est ainsi qu’ils fonctionnent, c’est ainsi qu’œuvrent leurs rapports, dans l’émeute de leurs chairs, dans la mutinerie de leur morgue. Si elle hurle, tant mieux, si elle s’ébroue, tant mieux, si elle griffe et cingle, tant mieux, et s’il doit la prendre de force, tant pis. Putain pour les autres et non point pour son mari ? Il l’a trop attendue, il l’a trop pourchassée dans les cons rigides et froids des femelles cadavérées, pour qu’à telle ruade il daigne offrir sa discipline. La haine a fait son trou, puis elle a foré sa tranchée jusqu’à rejoindre les saisons chaudes couvant le désir, avariant ainsi la répulsion passée pour que naisse de ses sanies une obscène goinfrerie. Aucune autre ardeur n’a jamais pu rivaliser avec cette raideur massant ses pulsions, aucun de ces ménechmes profanés et prostitués au nom de sa psychose n’a jamais pu rassasier sa fringale. On lui a longtemps prêté un rival, un rival indétrônable, un rival suprême, un rival increvable ; son propre démiurge, empereur parmi les rois. Alors il s’est tu, muselé par l’obédience forcenée d’un soldat prêché dès l’aube de sa vie, et là où n’auraient dégoutté que des grêles de sang, là où se seraient épanchées sa jalousie et sa vengeance n’a miroité qu’un glaive rituellement assujetti. Aucune alternative n’a jamais été briguée. Donc aucun dilemme ne s’est jamais présenté. Pas de dilemme, pas de doutes. Pas de doutes, pas de traitrise. L’heure n’est toutefois plus aux servitudes, et démis de ses chaînes, le guerrier usurpe ce qui pourtant est à lui, il infeste de son odeur et joug chaque lopin de carne pour y inscrire l’empreinte de la fureur ; châtier est ce qu’il sait faire de mieux, et l’insultante typesse devrait incessamment goûter à la déplaisante mais fanatique grivoiserie. Néanmoins. Le délicat labre ne se dérobe pas, et la gorge ne s’égosille que pour souffler, bientôt une cuisse grimpe, et c’est la jambe toute entière qui se foule la vertu en rejoignant la hanche masculine. Peut-on vraiment encore parler de lutte, lorsque les carcasses se collisionnent avec hâte, et lorsque leurs étreintes s’aguichent et se piègent comme de férus léviathans. Une pogne se cramponne machinalement aux rotondités souples, claquant plus qu’elle n’accoste le nu, puis au bassin de persécuter davantage les lombes acculées contre cloison. D’un regard oblique il la guigne, il lui dissèque les ridules avec autant d’exactitude qu’il a pu sonder les plus bizarres anatomies, mais de celle-ci, il n’écope rien, pas la plus infime conviction – et en a t-il seulement besoin. Qu’elle reste coite, qu’elle ravale donc sa gale, et avec elle son vit, si ça l’enchante, car il est à présent à l’étroit et ne rêve que d’être happé quelles que soient les lèvres. Parce qu’elle atermoie, la maudite, elle le débarrasse de son frusque et lui baise le poitrail avec une trop grande suavité pour que la gueule hispide ne se fracture pas d’anhélances lourdes et vulgaires, orbes atterrés contemplant le ravage en deçà opéré. La douceur est trop étrangère entre eux, trop aberrante car trop longtemps excommuniée ; la retrouver dans pareille brutalité qu’est cette embûche lui détraque les naseaux. Une babine tressaute, mitraille la barbe d’un rictus faunesque, et les vertèbres se renversent comme s’aplanit la menotte sur plaie béante. Il s’est habitué aux maux de toutes races, aux souffrances de toutes espèces, mais endurer cela, cette onctuosité, c’est plus douloureux que toutes les meurtrissures pâties jusqu’alors ; parce qu’il se remet toujours moins bien, et toujours moins rapidement, de ce qui est bon et imprudent. Il a toujours mal cicatrisé l’extase. C’est une écorchure qu’il a souvent été tenté de rouvrir à coup d’ongles, de fourrager à coup de canines, de lécher et d’aspirer. C’est le stigmate d’une religion qu’il a abandonnée, reniée et crucifiée, mais dont il n’a jamais vraiment su libérer l’empyrée charnelle de sa théogonie licencieuse.

