Il arrive pas trop à lire le visage de Mafie, mais c'est sans doute parce qu'il ne s'y attarde pas trop, ses yeux se posant sur elle, puis sur le sol où il a brisé la tasse et gâche le lait, puis sur la gazinière qu'il va laisser sale, et la cuillère en plastique dans l'évier, et l'épaule de Mafie, et ses lèvres roses, presque rouges maintenant, et ses jambes nues, et- “ I don't want you to go. ” Et Alec ne veut pas partir mais il n'a pas non plus envie de lui infliger ce qu'il ressent en cet instant précis et qu'il ne peut pas contrôler, qu'il ne peut pas réguler complètement. C'est souvent ça, les rares aventures qu'il a eu — celles qui duraient plus d'une nuit ou d'une semaine, celles qui comptaient vraiment: frustrantes et pleine d'incompréhension chez l'autre, et doute incroyable chez lui. C'est pour ça qu'il n'a jamais véritablement eu de relation bien construite et longue et basée sur la confiance, parce qu'il n'a jamais parlé aux autres des... problèmes, qui n'ont pas de nom parce qu'il n'a jamais été diagnostiqué, qui l'agitent. Il sait juste qu'il est différent, too fast comme disait Kat, ou alors too slow. Il sait juste que c'est génial parfois, que c'est horrible d'autres fois.
À Mafie, il a envie d'en parler. Mais pas maintenant. Il peut pas lui en parler maintenant.

Elle se rapproche lentement et Alec ne bouge pas, même si il se fige malgré lui, parce que si elle le touche il va faiblir et il va rester, c'est stupide mais il le sait. Il a l'impression d'être une petite proie piégée qui ne peut plus s'enfuir devant un prédateur et attend l'échéance qui ne coupera pas. “ But I understand if you have to go. Let's be clear, I don't give a shit about the mug and the milk though, I just want you to be ok. ” Alec la regarde comme si elle était la chose la plus curieuse et la plus incroyable de la terre. Elle ne veut pas qu'il soit normal elle veut qu'il soit ok. Et ça change tout. Ça change tout.
Elle pose ses mains sur ses épaules et quand elle le prend dans ses bras, il enroule ses bras autour d'elle aussi, nichant son nez dans ses cheveux et fermant les yeux, la serrant contre lui avec force et soulagement et franchement, il est chanceux que pour une fois, son crush mène à quelque chose parce que Mafie est certainement la personne la plus incroyable qui soit, à ses yeux en tout cas. Il ne comprend même pas pourquoi elle est là, pourquoi elle l'a embrassé en retour et pourquoi elle le prend dans ses bras, alors qu'elle est géniale et que lui il est juste mal foutu et malade. Mais il est trop égoïste pour la laisser partir. Trop égoïste pour desserrer son étreinte, alors qu'il a l'impression que c'est ce dont il avait besoin ces dernières semaines: cette force tranquille et imparable et sûre d'elle, ce soutien sans arrière-pensée.

“ No apology needed. ” Ça aussi, c'est nouveau. C'est des mots qu'il ne faisait que rêver d'entendre. Il a toujours eu l'impression que ses sautes d'humeur étaient la source de toute la déception de sa mère. Il a toujours eu l'impression qu'il ne méritait pas de faire partie des Howard, qu'il n'y avait pas sa place, parce qu'il était comme ça; qu'il décevait, parce qu'après les Cracmole, ils avaient eu le fils indigne et terrible et nul, qui ne méritait pas sa place, et il ferait mieux de s'excuser sauf qu'elle lui dit, Mafie, que ça sert à rien. “ I will unblock you and expect a message though. — Okay. ” Il lui adresse un petit sourire, tant soulagé que rassuré. Elle lui embrasse la joue et Alec lui adresse un petit sourire hésitant. “ I'd very much like to do that again too. ” Il se sent rougir. Depuis quand il rougit? “ Cool, cool, cool, ” marmonne-t-il, trop satisfait pour parvenir à complètement le cacher cette fois, son sourire plissant toujours ses yeux et creusant toujours ses fossettes. Il accroche leurs doigts quand ceux de Mafie viennent chercher les siens. Il aime bien le fait que ça paraisse naturel, leur proximité, la manière qu'ont leurs corps de se trouver, comme deux pièces d'un puzzle qui ont enfin été tournées pour s'emboîter parfaitement. “ So tuesday sounds good. But… ”  Il arque un sourcil en lui rendant son regard. “ Is that……a date? ” Son sourire est si grand qu'il lui fait mal aux joues. “ I mean, if you want it to be one, yes. ” Il se penche pour lui embrasser le front, puis un peu plus pour rapprocher leurs lèvres, leurs nez se bousculant un peu alors qu'il s'écarte légèrement à chaque fois qu'elle fait mine de l'embrasser et inversement. “ Yeah it's a date. Thanks, Mafie. ” Et il l'embrasse, pour de vrai, enfin; juste un baiser, plus court que les précédents, mais un baiser et un moment qui leur appartiennent.

