La réponse de la Nécromancienne fut pour lui une étrange source de réflexion : l'avait-il seulement tentée un seul instant jusqu'à présent ? Il l'avait repoussée, lui avait craché au visage l'emprunte de l'indépendance qu'il brandissait comme la plus absurde des marques maculant son corps de macchabée pourrissant. Mais jamais il n'avait sciemment cherché à la fasciner d'une quelconque façon. Peut-être qu'au fond, ne faisait-elle que subir également l'envahissant besoin, la tentation ultime de deux êtres bien trop étreints par les ténèbres, par ces bras décharnés qui s'étendaient jusqu'à envelopper leurs gorges. Mais cela ne signifiait pas qu'il lui fasse assez confiance pour croire en cette vérité, il ne suivrait pas la sylphe à la fragrance des tombes mortuaires pour s'en assurer. Mais il avait ressenti cette étrange sensation qui lui accordait également du pouvoir, cela serait si doux, tellement enivrant si la conséquence ne se donnait pas des allures vomissant un besoin qui déclencherait un manque, un état... qui pourtant n'avait rien à voir avec une question charnelle comme le premier quidam se l'imaginerait. Le désir était plus perfide, tellement plus primaire, ce premier besoin presque vital en un sens... le pouvoir, la puissance, et l'irradiante liqueur rougeoyante qui divaguait dans ses veines, chargée de ce pouvoir à la langue mille fois trop lascive sur sa peau décharnée. Elle ne reflétait nulle chimère insensible, nul tourment insaisissable qui rognait son âme à travers la damnation et son passé. Il savait ce qui serait sien, ce qui ne le serait jamais, les méandres d'un avenir impossible et l'espoir niais à en crever qui pourtant persistait dans sa poitrine déjà calcinée par le temps.

Mais voilà qu'elle déversait la sentence des paroles, la condamnation souffrante de la pensée qu'elle puisse folâtrer en compagnie de ses semblables sans âme. L'ironie bordait encore ses lèvres sous le grimaçant sourire qui étirait ses traits. La créature se refusait à être monstrueuse, alors que la magie qui suintait de son être était de ces volages et obséquieuses oraisons aux ténèbres et à l'obscurité, de celles que le monde craignait et vomissait. A l'image de sa propre malédiction, de cette chair enlaidie, de cette apparence terrifiante qui était sienne depuis de trop nombreuses années. Celle qui l'empêchait de vivre librement son existence, de s'enliser dans des crédules illusions qu'il savait aussi crétines que celles soufflées par ses proies capturées. « Mais crois-moi, je ne renonce pas à tes secrets pour une telle accusation. » laissa-t-elle s'évaporer de ses lèvres, menace insidieuse qui ne lui permettait pas de détendre son attention, tandis qu'elle affirmait que Svetlana n'était pas sa protégée. Révélation intéressante à vrai dire, quand il était persuadée que la gamine n'avait rien d'une venimeuse rafleuse. Quelle idée alors ? La laisser troubler ses chasses, envahir l'équipe dont il avait la responsabilité. Mais il avait remarqué ses regards qu'elle cherchait à dissimuler, et s'il aurait pu admirer sa résistance à ne pas céder à ses mauvais traitements principalement psychologiques, cela lui offrait l'effet inverse, sa détermination rongeait le fil de sa patience aussi sûrement que le faisait la trop délectable Nécromancienne.