Malgré la vraie algie transcendant son flanc, malgré son lancinement et malgré la coulure d’ichor échappant au pansage, la charpente se détache ; de peu, mais assez pour que la dextre, ayant déserté la jambe, et s’étant abreuvée d’un crachat sourdingue à tout salamalec, ne descende et ne s’enfonce sans délai dans l’entrecuisse. Chaud. Terriblement chaud. Ses phalanges, acclimatées aux pubis morts, dressées pour évaser et irriguer ce qui est trépassé, plongent avec un plaisir ogresque dans le ventre (in)fécond. Et ça va, et ça vient, et ça pétrit puis s’alanguit, provoquant des râles chez la vénusté que le faciès rameuté ingurgite avec une rudesse insensée. La voir céder, Bellatrix, la voir s’empourprer comme une enfant, Bellatrix, l’entendre grogner et geindre tout à la fois, Bellatrix, ça le rend dingue, vicieux, malveillant, sauvage, mais le tout flanqué avec lenteur – une lenteur consciencieuse, pieuse. La senestre s’enroule dans la nuque vertigineuse, rappelle son toucher qui, s’il le voulait, pourrait lui être fatal, et attire sèchement la pulpe pour l’embrasser derechef. À l’asphyxie. Car ce n’est qu’au seuil de telle suffocation qu’il relaxe une bouche percluse de dyspnées et que ses doigts inquisitoriaux quittent la région outragée. Serres qui pour autant ne la relâchent pas, saisissant les hanches à pleines paluches pour qu’elle suive le mouvement de retraite prise jusqu’aux abords de la couche. Là, les mains s’esbignent, ploient, et vont chercher au sol le poignard qu’elles déplantent non sans ôter une grimace à l’époux saigné. Lorsqu’il revient jusqu’à elle, c’est en jouant du manche dans sa paume, soupesant l’héritage comme pour en déduire le coût. Il se remémore sans peine la première fois qu’il a vu cette lame chatoyer, une époque trop lointaine pour qu’un tel objet ne se pare pas, à lui seul, d’une mysticité fascinante. S’il retournait cette dague contre la dauphine Black, damnerait-il à jamais son âme ? Un rire creuse son vrombissement dans l’abdomen, what fucking soul ? La question reste en suspens jusqu’à ce qu’il revienne contre elle, puisque, non, la madone ne se dérobe ni ne s’enfuit et pour cela seulement, il aurait envie de l’aimer. Taquin est l’acier qui dévore les lueurs et les vomit sitôt sur le visage sépulcral, roué se croit l’épais poignet, qui menace fendre la peau d’albâtre à mesure que dégringole le tranchant glacial, et mordants en deviennent les yeux qui promettent peut-être l’accident de trop. Or, ce n’est ni sa tiède membrane qu’il lacère, ni sa braverie qu’il entaille, mais bien ses étoffes qu’il déchire, une insulte au corsage serré qu’il n’aurait jamais eu la patience de défier ; le vêtement et l’arme tombent, suivis par l’élégance de la dame. Ne lui reste plus qu’à contempler la vulnérabilité primitive de sa femme, une offrande faite à son ire pour qu’enfin il puisse railler la faillibilité humaine de cette démone et garce. Ses noirs fantasmes l’ont souvent vue ainsi, ravagée, ballotée par la torture infligée, emmitouflée par l’opprobre et cent autres mortifications et toujours, toujours, nue. Sans plus aucun apparat, sans plus aucune sophistication affétée. L’appétence sadique de ses gestes de boucher convenait à son désir, et la lui a longtemps durcie au détour d’un songe. Mais la réalité lui réserve ce que les rêves, aussi nauséabonds soient-ils, ne peuvent forger. L’inflammation des sens. Sa blessure le fatigue, l’isolement l’amollit, sa couenne réclame l’Autre, et tout est assez simple dans la résurgence médiocre quoique tangible des souvenirs partagés au-delà du gouffre. Amusant. Il aurait pu la dessiner avec une exactitude chirurgicale – mais avec le pinceau d’un amant. Quelque part, une mélancolie enfle et jugule sa cruauté ; ils sont ados et ils s’aiment. Le poids d’un demi-siècle l’abat, il plie l’une après l’autre ses rotules, s’effondre aux pieds de la chimère et presse son front contre la panse ayant un jour été ronde. Ses mains ont dévalé le dos, les reins, les fesses, et s’immobilisent contre giron après avoir prodigué la plus tendre des caresses. L'encre sinuant sur le râble de l'accroupi ondule et le brûle.


