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sujet; (SEPT. 1997) LUNE • Was what I did so wrong that you had to leave me alone ?

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(SEPT. 1997) LUNE • Was what I did so wrong that you had to leave me alone ? Empty
Cornelius Fudge & Ludovic BagmanMake up for the time you wasted. Come slowly. Claim back the boy you left behind and Close the white book. Unplug the brain from the game. It's time to wipe out to the bar get on the fame
SEPT. 1997  • HÔPITAL MARMOTTAN, PARIS • Cela fait un an et trois mois depuis la première fois que Ludo a été accepté au centre de désintoxication de l'Hôpital Marmottan, dans le dix-septième arrondissement de Paris. Il doit en être à sa quinzième admission maintenant. A chaque fois qu'il ressort, il sombre encore, et finit chez Eric, ruiné et en manque, à pleurer et à supplier un petit prêt. Il aurait pu, au final, ne jamais retourner chez cet homme qui, systématiquement, le ramène entre ces briques rouges. Il ne sait pas pourquoi, à chaque fois, il se dit qu'il pourrait guérir. Il va voir Eric, le supplie de ne pas le ramener à Marmottan... avant de signer de lui-même le formulaire d'inscription.
Au bout de la quatorzième fois, cependant, Eric a craqué. Impossible de savoir pourquoi. La lassitude, sûrement. Les gens finissent toujours par se lasser de Ludo, malgré toutes leurs belles promesses (ou plutôt tous ses espoirs fous). Toujours est-il que, il y a six mois, Eric a craqué. Il n'avait pas l'air vraiment énervé de le voir revenir, juste de le voir sombré. Alors il a lancé quelques sortilèges de confusion sur l'équipe et même le bâtiment et depuis, depuis six mois, Ludo ne bouge pas. On ne lui propose jamais de partir. Il ne propose jamais de le faire. Il attend, sans savoir quoi. De guérir. Comme si cela allait arriver tout seul.

En attendant, Ludo s'ennuie. Il s'ennuie même cruellement. La vie n'a plus vraiment d'intérêt, ni de sens, depuis qu'on fait tous les efforts du monde pour l'empêcher de boire et de jouer. Il est censé les faire aussi, mais disons que les efforts, chez Ludo, c'est compliqué sans carotte. C'est même compliqué tout court. La preuve, il s'entête à faire un trafic avec ses desserts à la cantine pour essayer de récupérer quelques babioles de ses co-détenus (volontaires, mais ce n'est que détail quand on est effectivement enfermé). Lui, n'a rien. Eric refuse de lui offrir quoi que ce soit, il n'a même plus de baguette, cela fait un an qu'il ne peut plus faire de magie. Cela le rend fou. Il en est même à se remettre au sport, à apprendre les règles du baby-foot, ou encore à passer des heures au sauna de la clinique. Il n'en peut plus d'ennui.
Sa dernière acquisition lui a coûté cinq flans, deux yahourts, trois pommes et une cigarette retrouvée sur le balcon. Cela en valait la peine. Parce qu'aujourd'hui, Ludo tient entre ses doigts un paquet de cartes. Tant qu'il y joue seul, il a le droit, se dit-il. Ce n'est pas une addiction au jeu si c'est tout seul. C'est comme les addicts du sexe, ce n'est pas si grave s'ils ne font que de se masturber. Non ? C'est donc bien discrètement, sur la petite table de sa chambre, qu'il a commencé, assez simplement, à jouer au solitaire. C'est con, comme jeu, et on n'y gagne pas grand chose, mais il aime tellement pouvoir de nouveau passer les doigts sur les coins usés de cette version un peu étrange de jeu de cartes. (Il y a beaucoup de personnages en toges dessus, un robot doré, des petites bestioles poilues.... et des baguettes fluorescentes. Ils sont étranges ces moldus tout de même.) Il retrouve doucement l'agilité de ses mains, les réflexes du joueur assidu de poker.

Le temps, soudain, passe à une vitesse effarante. Il se sent se détendre, tout en jouant. Et sans jamais perdre d'argent ! Il se dit qu'il gère. Il guérit. Il travaille bien. Il sent son visage maigre et fatigué se détendre, jusqu'à ce que ses oreilles à présent entraînées captent le bruit caractéristique des talons de Suzanne. Aussitôt, les cartes sont assemblées, remises dans leur paquet, envoyées dans un tiroir dont il tire rapidement un livre qu'il fait toujours semblant de lire lorsqu'il essaye de s'emprunter une contenance. Finalement, l'infirmière  arrive jusqu'à sa chambre et, par Merlin, c'est vraiment lui qu'elle vient voir ! « M. Fudge ? »
C'est ainsi que s'est fait appeler Ludo, à l'hôpital, pour éviter qu'on le retrouve trop facilement. Aussi, pour embêter Cornelius. Bien entendu, uniquement pour l'embêter. Il ne cherche ni à l'attirer, ni à vivre dans le mensonge un petit rêve qu'il n'a jamais véritablement osé concevoir. Cependant, dans le contexte de son quotidien à l'hôpital, il n'y a vraiment personne pour l'appeler Monsieur Fudge. Non. Uniquement Suzanne, avec son air sérieux, ses lunettes carrées et ses lèvres pincées. Peut-être la seule qui résiste encore et toujours au charme ravageur de Ludovic Bagman. Il la soupçonne d'être sorcière et d'être au courant de ses frasques. Ou d'être juste aussi coincée qu'elle en a l'air. Il reste cependant égal à lui même, fait rouler sa chaise à roulettes (enfin une merveilleuse invention moldue!) pour lui envoyer un grand sourire : « Salut Suzie ! Quel bon vent t'amènes ? » Une autre infirmière, ou même les médecins en charge, auraient sûrement commencé à discuter avec lui. Il est presque la mascotte du coin, et connaît la vie de presque toute l'équipe médicale de l'hôpital. Sauf Suzanne, maudite Suzanne. Elle ne prend même pas la peine de répondre, sondant juste rapidement la chambre, avant de lâcher : « Une visite pour vous, votre frère. »
Il essaye de ne pas laisser montrer le fait qu'il ne comprend pas du tout de qui elle parle. « Ah, oh, bien sûr ! Fais-le entrer alors ! » Un frère ? Depuis quand son frère serait-il venu jusqu'ici ? Otto Bagman est certes un chic type, mais il n'est pas du genre à aller traverser la Manche juste pour aller chercher son irresponsable de frère. Otto est du genre à avoir des responsabilités, des impératifs, des choses à faire. Il est, surtout, bien trop tête en l'air et distrait pour organiser un tel projet, et il manque cruellement de ce côté fantasque nécessaire à ce genre de quête. Alors non, cela ne peut pas être Otto, et il n'a pas d'autre frère. Les gobelins n'auraient jamais pris la peine de mentir à une moldue. Un débiteur français venu l'effrayer peut-être ? Ou alors ce serait-

Au moment où l'idée commence à faire son chemin jusqu'à son cerveau, il entre. Cornelius Fudge. Il est, immédiatement, soufflé de réaliser à quel point cet homme a pu lui manquer. Une atroce boule lui monte à la gorge. Il aurait aimé ressentir de la haine ou de l'amertume à sa vue mais, malheureusement, son premier instinct est de retracer ses traits et de s'émerveiller de cette façon qu'il avait toujours de se tenir fier dans les pires situations. Il a une mine terrible, le Cornelius, on peut voir les ravages de la perte et de la déchéance, est pourtant, comme il se tient bien ! Comme il parle poliment à cette moldue !
Ludo déglutit, figé sur sa chaise, incapable de faire un geste, juste soufflé par cette apparition issue de nulle part. La dernière fois qu'il a vu cet homme, il lui refusait catégoriquement un prêt d'argent, tout en lui disant les mots qui l'avait peut-être le plus blessé au monde. Oh. On lui avait déjà dit bien pire. Mais Cornelius n'avait jamais été celui qui les avait prononcé, jusque là.
Que fait-il ici ? Comment l'a-t-il trouvé ? Que veut-il ? A quoi pense-t-il ? L'aime-t-il encore ?

Il faut quelques secondes avant que Ludo n'arrive à faire revenir un sourire sur son visage, amusé, intéressé, presque malicieux. Ce sourire qui avant, était comme un soleil sur le visage lumineux de l'homme bien en chair, ressemble à un rictus en comparaison, sur ce cadavre d'humain fatigué et malade. « Bonjour toi. » Impossible de dire son nom, impossible d'articuler de nouveaux ces syllabes qu'il avait si souvent susurré avec tendresse. « Tu as une mine terrible, » dit-il, celui qui a perdu bien quarante kilos depuis leur dernière entrevue, celui qui n'est qu'une épave depuis leur rupture et qui n'a jamais vraiment réussi à s'en remettre. On ne dirait pas, comme ça, mais Cornelius Fudge n'est pas le genre d'homme que l'on oublie facilement. « Que me vaut le plaisir ? » Et on dirait presque que Cornelius n'avait eu qu'à traverser la rue pour venir le voir, qu'ils n'étaient pas dans un hôpital et qu'ils ne s'étaient jamais abandonnés l'un l'autre.
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août 1997 • paris • On pouvait trouver des avantages à la France, quand on y mettait un peu du sien. Cornelius essayait de faire preuve de bonne volonté, dans une tentative désespérée de retarder la depression qui le guettait, loin de son pays, de ses enfants, de son pays, de son ex-femme, de son pays — ce n’était qu’un léger passage à vide, se disait-il en regardant dans les magasins moldus les grands panneaux décoratifs qui représentaient Big Ben ou bien le Tower Bridge. Ce n’était qu’une très brève nostalgie, se répétait-il en traînant dans le rayon Littérature en VO de la boutique Galigagni sur la rue Rivoli. Ça finirait par passer, c’était le mantra qu’il se marmonnait quand le serveur lui apportait son Irish Coffee.
Les journaux de chez lui avaient eu la très nette tendance à souligner sa cécité après l’annonce officielle du retour du mage noir, apparemment la leçon ne lui avait été guère salutaire et il continuait de se mentir à lui-même. L’Angleterre ne pouvait pas lui manquer à ce point, n’est-ce pas ? (Il n’était jamais vraiment parti de son pays) (si l’on ne compte pas ses nombreux voyages dans le cadre de son travail) (mais ce n’était pas la même chose) (là il était…) Il s’en voulait : il aurait voulu que ce soit plus simple, qu’il soit tout simplement soulagé de ne plus être là-bas. Alors à coté il se récitait d’autres évidences. Il serait mort s’il était resté à Londres. C’était en réalité la seule évidence, la seule raison de son départ, mais elle était diablement suffisante.
Cornelius ne voulait pas mourir. Surtout pas comme l’homme qui avait eu la malchance de lui succéder.
Ce qu’on est bien en France.
Ce qu’on est bien en France.
Ce qu’on est bien en France.
Ses journées dans la capitale avaient des goûts de cartes postales. Il buvait aux terrasses des cafés. Il restait assis sur les bancs des quais de Seine plusieurs heures à regarder les passants défiler devant lui, à fixer l’eau sombre rouler vers l’ouest. Il s’installait devant la fontaine du Luxembourg et lisait du Shakespeare. Il améliorait son accent français en discutant avec la jeune serveuse du restaurant qu’il fréquentait rue Mouffetard.
Ce qu’on est bien en France.
Ce qu’on est bien en France…
La vie qu’il menait ici était peut être un rêve que nourrissaient certaines personnes mais Cornelius n’avait jamais eu l’ambition de devenir un simili-réfugié politique. Et l’exil ne lui allait vraiment pas.
Le seul vrai bon truc c’était le pain. Il savait le faire ici, c’était pas un débat.