« Un sbire de mon frère donc. Je peux imaginer sans peine sa fureur si tu m’abîmes ou que je parviens à te lier à moi. » reprit-elle alors, sous une constatation qui l'incita à incliner sa baguette. Non, il n'était pas entièrement question de cela, il n'avait rien d'un sbire... simplement Maksim Dolohov bénéficiait d'une influence plus que déterminante pour qu'on lui ait demandé de prendre la gamine sous son aile. Et Merlin savait à quel point cette idée était stupide, elle finirait par libérer stupidement une personne qu'il ne faudrait pas, et il ne prendrait pas sa défense, comme il avait pu le faire autrefois avec l'aînée Greengrass lors de son premier écueil. Tout n'avait été que prétexte au duel... le plus irrespectueux des règles possible, histoire de botter des culs et faire passer l'envie à d'autres de lui reprocher une erreur que n'importe qui aurait pu faire lors d'une première mission. Il avait pris sa défense, et aujourd'hui elle figurait au nombre de ses proies, celles dont on était venu lui souffler la récompense s'il s'hasardait à la croiser et faisait l'effort de la capturer. Svetlana... n'était qu'un poids, sa faiblesse se devinait malgré ses efforts de paraître plus forte, ou de satisfaire le frère de la Nécromancienne, celui dont l'ombre malsaine le préservait d'une hypothétique emprise néfaste. Aussi préféra-t-il ne pas la détromper, ne cherchant à cette seconde nullement à faire la différence entre Travers et Dolohov, ni même sur le fait qu'il travaillait sous les ordres du premier moyennant finance, et qu'il continuait à rouler sa bosse en étant chasseur de prime. Lui offrir la vérité sur ses activités qui se définissaient comme le résultat du plus offrant, n'avait pas le moindre intérêt à cet instant. Mais il aimait l'aventure, la chasse, suivre des pistes, le plaisir de la prédation, ces frissons d'effrois lorsqu'il paraissait ainsi vêtu, et cet attrait pour les combats et les affrontements. A ceci près qu'il n'était pas prêt à combattre le premier celle qui venait d'abaisser sa baguette sous un constat presque erroné. Il l'inclina également, mais ne la rangea pas. "Que crois-tu que j'aurais à dire de cette princesse trop sensible ? Que crois-tu que j'aurais envie de te dire à toi dont je ne connais que le nom... et le pouvoir ?" Et l'un comme l'autre ne lui donnait guère envie de palabrer de choses sérieuses, surtout concernant cette gamine dont il cherchait à se débarrasser. Non pas dans une ruelle sombre, mais au moins de son équipe avant que l'envie de jouer les bons samaritains ne la toque un matin aussi semblable que les précédents. Qu'elle s'en aille pleurer dans les jupons du Dolohov et qu'il puisse avoir confiance en ses membres... Il était pourtant évident que celle qui se tenait devant lui pourrait avoir quelques utilisés, mais il n'était pas prêt à la considérer comme une alliée, alors qu'il n'était même pas certain de ne pas avoir la nécessité de la tuer un jour prochain. "Ne le prends pas mal Nécromancienne, mais comme tu l'as si bien fait remarquer, je ne te connais pas." ironisa-t-il avec audace, extirpant avec nonchalance une nouvelle catin blanche, la calant entre ses dents, tandis qu'il la fixait intensément, sans l'allumer.

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Le murmure sirupeux de l'obscurité ne cessait d’envelopper les protagonistes, tandis qu'il était à même de percevoir la vapeur évanescente qui suintait de la silhouette au parfum déjà mille fois connu et reconnu. Il ne serait plus à même d'avancer dans une venelle à proximité de sa chair, sans percevoir son aura, la froideur à la fois chaude et glacée de son pouvoir rampant à même sa chair. La nuit, cette obscurité, ce verre à moitié plein nécrosé qui avait causé cette rencontre, qui, de jour, n'aurait sans doute qu'éveillé une faible curiosité passagère. Pourtant, tandis que les suppositions falsifiées s'épanchaient, Reaghan resta simple spectateur, acteur décharné menant à ses lèvres un tube aussi blanc que l'inutile tranchant l'opacité ambiante. « Ce qui te donne un avantage puisque je ne connais pas ton n… » s'interrompit-elle, le laissant l'observer attentivement, tandis qu'elle semblait, à partir des maigres informations dédaigneusement offertes à ces secondes, commencer sans doute, à faire un lien entre la légende immuable du cadavre travaillant parfois en tant que rafleur, et l'être qui se trouvait face à elle. Ou peut-être avait-elle commencé à deviner par un autre biais. Mais elle l'avait effectivement fait. « Reaghan, n’est-ce pas ? » Un faible hochement de tête lui répondit, comme s'il n'avait pas besoin d'ouvrir les lèvres pour confirmer cette vérité, qui, de toute manière aurait fini par être découverte. On savait qui il était. Personne n'ignorait la malédiction qui le touchait, même si tous n'avaient eu le plaisir ou l'indélicate présence d'esprit, de croiser sa route et de voir l'impossible s'étirant sur sa chair. Et puis... l'ennuyeux poids qu'il se traînait dans son équipe ne pourrait que lui révéler qui il était, tout comme le frère de la magicienne ombrageuse, qui au contraire, assurerait qu'il n'était pas l'un de ses sbires. Détail le plus ennuyant de l'histoire à cette heure nécrophage de la nuit opalescente sous le croissant lunaire.

