Sirius ne veut pas forcer Remus à venir avec lui, mais il ne peut pas le laisser ici, seul et blessé. Il ne peut pas l’abandonner alors qu’il vient tout juste de le retrouver. Il faut que Remus comprenne qu’il sera plus en sécurité avec eux et surtout, qu’il ne mettra personne en danger. Il ne sait pas qui lui fait aussi peur, il ne sait pas exactement ce que le loup-garou a subi, mais il sait que personne à Storm’s End ne laissera qui que ce soit être blessé. Les personnes qu’il a rencontrées là-bas se sont battues contre Voldemort et ses sbires pendant des années, le cottage est protégé par de puissants sortilèges, l’endroit est sûr. « Je ne peux pas revenir en ville. Pas… pas maintenant. » La poigne de Remus est presque douloureuse, mais Sirius n’y prête pas attention. « June ne vit pas dans Londres, c’est ça ? Décris-moi, ça ressemble à quoi ? E-et comment elle va ? Et Harry ? » Il retient un soupir de soulagement parce que ce n’est pas tout à fait gagné mais le simple fait que Remus demande à en savoir plus le rassure. « C’est en Ecosse, loin de tout, au beau milieu de la forêt. June et sa Meute habitent là-bas, il n’y a que quelques humains et ils côtoient des loups-garous depuis longtemps, ils savent parfaitement ce qu’ils font. » Son pouce caresse le dos de la main de Remus, dans un geste encourageant. « Tu ne risques pas de blesser qui que ce soit et personne ne te retrouvera là-bas. » Il s’humecte les lèvres, hésite. « June et Harry vont bien, Remus. » Ce n’est pas tellement un mensonge, pas vrai ? Ils s’en veulent de ne pas avoir su que Remus n’était pas mort, la guerre les a tous blessés, transformés, laissés avec des cauchemars et des angoisses que des personnes de leur âge ne devraient pas avoir. Mais ils vont bien, dans la mesure du possible.

« Il faut… il faut que je laisse quelque chose pour le moldu qui vient me voir. Il ne doit plus revenir ici, c’est dangereux. » Sirius hoche la tête. Un moldu dans Daeva ? C’est plus que dangereux, c’est de la folie. « Bien sûr, on va le prévenir, lui dire que tu es en sécurité. » Et Sirius voudrait en profiter pour le remercier pour avoir pris soin de Remus quand lui ne pouvait pas le faire. « Je vais rentrer, mais… s’il y a bien une forêt à côté de là où habite June, je veux que vous me laissiez là-bas. J’ai besoin… j’ai besoin d’être encore dehors. » Sirius serre les dents. Il veut protester que Remus n’a rien à faire dehors, qu’il n’est pas un animal et que ce n’est définitivement pas le meilleur moment de l’année pour faire du camping, mais il ravale tout ça aussitôt.
Ce n’est pas le Remus qui a peur de blesser quelqu’un s’il reste en compagnie d’autres personnes. C’est un Remus qui lui rappelle trop douloureusement celui que Sirius était, peu de temps après qu’il se soit échappé d’Azkaban. Il ne veut pas rester dehors parce qu’il pense qu’il le mérite, il veut rester dehors parce que c’est synonyme de liberté. Une liberté qu’on lui a arrachée trop longtemps, s’il en croit les marques à ces poignets et l’angoisse qui s’empare de lui à l’idée d’être enfermé quelque part.

« Moony ? » appelle-t-il doucement, d’une voix rauque. Sa main libre va épouser la mâchoire de Remus, pour qu’il croise enfin son regard. « On va soigner tes blessures, te faire manger quelque chose de chaud et ensuite, tout ce que tu veux. » Un mince sourire se dessine sur ses lèvres. « Tu m’entends ? Tout ce que tu veux, » promet-il avant de s’avancer, pour aller presser ses lèvres contre le front du loup-garou. « Je peux prévenir les autres, maintenant ? » demande-t-il, la gorge nouée.