Il n'a aucune envie de partir mais il finit par se détacher, lentement, sans la lâcher du regard. “ Have you ever been told you were amazing, MILF? ” qu'il demande avec un sourire en coin, en allant vers la chambre à reculons sans la lâcher du regard (elle pourrait soudainement s'en aller, semble-t-il, vu l'intensité avec laquelle il la regarde)... ni ses mains, d'ailleurs, si bien qu'il finit par l'entraîner avec lui. “ I owe you breakfast but I swear, ” il détache leurs doigts pour rouvrir la porte de la chambre, s'appuyant un instant sur la battant et se penchant en avant, si bien qu'il n'aurait qu'à tendre le cou pour l'embrasser; à la place, il lui souffle doucement au visage, pas du tout complexé — elle lui pardonne et l'accepte — à l'idée de rendre son départ encore plus insupportable pour l'un comme pour l'autre, “ I'll make it up to you. ” La promesse s'accompagne d'un petit clin d'oeil, avant qu'il ne disparaisse dans la chambre avec un sourire pour récupérer ses affaires et rapidement enfiler son pull.

Il n'a aucune envie de partir, mais il a dans le coeur la promesse qu'il va revenir. Alors peut-être... que ce n'est pas si mal, tout ça. Eux. Elle, qui le regarde depuis l'encadrement de la porte.

C’est assez incroyable, de ne pas avoir à trop réfléchir pour faire un truc aussi simple, mais quelques heures plus tôt absolument impossible, que de le prendre dans ses bras ou attraper ses doigts. Et c’est encore plus incroyable qu’il la serre en retour et cette sensation d’être exactement là où elle devrait, cette sensation d’avoir été taillée pour son accolade. Et quand ses doigts s’accrochent aux siens, juste comme ça alors qu’il a un sourire qui atteint le coin de ses yeux, et que y a comme une décharge électrique qui la parcoure, parce que c’est nouveau, mais aussi une sensation de bien être et de confort, elle se demande comment elle va faire s’il part, alors qu’elle n’a pas encore eu le temps de s’habituer, pas encore eu le temps de s’accrocher suffisamment à lui. Mais elle doit le laisser partir, déjà parce qu’elle ne peut pas l’empêcher de faire ce qu’il veut, mais en plus parce qu’il s’agit d’un aspect de la personnalité complexe d’Alec qu’elle ne comprend pas encore et qu’elle croit qu’il a besoin de ça, besoin d’être seul, comme il le lui a dit. Et elle veut qu’il prenne soin de lui, et puis, ils ont rendez-vous. Il lui a donné rendez-vous. Toute la peur qu’elle essayait de conserver masquée, disparaît quand son sourire s’agrandit alors qu’elle ose demander si c’est un date ou pas. Elle veut juste être sûre Mafie, elle ne veut pas de quiproquo, elle ne veut pas être déçue, elle veut pas y penser tous les jours qui les séparent de mardi pour que finalement il l’accueille d’une tape sur l’épaule. Mais il sourit et elle sait que c’est pas ça. “ I mean, if you want it to be one, yes. ” Bien sûr qu’elle veut, bien sûr qu’elle attend que ça depuis des mois, des années même, même si c’était la guerre et que quand ils se sont connus, quand il a commencé à grow on her, les dates n’étaient la priorité de personne. Les lèvres d’Alec trouvent son front et c’est tellement tendre comme geste, qu’elle fond plus que devant les meilleurs des mots doux. Et puis il la va sûrement l’embrasser, leurs nez se bousculent gentiment, mais quand elle fait un mouvement en avant pour rompre le peu de distance entre leurs lèvres, il s’écarte un peu et elle lui rend la pareille, le regard céruléen ancré dans le chocolat d’Alec.  “ Yeah it's a date. Thanks, Mafie. ” IT’S A DATE. Elle le savait avant qu’il le dise, parce que ça se voyait dans son sourire et dans la caresse de ses lèvres sur son front et dans leur jeu idiot, ça se voyait partout que c’était un date, mais il l’a dit, il l’a dit et il l’a remerciée, elle ne sait pas trop pour quoi et maintenant il l’embrasse et elle se demande vraiment comment elle va pouvoir le laisser partir alors que son cœur bat à deux cents à l’heure.