Dernière édition par Rodolphus Lestrange le Jeu 2 Fév 2017 - 18:57, édité 1 fois
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Le Fanal — décembre 2003


Du désir naît l'exigence, cette parèdre aux façons grivoises qui, aussitôt exhortée, se dévêt des quelques loques de décence et de pondération incombant aux postures toutes artificielles, toutes mondaines, ici superflues, ici plus que jamais aberrantes. Il n'y a plus rien de civil, dans ces ongles plantés à hauteur de poignet. Il n'y a plus rien de bienséant, dans ces hanches affamées s'arc-boutant pour dévorer plus, pour dévorer mieux ces extrémités de paluche comme s'il s'agissait de donner raison à l'adage voulant qu'à doigt donné, bras soit bouffé. Hameçons d'ailleurs sont ces appendices crochus, que la chair mord et même mâche, bave aux lèvres, tant sous l'effet d'un gourmand régal que sous celui d'une manifeste avidité. Comme si, forant le ventre, les phalanges y braconnaient de dormants caprices, alanguis outre matrice, tels d'insidieux serpents embusqués, non moins prêts à gober l'appât frétillant. Une Putain n'en demanderait pas tant, non. Mais elle, dont le corps est un temple oublié, réclame au contraire profanation, invoque sacrilège. Qu'il le ratisse et le pille, ce vandale, qui pourtant se borne à n'en bourriner que les portes. Il la nargue en vérité, plus qu'il ne la satisfait par si triviale privauté. Mais c'est une agonie des plus exquises, un avant-goût d'enfer pour une diablesse trop longtemps exilée sur la banquise qu'étaient ces chastes et glaciales noces. Traversée du désert, menée qui plus est en solitaire, de bout en bout. Oh, bien sûr son abstinence s'est vu, à diverses reprises, mise à l'épreuve. Moins par frustration que par bravade, toutefois. Car renoncer à Rodolphus était en soi un cuisant aveu d'échec ; mais lui sacrifier jusqu'à son animalité, c'était là une résignation intolérable. Cependant, à peine se confrontait-elle à un simulacre d'Éros, que Psyché renâclait, bien au fait que nul autre que l'Originel ne saurait se montrer digne de ses égards même les plus prosaïques ; et aussi fort voulu-t-elle le haïr, l'idée de le déshonorer lui était encore plus insoutenable. Jamais donc, elle ne fauta plus qu'en projet. Diète pas même apaisée d'une moindre miette de fierté à se mettre sous la dent, au contraire. Rongée par la honte d'être à ce point réduite, elle implora souvent les astres qu'on la délivre d'ailleurs de l'empire charnel — vœu pieux que ni les cieux, ni même Azkaban, n'exauça jamais. Car le pire, c'était encore ce trouble ne manquant pas la subjuguer sitôt qu'ils campaient une pièce commune, sitôt qu'à son odorat les prémisses d'une traître effluve s'ameutaient, sitôt même qu'elle percevait, par-delà le vacarme de leur guerre, ne serait-ce que l'un de ses grondants soupirs. De fait, il était aisé de broder alors, et d'attribuer ces fous émois à la haine, car que pouvait-ce donc être d'autre ? Rhétorique imparable, puisqu'aucun argument solide ne vînt en braver l'intransigeance — jusqu'à présent.

