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sujet; BURNING MAN
MessageSujet: BURNING MAN   BURNING MAN EmptyLun 18 Mai 2015 - 21:32

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Le 6 mai 2002
Loustry Ste-Chaspoule, Manoir Reid


La rumeur a été sur toutes les lèvres, a fait le tour des insurgés comme une traînée de poudre – et ça n'a pas été long avant que Davius vienne constater la chose par lui-même, quelques jours après la commission du délit. Vienne constater que oui, Lucrezia Rowle, Mangemort émérite et connue, reconnue, avait été bien été ramenée à un campement par Vincianne. À un de leurs campements. Elle a laissé l'ennemie entrer chez eux, par la grande porte de surcroît – et parce qu'elle s'en est portée garante, parce qu'elle lui a accordé sa caution, elle va rester.
Oh, qu'est-ce qu'il a hurlé.

Il s'est cassé la voix sur Vincianne et sur Fred, qui a secondé la Française sans sourciller. Une amie. Une alliée. Une collaboratrice. Il en est presque devenu aphone de tempêter et quand Lancelot et Murphy ont apporté leurs voix en la faveur de la Rowle, arguant qu'elles les avaient aidé par le passé, il a bien failli les réduire au silence eux aussi. Et peut-être pour un temps bien plus long qu'un Silencio – le Lovett a été terrifié par son seul regard et a filé bien rapidement, son corbeau niché dans la botte de foin lui servant de cheveux. Il a aussi délibérément ignoré le « Oh toi, va donc rejoindre ton amoureuse » claquant de Vincianne. Ignoré, tout en ne pouvant s'empêcher de rougir jusqu'aux oreilles, sa colère atteignant un nouveau niveau et se découvrant une nouvelle énergie pour alimenter sa voix rauque. Et ainsi donc, on laisse n'importe qui entrer chez eux, comme ça, sans les interroger, ni rien ? Elle est amie avec deux paysans (ce qu'il a dit est pire, bien pire) et c'est bon, elle peut venir ? Aucun soupçon envers un soldat du Lord, envers une personne qui a juré leur destruction autant que leur mort ? Aucun risque qu'elle soit envoyée comme espionne, profitant justement de la confiance démesurée de ses liens au sein des insurgés pour mieux s'infiltrer ?
On a essayé de la calmer, de l'éloigner, de le raisonner, mais non. Il n'y a aucune raison à entendre. Rien à comprendre. Rien qu'il ne cautionne non plus. Rien qu'il supporte. Vincianne lui a lancé un sort, renvoyé sans sourciller, et ils ont été séparés de force avant que la chose se transforme en réel duel. Specs laisse faire la chose, bien incompétent et inutile comme son crétin de père – trop bon, toujours à se fier à ceux qui ne le méritent pas. Et personne d'autre n'a eu la force de s'opposer. Tout le monde a été trop terrifié pour se frapper à ce qui enflait, à ce qui menaçait de déborder encore plus, d'exploser.

Davius ne se souvient même pas d'avoir quitté le campement, ni d'être arrivé ici. Son esprit reprend seulement pied une fois sur le pas de la porte du manoir Reid, seulement une fois que ses yeux retrouvent une vision claire. C'est la nuit, noire et chaude, trop chaude, brûlante, humide, et il entre dans le manoir sans savoir pourquoi. Ou plutôt, sait-il ?

Bien sûr qu'il sait. L'idée lui est venue au moment même où il a posé les yeux sur cette demeure, toujours plus claire au fur et à mesure de la nuit, devenant tout à  fait obsédante au matin. Comme un désir lancinant, pourtant sourd, battant au même rythme que son désir pour Elphaba. Revenant dans son esprit à chaque souvenir de la nuit passée avec la jeune sorcière, sous-thème de ces mille variations, de ces mille pensées. Il sait et c'est pourquoi il n'hésite pas à entrer, ni à refermer la porte derrière lui, s'enfermant dans le manoir. Ce qui l'a mené là a été plus fort que lui. Ainsi donc, il obéira à ce qu'il a envie de faire depuis deux semaines déjà.