Rien ne lui allait, tout lui manquait. Et il commençait à se dire que c’était peut être mieux de mourir chez lui que d’agoniser ailleurs. Il était posé près de la statue de Charlemagne, à la mi-août, la traduction du roman de Hugo sur ce même monument dans les mains, quand une brave femme lui rappela qu’il y avait quelque chose qui lui manquait au moins autant que son pays.
Femme banale au demeurant, short et débardeur — c’est qu’il faisait chaud. Elle poussait un landau alors qu’un gosse courait devant elle. Rien d’exceptionnel. Il n’y avait rien de particulier, vraiment, chez cette mère et ses deux enfants. Elle ne lui accorda même pas un regard, et à vrai dire il ne faisait que très distrairement attention à elle. Ce ne fut que lorsqu’elle rappela son plus grand à l’ordre, alors qu’il s’éloignait un peu trop, qu’il tiqua. « Ludovilson ! Je t’ai déjà dit de ne pas autant t’éloigner ! »* Il eut un bref moment d’incompréhension. Parce qu’il ne comprenait pas pourquoi sa gorge s’était soudain serrée. Il ne comprenait pas pourquoi son doigt, coincé au début du chapitre La clé de la porte rouge eut un léger tremblement. Il ne compr- « Ludo ! Reviens ! »

sept. 1997 • hôpital marmottan, paris • Il ne l’avouera jamais, mais après avoir reçu la dernière lettre il avait juste demandé à Jill de se renseigner. Pas pour avoir son adresse ou quoique ce soit. Juste pour… savoir. C’était une chose de fuir les gobelins, c’en était une autre de semer Jill qui avait le laisser-passer ministériel. Elle était revenue vers lui pour lui annoncer que son Directeur des Jeux et des Sports Magiques s’était fait la malle jusqu’en France. Elle avait proposé de le ramener par la force. Il n’avait pas réussi à savoir si elle plaisantait ou non ; il avait plutôt choisi de nommer une nouvelle Directrice pour remplacer Ludo Bagman et avait mis un point d’honneur à ne plus évoquer l’individu.
La lettre était dans un tiroir de son bureau, magiquement scellé. Il ne l’avait pas détruite, même s’il la connaissait par cœur.

Il n’avait pas les capacités de traque de Jill, c’était certain, mais il avait un super pouvoir ; celui de comprendre l’administration et de connaître les voies qui permettaient d’obtenir ce qu’on voulait sans trop de problèmes. Il fallait avouer qu’une baguette magique aidait beaucoup. Ça lui avait pris quelques jours — moins qu’il n’était prêt à supporter, avant de finalement retrouver un patronyme qui sonnait étrangement familier, à défaut de sonner juste. Ludovic Fudge : à moins que Fudge ne soit un nom courant en France et qu’un certain Ludovic de cette estimée famille ait besoin d’un séjour en centre de désintoxication… il était certain d’avoir trouvé le bon.
Et essayait de ne pas penser à ce qu’il avait ressenti en voyant son nom accolé à son prénom.
C’était sans doute seulement de la lassitude.
Comme toujours avec Ludo.

L’infirmière regardait l’énorme écran de son ordinateur avant de finalement relever la tête vers lui et de tourner légèrement l’écran pour qu’il puisse regarder : « C’est bien lui ? » une photo de Ludo accompagnait des notes tapuscrits qu’il ne pouvait pas lire à cette distance. Mais il n’avait pas besoin de son dossier médical pour le reconnaitre. Il acquiesce « Oui c’est Ludo…vic. » Elle fronce légèrement les sourcils « Vous êtes anglais comme lui ? On entend un peu votre accent. » Il tente un sourire aimable « Tout ce qu’il y a de plus anglais, mais je m’essaye au français. Les r donnent toujours du fil à retordre. » Son froncement de sourcils se transforme en un léger sourire, comme par magie « Vous vous débrouillez très bien. Donc vous désirez le voir ? » « S’il vous plait. » Elle lui tend un registre « Alors inscrivez votre nom là, et là, la date et l’heure ici puis signez. Vous êtes son ?... » Il a un bref instant d’hésitation, cet idiot avait pris son nom, il ne pouvait pas se présenter comme un ami. Alors il prend la solution la plus neutre « Je suis son frère aîné. » Elle lui tend un stylo pour qu’il remplisse le registre. « Je suppose qu’il sera content. Personne ne vient jamais le voir. Alors qu’il est là depuis… » Elle s’interrompt soudain, et assez longtemps pour que Cornelius relève la tête, un peu inquiet « Madame ? » Elle avait les yeux dans le vague, paraissait tenter de se souvenir de quelque chose de lointain. « Mad- oh. » Il tend doucement la main pour venir la prendre au menton pour mieux observer ses yeux avant de finalement la lâcher tout aussi doucement.
Un sort de confusion un peu forcé. Les admissions ne s’étendaient pas sur des périodes aussi longues que celle de Ludo, quelqu’un avait trafiqué l’esprit des employés pour que Bagman ne soit pas mis à la porte de l’établissement. Il claque des doigts, pour la réveiller de sa torpeur « Voilà tout est rempli madame. Je… » Elle semble se réveiller « Je vous emmène à sa chambre, veuillez me suivre. » Il regarde autour de lui alors qu’elle lui fait traverser plusieurs couloirs et il se demande comment ils ont pu garder Ludo là dedans.
C’était bien trop… triste pour Ludo.

Cornelius s’attendait à chaque instant à voir un pan de mur repeint en jaune et noir, à voir des couleurs et à entendre son insupportable voix crier d’insupportables phrases. Comme toujours lorsqu’il était au Ministère.
Il ne se l’était pas admis mais… ça lui avait manqué.

Pourtant tout reste affreusement monochrome, même si l’endroit semblait bien entretenu et même sympathique : sympathique pour quelqu’un comme lui certainement, mais pas assez haut en couleur pour L- « C’est là, je le préviens. » Il regarde la porte. Et s’étonnait de ne pas voir de poster dessus. Finalement elle ressortit et lui fit un petit signe « Vous pouvez entrer. » Alors il entra.
Il se souvenait de Ludo comme d’un homme qui prenait de la place, physiquement et mentalement. Là il aurait presque eu du mal à le voir. Il était si… maigre ? Encore un peu et il disparaissait.
C’était ça la fameuse grande vie que tu étais sensé mener hein ?
Sale menteur.

Il se pencha vers l’infirmière et lui dit, brièvement et toujours en français qu’il saurait la trouver en cas de besoin et la femme les laissa finalement seul. Quand il se retourna vers son ancien am- Directeur (?) il le vit sourire. Bel effort mais qui ne parvenait pas à dénouer les épaules tendues de Cornelius. « Bonjour toi. » L’anglais le surprit, il n’était plus vraiment habitué à le parler « Tu as une mine terrible. » Venant de la part du squelette qui lui faisait face, ce n’était pas très rassurant sur son propre état, pourtant il était persuadé d’avoir bien meilleur allure que l’épave qui restait dans sa chaise, à s’acharner sur son rictus, comme s’il tentait de retrouver une ancienne attitude. Mais c’était peine perdue.
Son sourire d’avant lui allait mieux.
Sa musculature d’avant lui allait mieux.
Sa voix d’avant lui allait mieux.

Ce n’était quand même pas…
Il aurait pu lui donner mille gallions pour éviter ça.
C’était facile de penser que c’était de la faute à l’argent. Alors que c’était s-
« Que me vaut le plaisir ? » Cornelius pencha légèrement la tête de coté, une habitude qu’il avait, que Ludo connaissait bien. Il se dirige vers le lit « Je peux m’asseoir ? » Il s’installe avant même d’attendre la réponse, ça aussi c’était une habitude, il n’avait pas à attendre, c’était lui qui décidait. « Ça fait… longtemps. » Il ne cillait pas, prenait bien soin à ne pas détourner le regard parce qu’il ne voulait pas que Ludo puisse penser qu’il y avait une gêne. Parce qu’il ne voulait pas baisser les yeux vers son corps trop amaigri. « Ta vie de rêve se passe bien ? J’espère que je ne te dérange au milieu de tes plaisirs luxueux. » Cette fois il cilla, pour regarder autour de lui l’entièreté de la pièce. Puis il revint à Ludo : « Ça fait longtemps… » il répèta.
Parce que c’était vrai : ça faisait longtemps.
Il avait eu le temps de vivre le retour de Voldemort.
D’être destitué.
De voir son successeur se faire capturer.
D’apprendre la mort de ce sus-mentionné successeur.
De fuir son pays.
Ludo avait eu le temps de tout perdre aussi de son coté.
Et on ne parlait pas que des kilos.

« Et très franchement, j’ai une bien meilleure mine que toi. Tu aurais bien besoin d’un bon repas. » Il n’était là que pour une petite conversation, parler du beau temps et de la gastronomie.




* les dialogues en italiques sont en français.
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Ludo a bien fini par apprendre la situation de Cornelius. Il a mis du temps, beaucoup de temps. Il n'a plus vraiment touché terre, ces dernières années, et la perte de sa baguette l'oblige à tout faire comme les moldus. C'est Eric qui lui a appris, la dernière fois qu'ils se sont vus, alors qu'il organisait son séjour définitif à Marmottan. Ils discutaient de tout et de rien quand Eric a lâché des trucs sur la situation en Angleterre. Et après s'être inquiété de ses enfants, de ses parents et de ses amis, après avoir réalisé qu'Augustus Rookwood était libre il avait enfin fini par apprendre, pour Ton Ministre de la Magie.
« Il a été presque renvoyé de son poste, même s'il a officiellement démissionné. Mais faut être con, quand même, pour ne pas voir que- » Le reste s'était perdu dans les ombres alors que Ludo avait eu envie de pleurer et de rire à la fois. Il est bien beau, le Fudge, quand il n'y a plus Bagman dans les parages. Ah ça il la tenait sa vengeance. Fudge qui perd ce qui compte le plus au monde pour lui, et avec l'humiliation qui va avec. Bien fait.
Bien fait.