C'est ainsi ce voile de fumée qui à mesure se désagrège, à l'instar de ses noirs atours, lacérés au fil de la dague et promis au néant qui les environne. Ironie de l'histoire, l'instrument de la scission lui fut naguère léguée en guise d'hommage à l'union — ce devait être un présage de ce que serait la-dite hyménée, à savoir une faille abyssale, et non pas une parcelle de platitude qui, somme toute, n'en aurait été que plus affligeante. Cependant qu'il la dénude, c'est alors d'un regard non plus hautain, mais à l'inverse subtilement défiant, qu'elle le jauge, ainsi que ces cariatides d'albâtre, gardiennes hiératiques de quelque ruine antique, à la songeuse scrutation desquelles le profane doit se soumettre, avant d'être toléré à fouler l'enceinte sacrée. De même que ces sibyllines effigies, le portrait se cisèle d'un biseau de sourire, fuyant comme l'éternité qui jamais ne consent tout à fait à se laisser cerner ni déchiffrer. Tel rictus de Sphinx n'a nulle énigme, cependant, pour celui auquel il est destiné ; c'est jadis ainsi qu'elle le contemplait lorsqu'il ralliait leur port d'attache, après un long périple par-delà landes et mers, le temps d'une escale à ses flancs. Elle le reniflait alors, en silence, explorant au travers des fragrances et remugles ces lieux inconnus, exotiques, et visualisant ensuite ces bribes d'épopées qu'il ne tardait guère ensuite à lui narrer. Pas avant, néanmoins, qu'il ne se soit prêté au protocole, presque liturgique, de la réappropriation olfactive de cette peau longuement palpée, léchée, jusqu'à la dépouiller du moindre relent étranger. Sorte de rituel abrogé il y a de cela tant d'années, et pourtant. Lorsque le Titan fléchit, nul élan ne témoigne ainsi d'une quelconque intention de l'en garder ; il croule donc. Autour du crâne qui contre son giron s'abandonne, les mains se coulent alors, telle une auréole de lauriers spectraux glorifiant l'effondré. Coercition qui se déploie à la conquête du cuir, échevelant la tignasse malmenée avec cette tendresse toute draconienne dont elle seule a le secret. C'est qu'elle persiste à pulser entre phalanges, cette rixe des ardeurs intactes, mais c'est l'urgence qui peu à peu semble s'évaporer, au profit d'une indolente paresse qui se propage par nerfs et tendons à l'ensemble de sa carcasse, troquant la rigidité marmoréenne pour la tiède langueur de la cire. Tandis que le galbe se dérobe quelque peu en s'épanchant de sa gangue inerte, un bras se livre à la pesanteur mais, rampant à la racine du crin, la sénestre serpente toujours quant à elle et accompagne ainsi la spire jusqu'à ce que l'Inquisitrice fasse halte au dos de l'agenouillé. Là, les orbes dégringolent sur la glyphe ondoyante et s'y attardent. Fresque inconnue, et toutefois éloquente ; la menotte en effleure à peine les contours après avoir dévalé la nuque. De cette épopée-ci, plus tard, elle lui demandera le récit. Celle-ci, et tant d'autres, dont elle hume les reliquats en le toisant sous toutes les coutures. Du moins veut-elle y croire, soudain, en proie à cette mélancolie ambiante ; et de la même façon n'imagine-t-elle pas qu'un refus, tout légitime, pourrait bien lui être glavioté à la trogne, sans autre forme de procès qu'un non, catégorique, irrévocable. Car c'est bien à ce cérémoniel révolu, qu'elle se livre là, rôdant ce faisant en orbite autour du mystère familier. La progression s'achève ensuite, et elle lui fait face de nouveau lorsqu'au creux de la paume se loge la mâchoire hirsute, aussitôt rehaussée pour que confluent les prunelles, les siennes y débondant d'une dilection scandaleuse, fanatique. Caboche s'inclinant, entraînant dans sa déclivité l'échine, sont réitérées les lippées, autrement plus lascives néanmoins, tandis que l'essor est sans hâte