Son pas lourd résonne dans toute la maison, qui craque de tous les côtés, en protestation bien vaine face à ce qui l'attend. L'endroit le sait. La magie est ainsi. Ses yeux clairs courent sur les murs, encre, y reconnaissant l'endroit déjà visité. Son verre de whisky est encore abandonné sur le manteau de la cheminée, l'alcool complètement évaporé depuis, et il n'y a sinon aucune trace de leur visite en ces lieux. Aucune trace, si ce ne sont ses souvenirs vifs. Délicieux. Les frissons courent sur ses bras, sur sa nuque. L'alliance chauffe doucement à son annulaire. Chaque pièce est lentement parcourue, examinée. Il est seul. Ses doigts glissent sur les tapisseries, sur les murs, se couvrent de la poussière qui déjà reprend possession des lieux. Les pièces sont à moitié meublées, à la fois vides et pleines, mais toujours emplies de cette atmosphère glaciale qui ne lui plaît définitivement pas. Dans une pièce, un poupon au visage brûlé, fondu, son seul œil le dévisageant sinistrement. Il jette la poupée plus loin, incapable de soutenir ce regard borgne et vitreux. Au pied d'un lit vide, une jupe déchirée, massacrée. Sur un bureau, des livres, Doit-il les garder ? Brûler des livres... c'est cruel. Le sorcier en effleure les dos, déchiffre les titres et décide finalement de les ouvrir, curieux. Une lettre aux plis usés lui tombe entre les mains et sans en regarder la teneur, il la met dans son manteau. Il la lira plus tard. D'autres papiers, d'autres lettres, traînent dans les tiroirs du bureau, qu'il ramasse également, mettant de côté des pages emplies de mots sans sens, de phrases sans queue ni tête, écriture automatique sombre. La chaleur est devenue terrible, il sent la sueur descendre le long de son dos – et cet endroit n'est même pas encore en feu.

(la chose rugit au centre de lui, se meut, et il n'a pas conscience de sa main qui se porte à sa poitrine, comme pour calmer son cœur, pas conscience du grondement animal qui l'entoure, alors qu'il n'a jamais autant ressemblé à un loup, à un prédateur – la chose a faim et son hôte la nourrira ce soir)

Deuxième tour du manoir. Troisième tour. Jusqu'à ce qu'il n'y trouve plus rien d'utile, qu'il ait fouillé de la cave au grenier, qu'il ait seulement trouvé encore plus de toiles d'araignée et de photos où le malaise est palpable. Sa baguette, patiemment, a arraché les rideaux, les tentures et les draps, découvrant les meubles luxueux, les hautes fenêtres. Les sorts ont tracé des runes aux endroits stratégiques, à chaque étage. La lune tire son ombre sur le plancher, inquiétante, et quand il retourne au rez-de-chaussée, il sait que c'est le moment. Davius sent son cœur se débattre, il en a la nausée, il meurt de chaud, il a l'impression d'être hors de son corps. Comme lors de Beltane, mais un ton plus bas, plus grave – appuyant sur cette note discordante qu'il ne sait reconnaître. Sa bouche est sèche, sa tête tourne. Ça lui rappelle Voldemort, les sorts de Voldemort, la magie de Voldemort – mais il est seul seul seul. Seul avec cette noire avidité qui vibre au centre de lui, de cette sombre rancune et ces idées.
(ça irait plus vite avec un Feydeumon, un Feudeymon, et les cicatrices vibrent, chatouillent, il se consume de l'intérieur et les cicatrices veulent se rouvrir, il suffirait de peu, de si peu)
Les sorts fusent, informulés, venant frapper chaque rune avec précision. Quelques minutes avant qu'il puisse humer l'odeur de la fumée, l'odeur du feu, sans pourtant qu'il sorte de la maison. Il attend. Il attend que la fumée devienne lourde et que les rideaux du salon brûlent, que le verre de whisky vide éclate et que ses éclats viennent entailler sa joue et son front, que le sang coule le long de l'arête de son nez jusqu'à ses lèvres, que la chaleur devienne insupportable et qu'il suffoque avant de transplaner. Pas loin, oh non, juste hors de la demeure, juste assez loin pour respirer et pour voir le feu s'élever dans la nuit. Des cris affolés des voisins font venir quelques sorciers jusqu'à la demeure, mais leurs sorts restent vains, impuissants devant le feu déchaîné et hurlant, hurlant de la voix d'un homme, qui dévore le manoir Reid sans pitié. Dans les yeux de l'Auror danse le feu, alors que dans sa poitrine, la chose s'apaise, repue, et garde pourtant un œil gourmand ouvert. Parce qu'elle n'en a jamais assez – elle n'en aura jamais assez.

Il n'y aura plus de lieu de rendez-vous pour Elphaba et lui.
(un pincement, doux pincement – la chose ronronne)(il ne reviendra jamais, elle est tienne)
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