Bien fait, se répète-t-il, alors que Cornelius penche légèrement la tête sur le côté. Comme d'habitude. Il n'est pas censé se souvenir de ce genre de détail, et ce n'est pas censé l'attendrir. Il n'est pas censé avoir de compassion pour cet homme. « Je peux m'asseoir ? » Non, a-t-il envie de répondre, mais la réponse reste bloquée dans sa gorge et, de toute manière, il est déjà assis. Il le déteste. Il ne veut pas qu'il s'approche de lui. Ils sont l'un en face de l'autre, même pas un mètre, la chambre n'est pas bien grande. Il peut voir tous les détails sur son visage. S'il voulait, il pourrait se pencher vers lui et le toucher. « Ça fait… longtemps. » Il a le souffle coupé, le sourire étranglé, et il ne peut qu’acquiescer bêtement. Oui, ça fait longtemps. La discussion tombe à l'eau un instant, alors qu'ils se fixent. Il a vieilli Cornelius, beaucoup trop vieilli en trop peu de temps. Il n'est pas censé être aussi fatigué. Son Cornelius n'est jamais fatigué. Il a un peu l'impression que le temps s'arrête et qu'ils vont rester ainsi un moment, l'un en face de l'autre, à se regarder en silence. Parfois, c'est ce qu'il faut. Surtout entre eux, parce qu'ils ne peuvent s'empêcher de se blesser lorsqu'ils parlent.

« Ta vie de rêve se passe bien ? J’espère que je ne te dérange au milieu de tes plaisirs luxueux. » Voilà, il a suffi de ça. Ludo blanchit et commence à sentir la colère monter, la colère de l'animal blessé que l'on frappe à terre. Il se lève aussitôt de son siège, nerveux, et s'éloigne sensiblement de Cornelius pour aller marcher près de la fenêtre, regardant à peine dans la rue parisienne. La chambre est trop petit, à peine deux mètres les sépare. Cornelius ne le regarde plus, lui non plus. Il se passe la main sur le visage, dans les cheveux trop longs, à essayer de ne pas exploser tout de suite, pas maintenant, de rage ou de douleur, il n'en sait rien. « Ça fait longtemps… » Ne pas craquer, ne pas craquer. Il a soif, il a terriblement soif. « Oui, » finit-il par cracher. Il le hait. Il le hait de ramener comme ça, sur le tapis, dès le début, la lettre. Il la regrettée cent fois, cette lettre, tout en écrivant d'autres versions, toujours plus amères, qu'il finissait par brûler. Cornelius l'a lue, visiblement. Bien fait, se répète-t-il.
Non, je ne vis pas la vie idéale. Mais c'est bien le seul point sur lequel j'ai eu tort.

« Et très franchement, j’ai une bien meilleure mine que toi. » Cornelius n'a pas changé, il adore toujours avoir raison. Il faut toujours qu'il ai le dernier mot, et qu'il corrige ceux qui se trompent. Autant cela peut être attendrissant, autant cela peut aussi le rendre presque imperméable au sarcasme (des autres, en tout cas). Ludo n'a pas envie qu'on lui rappelle à quel point il va mal, mais il l'a peut-être cherché, en fait. Bien fait, se répète-t-il. « Tu aurais bien besoin d’un bon repas. » C'est fini, il craque, et un petit rire mauvais lui échappe. Non, sans blague ? Il détache son regard de la fenêtre, bras croisés sur son torse, fixant Cornelius avec un mélange de douleur et de colère.
Il aimerait tant pouvoir se jeter à ses pieds. Lui demander pardon, lui dire qu'il l'aime et le supplier de lui faire de nouveau à manger. Il l'emmènerait avec lui, le ramènerait à la maison, et ils vivraient ensemble. Il en est incapable. Il est un animal blessé, meurtri, qui n'a jamais véritablement pu digérer les insultes de Cornelius. Il est incapable de revenir en rampant vers un homme qui lui a fait tant de mal. Il serait si simple, pourtant, de revenir aux sourires et aux petites blagues. Merlin, qu'il a envie de prendre soin de cet homme brisé en face de lui. Cornelius va assez mal comme ça. Il n'a pas besoin qu'on lui fasse plus de mal, se répète-t-il. Mais le Bien fait continue de résonner dans sa tête, alors qu'il ouvre de nouveau la bouche, un sourire mauvais aux lèvres :

« J'aurais besoin de plein d'autres choses mon cher, mais on a pas toujours ce qu'on veut, hein ? Bref, tu n'as pas répondu, qu'est-ce que tu fais là ? Tu es venu te payer une bonne tranche de rire sur mon dos, ou c'est parce que je te dois encore de l'argent ? » Il essaye de ne pas porter sa voix mais c'est dur. Il a envie de lui hurler à la figure, de le frapper, le secouer, lui faire mal, encore, encore, et détruire ce qu'ils ont pu construire. Il est comme ça, Ludo, à attaquer tous ceux qui l'ont attaqué, même si voir ces personnes souffrir ne lui pas le moindre bien. « Voilà, t'es content, ce cher Ludo l'a encore plus dans le cul que toi ! » Et il écarte les bras pour embrasser la pièce, sa maigreur, sa fatigue, son manque et son visage en miette. Aucune baguette, aucun argent, aucun travail ; rien qu'un paquet de cartes et le rire des infirmières.
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Il n’avait pas fait un mouvement, lorsque Ludo s’était brusquement levé, pour presque lui tourner le dos, face à la fenêtre de la petite chambre ; il sait alors qu’il a tapé juste. Ça le satisfaisait étrangement, de savoir qu’il n’avait pas perdu la main, de savoir qu’il pouvait encore toucher Ludo — de voir que son ancien amant pouvait encore ressentir quelque chose à cause de lui, de l’énervement à défaut d’un autre sentiment. Une brève satisfaction seulement, qui s’évapore rapidement. Ça ne lui faisait en réalité, pas plus plaisir qu’à lui, de se rappeler de cette lettre — pliée et repliée elle était prête à se déchirée, lue et relue ses doigts avaient fini par patiner l’encre. Mais il voulait voir, il voulait voir la réaction de Ludo lorsqu’il l’évoquerait. Il voulait savoir s’il se souvenait de l’avoir écrite, s’il avait conscience d’à quel point ça l’avait atteint.
Va te faire foutre.

Il l’avait reçu un matin. Chez lui, dans sa maison : comme si Ludo aurait pu avoir eu la décence de lui envoyer ça au travail… Il avait dû secrètement espérer que Christianne tomberait dessus. Il avait reconnu l’écriture mais ne l’avait pas immédiatemment ouverte : Ludo avait loupé une des réunions convoquées par le Ministre après le désastre du Tournoi des Trois Sorciers et Cornelius était alors persuadé qu’il avait "oublié" uniquement par dépit. Il n’avait alors pas vraiment envie de lire une pseudo lettre d’excuse, sans doute pleine de mauvaise volonté. Finalement, lorsqu’il avait ouvert tout le reste du courrier et qu’il ne lui restait plus que celle là, il s’était résolu à la décacheter. L’apostrophe lui avait fait hausser les sourcils, il s’en souvient parfaitement : Très cher et estimé Ministre de la Magie… sa lettre d’excuse allait donc ressembler à un manuel sur l’utilisation du sarcasme, très bien, Cornelius était imperméable à ce genre d’attitude. Il s’était assis sur une chaise, et avait continué la lecture.
Va te faire foutre.
C’est là, à la deuxième ligne, qu’il avait compris que ce n’était peut être pas ce qu’il avait d’abord pensé. Insensible aux sarcasmes peut être (et encore, cela dépendait en réalité de l’interlocuteur) mais pas aux vérités insultes complètement gratuites. Et à la réalité. Ludo partait ? Ludo partait ? Il aurait peut-être dû se réjouir de voir s’éloigner ce gouffre à argent, à temps, à énergie mais en réalité, il avait juste envie de retourner la lettre et de griffonner un mot pour le forcer à revenir et le lui envoyer. Il aurait dû être content, non ? C’était cette lettre qui lui retournait la tête. C’était ces mots.
Il essayait alors de se rappeler, qu’est-ce qu’il avait pu dire à Ludovic pour qu’il puisse le… Tu vas passer les prochaines années de ta vie à essayer de te souvenir du contact de ma langue sur ta p… (il avait toujours eu une excellente mémoire, et cette phrase s’était aussitôt ancrée dans son esprit) qu’est-ce qu’il lui avait fait ? Il l’avait juste rembarré… Pas comme si c’était la première fois.
Il avait tout lu, lentement, sans vraiment croire à ce qu’il lisait. Puis il l’a relu. Jusqu’à ce que Christianne arrive. Alors il la replie vite, la fourre dans sa poche, justifie son air égaré par un quelconque mensonge sur un quelconque représentant d’un quelconque pays.
Il y avait pensé toute la journée, et celle d’après, et la suivante. Encore et encore.