encouragé. À mesure qu'ainsi convié il se relève, elle préserve leur congruence recouvrée en se juchant à genoux au bord du plumard attenant. Alors, les doigts agiles achèvent leur ouvrage à hauteur de ceinture, incessamment débouclée. Un instant, en dehors des babines taquinant par intermittence leurs adverses, elle s'abstient de tout autre atteinte que celle, nonchalante, de ses globes irradiant d'éclats obscènes, guignant la virile nudité ainsi révélée, un rictus germant telle une mauvaise graine à la commissure de son labre embesogné. « Faut-il que... je te supplie ? », qu'elle rauque alors, arquant sourcil et happant, non sans brusquerie, le membre tant convoité, jusqu'ici du regard. « Ou que je t'y oblige ? » La moue mute en risette, faïence ivoirine d'une canine froissant le labre grenat qui s'esbigne, tandis qu'à reculons, elle le contraint de fait à la rejoindre.
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Le Fanal — décembre 2003

L’émail gicle un éclat madré sous flore roussâtre, sorte de sourire déparé par le stupre comme s’épelle la soif sur les lippes jacasseuses. Pour ces ordres-ci, il veut bien devenir sous-fifre, pour cette comédie-là, il veut bien badiner ; jeu auquel l’homme n’est certes pas un virtuose quoiqu’il n’en soit pas tout à fait non plus un rustre béotien. Si aux clartés de la romance il ne s’est jamais abandonné, jadis, à ses hymnes zélés il s’est instruit avec passion dans les alpages et steppes de la chair épousée. Saillir d’aberrantes polichinelles n’aura préservé rien d’autre en lui qu’un semblant de forme, comme si forniquer avec de l’Inferius n’avait été, somme toute, qu’un sport, la plus prosaïque manière d’inhiber telle rouille et tel ennui de la vasque génésique. Mais ceci. C’est encore autre chose. Une cérémonie tout en paresse et fièvre, à laquelle ils ne s’étaient pas sacrifiés depuis des âges immémoriaux. La jouvence et son satin ont laissé place aux fondrières du temps, et sous ses doigts tandis qu’il approche, c’est une peau tannée par le soleil des ères que découvrent ses empreintes. Ici et là, le soyeux de la carne a mûri et le traite avec soupçon, comme s’il était un pérégrin inconnu de ces fières patries –  lui qui pourtant planta le premier son droit de domaine. Avec âpreté, les paluches délabrent les frigides jachères et remémorent non sans despotisme qui est leur sire et artisan, suivies bien assez tôt par les cahots d’hypogastres entonnés par la ruée phallique. Ah ! que pareille imminence le grise, une contiguïté violemment intime pour laquelle on offrirait holocaustes de flegmes et pogroms de silences. Si ce n’est pas son poitrail mutilé qui par entractes gronde, c’est le pieu tout entier qui grince et se confond en craquettements affolés. Les lourdes mamelles bâties sous lui ont dressé leur courroux à la pointe de leur tertre, croyant effrayer ce ciel noueux qui se rit de l’effort et leur envoie parfois même des rafales ; une paume se catapulte et bat un sein, lui souffle des rudesses et bassesses qui l’empourprent jusqu’à ce que l’onction ne soit décrétée en filigrane, et qu’un seul délice tendancieux ne soulage les maux. Là où l’on pénètre blèsent les bassins, sur lesquels des sueurs rouges abreuvées par la plaie se suçotent entre elles, laissant parfois voir des filaments organiques mailler les ventres succinctement éloignés l’un de l’autre. Là où l’on vague s’entretissent les phalanges, dans cette forêt noire qu’est la symptomatique crinière par dedans laquelle est palpité le cuir et ses pandémoniaques racines, tirant peu mais tirant bien lorsque le carnassier mari veut entendre de la belle ses abois – à gorge déployée. Les haines éclatent, parfumées aux fragrances de sexe, et l’érotique collision ne veut dès lors plus prendre fin.