Il finit par se détacher toutefois, lentement, l’air d’avoir autant envie de ça qu’elle, son regard toujours attaché au sien. “ Have you ever been told you were amazing, MILF? ” elle peut pas s’empêcher de reproduire un sourire équivalent au sien, et de rosir un peu, alors qu’il l’entraîne avec elle vers la chambre puisque leurs doigts ne se sont pas encore détachés et que ni l’un ni l’autre ne semble pressé d’y remédier. Ça lui plaît d'entendre ce surnom, maintenant, qu'elle croit - non sait, bon espère - que ce n'est pas qu'une blague. “ Couple of times. But never by someone as incredible as you. ” Jamais par son crush en tous cas. Jamais comme ça. Jamais jusqu’à la remplir d’une joie et d’une fierté d’une intensité rare pour quelques mots jetés de la sorte. “ I owe you breakfast but I swear ” pour ouvrir la porte de la chambre, il détache leurs doigts et les siens happent l’air, tristement, elle-même ne retient sa moue ennuyée, déçue, que parce qu’il s’approche un peu, avec sa tête et demi de plus qu’elle et son souffle contre la peau de son visage. “ I'll make it up to you. ” Le petit clin d'œil lui fait froncer le nez et il disparaît aussitôt pour rassembler ses affaires tandis que Mafalda s'adosse à l'encadrement de la porte les bras lâchement croisés contre sa poitrine. “Should've known you'd be a tease. ” Rien de surprenant quand on connaît la dynamique qu'ils avaient avant et même si elle a les bras croisés, un peu boudeurs et même si elle le déteste un peu de rendre son départ plus dur et même si dans un coin de sa tête elle se demande si elle peut pas juste jeter un collaporta à la porte d'entrée et on n'en parle plus, elle peut pas masquer son sourire. Elle n'en attendait pas moins de lui. Et puis, elle ne peut que sourire en se nourrissant comme une affamée de sa vision, elle veut se souvenir de tous les détails, de lui dans sa chambre, de lui chez elle, et de la certitude que ça se reproduira, ce qui est encore la plus belle chose de toutes.  “Our date better make up for it. ” Elle aime bien jouer avec le mot, maintenant qu'elle sait qu'elle peut l'utiliser. Et puis, c'est son first date en plus, pas avec lui, mais tout court. Et elle ne peut s'imaginer personne de mieux pour ça. Comme il a remis son pull et sa veste et récupéré le contenu de ses poches, il revient vers elle et elle se détache de l'encadrement de la porte pour se mettre en plein milieu du passage.  “There's no leaving without a kiss. ” prévient-elle, les bras tendus pour l'empêcher de passer ou pour qu'il l'enlace, au choix. Pourtant quand il s'approche, probablement (elle espère) pour l'embrasser, elle s'écarte brusquement du passage et éclate de rire quand ses lèvres ne trouvent que l'air. Ce n'est pas très mature. Elle s'en fiche. Et puis elle lui attrape la main, paume contre paume, doigts emmêlés et l'accompagne jusqu'à la porte d'entrée, l'envie de marcher à reculons seulement compensée par l'idée qu'elle n'a pas à s'en faire, parce que c'est que le début. Dans l'encadrement de la porte de l'appartement, elle passe ses bras autour de son cou, se hissant un peu sur la pointe des pieds pour atteindre ses lèvres et y déposer un baiser aussi long qu'incomplet. “Go before I change my mind. ” souffle-t-elle contre son visage avant de s'écarter, une main sur la porte.