Alors là, il voulait simplement vérifier que Ludo lui aussi y avait pensé, que lui non plus n’était pas resté insensible. Il tape là où il peut et comme il peut, jusqu’à ce que finalement il y parvienne et Ludo finit par se retourner vers lui, les bras croisés sur sa poitrine creuse — il était si… maigre, maigre, maigre. Comme si on lui avait tout aspiré. Et son rire, et ses blagues et… son Ludo.
« J'aurais besoin de plein d'autres choses mon cher… » il a la voix chargée de colère, d’amertume, Cornelius pousse un soupir, appuie deux doigts sur son front un instant — ils se retrouvaient depuis même pas deux minutes et tout reprenaient déjà comme avant. Peut être que c’était ce qu’il avait recherché, finalement, à tenter de reconstruire un schéma connu à travers ce dédale de facteurs nouveaux : la France, l’anonymat, le changement de Ludo… « … mais on a pas toujours ce qu'on veut, hein ? » Non… en effet. Et comme par habitude, il essaye de lui couper la parole. Il le sent s’emballer et prêt à dérailler — ou bien il voudrait qu’il soit prêt à dérailler ? Il fait mine de vouloir l’arrêter, parce que c’est ce qu’il a toujours fait. « Lud- » « Bref, tu n'as pas répondu, qu'est-ce que tu fais là ? Tu es venu te payer une bonne tranche de rire sur mon dos, ou c'est parce que je te dois encore de l'argent ? » Cornelius ne bouge toujours pas, alors que le ton monte. Ça les énervait toujours, les autres, de le voir rester immobile quand en face on se déchaînait pour avoir une réaction — n’importe laquelle. « Voilà, t'es content, ce cher Ludo l'a encore plus dans le cul que toi ! » Il le retrouve un peu, derrière la rancœur ; il retrouve la gestuelle, amoindrie évidemment, mais toujours là, et le regard, et la voix. Les bras écartés comme ça, on pourrait avoir l’impression qu’il invite à le rejoindre. Mais Cornelius n’avait jamais vraiment été du style à aller vers Ludovic, c’était surtout ce dernier qui venait contre lui, rarement l’inverse. Il ne se lève pas, ne fait pas le moindre geste mais garde son regard fixé sur lui avant d’avoir un sourire triste. « Non je ne suis pas vraiment content. » sa voix est douce, beaucoup plus calme que celle de son ancien amant. « J’aurais préféré que tu aies effectivement une vie de rêve. » Il ne ment qu’à moitié. Il était méchamment heureux de voir que Ludo souffrait. Il était aussi extrêmement mal de le voir dans cet état, parce qu’il avait beau rejeter ce qui s’était passé… tout ce qu’il avait pu voir lors des années où ils avaient partagé une relation et un lit (ou une table, ou une piscine, ou un bureau)… tout ce qui avait tiré Ludo vers le bas et qu’il avait fait mine, avec une grande maestria, d’ignorer. S’il avait appris que Bagman avait fini sur la côte sud, dans une villa, une coupe de champagne dans la main droite, des jetons de casino glissants de sa main gauche, il se serait seni moins coupable.
Il aurait préféré ça : pour qui se prenait-il ? Cet idiot ? De le faire culpabiliser comme ça ?
« … plutôt que de te retrouver perdu dans le XVIIe arrondissement de Paris. Ludovic Fudge vraiment ? Tu étais un peu trop bourré quand ils t’ont demandé de remplir les formulaires ou bien… » ou bien mon nom est la première chose qui te sois venu à l’esprit quand on t’a posé la question ? Il finit par lever ses mains, en signe d’apaisement : « Ne t’en fais pas, je ne viens pas pour te demander de l’argent, c’est évident que ce serait peine perdue je » il passe sa main sur son menton, machinalement « venais seulement parce que j’ai appris que tu étais là. » Je t’ai cherché, pour finalement atterir là. Je t’ai cherché partout parce que tu me m-
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Cornelius Fudge & Ludovic BagmanMake up for the time you wasted. Come slowly. Claim back the boy you left behind and Close the white book. Unplug the brain from the game. It's time to wipe out to the bar get on the fame
Il y a quelque chose d'incroyablement méprisable dans la façon qu'a Cornelius de se foutre complètement de ce que tu peux lui dire. Il est là, assis, imperturbable. Il te regarde souffrir, il te regarde pleurer et l'implorer, il réfléchit, et il te répond sans qu'aucune émotion ne vienne perturber le fil de son discours. Ludo a déjà passer des années face à cette montagne, à s'époumoner pour un signe, rien qu'un signe de passion. Des heures, qu'il passait à essayer de le faire réagir. Et tout cela finissait toujours par un geste, un seul, peut-être quelques mots distraits, un Va, je ne te hais point malicieux. Ludo n'arrive pas à savoir comment il a pu aimer un homme aussi avare. Il ne comprend pas pourquoi il finit toujours attiré par ces personnes qui donnent si peu d'elles-mêmes. Moira, Augustus, Cornelius et... non, au final, durant toutes ces années, il n'y a eu personne d'autre qu'eux, personne de notable, en tout cas. Et à chaque fois, il se sent comme un explorateur au milieu du désert, avide de la moindre goutte d'eau, satisfait du moindre mirage.

Il a peur de craquer, encore une fois. De se contenter d'une goutte d'eau, d'un os à moitié rongé, juste pour pouvoir vivre de nouveau près de la cruauté de son ancien amant. « Non, je ne suis pas vraiment content. » Toujours, il faut toujours qu'il se fasse corriger par Cornelius. Il est incapable de lui laisser le moindre sarcasme. « J'aurais préféré que tu aies effectivement une vie de rêve. » Ludo ne retient pas le ricanement mauvais qui s'échappe. Les mains sur les hanches, il toise de haut le petit vieillard assis sur son lit, qui commence déjà à lui sortir ses miettes de rien. Une vie de rêve ? Ludo ? Après l'exil, la soif, la peur, la solitude ? Une vie de rêve, sans toi? Qu'il peut être aveugle, pour un politicien aigri. « Oh tu sais, je suis nourri, logé, blanchi, avec sauna et salle de musculation. Que demande le peuple, n'est-ce pas ? » Certains peuvent se contenter de cela. Pas Ludo, ni Cornelius. Ils en veulent toujours plus, et toute vie modeste et tranquille ne leur conviendra  jamais. Ils pourront toujours se mentir, jouer au plus satisfait, mais tous les deux ne savent pas vivre sans une certaine forme d'excès. L'excès, oui, définitivement, c'est ce qui lui a le plus manqué, ces dernières années. Et ce qu'il ressent, à la vue de Cornelius, ressemble étrangement à une méchante poussée d'adrénaline.

« ... plutôt que de te retrouver perdu dans le XVIIe arrondissement de Paris. » Ludo a un reniflement offusqué et lève les yeux au ciel, dramatique. Il aurait bien voulu voir Cornelius venir le chercher dans un hôpital de Seine-St-Denis ou dans la campagne profonde. (A quel moment a-t-il décidé que Cornelius vient le chercher?) « Ludovic Fudge vraiment ? » Net, cela le coupe net dans son panache d'indigné. Il ouvre la bouche comme pour répondre mais rien ne sort. Comme si Cornelius, qui adore tellement avoir raison, allait laisser échapper l'occasion de faire une remarque à ce sujet. « Tu étais un peu trop bourré quand ils t’ont demandé de remplir les formulaires ou bien… » Il blanchit, d'une blancheur qui aurait parue impossible sur un homme étant à peine sorti ces six derniers mois. La blancheur de quelqu'un qui nie depuis des années, déjà, quel est son véritable problème, et qui n'arrive toujours pas à accepter ce genre de chose. Et ça fait mal. Ça fait mal comme la dernière fois qu'il se sont vus, ça fait mal comme un gallion lancé en pleine figure. « Ne t’en fais pas, je ne viens pas pour te demander de l’argent, c’est évident que ce serait peine perdue » Encore le gallion est lancé à sa figure, encore une fois il est rabaissé, dénié, humilié. Il est au plus bas, il est au fond du gouffre, une nouvelle fois, et même dans ses illusions les plus folles il ne voit aucune miette d'affection à récupérer dans ces mots qui le clouent au sol, le fige et lui bloquent la gorge, au bord de l'explosion. « je...venais seulement parce que j’ai appris que tu étais là. » Menteur, menteur, toujours menteur. Pourquoi faut-il qu'ils s'insultent dès qu'ils vont mal, au lieu d'être là l'un pour l'autre ?
Dans cette dernière phrase, Ludo aurait pu reconnaître la façon, toujours voilée, de Cornelius de s'inquiéter pour lui. Il n'y voit que l'hypocrisie, le mensonge, cette lâcheté qui le fait hurler.

« DEGAGE ! » Il explose comme une bouteille de champagne qu'on aurait sabré après l'avoir secoué frénétiquement pendant de trop longues minutes. Il explose comme un cognard en pleine figure. Il hurle, à plein poumons, et Merlin sait qu'il a du coffre. « DEGAGE ! CASSE-TOI ! MAINTENANT ! » Il est devenu rouge, aussi rapidement qu'il est devenu blanc, alors qu'il se retient de se jeter au cou de Cornelius pour le tuer, le tuer là, maintenant, et ne plus jamais avoir à supporter cette atrocité calme et placide. « TU VIENS POUR QUOI, EXACTEMENT, M'HUMILIER ? TU CHERCHES QUOI ? MES LARMES ? QUE JE CRIE ? ET BIEN TU AS GAGNÉ, VOILA, JE CRIE ! J'AI CRIÉ ! TU AS ENCORE DU POUVOIR SUR MOI, JE PENSE A TOI, JE PRENDS TON PUTAIN DE NOM DE MERDE COMME UNE PUTAIN DE JOUVENCELLE ET JE N'AI TOUJOURS PAS D'ARGENT. TU ES VENU QUOI ? ME JETER UN GALLION A LA FIGURE ? ME RAPPELER QUE JE NE SUIS RIEN ? TU VAS FAIRE QUOI APRES, RAMENER CHRISTIANE ET LES ENFANTS PARCE QU'ILS ONT TELLEMENT ENVIE DE ME VOIR ?! » Il hurle, hurle, à s'en décrocher la mâchoire, jusqu'à cracher sur le parquet, jusqu'à trembler de tout ses membres en montrant la porte avec une rage qu'il réserve toujours à ce Cornelius qui ne le regarde jamais, qui ne le regardera jamais, et qui le traitera toujours comme une sombre merde. « OUI J'ETAIS BOURRE. NON JE N'AI PAS D'ARGENT. OUI J'AI PRIS TON NOM. NON JE NE T'AI PAS OUBLIE. ALORS PUTAIN CORNELIUS juste- »

La voix, enfin, se brise. Elle s'est brisée sur le nom, comme une bouteille de champagne vidée, comme un cognard désactivé, comme l'émotion qui soudain lui bloque la gorge. Il a les larmes qui sont à deux doigts d'exploser, de déborder, de prendre le contrôle. Il a suffi d'un prénom, il a suffi de réaliser que oui, effectivement, c'est Cornelius devant lui. Son visage se contracte, ses mains tremblent, il inspire profondément et se retourne, se passe encore et encore des doigts fébriles sur le visage, comme pour contenir ce qu'il a encore peur de voir surgir. Il finit par se poser contre le bureau, épuisé, lessivé, le visage défait, la respiration saccadée et la gorge sèche d'avoir tant crié. « ... juste... laisse-moi. S'il te plait. Humilie-moi un autre jour, demain si tu veux, demain j'irai mieux. Pas aujourd'hui, s'il te plait. »
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Ça avait toujours été ainsi ; tout le temps, depuis le début. C’était le principe même de leur duo, la base de leur "couple" — Cornelius ne bougeait jamais, et Ludo toujours. Pourtant, c’était un nerveux, Fudge. Un nerveux qui avait essayé de gommer tous ces traits d’anxiété parce que ce n’était pas quelque chose que les électeurs aimaient voir. Il évitait toujours d’avoir quelque chose dans ses mains parce qu’il allait imanquablement finir par le tordre, le froisser, le briser. Assis il croisait les doigts, pour ne pas les laisser tapoter avec inquiétude sur le rebord de la table. Sa gestuelle avait été retravaillée, mesurée, réduite à juste ce qu’il fallait pour interpeler, intéresser et convaincre : quelques gestes du bras, quelques mouvements de la main mais toujours les jambes droites, toujours le buste droit. Toujours droit. Cornelius avait appris à ne pas bouger — pour le travail. Ludo lui… explosait. Ludo c’était celui qui pendant les réunions bougeait sur sa chaise comme s’il chevauchait un balai, c’était celui qui ne pouvait pas rester tranquille deux minutes et qui devait absolument (pendant que tous les directeurs se concertaient sur le budget à allouer à la rénovation de l’hôpital) gribouiller sur ses feuilles des cognards, des vifs d’or, des emblèmes d’équipes nationales. C’était Cornelius qui attendait et Ludo qui venait. Ludo qui gesticulait et Cornelius qui regardait. Ça avait toujours été ainsi ; deux ans ne changeait rien à l’affaire.
Il l’avait presque senti arriver, et c’était certainement ce qu’il recherchait. Inconsciemment. Ce Ludo là l’effrayait, cette forme terne et maigre… n’était pas celui qu’il s’attendait à voir. Ce Ludo qui crachait de petites phrases faussement cynique n’était pas l’homme qu’il connaissait, et n’était pas celui dont il était… C’était lui l’homme des petites phrases. Ludo était celui des grands débordements. (Alors, prouve-moi que tu es encore là…) (Je veux t’entendre Ludo, je veux te voir comme avant.) (Prouve moi que tu es là.) Il avait poussé, comme il savait si bien le faire, presque malgré lui, il avait enclenché le levier et noté, à la soudaine lividité de son ancien amant, qu’il avait touché juste. C’était si simple. Presque risible. Il l’avait senti arriver, c’était ça qu’il voulait voir.