* * *

16 DÉCEMBRE, LE FANAL. C’est une plainte d’homme qui gifle le crépuscule, caftée entre crocs serrés après avoir roulé dans la caverne pectorale. Son bras s’est précipitamment levé, main empoignant à la force d’un damné le bois de la tête du lit, articulations blanchies. Terrassé par l’ennemi, c’est sur le dos que gît ce colosse époumoné qui du poids l’écrasant ne se formalise même plus. Elle l’a chevauché avec un enthousiasme d’assassin qui, malgré la fourbure de sa vieille carcasse, lui ravit une balafre de sourire. Heureusement qu’à l’aurore, lors d’une piètre cessation, la taillade infligée a été soignée ; sinon quoi en plus de son foutre, elle l’aurait entièrement vidé de son sang. Alentour, la chambre est un foutoir stigmatisé par la turbulence des deux lions en cage car y traîne meubles cassés, assiettes et litres vidés, giclures pourprines lorsqu’à une vraie bataille ils se sont livrés quelques heures auparavant avant de fomenter une nouvelle trêve dans le creux du plumard. Le litige a pu porter sur quelqu’autre secret de famille, sur la maudite défaite ou peut-être encore sur le médiocre du vin rapiné par les soins de la madone – il ne s’en souvient guère, car même exécrable, c’est jusqu’à la soulerie qu’ils ont lampé l’élixir raisiné. Délaissant la barre pour une hanche scarifiée d’un (autre) Diffindo, l’épaisse patte continue d’arpenter le galbe féminin en sinuant sur l’abdomen, puis entre la poitrine, avant de s’enrouler à la nuque comme se redresse la colonne et que les bustes s’entrechoquent. En voici un autre d’élixir qu’il n’a cessé de siffler, la venimeuse écume de Bellatrix jalousement gardée sur labre charnu. Le baiser s’ambitionne fugace puis s’attarde finalement, avec autant de vulgarité qu’il ne reste encore en elle, bien profond. Sur sa gueule, une moire violacée peinturlure un coquard désenflé quoique lui piquant farouchement le derme. « À croire que tu veux m’enlaidir davantage », accuse la langue égrillarde, talochant son autre tandis qu’à revers la pogne pétrit une miche plaisamment ferme. Pourléchant une dernière gerçure sur un coin de pulpe rebondie – estafilade imposée durant l’un de leurs maints ébats – il la quitte mollement en la renversant sur couche. Les corps embrasés ont tant poissé les draps de sueur que la vénusté paraît nager en eaux troubles au moment où il refait surface et chemine. S’étirent les muscles endoloris, craquent les jointures usées, et de dire en ralliant la salle d’eau « Ce picrate assoiffe plus qu’il n’hydrate, Merlin m'entende, la pouillerie n'en voudrait pas », avant d’avaler à grandes gorgées l’eau miraculeusement pissée par le robinet – décidément de cette affaire, de ce logis, il n’est au fait de rien. Après avoir inondé sa figure d’une ondée rafraichissante, il revient jusqu’au chambranle où une épaule nue s’accoste cependant que ses serres nettoient la crasse à l’aide d’une serviette. Il la dévore du regard, l'impudique libertine, reléguant à demain le réquisitoire d’une raison désabusée par la tournure qu’ont pris les choses. Et lui qui, la veille encore, pensait repartir, rôdailler à Londres tel un vautour galeux patientant qu’on lui lâche en pâture quelque confidence, propose soudain, nonchalant. « Sortons. » Vingt-quatre heures enfermés dans la turpitude de leur désir, il serait temps de prendre l’air. « Promenons-nous, visitons, que sais-je, nous croiserons peut-être des paysans, cette roture-ci m’intrigue. » Paysans, moldus, termes sensiblement identiques, il subodore d’avance l’arriération des villageois disséminés sur lande mais son attrait pour leur étude semble sincère – outrageante et cruelle, mais sincère. Un singe reste fascinant, qu’il soit investi par quelque absconse quintessence, ou non. Car au fond… « Et si l'un d'eux avait un cru digne de ce nom à nous offrir…? » … les primates crient tous de l’exacte manière.