Remus se sent rassuré et soulagé de savoir que June et Harry vont bien. Il se détend quand il entend que June vit à proximité d’une forêt, qu’elle est en pleine nature au lieu d’être dans l’enfer de Londres. Il sent son corps moins sujet aux spasmes dus à des pensées qui dérivent un peu trop sur le fait d’être de nouveau enfermé entre quatre murs. C’est trop tôt, beaucoup trop tôt pour lui. Il a besoin de temps, de beaucoup de temps et de cicatriser mentalement et physiquement. « Moony ? » Il sent la main de Sirius se poser sous son visage et redresser son menton. Il se sent bien lorsqu’il croise le regard bleu de son ami. Remus arrive même à esquisser un léger sourire, il ne ressemble même pas à un sourire en plus. « Oui ? » - « On va soigner tes blessures, te faire manger quelque chose de chaud et ensuite, tout ce que tu veux. Tu m’entends ? Tout ce que tu veux, » Remus sent son cœur manquer un battement lorsqu’il sent les lèvres de Sirius se poser sur son front. Il a envie de fondre en larmes (encore). Ce geste remplit de douceur lui donne envie de se recroqueviller dans un coin et ne plus bouger. Tout est encore confus dans sa tête. Encore ce matin, il était seul au monde à attendre la mort. Et maintenant. Maintenant, Sirius est en vie, Harry et June ne sont pas loin et il a retrouvé un semblant de famille après tout ça. « Je peux prévenir les autres, maintenant ? » Remus est incapable de prononcer le moindre mot. Il hoche simplement la tête pour signifier à Sirius qu’il peut. Il le voit sortir sa baguette et la pointer vers le ciel. Une gerbe d’étincelles rouges s’en échappe et ils attendent. Il desserre sa prise autour de la main libre de Sirius parce qu’il constate qu’il en aspire toute la vie tellement il serre fort. « Pardon. » Murmure-t-il. Par contre, l’homme ne le lâche pas. Il a encore du mal à croire qu’il est bel et bien là. Son cœur bascule lorsqu’il revoit le corps de Sirius tomber à travers le voile. Encore une fois, il avance son autre main en direction du visage de son ami et touche sa joue. Toujours pas une illusion. Toujours le véritable Sirius qu’il a sous les yeux.

June et Harry mettent un quart d’heure pour arriver jusqu’à eux. Remus remarque que June est encore plus pâle que d’habitude. Elle a vieilli et son visage semble tellement marqué par les fantômes de la guerre. Il sent qu’elle a grandi et qu’elle est devenue une louve fantastique. Il voit bien que son aura a changé. Harry aussi a grandi. Harry aussi a vieilli. Et plus il vieillit et plus il ressemble à James. Il met quelques secondes pour chasser l’idée que peut-être c’est James qui est là finalement et pas Harry. Il sent une énorme culpabilité à l’idée qu’ils se sont battus contre Voldemort alors que lui… Avant qu’il ne puisse ouvrir la bouche pour dire quelque chose, il se retrouve emprisonné dans une étreinte chaleureuse. « Tu es en vie. Tu es vraiment en vie. Merlin je… » Il entend les sanglots dans la voix de June et voudrait tout faire pour qu’elle ne se mette pas à pleurer, mais c’est trop tard. « J’y crois pas… je peux pas … Merlin je suis tellement désolée, Rem… je t’ai laissé, je… » Il finit par lâcher la main de Sirius pour la poser dans le dos de la rouquine. « June, je suis là. C’est bon je suis là. » La peine de la jeune femme lui arrache le cœur. Harry se met à genoux à côté de lui. Il laisse June s’écarter pour serrer le jeune homme dans ses bras. « Harry. Harry, mon garçon… je suis… » - « Dis rien. On aura tout le temps de parler. » Il sent l’émotion dans sa voix. Alors Remus se tait, il se contente de profiter des retrouvailles que lui offre la vie. Il entend June renifler. Ça lui arrache un léger sourire. Harry finit par le relâcher. Il sent le regard vert du jeune garçon le transpercer et il a l’impression de voir l’ombre de Lily sur son visage. Il détourne la tête pour reporter son attention sur Sirius. « C’est quoi la suite des opérations ? » Remus continue de fixer son meilleur ami avant de répondre. « Il faut que je mange. Je dois juste prévenir le moldu qui m’amène des vivres de ne plus venir ici. » Harry et June ouvrent des yeux comme des soucoupes. « Un moldu ? Dans Daeva ? » Remus hoche la tête. « Je lui dois la vie. » June étouffe un cri en voyant l’état physique de Remus. Elle avait mis ça sur le compte de la pleine lune, mais jamais ça ne ferait des blessures comme ça. « Qu’est-ce qui t’es arrivé, Remus ? » Finit par demander Harry. Par réflexe, Remus cache ses poignets en s’entourant de ses bras. « Ce n’est pas important. » Le brun veut protester, mais un regard de la part de Sirius l’en dissuade.

Il ne veut pas en parler. Il n’en parlera probablement jamais explicitement. Pas besoin qu’ils se torturent pour lui. Un silence morbide s’installe dans le petit groupe avant que June ne se mette en mouvement et aille en direction de l’endroit où il dort. Harry la rejoint. Il sait qu’ils vont parler de ça. A en juger par l’air contrarié de June à travers ses larmes, elle ne va pas en rester là. Il reporte son attention sur Sirius. « Comment-comment tu vas ? » Parce que finalement, lui aussi a dû en traverser des épreuves pour arriver jusqu’ici.