« DEGAGE ! » Il inspire seulement, quand l’explosion a lieu. Il inspire profondément. Peut-être de soulagement, peut-être pour se préparer au reste. Il inspire et ne bouge pas. Évidemment qu’il ne va pas partir, il n’était pas venu dans le fin fond de l’extrémité nord de Paris pour partir au premier cri. Il avait tenu plusieurs jours avec toute la population anglaise à gueuler sous ses fenêtres alors il avait de l’expérience en la matière. Mais deux ans c’était long, et il avait peut-être oublié à quel point les hurlements de Ludo étaient forts — à moins qu’il n’ait jamais crié comme ça sur lui. « DEGAGE ! CASSE-TOI ! MAINTENANT ! » Alors que Ludovic devient rouge, la main de Cornelius frôle le manche de sa baguette, il la tire à peine, la pointe très légèremet en direction de la porte et n’a pas besoin de murmurer la formule d’insonorisation pour que le sort fonctionne, afin qu’aucune infirmière ne débarque à ce moment là. La chambre est close, les cris ne s’échappent pas, ils résonnent plutôt, en boucle dans ses oreilles. Plus violemment qu’il n’aurait pu le croire. « TU VIENS POUR QUOI, EXACTEMENT, M’HUMILIER ? TU CHERCHES QUOI ? MES LARMES ? » Une pensée fugace le traverse alors : il a perdu la main. Il a diablement perdu la main, parce que fut un temps où il aurait su où s’arrêter avant de provoquer un tel éclat, où il aurait su avec plus de précisions quoi prononcer pour engendrer la réaction qu’il désirait voir. Là il n’en avait pas demandé tant, moins lui aurait suffit. Là c’était trop. Et ça vrillait ses oreilles, et ça serrait sa gorge. C’était trop — il n’aimait pas quand ça criait aussi fort. Mais surtout, fut un temps où il aurait su exactement quoi dire, quand le dire et sur quel ton le dire pour calmer Ludo. Un mot doux, un geste affectueux et un sourire — c’était une formule qui marchait il y a quelques années, mais maintenant il ne parvenait même pas à l’envisager. « QUE JE CRIE ? »
C’était en effet l’objectif mais pas aussi fort Ludovic. Tu sais que je n’aimes pas ça. Mais pourtant tu le fais. Et je sais que tu détestes quand je te regarde comme ça, quand je te parle comme si tu n’étais qu’un gosse capricieux, et pourtant je le fais. Tu as peut-être le droit de crier au final. Tu as peut-être raison, je suis venu pour te voir hurler, pour t’humilier, pour te voir pleurer. J’ai l’impression que tu le mérites, après tout. Toi aussi tu m’as lâché, toi aussi tu m’as humilié, toi aussi tu m’as fait pleurer à un moment où je n’en avais pas besoin. « EH BIEN TU AS GAGNÉ, VOILÀ, JE CRIE ! J’AI CRIÉ ! TU AS ENCORE DU POUVOIR SUR MOI. » Il n’y a aucune sourire de satisfaction sur le visage de Cornelius, il n’a pas envie de se réjouir de cette constation et pourtant il ne peut s’empêcher de sentir son ventre se serrer ; tant mieux alors. « JE PENSE À TOI, JE PRENDS TON PUTAIN DE NOM DE MERDE COMME UNE PUTAIN DE JOUVENCELLE » C’est là qu’il tente, le sourire (crispé), le geste de la main (trop court) et le ton affectueux (pas assez ferme) « Lud- » Et comme il l’avait senti, ça ne marche pas. Il avait peut-être encore du pouvoir sur cet homme, mais pas celui qu’il avait pris l’habitude de posséder. Ludo ne se laisse pas interrompre, ne remarque même pas la tentative « … TOUJOURS PAS D’ARGENT. » Pourquoi tu ne te tais pas maintenant ? Pourquoi ça ne fonctionne plus ? Les choses, avant, étaient plus simples. Bagman avait toujours donné l’impression de maîtriser la relation, parce que lui assumait alors que Fudge était constamment dans le doute, et surtout dans la dissimulation. Mais c’était si facile de contrôler Ludo, qui a toujours été un gouffre à affection. Lui promettre un sourire, un mot, suffisait pour qu’il soit docile. Et maintenant ? Le pouvoir que le pauvre coucou en face de lui lui assurait de posséder encore n’intéressait pas Cornelius. Tout simplement parce que Ludo possédait le même sur lui.
Maintenant qu’il l’avait vu, maintenant qu’il n’était qu’à quelques mètres, à peine, de lui il ne voulait pas le laisser. Il jouait l’indifférent alors qu’il ne l’était pas, tout comme Ludovic lui gueulait de partir alors qu’il ne le voulait pas.

Ludo continue à déverser sa rage, Cornelius continue de le regarder, sans bouger ; inspirant seulement profondément, et expirant tout aussi lentement. Une part de lui lui murmure que ces critiques sont fondées, il avait toujours été méprisant avec Bagman quant aux questions d’argent (mais aussi ? pourquoi se comportait-il comme un enfant ?) et il aurait dû certainement agir avec un peu plus de douc- « ME RAPPELER QUE JE NE SUIS RIEN ? » Il n’a pas conscience, Cornelius, d’avoir laissé cette image. Il n’a pas envie de laisser cette image. Mais maintenant c’est sans doute trop tard. « … RAMENER CHRISTIANNE ET LES ENFANTS PARCE QU’ILS ONT TELLEMENT ENVIE DE ME VOIR ?! » Cette fois il ouvre la bouche, parce que bien entendu, il fallait que Ludo évoque Christianne ! Le sacro saint sujet de confrontation. Mais visiblement il n’était pas au courant, au courant que son ex-femme n’entrait plus dans l’équation. Pas le temps de le contredire pourtant, Fudge a une voix qui peut porter, mais elle n’est rien face à la force de frappe de celle de Bagman. « OUI J’ÉTAIS BOURRÉ. NON JE N’AI PAS D’ARGENT. OUI J’AI PRIS TON NOM. NON JE NE T’AI PAS OUBLIÉ. ALORS PUTAIN CORNELIUS juste… »
Et le flot s’arrête. Si brusquement que ça lui coupe son souffle, à lui alors qu’il regarde Ludo trembler en face. Et c’est une des rares fois où il a envie de se lever, pour aller vers lui. Juste pour lui dire que…
Pour lui dire quoi ? Il pouvait répondre point par point à sa diatribe. Il pouvait lui rétorquer phrases par phrases pourquoi il avait agit ainsi et lui prouver par A+B qu’il avait toujours, toujours eu raison. Mais le même sentiment qui voulait le pousser à se lever lui intimait de ne pas jouer à ce jeu là. Parce qu’il savait qu’il gagnerait, quitte à gagner seul contre lui-même, c’était simplement un jeu de persuasion. Cornelius avait autant besoin de se persuader lui-même que Ludo qu’il n’avait pas autant merdé qu’on le pouvait croire. N’est-ce pas ?
Mais il n’arrive pas à se décider, et Ludo se tourne, puis s’adosse contre le bureau. « … juste… laisse-moi. S’il te plait. » Il ne hurle plus maintenant. Mais c’est presque pire d’entendre cette voix là. Ce n’était pas ce qu’il voulait. « Humilie-moi un autre jour, demain si tu veux, demain j’irais mieux. Pas aujourd’hui s’il te plait. » Qu’il ne lui fasse pas croire que demain ça ira mieux non. Il était parti le 28 juin 1995 et depuis rien n’allait mieux. Chaque jour passé depuis ne faisait qu’empirer la situation, à tous les niveaux. Qu’il ne lui fasse pas croire qu’il suffisait d’une nuit pour que tout aille mieux alors que Cornelius avait constaté qu’il ne suffisait au contraire que d’une nuit pour que tout soit ébranlé. Rien n’allait et ce n’était pas douze heures de répit qui allait améliorer l’affaire. Au contraire. Il pouvait arriver tellement de chose — si lui l’avait retrouvé, qui d’autres pouvaient le faire ? Qui sait, s’il décidait de partir maintenant pour revenir demain et ne trouver qu’une chambre vide ? Non, qu’on ne lui fasse pas croire ça. Ils se séparent pendant deux ans et quand ils se retrouvent, ils en sont à ce point là ? Pourquoi perdre encore une journée pour tout laisser se déliter ?
Si je reviens demain, tu auras disparu. J’ai rien d’autre à faire Ludo… rien, parce que j’ai plus rien que du temps à tuer. Tu mérites certainement mieux que mon temps mais… c’est ce que je peux te donner. Maintenant que je suis là ça ne sert à rien de lâcher.