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of our lost kingdoms
Le Fanal — décembre 2003


La carne négligée en travers de pucier déploie guiboles et bras, écartelés à la façon de ces noyés glaviotés sur l'aqueux et pâle rivage, contemplant de leurs quinquets voilés la tempête les ayant recrachés. Chevelure humide et iodée de suée, éparse telle une tiare mortuaire tressée d'algues stagnantes nimbant l'angle étrange de sa nuque brisée, elle se meurt bel et bien, mais c'est toutefois l'extase d'une énième petite mort, et non la suprême putrescence, qui tamise encore les rétines de la grâce naufragée, escortant le maelstrom qui s'éloigne. Avec un temps de retard, la porcelaine s'émaille alors d'une inédite allégresse, trop pure pour être cependant tout à fait vertueuse. « C'est vrai, tout ceci manque de symétrie. Fais-moi penser à égaliser, la prochaine fois. » Car prochaine fois, tôt ou tard, il y aura ; c'est un fait qui, loin de l'inquiéter, tréfile plutôt sa verve d'une mordante témérité, sans relâche ravivée et soulagée, puis excitée derechef, cercle vicieux bien huilé les ayant attelés ces dernières vingt-quatre heures. La taquine bravade s'ourle d'ailleurs à nouveau d'aguichantes inflexions, précoce amorce d'un nouvel acte, à peine le précédant vient-il d'être dénoué. C'est que la sauvagerie sied au teint du mâle, et il n'est à ses yeux jamais plus séduisant que la gueule en sang, que lorsqu'il arbore tel portrait, hachuré des peintures de leur guerre. Roulant sur le ventre, la pècheresse ne se lasse d'ailleurs guère de mirer son art, tout en nuances cyanosées, profitant qu'il courbe échine à la source fraîche pour couver de ses délictueuses œillades ce qu'elle s'employait tantôt à labourer. Ce faisant elle note, non sans un malsain délice, l'incisif arabesque d'une lézarde, évoquant le furieux tracé d'un B, lui estampillant le revers du rein gauche. À l'idée que la stigmate ait une chance de s'y faire oublier, son sourire s'évase sur un mutisme radieux. Oui, c'est ainsi qu'elle l'aime le mieux ; violemment sien, brodé de ses ardentes lettrines. Fainéantes, les prunelles musardent et lambinent encore à fleur de peau, en quête d'un autre paraphe passionné, lors même qu'il lui fait de nouveau face, et n'abrogent enfin leur polissonne flânerie que pour gravir avec paresse la haute anatomie campant avec une traînante désinvolture le cadre de porte. À la suggestion formulée pareillement, elle objecte d'emblée une élégiaque et spontanée protestation, appariée d'une moue rétive, monstrueusement enfantine, en contraste absolu avec cette croupe se luxant d'obscènes exhortations, tandis qu'à quatre pattes elle se juche. Il faudra bien, oui, sortir d'ici. L'échéance n'a du reste jamais été niée, c'est au contraire un mur contre lequel la débauchée s'est plut à jouir, ongles fichés avec inconvenance entre les aspérités d'une saillante évidence : ça n'est pas pour durer. Car rien de ce qui est bon ne s'éternise ; il n'y a en ce bas-monde d'immortalité que pour les damnés, rumine-t-elle, non pas pour les béats. Assise sur ses talons, elle soupire donc, phalanges cardant son crin ensauvagé, résurgence de cette indéfectible gestuelle attitrée à ses quiètes et faibles contrariétés, doublée d'un dard qu'elle lui décoche en le défiant de biais. « Déjà fatigué ? » En toute