――――――-―• Un, deux, trois, nous irons au bois. •――――-――― « C'est quoi cette merde ? » la phrase avait sonnée comme ça. Ce n'était pas arrivé dans un climat particulier ni même avant une préparation quelconque. Ça avait juste été jeté au milieu d'un torrent de silence. Et ça venait de briser une entêtante mise en scène où les gestes étaient des éléments de langage plus qu'agréables. Le type était courbé, et bien qu'il ne comprenait pas comment, son dos le faisait souffrir. Il était planqué derrière un tronc d'arbre jonché sur le sol.

Le cadavre du bout de bois était une planque somptueuse où on pouvait rester des heures durant, et même s'offrir le luxe de plusieurs positions. Il bascula donc, s'allongeant sur le ventre. En tournant la tête, il pouvait voir l'endroit qu'il était censé surveiller. Sur sa gauche, le patron. Ce dernier ne ressemblait pas même à un sorcier. Alors que certains aimaient les robes amples ou les capes mystérieuses, lui ressemblait plutôt à un chanteur de rock moldu, le genre de vieux loubard dont la Route 66 aurait été la planque.
Une série de vieux briscards de la route, bikers violents et attachants aurait pu lui être consacré. C'était un enfant de l'Anarchie, mais d'une anarchie différente.

Le patron fixa le type qui venait de prendre la parole. D'un regard simplement, il le fusilla. Et d'un air détaché, il lui fit mine de se taire, d'un doigt fin et musclé, il lui signifia de la fermer, tout simplement. Le chef se hâta, il se mit à parcourir quelques mètres accroupi. Ses sens étaient en éveil, et son corps brûlait.  Abraham tourna la tête. Deux de ses comparses se tenaient là, derrière de fines souches. Et au centre de tous les regards, une maison en bois, un genre de petit chalet où il faisait bon vivre.

A quelques centimètres du sol boueux, un talus de neige finissait sa décongélation, libérant ainsi un flot d'eau incongru et particulièrement glacial dont les chasseurs se seraient bien passés. Mais voilà qu'il fallait faire avec, alors ils feraient avec, et comme toujours, cette mission serait une victoire. Celui qui se rapprochait le plus d'un chef tenait sa baguette d'une main et de l'autre, il chassait ses mèches de cheveux rebelles. Il se déplaça vers le petit tas de neige. Il n'était plus qu'à quelques mètres de la porte d'entrée et son cœur se mit à louper des battements. Dans la traque, le meilleur moment se présenterait bientôt. Celui où il faudrait croiser le regard du chassé pour la première fois, les yeux dans les yeux, on pouvait juger de la nature d'un Homme. Surtout lorsque l'on était une immonde créature.

Le soleil n'était plus qu'une sombre rumeur. Déjà, la noirceur s'évertuait à englober les traces de clarté dans un ciel nuageux. Comme pour accompagner cette lente mais dramatique descente, un vent s'était levé. Un vent qui n'apporterait qu'un énième massacre. Et lorsqu'une pleine lune se leva, alors il ne fut plus question de se cacher.
Lorsque cela se produisit, il était temps pour la meute de se mettre en chasse d'une belle proie. Le loubard n'était plus un biker digne d'une série télévisée, il était lui. Il était lui plus que jamais. Abraham Rodger n'était qu'une fantasque illusion.
Ce jeune garçon autrefois martyrisé par ses camarades de classe n'existait plus. Il était un loup-garou plus qu'un humain, un sauvage plus qu'une délicate âme pensante. Il n'y avait plus rien d'humain en lui, pas même ses mains dont les ongles s'étaient transformés en griffes. Monstrueuse abomination pour certains, le lycanthrope se leva, dépliant ses muscles saillants et il hurla. Très rapidement, ses comparses se joignirent à lui et dans un concert de hurlements, ils se déployèrent en cercle autour du domicile. Les ordres du Lord avaient été parfaitement clairs, tous dans cette maison devaient mourir ce soir, et c'était bien l'intention du chef de meute.

Alors d'un hurlement bien plus fort que les autres, il lança l'assaut sur la maisonnette. Deux enfants et une jeune femme allaient perdre la vie. Et lui, il allait exister un peu plus fort.
   

――――――-―• Mords moi si tu peux.  •――――-――― « On branle quoi au juste ? J'commence à en avoir marre, tu vas te décider à me buter, crevard ? » Le crachat avait volé en éclats aux pieds du bourreau. Et comme pour y répondre, une main s'était déchaînée sur l'homme attaché. Le tortionnaire se calma, il soufflait rapidement comme si son excitation était à son paroxysme, et finalement, c'était bien le cas.

Il claqua encore sa main sur le visage du type qui ne pouvait plus parler. Lui casser la mâchoire, voilà ce qu'il venait de faire. Le sang coulait rapidement sur le menton de l'homme. Un plaisir, voilà ce que c'était que de voir cela. Pour la première fois depuis des heures, Abraham, debout et sous sa forme la plus humaine décida de prendre la parole.« Tu vas mourir Peter, et tu le sais. Cependant, je veux d'abord m'amuser parce que tu es un jouet divertissant.» Il déclina un sourire assez hypocrite au type dont le sang se mêlait aux larmes les plus affreuses. .« Allons Peter. Même ta petite fille n'a pas couiné comme ça quand j'ai planté mes crocs dans son petit bras. » D'un doigt, il récolta des larmes et en mit une à la bouche. C'était un pur plaisir que de sentir le merveilleux sel sur sa langue. Il continua sa tirade, se fichant clairement des larmes de plus en plus nombreuses de l'homme. « Avant, je n'étais qu'un pauvre gosse tu sais. Un pauvre gosse que tout le monde aimait frapper. J'étais une merde, une sombre merde. Un sorcier dont la mère était une moldue, et pour ça, on m'a humilié comme jamais. » Une nouvelle respiration, puis sans plus se soucier de l'homme qu'il allait tuer, il reprit. « Et puis c'est arrivé. Un beau soir alors que ma mère ne voulait pas me laisser entrer parce qu'on s'était encore disputés. C'était la veille de mon anniversaire tu vois. Ma mère était une abrutie. Et moi un pauvre débile qui avait fait une scolarité merdique. Un con de plus que le Ministère devrait employer. Je terminerais vigile au mieux. J'étais là dans la nuit, seul. J'avais une bouteille de Whisky Pur Feu et je buvais comme un trou. Mon anniversaire, wahou. Et puis... C'est arrivé. On m'a croqué. Et comme moi, ta fille comprendra. Elle comprendra que c'était la meilleure chose qu'il soit. Mais toi, tu ne verras rien. » D'un coup de baguette en l'air, il lui trancha la gorge.