« Et comme tu le sous-entends si bien, tu ne veux surtout pas me connaître. »Satisfait. Il pouvait l'affirmer tandis qu'elle se détournait, laissait ses pas légers et pratiquement imperceptibles l'éloigner peu à peu de sa silhouette chimérique. Allure cadavérique improbable qui fixait l'ondulation de la fey mesquine, à laquelle il semblait pouvoir un jour appartenir. « Quoi qu’il en soit, je ne doute pas que nous nous reverrons... » Fatalement, comme un hérésie incontrôlable qui le laisserait, à présent que la magie avait su le toucher, retrouver le contact à la fois familier et enivrant de la nécromancie, ne serait-ce qu'une maigre once. Tout comme elle percevrait sa présence, y compris sous son autre forme, si sensible, à présent, qu'elle devait l'être à son aura putrescente. Il savait qu'elle n'avait pas tord, qu'elle n'était pas en train de se fourvoyer dans une insidieuse espérance malsaine que leurs venelles s'entremêlent à nouveau dans le dédale que représentaient leurs existences. Souffle presque perfide de la catin décharnée qui l'enveloppait, audacieuse perdition de sa propre chair à la faucheuse indécente. « ...mais si d’ici là ta malédiction te pèse, tu sauras où me trouver, damné. » Lui-même allait se détourner, retourner dans les bras émaciés si semblables aux siens, de celle qui ne le quitterait pas avant l'aube, cette... malédiction. Les paupières presque inexistantes ne purent se plisser, mais ses iris revinrent se braquer sur l'échancrure de la silhouette qui s'éloignait. Que sous-entendait-elle ? La question elle-même crevait de sa propre inutilité, persistant à en connaître déjà la réponse improbable... elle pourrait y faire quelque chose, modifier le destin qui pesait sur ses épaules depuis ses dix ans. Du moins était-ce ce qu'elle osait prétendre, mais les chimères avaient toujours possédé un goût de fiel venant empâter ses lèvres, sa bouche, et l'étouffer de son improbable réalité. Chaque nouvel échec, ne serait-ce que de contrôler ces mesquines métamorphoses, parvenait à endiguer cette vérité dont il vomissait l'apparence, mais usait dans son propre travail. La véritable question qui le submergea fut : mentait-elle ?

Incapable de la laisser s'éloigner quand il était impensable de lui permettre de s'échapper après de telles esquisses, il combla vivement la nouvelle distance, ses doigts acérés venant capturer le poignet de la Nécromancienne pour la retenir avec avidité, acidité. Immédiatement la vague afflua, la magie ténébreuse venant ramper à même cette chair familière mais aux frémissements sanguins improbables, aux battements presque insaisissables qui permettaient pourtant au liquide cramoisi de déambuler dans ses chairs nécrosées, contrairement à ceux que l'on qualifiait de ses semblables. "Qu'est-ce que tu veux dire Nécromancienne ?" demanda-t-il du rauque assombris de sa voix, sans même songer à délasser sa prise de ses doigts. Comme s'il craignait qu'elle ne le laisse ainsi sur sa fin, qu'elle ose s'éloigner et l'abandonne ainsi à ruminer les mots qu'elle venait pourtant de prononcer trop distinctement pour ne pas intéresser la créature qui se noyait sous l'étreinte carnassière de l'envahissante magie des morts. "Et je te conseille la vérité ou je te fais la promesse que je t'arracherai la gorge de mes dents, à l'image de ces créatures que tu aimes tant." susurra-t-il d'un timbre menaçant, si bas, qu'il n'y eut jamais qu'elle qui fut à même d'en saisir la teneur. Il venait de trouver le moyen de la tuer, comme si elle n'était parvenue à maîtriser l'une de ses créatures et qu'il pouvait dès lors jouer de cette réalité.

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