« Je pense que je vais plutôt rester, d’accord ? » Il fait attention à son ton, il essaye de le garder bas, de ne pas mettre dedans cette voix professorale qui énerve tant de gens. « J’ai pas envie d’attendre demain alors que ça fait déjà deux ans… » Il expire plus longuement encore que les autres fois « … et je n’ai pas envie de partir. » Il inspire, et c’est le silence dans la pièce. Après les cris de Ludo, tout semble mort. « Je ne viens pas pour ça, je ne viens pas pour... Je ne sais même pas pourquoi je suis venu. C’était idiot, ok ? » Cette fois il étouffe un léger rire d’auto-dérision, parce que oui c’était idiot. « Tout me manque dans ce pays. Et je mettais tout dans le même panier. Puis j’ai juste entendu ton nom et je me suis rappelé que peut-être y avait deux paniers différents. » Il avait juste entendu son nom, comme une piqûre de rappel, pour lui faire se souvenir que c’était en partie pour ça qu’il avait mal au coeur. « Celui à propos duquel je ne pouvais rien faire et… toi. Je suis pas vraiment arrivé ici par hasard pour découvrir par hasard qu’un homme y séjournait avec par hasard ton prénom et mon nom de famille. J’ai pas ce genre de chance en générale. J’ai cherché. J’ai appelé et je peux te dire que les moldus et la discrétion professionnelle, ils ne rigolent pas. Heureusement tu ne passes pas si inaperçu que ça. » Il passe sa main sur ses yeux : « Je voulais te voir, d’accord ? J’aurais peut-être dû prévenir mais… je croyais me souvenir que tu aimais les surprises et les initiatives. Je peux juste… » Il hausse les épaules : « Viens, s’il te plait. Viens plus près. J’ai pas traversé la Manche et la Seine pour que tu me tournes le dos. » Il tend légèrement sa main.
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Ludo est fatigué. C'est débile à dire, mais Ludo, d'habitude, n'est jamais fatigué. Depuis qu'il n'est qu'un enfant, il n'a jamais rencontré quiconque avec la même rage de vivre que lui. Il dévore la vie et tout ce qu'elle lui offre avec une avidité inégalée. Il ne s'arrête jamais. Il ne se pose pas de questions. Il explose tout sur son passage en réclamant, et obtenant, tout ce qu'il désire. Il a épousé la plus belle femme du monde, alors que tout le monde leur hurlait que c'était de la folie. Il est devenu le meilleur batteur au monde. Il est devenu directeur de département sans avoir à lever le petit doigt. Il est devenu l'amant de Cornelius Fudge. Il a eu la richesse, l'amour, la célébrité, la gloire et l'excès. Il a eu l'alcool, la drogue, l'orgasme et, en plus de tout cela, il a eu la tendresse du regard d'un homme marié qui, pourtant, lui appartenait. Il a tout eu, et il ne l'a pas eu par hasard. Derrière cette légèreté, Ludo est quelqu'un de capable d'enfoncer ses ongles jusqu'au plus profond de sa propre chair pour obtenir ce qu'il veut.
Ludo est infatigable. Cela faisait souvent rire Cornelius, d'ailleurs, lorsqu'il en réclamait encore, encore, toujours. Aujourd'hui, Ludo ne réclame plus, il est fatigué. Il n'est jamais fatigué, Ludo. Mais là, ça fait un an qu'il est fatigué et qu'il traine son abominable carcasse à travers des couloirs trop gris. Il a soif, il est fatigué d'avoir soif. Il a envie, de beaucoup de choses, de tant de choses, et pourtant il n'a même pas la force de tendre le bras vers elles.

« Je pense que je vais plutôt rester, d'accord ? » Il frémit, au son de sa voix soudain plus douce. Il ferme les yeux, comme si cela allait l'empêcher de parler. Il veut dormir, juste dormir et oublier. « J'ai pas envie d'attendre demain alors que ça fait déjà deux ans... » Ludo sent des ongles s'enfoncer au creux de son ventre en se souvenant que, oui, cela fait deux ans. Le vrai Ludo aurait sûrement sauté au cou de Cornelius, après deux ans d'absence. Il s'en serait moqué des circonstances, des méchancetés, de Christiane, cela n'aurait pas eu d'importance. Il aurait juste traversé l'espace qui les sépare et il aurait tout mis en œuvre pour le ramener vers lui. Il l'aurait récupéré, coûte que coûte. Mais Ludo est trop fatigué pour ça, aujourd'hui. « ... et je n'ai pas envie de partir. » En d'autres circonstances, rien que pour ça, il serait déjà à ses pieds. Il implorerait déjà son pardon. Il y a deux ans, il pleurerait et rirait déjà dans son coup en lui susurrant des propositions salaces. Aujourd'hui, cependant, il reste silencieux comme la mort, les yeux fermés, fatigué, épuisé.
« Je ne viens pas pour ça, je ne viens pas pour... Je ne sais même pas pourquoi je suis venu. C’était idiot, ok ?  » Oui, c'était idiot. Cornelius n'aurait pas du venir. Parce que même s'il est tendre, même s'il se laisse aller à l'émotion, Ludo ne bouge pas. Il ne le regarde même pas, alors qu'il aurait du être pendu à ses lèvres. Il n'a pas l'air bien, Cornelius. Il le comprend bien, parce qu'ils se comprennent si bien, deux ans de distance n'effacent pas la décennie à s'aimer. « Tout me manque dans ce pays. Et je mettais tout dans le même panier. Puis j’ai juste entendu ton nom et je me suis rappelé que peut-être y avait deux paniers différents.  » Ludo a envie de rire, de l'entendre parler comme ça, mais aucun son ne passe ses lèvres. Qu'est-ce qu'il lui raconte, avec ses paniers différents ? Qu'est-ce qu'il cherche à obtenir, exactement, avec ses belles paroles ? Ludo n'en veut pas. Il veut juste qu'il parte. Il lui a dit, pourtant, de partir.
Pourquoi est-ce qu'il ne l'écoute jamais ?

« Celui à propos duquel je ne pouvais rien faire et… toi. Je suis pas vraiment arrivé ici par hasard pour découvrir par hasard qu’un homme y séjournait avec par hasard ton prénom et mon nom de famille. J’ai pas ce genre de chance en générale. J’ai cherché. J’ai appelé et je peux te dire que les moldus et la discrétion professionnelle, ils ne rigolent pas. Heureusement tu ne passes pas si inaperçu que ça.  » Il l'écoute, sans y croire. Cette histoire ne ressemble pas à Cornelius, tout comme son silence ne lui ressemble pas. Il n'est pas censé parler autant, ni être aussi ému en le faisant. Cornelius, c'est l'homme marié, puissant, inaccessible, vers lequel Ludo court inlassablement sans jamais avoir la véritable importance. Alors Ludo n'est pas censé rester prostré dans un coin, et Cornelius n'est pas censé lui courir après, presque fébrilement. Ce n'est pas censé se passer comme ça. Auraient-ils changé ?
« Je voulais te voir, d'accord ? » Cette phrase, enfin, fait ouvrir les yeux au batteur. Il ouvre les yeux et regarde enfin Cornelius, qui a soudain l'air si petit, si faible et démuni, tout seul, assis sur ce trop grand lit, à le fixer avec une émotion qu'il ne lui a, peut-être, jamais connu. « J’aurais peut-être dû prévenir mais… je croyais me souvenir que tu aimais les surprises et les initiatives. Je peux juste…  » Il ouvre la bouche, sans pouvoir articuler un son. Oui, il aime les surprises et les initiatives, mais Cornelius n'est pas du genre à en faire. Il est ordonné, organisé, et il ne prend pas de risques, jamais. Parce qu'il a trop à risquer. Alors quoi, maintenant qu'il n'a plus rien, il peut se permettre de vraiment vouloir Ludo ? Il est ce qui reste ? Il n'y a plus rien, alors contentons-nous de lui ? Que cherche-t-il ? Que se passe-t-il ?
Parce que Ludo s'en fiche, il s'en fiche complètement d'être l'issue de secours, d'être la dernière roue du carrosse, d'être le petit caprice dont on se contente quand tout le reste est en flammes. Tant qu'on le choisit.

« Viens, s’il te plait. Viens plus près. J’ai pas traversé la Manche et la Seine pour que tu me tournes le dos.  » Ludo tremble, brusquement, comme si tout son corps le démangeait de le rejoindre. Et là il tend la main. C'est idiot, c'est ridicule, comme les souvenirs affluent à la vue de cette pauvre main qui se lève vers lui, pour l'appeler. Depuis combien de temps espère-t-il qu'on lui tende la main de la sorte ?
Il a d'abord un mouvement de recul, comme effrayé de cet homme méconnaissable qui, soudain, semble lui porter toute l'affection et l'attention du monde. Il y a quelque chose de rayé dans le disque. Parce que Ludo ne crie pas si fort, et parce que Cornelius n'implore pas si bien. Il y a quelque chose qui cloche et qui, du coup, sonne atrocement juste. Dans toutes ces horreurs, dans leur peine, dans leurs vies détruites et mises à néant, il y a juste une chose, une seule, qui sonne juste.
Il fait un pas vers lui. Deux.
La chambre est si petite qu'il est déjà juste devant lui.
Il se laisse glisser sur le sol, épuisé, et, sans un mot, se penche pour poser sa tête contre son ventre, puis ses bras autour de lui, et son visage qu'il enfouit contre sa poitrine. L'odeur, inchangée, de Cornelius l'agresse presque. Il a l'impression de s'évanouir contre lui, de disparaître de pouvoir le toucher et il se sent soudain pris de court, la respiration bloquée, complètement noyé par l'émotion.

Doucement, il se met à pleurer. Il pleure rarement, au fond, tellement il est habitué à crier. Il n'a plus la force de crier, cependant, et il se laisse juste aller aux larmes. Il hoquète contre Cornelius, complètement démuni, abandonné, seul, et pourtant avec lui. « Je... je... je ne sais plus quoi faire. » Il a toujours su quoi faire, Ludo, toujours des projets, des désirs, des caprices à n'en plus finir. Il n'est jamais perdu, parce qu'il est toujours déterminé à récupérer ne serait-ce qu'un petit accessoire. Il n'est jamais fatigué. « Je suis fatigué... vraiment fatigué... je ne sais pas ce que je suis censé faire... après. » Il murmure, très doucement, entre deux sanglots, tout en s'accrochant à Cornelius comme on s'accroche à une bouée de survie. « Je ne joue plus, je ne bois plus, je ne consomme plus rien mais du coup... mais du coup... il me reste quoi, à moi ? » Il n'est pas du genre à s'apitoyer sur lui-même, à pleurer, à demander aux autres ce qu'il est censé faire. Ludo est un électron libre qui n'a jamais su ne serait-ce qu'écouter l'opinion des autres. Aujourd'hui, cependant, il n'est plus rien qu'un gamin apeuré et fragile, à qui on a retiré les piliers de tout son personnage fantasque et merveilleux. Il n'y a plus de grand Bagman, et il ne reste plus qu'un petit Ludo. « Ne pars pas.... ne me laisse pas... »
Il le supplie. Il ne supplie jamais. Il exige, il ordonne, il arrache de force ce qu'il désire. Il ne supplie pas. Il est juste tellement fatigué...
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Cornelius Fudge & Ludovic BagmanMake up for the time you wasted. Come slowly. Claim back the boy you left behind and Close the white book. Unplug the brain from the game. It's time to wipe out to the bar get on the fame
Il ne se lève pas, et ne se serait pas levé — parce qu’il n’en avait jamais eu besoin. Ludo ne pouvait pas résister, son Ludo devait craquer. Il garde la main tendue, c’est peut-être son maximum. Son maximum aujourd’hui, le plus qu’il ait fait une dizaine d’année de relation ; le maximum qu’il lui ait donné de sa propre initiative ; le maximum qu’il pouvait faire face à un Ludovic qui lui tournait le dos. Cornelius ne se risquait jamais autant. En politique comme dans les relations, il ne tentait pas le diable et tendait pas le bâton pour se faire battre. Avant, avant quand Ludo faisait ses caprices, quand Ludo faisait ses grands gestes et jouait sa reine Cornelius n’aurait jamais même pensé à lui tendre la main, à lui demander (à le supplier) de faire un pas vers lui. Non il le laissait faire, et s’il devait partir, qu’il parte — lui avait des choses sérieuses à faire. Et Ludo reviendrait le lendemain, si ce n’était pas dans quelques heures.
Là pourtant il fallait le pousser un peu, il fallait l’aider, visiblement. Parce que ça faisait deux ans. S’il ne le demandait pas, lui Ludovic pourrait très bien rester là. Immobile.
C’était assez horrible, Cornelius n’a pas envie de ça. Il n’a pas envie, maintenant qu’ils se voyaient, qu’il l’avait trouvé, dans le fin fond de Paris, de devoir repartir sans lui, ou du moins sans l’avoir touché, sans l’avoir senti. En réalité… peut-être bien que… s’il avait fallu se lever, il l’aurait fait.
Ne me force pas à me lever Ludovic.
Ça lui faisait peur de devoir peut-être aller jusqu’à là — une main tendue, ça se rattrapait vite, ça se rangeait d’un air nonchalant ; on hausse les épaules et on la cache dans son dos, l’air de rien. C’était dissimulable, si en face on obtenait aucune réponse. Alors que s’il se levait, s’il faisait un pas vers lui… Pour se faire rejeter. Je sais que je te l’ai fait. Et tellement de fois. Des « Ludo tu crois que j’ai le temps là ? » quand il le voyait arriver avec son large sourire, des « Est-ce que j’ai une tête à faire attendre cette réunion pour tes beaux yeux ? », des « Je serais à toi quand j’aurais fini de lire ce memo, ces lettres, ce etc. » Ludo lui tendait la main dix fois par jour et il le rejetait neuf fois sur dix. Ça marchait du moment qu’il acceptait la dixième. Je suis désolé Ludo. Lui il ne supporterait pas qu’on le lui fasse.