honnêteté, elle-même n'en peut franchement plus. Con suriné à feu et à sang, empoissé de liqueur séminale, elle met en doute jusqu'à sa propre capacité à marcher droit. Mais il n'avait qu'à se garder de lui tendre telle perche ; il sait, pourtant, qu'elle n'est guère du genre à renâcler contre l'envie de s'emparer de toutes celles se risquant à sa portée. Néanmoins, elle consent à se lever, traînant des pieds et sans renoncer à faire montre de son patent dépit. « Bien, bien... », qu'elle bougonne. Il n'y a que parvenue à sa hauteur qu'elle se déride, tandis que perchée sur pointes, elle lui canonne un fougueux baiser en creux d'encolure, là où pulse la jugulaire, tout en lui subtilisant son linge, congédié sans ambages au plancher. « D'accord, tout ce que tu voudras. » Contrairement à ce qu'elle déclare, c'est toutefois à rebours qu'elle le guide, du bout des doigts, jusqu'à la cabine de douche, traquenard étroit au-dedans duquel elle l'accule en s'y coulant à son tour.

Lorsqu'en émerge la ruisselante naïade, la pendule rugit, depuis le vestibule, ses sept heures tapantes. Sans précipitation, mais sans lanterner davantage, c'est en silence qu'elle achève ses ultimes apprêts. Non pas à sa guise, mais à l'imitation des autochtones, coulant ses formes dans un chemisier de soie aux diaprures opalines et une paire de braies noires, dénichés en fond de commode. Certes, telles frusques ne sont pas stricto sensu fidèles à la douteuse esthétique du coin ; elle n'en a cure, c'est un costume de moldu-femelle, et point. En faction devant le miroir, c'est ainsi qu'elle se reluque, non sans que le dessin de ses gambettes ainsi souligné ne persiste à la perturber. C'est en définitive à l'approbation de Rodolphus, qu'elle soumet le résultat, tirant la tronche en toupillant sur elle-même. « Est-ce qu'on le devine ? », qu'elle mande ensuite, causant du fourreau noué à sa cuisse, qu'elle désigne d'un coup d'œil sur jambe fléchie. Haussant finalement les épaules, c'est à son tour d'inspecter l'époux, arrangeant distraitement le col de sa chemise. « Dolores Brawl, c'est sous ce nom que... j'ai fait l'acquisition du Fanal, en 96. », confie-t-elle, ce faisant, regard fuyant, tandis qu'elle explicite, en débitant les précisions à toute allure et époussetant le canevas masculin de quelques vétilles imaginaires, comme pour se doter d'une contenance. « Dolores a un fils, qui vit à Londres. Son mari... hm, tu voyages beaucoup. C'est ici que je viens, lorsque tu es au loin. Rex. Je t'appelle Rex. » Alors enfin, elle hisse prunelles et fébrile menotte, toutes trois ne s'agriffant toutefois jamais plus haut qu'à la mandibule hispide les surplombant, mais labre ébrasé comme pour poursuivre. Cependant, plus rien ne vient, et elle ne s'attarde d'ailleurs guère plus en telle position, exécutant une brusque volte-face pour gagner l'issue de la chambrée, glanant au chevet tige de sureau et bout de chandelle. Là, de nouveau, elle se sclérose, le minois s'obombrant d'une fugace hésitation, tout aussitôt tranchée d'une saccade de menton agacée. « Si ça t'intéresse, je connais un endroit, tout proche, où le vin est bon. », ajoute-t-elle enfin, sur le ton de la badinerie. « Le couple y résidant saura satisfaire ta curiosité, crois-moi. » Et plutôt deux fois qu'une.
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