Quelque chose de terrible allait arriver. Elle le sentait dans chaque fibre de son être, chaque pore de sa peau. Ce mauvais pressentiment lui taraudait l'esprit, contractait son estomac en plusieurs nœuds presque douloureux. Les indices s'accumulaient mais ne parvenaient à s'assembler dans un résultat logique. Cette incertitude ne faisait alors que s'amplifier, à mesure que les jours défilaient. Il ne s'agissait pourtant pas de la préoccupation principale de Granger, dont l'esprit était entièrement dédié à la recherche et traductions pouvant aider le trio dans la quête aux horcruxes. Mais c'était lorsqu'elle croisait le regard de Daphné, quand elles s'échangeaient un sourire, ou des discussions sans grand intérêt que le mauvais pressentiment revenait de plein fouet, à la manière d'un insecte nuisible dont elle ne parvenait à se débarrasser, une sorte de bourdonnement troublant, présent dans les tréfonds de son esprit, un recoin qu'elle parvenait à occulter tant bien que mal.

Elle ne réaliserait que bien plus tard qu'elle s'était simplement complu dans le déni.

Tout avait réellement débuté lorsque Daphné avait demandé à Hermione et Luna de s'occuper d'Astoria. Une requête en soi assez surprenante, mais pas tant que cela, au fond, quand on réalisait quel type d'insurgé la benjamine Greengrass devait côtoyer. Le groupe d'Harry se révélait plus rassurant, dans une certaine mesure, surtout lorsque Daphné était chargée de plus ou moins longues missions pour le compte de la résistance. Granger avait été persuadée que personne n'avait remarqué les micro-expressions du visage de l'ancienne Serpentard, quelques gestes inhabituels chez son amie, rien de bien conséquent pour éveiller de réels soupçons.

Daphné & Hermione. La sang-pur et la née-moldue. La Serpentard et la Gryffondor. L'impulsive et la rationnelle. Tant de différences, tant de points opposés, tant de contrastes apparemment inconciliables, et pourtant, les deux sorcières s'étaient liées d'une amitié si fusionnelle et intense que Daphné était venue rivaliser avec l'amitié Ginny-Hermione, au point même de la dépasser. En dehors de Ron et Harry, Daphné était la présence féminine dont avait toujours eu besoin Granger au fil des années à Poudlard. Malgré la famille de la Serpentard, elles avaient toujours été plus ou moins persuadées que leur amitié serait éternelle, infaillible. Cependant, depuis quelques jours, c'était comme si...comme si une part de Greengrass se distançait, s'éloignait de tout ce qu'elles avaient été. Sa meilleure amie n'avait jamais été aussi loin d'elle que lorsqu'elles se trouvaient dans la même pièce. Hermione ne s'était jamais sentie aussi nauséeuse depuis le départ de Ron quelques années auparavant, sous l'influence de l'Horcruxe. La née-moldue avait conscience de n'avoir aucune preuve valable, aucun argument raisonnable pour expliquer ce sentiment. Mais il était là, présent plus que jamais.

Sans doute était-ce pour cette raison que l'ancienne Gryffondor n'était guère parvenue à s'endormir cette nuit-là. Son coeur avait-il prédit la peine qu'elle s'apprêtait à ressentir ? L'avait-il ainsi empêché de dormir à poings fermés, se tournant et retournant dans ses draps en sueur, une manière comme une autre de l'alarmer du départ de Daphné ? Après tout, Hermione n'avait eu aucune idée derrière la tête quand elle s'était vêtue d'un pull rosé typiquement moldu pour s'échapper de l'air suffoquant de la tente. Elle ne s'était certainement pas attendue à croiser la silhouette de sa meilleure amie, non loin d'elle, accompagnée d'un sac et de vêtements assez chauds pour croire à un départ imminent. «Daphné...? » l'interpella Granger, d'un ton surpris. « ...où vas-tu ? » ajouta-t-elle, en chuchotant.