Il le voit peut-être hésiter, mais finalement Ludo fait un pas en avant, et deux pas, et se retrouve bientôt près de lui. Cornelius plie légèrement ses doigts alors qu’il se tient si près maintenant. Puis Ludo se laisse tomber, par terre, contre lui. Quand il touche le sol, Cornelius a presque peur de le voir se briser, tant il lui semble maigre. Mais il s’accroche à lui, et il sent qu’il a encore un peu de force, le visage contre sa chemise, il finit par baisser sa main pour la poser sur sa nuque, comme une tentative d’enlacement. Le sentir là, contre lui, est si étrange. Parce que c’est Ludo mais… une version moindre de Ludo. Une version si légère qu’il le sentait à peine. Il met un peu plus de pression sur la nuque de son ancien amant, pour s’assurer qu’il était bien là et qu’il n’étreignait pas de l’air. Parce que ça semblait si irréel.
Il lui passe son autre main dans ses cheveux, alors qu’il l’entend soudain pleurer. Ludovic Bagman ne pleurait pas ; tout comme lui ne pleurait pas non plus — pas quand il y avait quelqu’un pour voir en tout cas. Ludo lui il hurlait. Cornelius lui il regardait. Toujours, toujours. « Je... je... je ne sais plus quoi faire. » Sa main dans les cheveux de Ludo se fige. Lui non plus ne savait pas quoi faire, ils étaient tous les deux si loin de leur environnement naturel, si loin de tout ce qu’ils connaissaient ; tout était chamboulé. La preuve, Ludo pleurait, Cornelius implorait, ils n’avaient tous les deux aucun pouvoir… hormis l’un sur l’autre… et c’était sans doute la seule chose qui n’avait pas tant changé. « Je suis fatigué... vraiment fatigué... je ne sais pas ce que je suis censé faire... après. » Moi non plus. Je te comprends, Ludo. Je suis fatigué mais on continue d’avancer, sans vraiment savoir pourquoi, ni vers où. On a plus rien, plus d’objectifs. Et pourtant on continue… Et on ne sait même pas pourquoi.
Moi je me suis peut-être juste enfui pour pouvoir te sentir encore une fois contre moi. Parce que tu l’avais prédit, ça me manquerait. Ça m’avait manqué. Maintenant que je te sens là, je m’en rends atrocement compte.
« Je ne joue plus, je ne bois plus, je ne consomme plus rien mais du coup... mais du coup... il me reste quoi, à moi ? » Je ne sais pas… Et Cornelius savait pourtant, que la bonne réponse, en tout cas la réponse à dire en cet instant c’était : moi ou quelque chose du même goût. Mais il n’arrivait pas à le prononcer. Parce que comment il aurait réagi, s’il avait à Ludo qu’il n’avait plus rien, qu’il avait tout perdu, sa famille, son métier, son pays et qu’il aurait eu le culot de lui répondre que… lui était toujours là ? Certainement pas très bien. « Ne pars pas.... ne me laisse pas... » Il se penche vers lui et pose ses lèvres doucement sur sa tête, embrasse ses cheveux. Et maintenant qu’il l’a senti au bout de ses lèvres, comment il pourrait partir ? Il sait y faire Ludo, et il sait comment le harponner. « Je n’ai pas envie. » Il l’embrasse une deuxième fois sur ses cheveux. Il voudrait pouvoir recommencer, encore et encore. Et fermer les yeux et oublier où ils se trouvaient. « Je ne suis pas venu pour repartir sans toi. » En fait il ne savait pas pourquoi il était venu, mais maintenant qu’il était là, il ne pouvait pas ignorer la réalité. Il était venu pour lui. Pour repartir avec lui.
Parce qu’il n’y avait plus que Ludo.
Que Ludo c’était mieux que rien.
Que Ludo c’était…
Ludo.
Il tend sa main pour lui prendre le menton et doucement soulever son visage vers le sien. Ses yeux rouges, ils lui brisent le cœur. « Si tu veux bien venir avec moi… je t’emmène loin d’ici. C’est pas fait pour toi ici Ludo. C’est pas fait pour toi. » Dans tous Paris, dans la ville des Lumières il a fallut qu’il trouve l’endroit le plus terne. Qui lui avait tout pris de sa couleur. « Si tu veux pas que je te laisse, viens avec moi quand je devrais partir. » Il se penche, et son front touche le sien. « Toi me laisse pas. Ne me laisse plus. » Tu l’as déjà fait une fois, c’est amplement suffisant.
Plus jamais.
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Cornelius Fudge & Ludovic BagmanMake up for the time you wasted. Come slowly. Claim back the boy you left behind and Close the white book. Unplug the brain from the game. It's time to wipe out to the bar get on the fame
Il peut être absolument paralysant de faire quelque chose qu'on a jamais osé faire auparavant. Il y a toujours un truc, même minime, que l'on a jamais osé dire, ou faire. Cela peut être pour des raisons absolument absurdes, et on peut se bloquer ainsi des années par simple imbécillité. Lorsqu'on est en couple avec Cornelius Fudge, ce genre d'instinct est particulièrement simple à développer. Tous deux, Ludo et Cornelius, sont des êtres extrêmement fiers, voire orgueilleux. Ils ont leurs lois, leurs règles, aussi stupides soient-elles. Cornelius parcourait des kilomètres et déplaçait des montagnes pour rejoindre Ludo, mais était incapable de se lever pour lui. Ludo criait, hurlait, tempêtait et sacrifiait tout son honneur, mais ne suppliait pas. Avant aujourd'hui.
On se sent tellement vulnérable, quand on fait quelque chose d'inédit. Ludo est habitué au rejet, à l'échec, surtout lorsqu'il s'agit de l'ancien Ministre. Il a toute une armure, en métal ou en caoutchouc, c'est complexe à définir, et ses refus rebondissent sur cette armature blindée. Il y a quelque chose, au fond de Ludovic, de si profondément narcissique qu'il sait que Cornelius l'aimera toujours. Qu'il le veuille, ou qu'il le laisse le vouloir, c'est une autre histoire. Mais jamais Cornelius n'aimera quelqu'un comme il aime son Ludo. C'est juste impossible. Alors il se confronte à ses refus avec insolence. Sans supplier. Jamais supplier. Et c'est comme si, par cet acte si anodin, au fond, il se mettait soudain complètement à nu.

Il faut savoir tout cela, pour comprendre à quel point le simple contact des lèvres de Cornelius sur le dessus du crâne sanglotant de Ludovic provoqua une émotion profonde en lui. Les larmes qui sont soudain au bout des yeux ne sont plus de détresse, mais d'un soulagement qu'il ne savait pas attendre depuis si longtemps. Comme un immense poids lui glissant des épaules. « Je n'ai pas envie. » Ludo est dans un désert depuis des mois, plus de tendresse, plus de passion, plus d'excès, et son cœur n'a pas battu autant la chamade depuis des mois. Il a l'impression qu'il va le perdre, d'ailleurs, tant cela fait même mal de ressentir autant. C'est trop d'un coup, soudain, et il sent déjà que tout dérape. Déjà, Cornelius reprend son ancienne place, celle où il est tout ce qui compte, celle où il pourrait tout donner, tout supporter pour lui. Il est de nouveau Directeur des Jeux et Sports Magiques, et Cornelius rigole de ses blagues en fermant la porte du bureau, avant de lui sauter dessus, parce que cela fait trois semaines qu'il ne se sont pas vus en privé.  Cela fait deux ans qu'ils ne se sont pas vus.
« Je ne suis pas venu pour repartir sans toi. »
Il le sait, bien sûr, Ludo le sait que Cornelius est venu le chercher. Il ne s'attendait pourtant pas à ce qu'il le dise. Cornelius n'en a jamais dit autant, de leurs dix ans de relation, il n'en a jamais sous-entendu autant. Il peut sentir une main sur son menton remonter son visage encore mouillé de larmes, mais les yeux secs du choc de l'émotion. Il croise son regard. C'est fou qu'il aime autant, même s'il a pris dix ans en vingt-quatre mois. « Si tu veux bien venir avec moi… je t’emmène loin d’ici. C’est pas fait pour toi ici Ludo. C’est pas fait pour toi.  » Ses mots coulent comme de l'eau clair dans son corps, dans ses veines. L'espoir revient. Quelqu'un lui dit enfin ce qu'il se murmure à lui-même depuis des mois, sans savoir quoi faire d'autre. Cornelius est l'autre chose à faire. Cornelius le sauvera. « Si tu veux pas que je te laisse, viens avec moi quand je devrais partir. » Oui, bien sûr que c'est oui, mais l'émotion lui cloue la gorge. Il n'arrive pas à articuler le moindre mot, tant il est hypnotisé, soudain, par la fragilité de son amant. Leur front se touche, il se sent comme noyé dans cette tendresse si fine, si subtile, parfaitement propre à Cornelius. « Toi me laisse pas. Ne me laisse plus. » Il va étouffer. Il n'arrive plus à respirer. Alors il l'embrasse.

Soyons honnêtes, Ludo a embrassé d'autres gens entre temps. Pendant un an d'excès, d'alcool et de perte en France, il a eu le temps de foutre bien des choses en l'air. Embrasser, Cornelius, pourtant, et surtout en cet instant, n'a rien à voir. Il a eu à peine à se redresser pour le toucher, et il a eu à peine à bouger les lèvres pour sentir tout son corps irradier d'un contact qu'il pensait avoir définitivement perdu.
Il n'a jamais vu Cornelius aussi faible, aussi vulnérable. Cornelius, aujourd'hui, lui est offert. Et Ludovic, passé les quelques secondes où il se contente juste de sentir le tremblement de l'ancien Ministre, retrouve son appétit caractéristique. La caresse du premier baiser se transforme, alors qu'il se redresse doucement de son accroupissement, pour être face à Cornelius, puis le pousser, puis l'allonger sur le lit, embrassant toujours avec plus de fougue cet homme qui lui appartient.
Cornelius lui appartient. Cornelius ne montre qu'à lui ce genre de chose. Il ne vient chercher que lui. Il n'y a que lui qui lui importe. Ludo qui vit de gouttelettes depuis des années se régale soudain sur un torrent de réciprocité, et il s'y noierait.

Il s'écroule un instant presque sur lui, son profil collé au sien, sentant sa respiration contre son torse, se gorgeant de le sentir si proche. Il a envie de lui faire l'amour. Il a envie de revendiquer de nouveau chaque parcelle de son corps. Avant cela, cependant, il se redresse légèrement, le surplombe, lui sourit. Il faut qu'il lui réponde, tout de même : « Oui. » Il rit, dans sa réponse, un rire de joie, presque celui d'avant. Il embrasse fougueusement son front. « Bien sûr que je viens avec toi, pauvre chouchou. » Ce surnom, utilisé pour la première fois dans la lettre avec tant de rage, est cette fois murmurée avec une folle tendresse. Il lui caresse les cheveux, du bout des doigts. « Je te suis où tu veux, tu le sais. » Il se sent extatique, heureux, entier. Un seul détail, pourtant, reste à régler. « Mais seulement si tu divorces. » Il roucoule ces mots, ils roulent comme un trésor, parce qu'il sait que, cette fois, Cornelius n'a pas le droit de lui dire non. Il ajoute d'ailleurs, avec une cruelle malice : « Ou je me tue. »
On aurait pu rire de ce genre de promesse, s'il l'avait hurlée comme à son habitude mais il faut toujours se méfier du Ludo qui murmure.
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Cornelius Fudge & Ludovic BagmanMake up for the time you wasted. Come slowly. Claim back the boy you left behind and Close the white book. Unplug the brain from the game. It's time to wipe out to the bar get on the fame
Soyons honnêtes, depuis leur séparation, Cornelius n’a pas embrassé grand monde. Christianne, sans doute — leur mariage avait survécu un an après le départ de Ludovic, il se respectait assez pour penser qu’il avait dû embrasser sa femme durant ce laps de temps… même si les souvenirs de cette année n’étaient pas particulièrement précis. Il ne s’était pas vraiment rendu compte que sa gorge était serrée, mais serrée. Quand Ludo se redresse, quand il avance son visage vers lui la pression redescend. Soudainement. Étrangement. Ce n’était pas l’effet habituel, en temps normal il ne se sentait pas soulagé quand Ludo l’embrassait. Sauf dans le lieu clos de la chambre. Il avait toujours eu cette pointe de stress, ailleurs — et si quelqu’un nous voyait ? Mais là ? Et si quelqu’un entrait ? Qu’est-ce que ça pouvait bien faire ? Personne ne savait qui était Ludo, personne ne savait qui était Cornelius ; les parisiens se moquaient bien d’eux. Et Fudge se moquait bien des parisiens. Alors quand il sent la bouche de Bagman contre la sienne, il expire. Le nœud de sa gorge lâche. Il a sa main toujours sur la mâchoire de Ludo, et ses doigts tremblent contre sa peau.
Il avait pu penser ne jamais retrouver ça. Ne jamais le retrouver lui et maintenant… Quand Ludo se redresse, même aussi maigre, il semble à Cornelius qu’il retrouve un peu de l’ancien. De l’ancien Ludovic tellement plus grand, qui le poussait sur le canapé, sur le fauteuil, sur le bureau, sur le lit, en le dominant depuis son mètre quatre-vingt et quelques. Il se laisse complètement faire, parce qu’il en a besoin. Et il n’essaie pas de trop penser.
Il ne veut pas donner raison à Ludo, mais c’est vrai qu’il en a besoin, c’est vrai qu’après son départ il a pensé à lui, c’est si vrai qu’il lui a manqué. À s’en cogner la tête contre les murs, il détestait ressentir ça. Il avait autre chose à faire que de se soucier de Bagman, non ? Pourtant il n’avait jamais pu se l’ôter complètement de la tête pendant un an. Puis ça a été la dégringolade.

La seule chose à laquelle il accepte de penser, c’est que le matelas du lit n’est pas confortable, un savant mélange entre la dureté et la molesse désagréable. Cornelius songe qu’il n’aurait pas aimer dormir dessus plusieurs nuit de suite. Mais se faire embr- Il sent le souffle de Ludo qui colle à ses baisers. Il sent ses mains contre lui. C’est à la fois tendre et dur — comme le matelas. Il songe qu’il pourrait sans doute supporter ça plusieurs nuits. Mais finalement Ludo s’écarte, le regarde de là-haut et il… sourit.
C’était plus ce à quoi Cornelius était habitué, un Ludo souriant, un Ludo satisfait, un Ludo qui riait. « Oui. » Oui ? Fudge a du mal à se remettre dans la conversation. Ne me laisse pas. Il ne s’attendait pas, en réalité, à une réponse. Évidemment qu’oui, bien sûr que Ludo répond oui, c’était si évident que ce n’était pas la peine de préciser. Il a lui-même un léger sourire, quand Ludo se penche pour l’embrasser au front. « Bien sûr que je viens avec toi, pauvre chouchou. » Chouchou ? Ça devrait l’énerver, ça aurait dû l’agacer, parce qu’il avait pâli la dernière fois (qui était aussi la première fois) que Ludovic l’avait appelé ainsi. C’était huit lettres tracées sur un parchemin. Mais là ce n’était pas seulement des lettres, c’était la voix de Ludo qui murmurait à son oreille — comme seul Ludo savait le faire, doucement, avec dans le ton de sa voix une sorte d’adoration.
C’est pour ça qu’il ne s’énerve pas. Il aime tellement quand Ludo prend cette voix là pour lui.
« Je te suis où tu veux, tu le sais. » Ses mains dans ses cheveux le détende, il ne sait pas comment ils sont passés des cris aux caresses aussi rapidement. C’en était presqu’inquiétant. Il n’avait pas prévu que Ludo crie autant, tout comme il n’avait pas prévu que Ludo se retourne aussi vite pour lui sauter dessus. C’était inquiétant de voir à quel point il ne le contrôlait plus. Et inquiétant de voir à quel point, lui, Cornelius, se laissait faire. Encore plus inquiétant de voir qu’il paraissait fort bien s’en accomoder. Je te suis où tu veux. Mais ces paroles là, avec cette voix là, avait le don de le calmer.
il voulait. Ce que lui voulait. Parfait.

Il n’y a aucun changement de ton lorsque Ludo aborde les conditions — il reprenait vite ses habitudes. « Mais seulement si tu divorces. » Cornelius sent sa nuque de raidir brusquement. C’était une constante chez Bagman, de toujours tout vouloir, de tirer la couverture, de tirer sur la corde, de tirer, tirer jusqu’à ce qu’en face, ça finisse par craquer. Le divorce… avait été une grande question de leur relation pendant longtemps. Enfin une grande question pour Ludo, parce que pour Cornelius le mot même n’avait pas lieu d’être — il n’était pas question qu’il se sépare, et il lui avait dit et redit. C’était assez ironique, maintenant, d’y repenser au vu de sa situation actuelle. Il essaye de ne pas trop y penser, pour ne pas prendre de nouveau conscience de la catastrophe sociale qu’est sa vie depuis deux ans. « Ou je me tue. » Il se redresse, sur ses coudes. Déjà tendu de nouveau.
Ou je me tue. Il retrouvait l’ancien Ludo.
Il aurait dû être content, sans doute, mais ce n’était pas la partie qu’il appréciait le plus chez Ludovic. Le chantage émotionnel. C’était surtout désarmant. Parce que cette phrase, là, venait de lui retourner le cœur. Alors qu’il y avait cinq ans, elle l’aurait fait rire. Il aurait tapoté l’épaule de son amant avec un petit « S’il te plait, évite, j’ai mieux à faire que de me trouver un nouveau Directeur pour les Jeux et Sports. » agrémenté de ses bons vieux sourires paternalistes. Impossible de faire correctement culpabiliser Fudge, parce qu’il ne se sentait coupable que d’une chose : mal faire son travail. Et Ludovic c’était du loisir. C’était dispensable, tout du moins c’était ce qu’il avait cru. Maintenant il savait que c’était faux. Et il en pouvait juste pas sourire et balayer la remarque d’un revers de la main.
« Tu n’es pas au courant ? » Et c’est ce qui le choque, en vérité, presque le plus. « Tu t’es aussi peu tenu informé ? » Il est vexé, mais vexé. Il avait cru… que Ludovic avait plus ou moins suivi ces histoires, il avait cru que Ludovic continuerait de s’intéresser un minimum à lui, au moins au point de savoir qu’il avait divorcé, pas comme si ça c’était fait dans le silence et la discrétion… Mais visiblement, sur la planète Bagman, Cornelius filait toujours le parfait amour, ou faisait semblant de le filer, avec son ex-épouse. « Tu es au courant qu’il y a une guerre en Angleterre au moins ? » Parce que s’il n’était pas au courant de son divorce il y avait presque des chances qu’il ne soit pas au courant que Celui Dont On Ne Doit Pas Prononcer Le Nom était de retour et tenait l’Angleterre. Parce que les deux informations étaient au même niveau d’importance. En tout cas pour Ludo elles devaient l’être.
Il n’avait pas le droit d’ignorer ce genre de choses !
Il se redresse encore un peu plus. « Christianne et moi… avons déjà divorcé Ludo. Il y a un an, plus ou moins. Pas la peine de me menacer de te tuer, ce serait du gâchis. » Il serre les lèvres, ne peut pas s’empêcher de se sentir vexé, amoindri, presqu’oublié malgré les baisers répétés des derniers instants. « T’en a même pas entendu parler ? » il fait, en le dévisageant, comme pour essayer de deviner si Ludo jouait avec ses nerfs. « Ça a fait la une des journaux… chez nous. »
Comment t’as pu passer à coté ?
T’étais la seule personne pour qui ça comptait, la seule que ça concernait. Toute l’Angleterre savait, sauf toi… Sauf toi. Tu te fous de moi Ludo ?
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